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05/12/2018 | FRANCE | N°16/04302

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 décembre 2018, 16/04302


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2018



(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, Conseillère,)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/04302









Monsieur Jean-Pierre X...



c/



CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU SUD-OUEST (CMSO)

















Nature de la décision : AU FOND











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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision défér...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2018

(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, Conseillère,)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/04302

Monsieur Jean-Pierre X...

c/

CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU SUD-OUEST (CMSO)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 juin 2016 (RG n° F 15/00997) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 04 juillet 2016,

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X..., né le [...], de nationalité française,

demeurant [...],

représenté par Maître Yann Y..., avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU SUD-OUEST (CMSO), SIRET n° 691 820 385, pris en la personne de son Directeur domicilié [...],

représentée par Maître Caroline Z..., avocate au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Annie Cautres, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Catherine A... de Gordon, présidente

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie C...,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

- prorogé au 05 décembre 2018 en raison de la charge de travail de la Cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Jean-Pierre X... a été embauché par la Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Sud-Ouest (CMSO) à compter du 3 avril 1984 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de responsable clientèle.

M. Jean-Pierre X... a occupé différentes fonctions syndicales en qualité de délégué du personnel, membre du comité d'établissement, membre du comité central d'entreprise, membre du comité de groupe et délégué syndical central.

Il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le 27 juillet 2012.

Le 22 août 2012 l'employeur a sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licencier le salarié protégé.

Par décision en date du 25 octobre 2012 l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement de M. Jean-Pierre X... et à dit que la décision implicite de rejet qui a pris effet au 22 octobre 2012 est retirée.

Par décision en date du 3 mai 2013 le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et à dit que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le [...] et le refus d'autorisation de licenciement sont confirmés.

Le 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête du CMSO tendant à voir annuler la décision en date du 3 mai 2013 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement du salarié ainsi que celle de l'inspecteur du travail en date du 25 octobre 2012 refusant le licenciement de M. Jean-Pierre X....

Le 6 août 2014 le médecin du travail, lors d'une visite médicale de reprise du travail de M. X... a déclaré « inapte à son poste de responsable clientèle, à revoir après étude du poste et des conditions de travail pour un avis définitif ».

Le 1er septembre 2014 ce même médecin du travail a déclaré M. X... 'inapte définitif à son poste de responsable clientèle. À la suite de l'étude du poste et des conditions de travail réalisée il n'apparaît pas de poste ou d'aménagement de poste compatible avec l'état de santé actuelle du salarié ».

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 octobre 2014, M. X... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 30 avril 2015, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester son licenciement.

Par jugement en date du 27 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Bordeaux

a :

dit que le licenciement de M. X... fondé et que l'employeur a rempli son obligation de recherche de reclassement ;

débouté Monsieur de l'ensemble de ses demandes ;

débouté le CMSO de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. X... aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 4 juillet 2016, M. X... a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutés.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 21 décembre 2016 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 3 avril 2018 M. X... sollicite :

qu'il soit jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

que l'employeur soit condamné à lui verser les sommes suivantes :

- 3 853,79 euros au titre du rappel de salaire ;

- 25'066,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 506,64 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de

préavis ;

- 250 663,63 euros au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 3 avril 2018 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du même jour le CMSO sollicite la confirmation du jugement entrepris ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience du 3 avril 2018, la cour a demandé aux parties de s'expliquer sur les conséquences du harcèlement moral sur le licenciement du salarié, et donc sur la question de l'éventuelle nullité du licenciement. Les parties ont indiqué qu'il n'y avait aucune opposition à prononcer une nullité de licenciement intervenu dans un contexte de harcèlement moral dans l'hypothèse où celui-ci serait établi.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Attendu que l'article L.1152-1 du Code du Travail définit le harcèlement comme le fait de subir, pour un salarié, des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que l'article L.1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu M. X... fait valoir que les accusations portées contre lui la mise en place de la procédure de licenciement et le comportement de l'employeur à son égard constituent des faits de harcèlement moral ;

Attendu que pour étayer ses affirmations M. X... produit notamment :

un dossier de presse faisant état de mouvement de grève au sein du groupe depuis le 27 septembre 2011 ;

un protocole de sortie de grève en date du mois d'octobre 2011 mentionnant explicitement M. X... comme signataire du protocole au nom de son organisation syndicale ;

un courrier de notification de blâme à l'égard de M. Benoît B... pour utilisation du portail intranet à des fins non professionnels et publications d'un message dont la diffusion est de nature à porter atteint à l'employeur et notamment à son image et à sa réputation ;

l'écrit de M. Benoît B... ayant donné lieu à la sanction disciplinaire ;

différents documents concernant les suites données aux grèves du mois de septembre et octobre 2011 ;

différents documents bancaires du salarié et de sa famille ;

différentes attestations des membres de sa famille faisant état qu'ils ont donné procuration au salarié pour s'occuper de leurs comptes ;

un courriel du salarié en date du 28 novembre 2012 libellé comme suit « je tenais à t'informer que je donnais ma démission du bureau national et de ce fait je serai absent le 5 décembre. En effet, j'ai fait le choix de restituer tous mes mandats au sein du groupe Arkéa et au CMSO de par le conflit qui m'oppose à mon entreprise, même si celle-ci a été désavouée, conflit qui ne saurait entacher et nuire à l'image du SNB par ma présence au sein des instances' ;

les différentes décisions concernant la demande d'autorisation de licencier M. X.... Ces décisions démontrent que l'employeur n'a pas respecté les procédures applicables à la réunion et consultation du comité d'établissement et que les faits à l'origine de la procédure de licenciement sont analysés par l'inspecteur du travail comme suit 'la volonté et les man'uvres de dissimulation dont il est fait état par l'employeur ainsi que l'infraction à l'article 4.1.2 du règlement intérieur, lesquels sont formellement démentis par Monsieur X..., ne sont, au regard des éléments en notre possession pas établies'. La décision du 25 octobre 2012 mentionne explicitement la mesure de licenciement envisagée ne paraît pas dénuée de tout lien avec les mandats détenus par M. X...' ;

une pièce de la cour administrative d'appel de Bordeaux démontrant que le 16 décembre 2014 l'employeur a saisi cette instance et qu'il s'est désisté au 30 avril 2015 ;

des attestations de son épouse et de l'ami de sa fille mentionnant la dégradation de son état face aux différents comportements de l'employeur ;

une attestation de son beau-fils qui fait état de la même dégradation de son état alors que M. X... était décrit, avant la procédure de licenciement, comme enjoué et extrêmement optimiste ;

différents arrêts de travail en 2012 ;

un rapport médical indiquant que M. X... subit un syndrome dépressif sévère en 2013 majoré par la situation professionnelle ;

un protocole de soins en date d'avril 2013 mentionnant la prise d'anti-dépresseurs, d'anxiolytique et d'hypnotiques ainsi que des entretiens psychothérapiques ;

Attendu qu'il convient de mentionner également, au travers des différentes pièces de l'inspecteur du travail ou du tribunal administratif, que l'employeur n'a pas réuni valablement le comité d'établissement en vue du licenciement de M. X... ;

Que le tribunal administratif relève explicitement que le motif du licenciement envisagé de M. X... n'a pas été précisé lors de la convocation du comité ni lors de la réunion malgré la demande des représentants du personnel ;

Attendu que M. X... établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

Attendu que l'employeur fait valoir qu'aucun harcèlement moral n'a été réalisé à l'égard du salarié ;

Attendu que l'employeur produit :

un rapport d'investigation et d'entretien concernant Monsieur X... en date du 13 juillet 2012 et mentionnant explicitement le cadre légal des contrôles effectués ;

les mentions de l'inspecteur du travail selon lesquelles le salarié a détourné l'usage régulier d'un compte séquestre en infraction avec la réglementation bancaire et a utilisé un compte 49 dans des conditions non conformes ; que cependant l'inspecteur du travail relève que ces faits établis à l'encontre de Monsieur X... ne sont pas d'une gravité de nature à justifier le licenciement de l'intéressé ;

Attendu que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en effet il ressort clairement du rapport confidentiel produit au dossier que des informations ont été recherchées dès le mois de février 2011, soit seulement trois mois après la fin du conflit social, et que l'employeur, se base également sur des éléments anciens dont il devait avoir connaissance déjà en 2005 et 2006 ;

Attendu que compte tenu de ces éléments, en l'espèce l'acharnement injustifié de l'employeur à initier une procédure de licenciement, concernant des faits mineurs peu après un conflit social important au sein de l'entreprise et sur un salarié exempt de tout reproche depuis son embauche en 1984, a entraîné de façon incontestable une altération de la santé totale de Monsieur X..., le harcèlement moral est établi ;

Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 27 juin 2016 sera infirmé sur ce point ;

Sur le licenciement

Attendu que conformément à l'article L.1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L.1152 1 et 2 du même code, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Attendu que comme il a été développé plus haut l'employeur a commis des faits de harcèlement moral sur le salarié qui a été, de façon ininterrompue, en arrêt de travail du mois de décembre 2012 à son licenciement pour inaptitude ;

Attendu que l'inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral commis par l'employeur, le licenciement intervenu dans ce contexte doit être déclaré nul ;

Attendu que le salarié formule à l'audience la même demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour licenciement dépourvu de cause réelle et

sérieuse ;

Attendu que le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise ;

Que lorsque le salarié ne sollicite pas sa réintégration, la rupture du contrat de travail, bien qu'elle soit nulle, prend effet à la date à laquelle elle est intervenue ;

Attendu que compte tenu notamment de l'ancienneté du salarié, des conditions

de la rupture du contrat de travail, de l'âge de M. X... il lui sera alloué la somme de

150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que lorsque le licenciement est entaché de nullité, l'indemnité compensatrice de préavis est intégralement due et ce, même si le salarié licencié n'est pas en état d'exécuter ledit préavis ;

Qu'il sera alloué, compte tenu des pièces salariales du dossier, la somme de

25 066,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que celle de

2 506,64 euros au titre des congés payés afférents ;

Attendu qu'il est démontré au dossier que l'employeur a régularisé la situation de non paiement du salaire passé le délai d'un mois après le prononcé de l'inaptitude du salarié ;

Que M. X... sera débouté de sa demande de rappel de salaire ;

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à M. X... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 27 juin

2016 ;

Et statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. Jean-Pierre X... est nul ;

CONDAMNE la Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Sud-Ouest à payer à M. Jean-Pierre X... les sommes suivantes :

150 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul ;

25 066,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

2 506,64 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ;

DEBOUTE M. Jean-Pierre X... de sa demande de rappel de salaire ;

CONDAMNE la Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Sud-Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Sud-Ouest à payer à M. Jean-Pierre X... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente en l'empêchement de Madame Catherine A... de Gordon, présidente et par Anne-Marie C..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie C... Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/04302
Date de la décision : 05/12/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/04302 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-05;16.04302 ?
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