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05/12/2018 | FRANCE | N°16/01088

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 décembre 2018, 16/01088


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2018



(Rédacteur : Madame Nathalie X..., Présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/01088











Madame Véronique Y...



c/



SAS G.R.I.

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :


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La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 janvier 201...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2018

(Rédacteur : Madame Nathalie X..., Présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/01088

Madame Véronique Y...

c/

SAS G.R.I.

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 janvier 2016 (RG n° F 14/02307) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 16 février 2016,

APPELANTE :

Madame Véronique Y..., née le [...] à LAGNY SUR

MARNE (77400), de nationalité française, profession VRP, demeurant [...],

représentée par Maître Christophe Z..., avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

SAS G.R.I., prise en la personne de son représentant légal domicilié [...],

représentée par Maître Eva A... substituant Maître Guillaume B..., avocats au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 juin 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie X..., présidente

Madame Catherine C... de Gordon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie D...,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

- prorogé au 05 décembre 2018 en raison de la charge de travail de la Cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame Véronique Y... a été engagée par la société A.B. COMM suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2011 en qualité de commerciale, statut Employé, coefficient E4 selon la classification établie par la Convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation.

Dans ce cadre, Madame Y... avait pour mission la représentation et la vente des contrats de maintenance et travaux ponctuels des matériels incendie et travaux ponctuels, au nom et pour le compte de la société BOUVIER et d'une manière générale tous produits des sociétésfiliales et représentées par la société AB COMM.

Le secteur géographique annexé au contrat confiait à la salariée la représentation de tout le grand sud-ouest de la France, les Pyrénées atlantiques (64), la Gironde (33), l`Hérault (34), les Pyrénées orientales (66).

Dans le cadre d'une réorganisation mise en 'uvre au sein du Groupe GR (auquel appartenait la société A.B. COMM) le contrat de travail de Madame Y... a été transféré en 2012 dans les mêmes conditions à la société G.R.I..

Le 30 janvier 2014, Madame Y... a conclu avec la société G.R.I. un contrat de travail à durée indéterminée aux termes duquel Madame Y... exerçait les fonctions de Commerciale et bénéficiait, à compter du 1er mars 2014, du statut de Voyageur Représentant Placier (VRP).

Dans ce cadre, Madame Y... avait pour mission la représentation et la vente des contrats, des produits ainsi que des travaux ponctuels pour le compte des sociétés G.R.l. (sécurité incendie) et G.R.E. (environnement).

C'est ainsi qu'à compter du 1er mars 2014, la relation de travail relevait des dispositions de l'Accord National interprofessionnel des Voyageurs, Représentants, Placiers (VRP) en date du 3 octobre 1975.

Après deux entretiens qui se sont tenus respectivement les 14 et 17 mars 2014, Madame Y... et la société G.R.I. ont conclu le 20 mars 2014, une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail.

Le 1er avril 2014, la Société G.R.I. et Madame Y... ont conclu un protocole d'accord transactionnel portant sur le montant des avances récupérables sur commission dont Madame Y... restait redevable, la salariée s'engageant à régler à la société G.R.I. la somme de 4.255,00 € au plus tard le jour de la rupture de son contrat de travail.

Ce chèque a été rejeté pour perte, et le 19 août 2014, la société a été rendue destinataire d'un courrier du conseil de Madame Y..., aux termes duquel cette dernière contestait la validité du protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 et réclamait le paiement d'heures supplémentaires.

L'employeur ayant refusé de faire droit aux demandes de la salariée, Madame Y... a, par requête du 20 août 2014, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en sollicitant l'annulation du protocole d'accord transactionnel du 19 avril 2014, le paiement d'heures supplémentaires, l'indemnisation de ses temps de trajet, ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 19 janvier 2016, le conseil de prud'hommes de BORDEAUX a:

- confirmé la validité du protocole d'accord transactionnel signé le 1er avril 2014 entre Madame Véronique Y... et la SAS G.R.I. ;

- condamné Madame Y... à verser à la SAS G.R.I. la somme de 4.255 €;

- condamné la SAS G.R.I. à verser à Madame Y... la somme de

45.994,98 € en règlement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-sollicitation de clientèle;

- ordonné à Madame Y... de restituer sans délai à la SAS G.R.I. le matériel informatique qui lui avait été confié pour l'exercice de son activité professionnelle.

Madame Y... a relevé appel de cette décision le 18 février 2016.

Aux termes de ses conclusions du 26 avril 2016, développées oralement à l'audience, Madame Y... demande à la cour de :

- dire que le protocole d'accord transactionnel est nul et de nul effet,

- faire droit à ses demandes de rappel de salaire,

- condamner la société GRI à lui verser les sommes suivantes :

- Rappel heures supplémentaire et RCO : 59.576,53 € bruts,

- Congés payés afférents : 5.957,65 € bruts,

- Indemnisation des temps de trajet : 12.903,25 € bruts,

- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : l7.382,54 €,

- Dommages et intérêts pour résistance abusive : 15.000,00 €,

- Dommages-intérêts pour dénonciation calomnieuse : 5.000,00 €.

- condamner la société GRI à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions du 13 juin 2017, la Société G.R.I. sollicite de la Cour d'appel de:

* Sur la validité du protocole d'accord transactionnel conclu 1er avril 2014 :

- À titre principal :

- dire que le protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 remplit toutes les conditions de validité exigées par l'article 2044 du code civil ;

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX le 19 janvier 2016, en ce qu'il a considéré que le protocole d'accord transactionnel signé le 1er avril 2014 par les parties avait mis fin à l'ensemble de leurs différends portant sur l'exécution du contrat de travail;

- confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a condamné Madame Y... à régler la somme de 4.255 € à la Société G.R.I.;

- À titre subsidiaire, si la Cour prononçait l'annulation du protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 par Madame Y... et la société

G.R.I. :

- constater qu'est dès lors nul et de nul effet l'abandon partiel de créance à hauteur de 7.657 € consenti par la société G.R.I. au bénéfice de Madame Y... au titre dudit protocole d'accord transactionnel ;

- condamner Madame Y... à lui régler sans délai la somme de 11.912 € au titre des avances récupérables sur commissions dont elle reste redevable à l'égard de son ancien employeur;

* Sur les demandes de rappel d'heures supplémentaires, de rappel de repos compensateurs obligatoires et de dommages et intérêts pour travail dissimulé:

À titre principal :

- dire que Madame Y... a renoncé à toute action contre l'entreprise dans le cadre du protocote d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 ;

En conséquence :

- confirmer le jugement intervenu, lequel a considéré que le protocole d'accord transactionnel signé le 1er avril 2014 par les parties avait mis fin à l'ensemble de leurs différends portant sur l'exécution du contrat de travail et débouté Madame Y... de ses demandes;

À titre subsidiaire :

- si la Cour prononçait l'annuIation du protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 par Madame Y... et la société G.R.I. :

- dire que le décompte établi par Madame Y... ne repose sur aucun élément fiable;

- dire que Madame Y... ne démontre pas la réalisation d'heures supplémentaires effectuées à la demande de l'entreprise ;

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX le 19 janvier 2016, lequel a débouté Madame Y... de ses demandes ;

* Sur la demande d'indemnisation des temps de trajet :

- À titre principal :

- dire que Madame Y... a renoncé à toute action contre l'entreprise dans le cadre du protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 ;

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX le 19 janvier 2016, lequel a considéré que le protocole d'accord transactionnel signé le 1er avril 2014 par les parties avait mis fin à l'ensemble de leurs différends portant sur l'exécution du contrat de travail et débouté Madame Y... de ses demandes ;

À titre subsidiaire : si la Cour prononçait l'annulation du protocole d'accord transactionnel conclu le 1er avril 2014 par Madame Y... et la société

G.R.I. :

- dire que le trajet habituel de la salariée est le trajet de son domicile à son agence de Toulouse correspondant à 2 heures 30 de trajet;

- constater que la salariée ne démontre pas avoir excédé cette durée de trajet;

- En conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX le 19 janvier 2016, lequel a débouté Madame Y... de ses demandes ;

* Sur la demande de restitution du matériel:

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX le 19 janvier 2016, lequel a ordonné à Madame Y... de restituer sans délai à la société G.R.I. le matériel informatique (ordinateur portable et tablette iPad de marque Apple) mis à sa disposition pour l'exécution de ses fonctions ;

- constater toutefois que Madame Y... ne s'est pas exécutée et ne compte pas s'exécuter ;

En conséquence :

- ordonner à Madame Y... de rembourser, sous astreinte de 50,00 € par jour calendaire de retard, la valeur marchande du matériel mis à sa disposition pour l'exécution de ses fonctions laquelle est estimée à euros ;

En toute hypothèse :

- condamner Madame Y... au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS

Il résulte de l'application combinée des articles L 1237-11, L 1237-13 et L 1237-14 du code du travail qu'un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction que si celle-ci intervient postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative.

En l'espèce, la rupture conventionnelle a été conclue entre les parties le 20 mars 2014, et n'a fait l'objet d'une homologation tacite par la DIRECCTE que le 29 avril 2014, tandis que que le protocole d'accord transactionnel portant sur les montants des avances récupérables sur commissions a été conclu le 1er avril 2014.

La transaction étant antérieure à la date d'homologation de la rupture conventionnelle, il convient en prononcer la nullité, et d'infirmer de ce chef la décision du conseil de prud'hommes, y compris en ce qu'il a condamné Madame Y... à verser à la société G.R.I. la somme de 4.255 €.

- Sur les avances sur commissions :

L'article 8 du contrat de travail conclu entre la société AB.COMM et Madame Y... prévoit au titre de la rémunération : « à compter de son embauche, Madame Véronique Y... disposera d'une rémunération mensuelle fixe brute d'un montant de 2.000 € établie sur 12 mois et répartie comme suit :

- un salaire fixe de base d'un montant de 1.846,16 € bruts,

- une gratification mensuelle dite de 13e mois d'un montant de 153,84 € bruts.

Par ailleurs, Madame Véronique Y... percevra sur toutes affaires réalisées par son intermédiaire et entérinées par la société, un pourcentage des commissions hors taxes, nettes de rétrocession effectivement encaissées par la société.

Ce commissionnement, d'un maximum de 3 % pour les produits vendus et les contrats signés commercialisés pour le compte de toutes les sociétés filiales d'AB.COMM, est variable en fonction de la marge dégagée et du délai de règlement de la facture sur chaque prestation. Lorsque la marge négociée par les soins de Madame Véronique Y... est trop faible le commissionnement sera de 0 %.

Les commissions de Madame Véronique Y... seront réglés mensuellement le mois suivant la date d'effet de la prise de règlement.

Chaque mois, le listing des factures soldées du portefeuille de Madame Véronique Y... fera apparaître le taux de commissionnement en fonction de la marge dégagée.

D'un commun accord entre les parties, il est expressément stipulé que les commissions seront versées sur les factures encaissées durant la présence du salarié dans l'entreprise.

Toutefois il sera appliqué sur les factures encaissées ».

Le contrat prévoit ensuite une dégressivité des commissions dues en fonction de la date du délai s'écoulant entre la date de facturation et la date de règlement.

S'agissant de l'avance récupérable sur commissions, il est prévu :

« Afin de répondre aux besoins et souhaits de Madame Véronique Y..., la société pourra être amenée à lui verser une avance récupérable sur commissions d'un montant ne pouvant excéder 1.500 € bruts mensuels.

Ce montant de 1.500 € bruts mensuels, en sus du fixe précédemment défini, sera maintenu tant que le montant des commissions, déduction faite du solde des avances précédemment consenties, n'atteindra pas ce même montant.

À la fin à chaque fin de mois sera constaté un solde des avances consenties soit la différence entre le montant des commissions dues et le cumul des avances non récupérées sur commissions.

Si ce solde est inférieur ou égal à zéro, alors une nouvelle avance récupérable de

1.500 € sera effectuée.

Si ce solde est strictement supérieur à zéro mais inférieur à 1.500 €, alors une nouvelle avance sera consentie à due concurrence de la différence entre 1.500 € et le solde constaté.

Enfin, si ce solde est supérieur ou égal à 1.500 €, alors aucune nouvelle avance ne sera mise en place.

Il est rappelé que le cumul des avances consenties ne saurait excéder le montant des commissions restant à percevoir et qu'un bilan de la mise en place desdites avances sera effectué au bout de 6 mois. »

Par courrier du 1er juillet 2012, la société AB. COMM a entendu modifier les conditions d'attribution de la partie variable de la rémunération de Madame Véronique Y....

Par avenant du 1er septembre 2012, il a été convenu qu'à compter de cette même date, il serait versé à la salariée une avance récupérable sur commissions qui ne pourraient excéder 500 € bruts mensuels

L'avenant précise que :

« Dès lors que cette avance récupérable sur commission sera versée intégralement ou partiellement, le salaire mensuel total de Madame Véronique Y... ne pourra excéder 3.000 € bruts.

De même, lorsque la rémunération totale (salaire de base plus 13e mois plus commissions plus primes plus items) de Madame Véronique Y... sera supérieure à

3.000 € bruts, le surplus sera prioritairement prélevé pour rembourser le montant des avances sur commissions qui resteraient dues.

Ce système de remboursement subsistera tant que les avances sur commissions de Madame Véronique Y... n'auront pas été intégralement remboursées. »

Ces dispositions du contrat de travail ont été appliquées jusqu'au 1er mars 2014, date à laquelle Madame Y... a été affectée au poste de commerciale, avec un statut de VRP.

La rémunération variable de Madame Véronique Y... prévue à l'article 8. 2 du contrat, de la même façon que le contrat précédent, est constituée d'un commissionnement, ainsi que, au titre de l'avance sur commissions un paragraphe rédigé de la façon suivante : « Par ailleurs, afin de soutenir Madame Véronique Y..., il est expressément convenu qu'à compter du 1er mars 2014 et jusqu'au 31 août 2014, un minimum de rémunération variable garantie est arrêté à 300 € bruts.

Madame Véronique Y... reconnaît qu'elle dispose d'avances sur commissions non encore remboursées dont le pointage est porté à sa connaissance chaque mois.

Il est ici rappelé que Madame Véronique Y... restera redevable envers la société du montant cumulé des avances récupérables sur commissions qui n'auraient pu être imputées sur sa rémunération variable selon les règles exposées ci-avant. Le montant restant du sera mentionné tous les mois par pointage établi par la direction comptable de l'entreprises et régularisable le 30 de chaque mois dès lors que le montant des commissions perçues le permet.

Ainsi, lorsque la rémunération totale de Madame Véronique Y... sera supérieure à 2.800 € bruts jusqu'au 31 août 2014 et à 2.500 € bruts au-delà de cette date, le surplus sera prioritairement prélevé pour rembourser le montant des avances sur commissions qui resteraient dues.»

Ce même contrat prévoit dans son article 8.2.3 l'attribution d'une prime trimestrielle de 6.000 € à l'atteinte de 100 % des objectifs annuels. Enfin, l'article 8 du contrat stipule : « La rémunération définie ci-dessus couvre forfaitairement l'ensemble des activités que Madame Véronique Y... déploiera pour le compte de la société, la nature de son travail et les responsabilités qu'elle assume ne permettant pas le décompte d'éventuelles heures supplémentaires de travail. »

Conformément aux dispositions de l'article 1383 du Code civil (1315 ancien) du code civil, il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation d'en rapporter la preuve ou du fait extinctif de cette obligation.

L'employeur qui est obligé contractuellement, conventionnellement ou légalement de payer à son salarié, en contrepartie de la prestation de travail fournie, un salaire, est tenu de rapporter la preuve qu'il s'est libéré de son obligation.

Enfin, lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

En l'espèce, s'agissant de l'exécution du contrat de travail en vigueur jusqu'au 1er mars 2014, il apparaît qu'il était contractuellement prévu, en ce qui concerne les avances sur commissions, qu'un bilan serait effectué au bout de 6 mois.

Par ailleurs, ce contrat prévoyait qu'un listing des factures soldées du portefeuille de Madame Véronique Y... ferait apparaître chaque mois le taux de commissionnement fonction de la marge dégagée.

L'employeur ne produit aux débats, hormis les bulletins de salaire, aucun document de nature à justifier le calcul du montant des commissions versées, pas plus qu'il ne produit le bilan prévu contractuellement au bout de 6 mois.

En particulier, la société ne verse pas les éléments qui l'ont conduite à calculer la marge dégagée sur l'activité de la salariée, mois par mois, alors qu'aux termes mêmes du contrat de travail qui l'engage, elle aurait dû présenter à Madame Véronique Y... le listing des factures soldées de son portefeuille mensuellement.

À défaut de pouvoir déterminer si la société intimée détient les documents qui ont servi de base au calcul des commissions dues à Madame Véronique Y..., il n'y a pas lieu d'en ordonner la production forcée.

En revanche, Madame Véronique Y... produit de son côté le récapitulatif annuel pour l'exercice 2013 des commandes qu'elle a effectuées pour le compte de la société, ainsi que les factures réglées, à hauteur de 245.036 €.

Par ailleurs, l'accord transactionnel du 1er avril 2014 étant nul, et ne comprenant aucun détail des calculs opérés qui auraient pu être approuvés par Madame Y..., pour aboutir à ce que la société G.R.I. soit créancière de sa salariée, il ne peut en être tenu compte pour estimer le montant des commissions auquel la salariée a pu prétendre au cours de l'exécution de son contrat de travail.

Le défaut de communication par la société G.R.I. de pièces justifiant de l'exactitude des commissions versées à Madame Véronique Y..., entraîne pour celle-ci un préjudice lié à l'impossibilité pour elle de déterminer si elle a été intégralement remplie de ses droits.

Ce préjudice, exclusivement imputable à la faute de la société G.R.I., doit conduire la cour à accorder à Madame Véronique Y... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les heures supplémentaires :

L'article L 3121-5 (devenu L 3121-1) du Code du travail définit la durée du travail effectif comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir, en cas de besoin, ordonné toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles.

Ainsi, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par le salarié, qui doivent étayer suffisamment sa demande, et de ceux fournis par l'employeur qui doivent être de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Par ailleurs, la clause de « rémunération indépendante de tout horaire » contenue dans un contrat de travail suppose, pour être licite une très grand autonomie et un niveau élevé de salaire.

S'agissant de l'autonomie, celle-ci doit se traduire par une grande liberté dans l'emploi du temps et un niveau élevé de responsabilités, rendant impossible le contrôle des temps par l'employeur.

Le niveau élevé de salaire, au regard de la catégorie du salarié témoigne du degré d'autonomie dont il découle que le décompte des heures est impossible.

En l'espèce, le contrat de travail de Madame Y... prévoit dans son article 8 avant dernier alinéa : « La rémunération définie ci-dessus couvre forfaitairement l'ensemble des activités que Madame Véronique Y... déploiera pour le compte de la société, la nature de son travail et les responsabilités qu'elle assume ne permettant pas le décompte d'éventuelles heures supplémentaires de travail. »

Il n'est ni contestable ni contesté qu'elle disposait d'une totale autonomie pour l'organisation de ses journées de travail dans le cadre des missions qui lui étaient dévolues, à savoir la représentation et la vente des contrats de maintenance et travaux ponctuels des matériels incendies et travaux ponctuels au nom et pour le compte de la société Bouvier et d'une manière générale tout produit des sociétés filiales et représentées par la société AB.COMM, dans un secteur géographique regroupant 13 départements dans le sud-ouest.

Elle prétend qu'à partir de janvier 2012, il lui a été demandé d'assurer la création puis le fonctionnement de l'agence de Toulouse. À l'appui de cette affirmation, Madame Véronique Y... produit aux débats des attestations de tiers ayant été en contact professionnellement avec elle, desquels il ne ressort pas que la responsabilité de l'agence de Toulouse lui ait été confiée.

Il est également produit aux débats une attestation de son ancien compagnon qui ne précise pas plus qu'elle a été responsable de l'agence de Toulouse, mais fait état de ses horaires de travail extrêmement étendus. De la même façon, une attestation de la s'ur de Madame Véronique Y... relate l'investissement de Madame Véronique Y... dans son entreprise et l'importance de ses déplacements.

Aucun de ces documents ne mentionne précisément qu'il a été confié à Madame Véronique Y... la charge de l'agence de Toulouse.

Le seul élément tangible qui pourrait laisser supposer que la salariée était tenue d'être présente à Toulouse est la plaquette publicitaire de l'année 2013 qui mentionne son nom comme étant celui de la responsable de cette agence.

Cependant, le secteur de Toulouse faisant partie du secteur géographique confié à Madame Véronique Y..., cet élément est insuffisant pour démontrer que ses missions ont été considérablement élargies à compter de janvier 2013, comme elle le soutient.

La photocopie de ses agendas, dont elle assurait seule la tenue, y compris en ce qui concerne son emploi du temps pour lequel elle disposait d'une parfaite autonomie, ne permet pas plus de rapporter la preuve d'un élargissement de sa mission, et de responsabilités supplémentaires à compter du mois de janvier 2013.

Enfin, le salaire perçu hors prime par Madame Véronique Y... conformément à son contrat de travail initial et à l'avenant de 2007 était très nettement supérieur au salaire minimum prévu par la Convention collective applicable pour un salarié de sa catégorie, à savoir commerciale, statut employé, coefficient 4, et ce jusqu'à la fin de l'année 2012.

La soumission du contrat de travail de Madame Véronique Y... à compter du 1er janvier 2013 à la Convention collective plasturgie n'a pas modifié sa classification ni le montant de sa rémunération.

Il ressort de ces éléments que Madame Véronique Y... n'était pas soumise à des horaires de travail fixe, mais bénéficiait, ainsi que le soutient son employeur, d'une clause de rémunération indépendante des horaires de travail.

Dès lors, l'appelante ne peut solliciter ni le paiement d'heures supplémentaires, ni celui de ses temps de trajet, pas plus qu'elle ne peut prétendre au repos compensateur. Enfin, aucune dissimulation d'emploi salarié n'est démontrée à l'encontre de l'intimée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ces prétentions.

Sur la restitution des matériels informatiques :

La société G.R.I. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné à Madame Véronique Y... de restituer sans délai le matériel informatique, à savoir un ordinateur portable et une tablette iPad de marque Apple mis à sa disposition pour l'exercice de ses fonctions.

Il résulte de l'e-mail adressé par le dirigeant de la société intimée à l'un des collègues de Madame Y... que 2 ordinateurs portables se trouvaient dans l'agence de Toulouse.

Par ailleurs, Madame Véronique Y... indique elle-même dans un e-mail qu'elle était en possession d'une tablette iPad de marque Apple au cours de l'exercice de ses fonctions.

La salariée ne rapporte pas la preuve qu'elle a restitué à son ancien employeur ce matériel informatique.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de ce matériel.

L'intimée ne chiffre pas la valeur de ce matériel, et sa demande tendant à ce que Madame Véronique Y... soit condamnée à lui payer le coût de cette tablette sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse :

L'appelante ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque, pas plus qu'elle ne démontre que la société G.R.I. a, de façon intentionnelle, sollicité la remise d'un matériel dont la salariée ne disposait pas.

La demande de dommages et intérêt sera en conséquence rejetée.

Sur la clause de non sollicitation de clientèle :

La société G.R.I. n'ayant pas fait appel de ce chef de demande, il y a lieu de constater que la décision est sur ce point définitive.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société G.R.I..

Il est équitable d'allouer à Madame Véronique Y... la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, que la société G.R.I. sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la contrepartie pécuniaire de la clause de non sollicitation de clientèle, la remise de la tablette iPad de marque Apple, et sur les dépens ;

Statuant à nouveau sur tous les autres chefs de demande,

Constate la nullité du protocole d'accord transactionnel du 1er avril 2014 ;

Condamne la société G.R.I. à payer à Madame Véronique Y... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi de la du fait de l'impossibilité de vérifier les modalités de calcul de ses commissions ;

Déboute Madame Véronique Y... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnisation des temps de trajet, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et pour dénonciation calomnieuse ;

Déboute la société G.R.I. de ses demandes en remboursement de la valeur de l'ordinateur portable et de la tablette iPAD de marque Apple ainsi que de celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société G.R.I. à payer à Madame Véronique Y... la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société G.R.I. aux dépens d'appel.

Signé par Madame Nathalie X..., présidente et par Anne-Marie D..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie D... Nathalie X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/01088
Date de la décision : 05/12/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/01088 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-05;16.01088 ?
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