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15/11/2018 | FRANCE | N°17/04388

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 15 novembre 2018, 17/04388


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 15 NOVEMBRE 2018



(Rédacteur : Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller)





N° RG 17/04388









Corinne X...





c/



Pascal Y...

Céline Y...













Nature de la décision : AU FOND







SUR RENVOI DE CASSATION













Gros

se délivrée le :



aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 11 mai 2017 (N°W16-15.263) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 25 novembre 2015 (RG : 14/01082) par la 1ère chambre de la Cour d'Appel de BORDEAUX en suite d'un...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 NOVEMBRE 2018

(Rédacteur : Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller)

N° RG 17/04388

Corinne X...

c/

Pascal Y...

Céline Y...

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 11 mai 2017 (N°W16-15.263) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 25 novembre 2015 (RG : 14/01082) par la 1ère chambre de la Cour d'Appel de BORDEAUX en suite d'un jugement du tribunal de grande instance de LIBOURNE du 09 janvier 2014 (RG : 12/01327), suivant déclaration de saisine en date du 18 juillet 2017

DEMANDERESSE :

Corinne X...

de nationalité Française, demeurant [...]

Représentée par Me Timothée Z... substituant Me Jean-David A... de la SCP H. A... J.D. A..., avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS :

Pascal Y...

de nationalité Française, demeurant [...]

Céline Y...

de nationalité Française, demeurant [...]

Représentés par Me Céline K..., avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 octobre 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

FAITS ET PRÉTENTIONS

Par acte authentique du 15 janvier 2007, Mme Corinne X... a acquis un immeuble à usage d'habitation, situé [...], parcelle cadastrée Section [...].

Elle est devenue voisine des époux Y..., ceux-ci ayant acquis la parcelle cadastrée [...] suivant acte notarié du 15 février 2010.

Reprochant à ses voisins de faire obstacle à ses droits de passage et puisage qu'elle affirme détenir sur le fonds, Mme X... a fait assigner les époux Y... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Libourne, aux fins d'obtenir l'enlèvement des obstacles à l'exercice de ses droits et à titre subsidiaire une mesure d'expertise pour examiner la configuration des lieux et les titres de propriété afin de déterminer l'existence de servitudes réelles de passage et de puisage ou l'état d'enclave de son fonds.

Par une ordonnance du 23 juin 2011, le juge des référés a débouté Mme X... de sa demande d'enlèvement des obstacles à l'exercice des servitudes, en raison de l'existence d'une contestation sérieuse, mais a ordonné une expertise confiée au cabinet GEOSAT.

L'expert a rendu son rapport d'expertise le 27 février 2012.

Par jugement du 9 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Libourne a :

- débouté Mme X... de ses demandes,

- dit que la servitude de passage n'était pas opposable aux époux Y... en l'absence de publication de l'acte constitutif et en l'absence de mention claire et constante dans leur acte d'acquisition,

- dit que la servitude de puisage était éteinte par non-usage trentenaire,

- condamné Mme X... à retirer des canalisations sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant deux mois à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision,

- l'a condamnée à verser aux époux Y... la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens incluant les frais d'expertise.

Sur appel total du jugement interjeté par Mme X..., la cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 25 novembre 2015 a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Mme X... s'est pourvue en cassation.

Par arrêt en date du 11 mai 2017, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt (sauf en ce qu'il constate que la servitude de puisage s'est éteinte par un non usage de plus de trente ans) au motif que la cour d'appel, pour déclarer la servitude de passage inopposable à M. et Mme Y..., avait retenu que Mme X... ne produisait pas la copie de la transcription de l'acte du 4 juin 1885 l'instituant , sans inviter les parties à s'expliquer sur 1'absence au dossier d'une pièce qui figurait au bordereau annexé aux dernières conclusions de Mme X..., sous la mention « courrier du conseil général et justificatif de l'acte au bureau des hypothèques '' et dont la communication n'avait pas été contestée. La cour de cassation a condamné les époux Y... aux dépens et à payer à Mme X... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est en l'état que se présente le litige devant la cour d'appel de Bordeaux désignée comme cour de renvoi.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2018 par RPVA, Mme X... demande en susbtance à la cour de :

- La dire recevable et bien fondée en son appel,

- Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Libourne du 9 janvier 2014 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de bénéficier de la servitude de passage grevant le fonds des époux Y... et en ce qu'il l'a condamnée à enlever les canalisations installées sous le fonds des époux Y... sous astreinte,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux Y... de leur demande de dommages et intérêts,

- Dire et juger qu'elle est bénéficiaire de la servitude de passage grevant le fond des époux Y... au profit du fonds dont elle est propriétaire,

- Dire et juger que cette servitude correspond aux aisines situées au sud de leur maison d'habitation ainsi qu'au droit des autres bâtiments situés sur leur fonds AH 60,

- Condamner les époux Y... sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30eme jour suivant l'arrêt à intervenir à enlever le claustra bois obstruant la servitude de passage,

- Les débouter de l'ensemble de leur demandes fins et conclusions,

- Les condamner à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.

Selon leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 décembre 2017, M. et Mme Y... demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes tendant à

dire qu'elle est bénéficiaire d'une servitude de passage et d'une servitude de puisage grevant le fonds des époux Y..., et de condamnation des époux Y... à enlever le claustra bois et la terrasse obstruant ladite servitude de passage et à laisser libre accès au puits,

- Confirmer qu'il convient de constater que la servitude de passage mentionnée dans l'acte de vente de Mme X... n'est pas opposable aux époux Y... d'une part à défaut de

publication, et d'autre part à défaut de mention claire et constante dans leur acte de vente,

- Confirmer qu'il convient de condamner Mme X... sous astreinte de 50 € par jour

de retard pendant deux mois à compter du 30 eme jour suivant la signification du présent arrêt à enlever les canalisations installées sous le fonds des époux Y... en l'absence de servitude de passage opposable à ces derniers,

En conséquence,

- Condamner Mme X... au paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de

l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la saisine de la cour

En suite de l'appel total interjeté par Mmme X..., aux termes des conclusions échangées par les parties, le litige soumis à la cour est circonscrit au droit de passage, la demande d'astreinte et les frais et dépens.

En effet, si l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 25 novembre 2015 ayant confirmé le jugement entrepris a été cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2017, il ne l'a pas été s'agissant de la disposition ayant déclaré éteinte la servitude de puisage pour non usage trentenaire. Il n' y a donc plus lieu de statuer de ce chef.

Sur la servitude de passage

La servitude de passage revendiquée par l'appelante est par nature une servitude discontinue, au sens de l'article 688 code civil.

Elle ne peut donc s'établir que par titre, selon l'article 691 du code civil, et est soumise à la publicité foncière par publication à la conservation des hypothèques.

Il n'est pas contesté qu'aux termes de l'acte du 15 janvier 2007 par lequel Mme Corinne X... a acquis de M. Jean B... C... l'immeuble en litige à Villegouge, cadastré section [...], l'existence d'une servitude de passage sur le fonds voisin, AH 60 (appartenant depuis 2010 aux époux Y...), est mentionnée par référence à un acte antérieur du 4 juin 1885 intéressant le fonds servant, aux termes duquel Jean C... et son épouse Marie D... ont acquis de Jean E... ce fonds avec la précision portée sur l'acte que :« les aisines où est le puits et celles qui sont au midi de ladite maison sont et seront grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d 'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguës et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants C.... Les acquéreurs s'engagent à respecter cette servitude alors même qu 'elle ne résulterait pas d'un titre régulier, ce qui est accepté par Marie F... veuve dudit M C... demeurant à [...] ''.

La servitude revendiquée par Mme X... est ainsi établie par l'acte recognitif émanant des propriétaires asservis, M. Jean C... et son épouse Marie D....

Les propriétaires successifs du fonds servant ont été de 1885 à 2010, M. et Mme Jean Maurice C..., M. et Mme G... ( acte de vente du 9 juin 1942) , Mme Jeanne H... (acte de vente du 4 juin 1987) , Mme I... ( acte de vente du 15 juin 2007) et enfin les époux Y....

L'expert désigné souligne que les actes d'acquisitions successifs ont tous fait mention de cette servitude au profit du fonds voisin cadastré [...].

Cette servitude figure, par référence à l'acte de 1885, sur les titres de propriété successifs du fonds bénéficiaire, à savoir l'acte du 21 octobre 1935 par lequel Mme veuve C... a fait donation à ses enfants Jean-Paul, Jean-B... et Jean Gaston C... de cette parcelle [...], laquelle est devenue pleine propriété du seul Jean-B... C... par l'effet d'une licitation consentie par ses frères le même jour, puis sur l'acte de vente du 15 janvier 2007 à Mme X....

C'est en vain que les époux Y... pour dénier à Mme X... le bénéfice de la servitude revendiquée soutiennent son inopposabilité pour défaut de publication alors que des pièces produites par l'appelante, il ressort sans contestation possible que la servitude stipulée dans l'acte de vente du 4 juin 1885 a régulièrement été publiée au registre des hypothèques de Libourne,ce qui la rend opposable aux tiers.

Elle verse en effet :

- l'acte authentique de vente de C... et son épouse Mme J... aux consorts G... du 09 juin 1942, il est rappelé l'origine de propriété et notamment l'acte du 4 juin 1885, dont précision est faite que celui-ci a été transcrit au Bureau des Hypothèques de Libourne le 15 juillet 1885 volume 1265 n° 50 concernant inscription d'office du même jour volume 555 n°74.

- deux courriers des archives départementales de la Gironde faisant état d'une publication du 15 juillet 1885 vol 1265.50 et l'extrait de la transcription :

-un courrier du Conseil Général à Madame X... du 24 juillet 2013 qui confirme en ces termes la publication de l'acte :« Par courrier du 2 juillet dernier, vous sollicitez mes services à propos de la transcription hypothécaire suivante publiée au bureau de dépôt des hypothèques de Libourne volume 1265 n°50 du 15 juillet 1885, des recherches entreprises, dans le fonds conservés aux archives départementales de la Gironde, il ressort que ce volume a bien été retrouvé dont une copie de l'acte n°50 vous sera adressée à la réception de la somme de 5,00 €. ''

-l'extrait de cette transcription hypothécaire volume 1265 n°50 du bureau des hypothèques de Libourne en date du 15 juillet 1885, sur lequel figure la clause reprenant la constitution de servitude de l'acte du 4 juin 1885 mentionnant la servitude en cause : «grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguës et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants C...... les acquéreurs s'engagent à respecter cette servitude alors même qu 'elle ne résulterait pas d'un titre régulier, ce qui est accepté par Marie F... veuve dudit M C... demeurant à [...] ''.

En revanche, c'est avec pertinence que le premier juge a considéré que la servitude dont s'agit n'était pas opposable aux époux Y... dès lors qu'elle était un droit personnel de M. B... C... qui s'est éteint avec la vente du bien par son titulaire.

En effet, si l'article 686 du code civil dispose qu'il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, les services établis ne pouvant être imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds ; lorsqu'un acte est ambigüe, il convient de rechercher la commune intention des parties pour déterminer si le droit créé est un droit personnel ou un droit réel.

En l'espèce il résulte de la lecture des différents titres de propriétés et de leur analyse faite par l'expert, que l'acte initial de 1885 instaurant la servitude dont s'agit a indiqué qu'elle était en faveur ' de la maison contigüe appartenant à la veuve C... et à ses enfants'. Cette précision quant aux propriétaires du fonds bénéficiaire se retrouve dans les actes de cession successifs de la parcelle [...], soit ceux du 9 juin 1942, 4 juin 1987, 15 juin 2007 et 15 février 2010 par lequel les époux Y... ont acquis leur bien, lesquels mentionnent que 'l'immeuble vendu est grevé d'un droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de M. B... C...'.

La cour considère que dès l'origine ce passage en litige a été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, B... C... (Jean B... C... selon les actes ) lequel, en vendant son bien à Mme X... l'a éteint.

C'est donc avec justesse que le premier juge, pour ce motif, a débouté Mme X... de ses demandes à se voir reconnaître une servitude de passage sur le fonds des époux Y....

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Il le sera également s'agissant de l'enlévement sous astreinte des canalisations mises en place par l'appelante, celle-ci ne pouvant se prévaloir d'une servitude accessoire à la servitude de passage non opposable aux époux Y..., ou d'une quelconque autorisation de ses voisins.

Elle n'a au demeurant pas démontré que le titre instituant le droit de passage, conférait celui de faire passer des canalisations dans le sous sol de l'assiette de la servitude, la seule indication dans l'acte initial de 1885 ' d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières' étant à cet égard trop imprécise pour ce faire. Une telle aggravation de la servitude ne pouvait qu'être sanctionnée étant prohibée par l'article 702 du code civil.

Sur les frais et dépens

C'est à bon droit que le premier juge a condamné Mme X... aux dépens et au paiement aux époux Y... d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de confirmer ces condamnations, et de dire qu'outre les entiers dépens exposés en cause d'appel, Mme X... sera tenue de verser aux époux Y... une somme de 3000 euros supplémentaire en remboursement des frais irrépétibles engagés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 9 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Libourne ;

Condamne Mme X... aux entiers dépens ;

La condamne au paiement d'une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne Lavergne-Contal, présidente, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/04388
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°17/04388 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;17.04388 ?
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