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15/11/2018 | FRANCE | N°16/01215

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 15 novembre 2018, 16/01215


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 15 NOVEMBRE 2018



(Rédacteur : Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller)





N° RG 16/01215









Monsieur Christian Jean X...

Madame Simone Michèle Y... épouse X...

SARL PBFI





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Madame Jacqueline Z... épouse A...

















Nature de la décision : AU FOND




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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2016 (R.G. 14/08157) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 23 février 2016





APPELANTS :



Christian Jean X...

né le [...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 NOVEMBRE 2018

(Rédacteur : Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller)

N° RG 16/01215

Monsieur Christian Jean X...

Madame Simone Michèle Y... épouse X...

SARL PBFI

c/

Madame Jacqueline Z... épouse A...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2016 (R.G. 14/08157) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 23 février 2016

APPELANTS :

Christian Jean X...

né le [...] à TALENCE

de nationalité Française, demeurant [...]

Simone Michèle Y... épouse X...

née le [...] à SAUTERNES

de nationalité Française, demeurant [...]

SARL PBFI

[...]

Représentés par Me Damien B... substituant Me Charlotte F... de la C... - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Jacqueline Z... épouse A...

née le [...] à CARDAN

de nationalité Française, demeurant [...]

Représentée par Me Ludovic D..., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 octobre 2018 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Roland POTEE, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Aux termes d'un compromis synallagmatique de vente du 18 décembre 2013, madame Jacqueline Z... veuve A... s'est engagée à acquérir auprès de monsieur Christian X... et madame Simone X... née Y... (les époux X...) une maison d'habitation située au numéro 8 de la rue Toulouse-Lautrec dans la commune de Langon (33) au prix principal de 310.000 €, outre 10.000 € de commission a l'agence immobilière ayant servi d'intermédiaire, la S.A.R.L. PBFI.

La signature de l'acte authentique de vente devait intervenir le 15 mars 2014.

Différentes conditions suspensives en faveur de l'acquéreur, tenant notamment à l'obtention d'un prêt immobilier, ont été stipulées ainsi qu'une clause pénale égale à 10% du prix de vente.

Une somme de 6.000 € a été séquestrée entre les mains du notaire instrumentaire à titre d'acompte sur le prix de vente.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 mai 2014, les vendeurs ont mis en demeure Mme. Z... d'avoir à régulariser l'acte authentique.

Estimant fautif le refus de Mme Z... de réitérer1'acquisition de leur immeuble, les époux X... et la S.A.R.L. PBFI ont, par acte du 16 juillet 2014, saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux. Les vendeurs ont sollicité le paiement de la clause pénale alors que l'agence immobilière a réclamé le versement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 19 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- autorisé Mme Z... veuve A... à se faire remettre directement le dépôt de garantie d'un montant de 6.000 euros, détenu par le notaire séquestre ;

- débouté les époux X... et la S.A.R.L. PBFI de l'intégralité de leurs demandes;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux X... et la S.A.R.L. PBFI aux dépens.

Les époux X... et la S.A.R.L. PBFI ont relevé appel de cette décision le 23 février 2016.

Dans leurs écritures en date du 7 juin 2016, les appelants réclament l'entière infirmation du jugement attaqué et demandent à la cour :

- de dire et juger qu'en ne sollicitant pas une offre de prêt conforme aux caractéristiques du compromis de vente, la condition suspensive est réputée accomplie ;

- de dire et juger que pour les mêmes motifs, Mme Z... engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'agence immobilière du fait de sa défaillance ;

En conséquence,

- de condamner Mme Z... à payer aux époux X... la somme de 31.000 € au titre de la clause pénale, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation;

- de condamner Mme Z... à verser à l'agence immobilière PBFI la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation ;

- de condamner Mme Z... à leur verser respectivement la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction sera faite au profit de la SCP Gravellier Lief de la Lagausie au visa de l'article 699 du même code au titre de la procédure de première instance ;

- de condamner Mme Z... à leur verser respectivement la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , outre les entiers dépens dont distraction sera faite au profit de la Scp Gravellier Lief de la Lagausie au visa de l'article 699 du même code au titre de la présente procédure d'appel ;

- d'ordonner l'exécution provisoire.

Par conclusions en date du 25 mai 2016, Mme. Z... demande à la cour :

- le rejet de l'ensemble des demandes formulées à son encontre ;

- la constatation de la nullité du compromis de vente ;

- la constatation de l'absence de réalisation dans les délais de la condition suspensive d'obtention du prêt, sans faute de l'acquéreur ;

- la déclaration du caractère non avenu du compromis de vente du 18 décembre 2013;

- d'ordonner au séquestre de lui restituer le dépôt de garantie de 6.000 € ;

- la condamnation solidaire des époux X... et la société PBFI à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamnation solidaire des époux X... et la société PBFI aux entiers dépens;

A titre subsidiaire,

- la réduction du montant de la clause pénale à la somme de 1.000 € ;

- l'engagement de la responsabilité de la société PBFI pour violation de son obligation de conseil;

- la condamnation de la société PBFI à la relever indemne des condamnations qui seraient mises à sa charge ;

- l'octroi des plus larges délais de paiement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er octobre 2018.

MOTIVATION

Sur les demandes présentées par les époux X...

Sur la promesse synallagmatique de vente

Aux termes de l'article L271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure au 8 août 2015, l'acquéreur non-professionnel dispose d'un délai de rétractation de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.

La décision de première instance a estimé que le délai de rétractation prévu par le texte précité n'avait pas commencé à courir dans la mesure où il n'a pas été démontré que Mme. Z... a reçu un exemplaire du compromis de vente annexé au courrier du notaire instrumentaire en date du 19 décembre 2013.

En cause d'appel, les époux X... produisent désormais une copie couleur de l'accusé de réception émanant des services postaux. Cette pièce, dont l'authenticité ne peut être contestée, fait apparaître que le courrier de Me E... a bien été distribué le 20 décembre 2013 à sa destinataire. Cette dernière ne conteste d'ailleurs pas être la rédactrice de la signature figurant dans l'emplacement dédié au bénéficiaire de la correspondance.

Le délai de rétractation a donc commencé à courir dès le lendemain de la réception du document contractuel.

Mme. Z... n'a pas usé dans le délai prescrit du droit conféré à l'article précité de sorte qu'elle a pleinement accepté l'ensemble des obligations résultant du compromis de vente du 18 décembre 2013.

Ces éléments ne peuvent que motiver l'infirmation du jugement déféré.

La promesse synallagmatique de vente a prévu une condition suspensive consistant en l'obtention par Mme. Z... d'un prêt bancaire d'un montant de 100.000 € au taux d'intérêt maximal de 4% hors assurance et d'une durée maximale de 20 ans. Cette obligation devait être réalisée avant le 15 février 2014.

Dans une correspondance en date du 14 février 2014, le Crédit Foncier a informé Mme. Z... de son refus d'accorder le prêt demandé.

Il s'avère en réalité que la bénéficiaire de la promesse de vente a sollicité l'établissement bancaire pour obtenir deux prêts. Le premier, qualifié de prêt relais, d'un montant de 168.000 € sur une durée de 24 mois. Le second intitulé 'prêt liberté' d'un montant de 175.000 € sur une durée de 240 mois.

Il apparaît ainsi très clairement que la demande présentée par Mme. Z... au Crédit Foncier ne correspond absolument pas, tant en ce qui concerne le nombre de prêts sollicités que les montants réclamés, aux stipulations contractuelles figurant dans le compromis de vente.

Elle soutient, sans en apporter la démonstration, que les époux X... n'ignoraient pas que l'acquisition projetée devait nécessiter l'octroi d'un prêt relais. Cet élément n'est d'ailleurs pas repris dans la promesse du 18 décembre 2013.

De même, il importe peu de constater que la somme de 100.000 € ne permet pas de financer l'intégralité du prix du bien immobilier. Aucune obligation légale n'impose de préciser dans la compromis de vente l'intégralité des conditions dans lesquelles l'acquéreur souhaite financer le bien immobilier concerné. Il convient seulement de constater que la bénéficiaire de la promesse est en effet tenue de solliciter un prêt conforme aux caractéristiques définies dans le document contractuel comme le rappelle la troisième chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 30 janvier 2008.

Aux termes de l'ancien article 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.

Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que Mme. Z... s'est montrée défaillante dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

La décision attaquée ayant rejeté les prétentions des époux X... et autorisé Mme. Z... à obtenir la remise du montant du dépôt de garantie auprès du notaire séquestre sera en conséquence totalement infirmée.

Sur le montant de la clause pénale

Le compromis du 18 décembre 2013 a fixé son montant à la somme de 31.000 €, soit 10% du prix de vente de l'immeuble.

Mme. Z... estime que ce montant est manifestement excessif et sollicite à titre subsidiaire sa fixation à la somme de 1.000 €.

Les éléments versés aux débats font apparaître que l'attitude fautive de la bénéficiaire de la promesse a retardé de près de dix-huit mois la vente du bien immobilier qui n'est intervenue que le 10 septembre 2015.

Le prix de la cession n'est cependant pas communiqué par les époux X....

Compte-tenu de ces éléments, le montant de la clause pénale apparaît manifestement excessif au regard du préjudice réellement subi par les promettants de sorte qu'il y a lieu de le réduire à la somme de 15.000 euros.

A l'appui de sa demande d'octroi de délais de paiement, Mme. Z... se contente d'indiquer qu'elle n'est pas en mesure de s'acquitter de son montant sans fournir de documents relatifs à sa situation financière et personnelle, à l'exception d'une pièce démontrant qu'elle est propriétaire d'un immeuble. Cette prétention sera donc rejetée.

Sur les demandes présentées par la S.A.R.L. PBFI

Le 18 septembre 2012, les époux X... ont conclu avec l'agence PBFI un mandat de vente de leur bien immobilier.

Le compromis du 18 décembre 2013 précise en page 14 que l'agence immobilière a participé aux opérations de négociation de cession du bien et que lui est accordée, à ce titre, une rémunération d'un montant de 10.000 € à la charge de Mme. Z....

La bénéficiaire de la promesse synallagmatique de vente a donc eu pleinement connaissance du rôle joué par la société ainsi que du droit à rémunération de celle-ci.

Estimant subir un préjudice en raison de l'attitude fautive de Mme. Z... ayant contribué à l'échec de la transaction immobilière, la S.A.R.L. PBFI sollicite la condamnation de celle-ci au versement du montant prévu au titre de sa rémunération.

En réponse, Mme. Z... estime que l'agence immobilière a manqué à son devoir de conseil.

Cet argument doit être rejeté dans la mesure où la S.A.R.L. PBFI relève à raison l'absence de tout lien contractuel entre elle-même et la bénéficiaire de la promesse de vente.

Aucune faute imputable à l'agence immobilière ne peut être invoquée à l'appui de la demande de la bénéficiaire de la promesse de vente tendant à être relevée indemne par celle-ci.

Au contraire, le comportement fautif de Mme. Z... relevé ci-dessus a fait perdre à l'agent immobilier, par l'entremise duquel elle a été mise en rapport avec les vendeurs qui l'avait mandaté, le montant de la commission prévu. Elle engage dès lors sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 et doit donc réparation à la S.A.R.L. PBFI au titre de la perte de chance de percevoir le montant de la rétribution escomptée.

Mme Z... sera donc condamnée à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts

Au regard du caractère indemnitaire de l'obligation financière mise à sa charge, la demande tendant à fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation sera rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme. Z... à verser aux époux X... ainsi qu'à la S.A.R.L. PBFI une somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 19 janvier 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux et, statuant à nouveau ;

- Condamne madame Jacqueline Z... épouse A... à verser à madame Simone Y... épouse X... et monsieur Christian X..., ensemble, une somme de 15.000 euros (quinze mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du jour de la signification de l'assignation ;

- Condamne madame Jacqueline Z... épouse A... à verser à la S.A.R.L. PBFI une somme de 4.000 euros (quatre mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

- Rejette les demandes présentées par madame Jacqueline Z... épouse A... ;

- Condamne madame Jacqueline Z... épouse A... à verser à madame Simone Y... épouse X... et monsieur Christian X..., ensemble, la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne madame Jacqueline Z... épouse A... à verser à la S.A.R.L. PBFI la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamne madame Jacqueline Z... épouse A... au paiement des dépens qui pourront être directement recouvrés par la Scp Gravellier Lief de la Lagausie par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par monsieur Roland Potée, président, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/01215
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°16/01215 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;16.01215 ?
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