La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°17/01430

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 08 novembre 2018, 17/01430


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 08 NOVEMBRE 2018



(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)





N° RG 17/01430







Fabien X...

Christelle Y...



c/



Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG



























Nature de la décision : AU FOND











<

br>
















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux (RG : 15/01670) suivant déclaration d'appel du 06 mars 2017





APPELANTS :



Fabien X...

né le [...]

demeurant [...]



Christelle Y...
...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 08 NOVEMBRE 2018

(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)

N° RG 17/01430

Fabien X...

Christelle Y...

c/

Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux (RG : 15/01670) suivant déclaration d'appel du 06 mars 2017

APPELANTS :

Fabien X...

né le [...]

demeurant [...]

Christelle Y...

née le [...]

demeurant [...]

Représentés par Me Benjamin Z..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG Société par Actions de Droit Suisse, immatriculée au RCS de ZUG sous le n° CHE 100.023.266, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST, suite à une cession de créances en vertu d'un bordereau de cession de créances du 11 décembre 2015, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Claire C... de la SCP CLAIRE C... & LAURÈNE D'AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX

Et assistée par Me Nicolas A..., avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Elisabeth LARSABAL, présidente,

Catherine BRISSET, conseiller,

Sophie BRIEU, Vice-Président placé,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

Selon acte notarié du 28 novembre 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est a consenti à la SCI Fabien du Clos Fossé un prêt immobilier d'un montant de 163 865 euros stipulé remboursable en 240 mensualités au taux de 5,52% sur une première période de 180 mois puis au taux révisable Euribor 1 an + 0.50% sur la dernière période de 60 mois.

M. X... et Mme Y..., co-gérants de la SCI emprunteur, se sont engagés en qualité de caution solidaire selon acte du 31 octobre 2008, chacun à hauteur de 213 024,50 euros pour une durée de 22 ans.

La SCI Fabien du Clos Fossé a cessé de faire face à ses engagements à compter de février 2015. Après mise en demeure de l'emprunteur, la banque a avisé les cautions de la déchéance du terme et les a mis en demeure de régler les sommes dues au titre du prêt déchu du terme.

Par acte du 19 août 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est a fait assigner en paiement M. X... et Mme Y... devant le tribunal de grande instance de Périgueux. Suite à la cession de sa créance, la société par actions de droit suisse Intrum Justitia Debt Finance AG (ci-après Intrum Justitia) est intervenue à l'instance.

Par jugement du 14 février 2017, le tribunal a, en synthèse, rejeté les demandes reconventionnelles des défendeurs et condamné in solidum M. X... et Mme Y... à payer à la société Intrum Justitia la somme de 132 785,24 euros avec intérêts au taux de 4,35% à compter du 23 juillet 2015, ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 19 août 2015 et rejeté les autres demandes.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que les engagements de caution n'étaient pas manifestement disproportionnés au sens des dispositions du code de la consommation et que la banque n'avait pas manqué à son obligation de mise en garde en présence de cautions averties.

M. X... et Mme Y... ont relevé appel de la décision le 6 mars 2017.

Dans leurs dernières écritures en date du 2 juin 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. X... et Mme Y... concluent à l'infirmation du jugement et formulent les demandes suivantes :

Dire et juger que la société Intrum Justitia venant aux droits de la Caisse de Crédit Agricole ne produit pas la fiche patrimoniale de M. X... et de Mme Y...,

Dire et juger que l'engagement de caution de M. X... et de Mme Y... est disproportionné,

Déclarer inopposable à M. X... et Mme Y... leur engagement de caution,

À titre subsidiaire :

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Dire et juger que la société Intrum Justitia venant aux droits de la Caisse de Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

Condamner la société Intrum Justitia venant aux droits de la caisse de Crédit Agricole à payer à Monsieur Philippe B... D... la somme de 132.785,24 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4,35 % à titre de dommages et intérêts,

Ordonner la compensation judiciaire des sommes réciproquement dues,

À titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article 1235-1 du code civil,

Dire et juger que l'indemnité d'exigibilité anticipée est une clause pénale,

En conséquence, réduire celles-ci à l'euro symbolique,

Confirmer le jugement du 14 février 2017 en ce que la société Intrum Justitia, venant

aux droits de la Caisse de Crédit Agricole, a été déboutée de sa demande de capitalisation,

Condamner Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charente, outre aux entiers dépens, à la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que l'intimée ne produit pas la fiche patrimoniale de renseignements et en déduisent le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution. Subsidiairement, ils invoquent le manquement de la banque à son devoir de mise en garde et font valoir qu'ils étaient des cautions profanes. Ils considèrent que la clause de majoration des intérêts constitue une clause pénale réductible et en l'espèce manifestement excessive. Ils soutiennent que la capitalisation des intérêts n'est pas possible au regard des dispositions du code de la consommation.

Dans ses dernières écritures en date du 21 août 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Intrum Justitia conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum des appelants au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution. Elle précise que les cautions détiennent l'ensemble des parts de la SCI Fabien du Clos Fossé laquelle est propriétaire de deux biens pour une valeur de 345 000 euros. Elle conteste avoir manqué à une obligation de mise en garde et considère que les cautions étaient averties. Elle soutient que la majoration des intérêts n'est pas une clause pénale et argue du caractère nouveau de la demande en appel.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 13 septembre 2018.

Compte tenu des erreurs matérielles entachant les conclusions des appelants, leur conseil a été autorisé à produire une note en délibéré à la seule fin de rectification de ces erreurs.

Une note en délibéré a été déposée le 27 septembre 2018 aux termes desquelles le nom de M. B... Djerahian doit être remplacé par celui de M. X... et Mme Y... et celui de la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente par celui de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Ouest.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour conclure à la réformation du jugement, les appelants invoquent en premier lieu la disproportion manifeste de leur engagement de caution.

Il résulte des dispositions de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

C'est sur la caution que repose la charge de la preuve de ce caractère manifestement disproportionné au jour de l'engagement. Alors que le premier juge avait expressément et exactement motivé sa décision sur la carence probatoire des cautions et sur le fait qu'il était difficile, au regard des éléments produits, d'appréhender la réalité de leur patrimoine en 2008, loin de produire des éléments complémentaires, ils ne justifient d'aucun élément.

La seule pièce figurant au bordereau de communication de pièce est l'offre de prêt de 2008. Ils ne donnent aucun élément sur leur situation de revenus et charges ainsi que leur patrimoine au jour de l'engagement de caution. Outre des rappels théoriques exacts mais non transposable sans pièces à la situation de fait, ils se contentent d'argumenter sur l'absence de production par l'intimée de la fiche de renseignements. Si ce document est certes pris en compte au titre des éléments qui étaient en possession de la banque au jour de l'engagement de caution et sur l'existence ou non d'anomalies apparentes, on ne saurait tirer de sa seule absence les conséquences invoquées par les cautions. En effet, à les suivre dans leur raisonnement le seul fait que ce document ne soit pas produit conduirait à considérer que le cautionnement est par principe manifestement disproportionné. Ceci reviendrait à renverser totalement la charge de la preuve alors que l'absence de fiche de renseignement ne dispense pas la caution de préciser et de justifier de sa situation au jour de l'engagement.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a écarté la disproportion manifeste.

À titre subsidiaire, les cautions invoquent un manquement de la banque à son devoir de mise en garde. La mention du nom de M. Philippe B... D... au profit duquel était formulée la demande indemnitaire, personne étrangère à la présente instance a été remplacée s'agissant d'une simple erreur matérielle procédant d'une manoeuvre informatique intempestive.

Il n'en demeure pas moins que la prétention n'est pas bien fondée.

En effet, à supposer qu'il existe un manquement de la banque, le préjudice en découlant ne peut être constitué que par une perte de chance de ne pas contracter. Or, les appelants n'évoquent pas même cette notion dans leurs écritures et sollicitent une indemnisation à la hauteur totale de leur dette.

Enfin, l'existence même d'un devoir de mise en garde suppose que soit remplie la double condition d'une caution profane et d'un risque d'endettement excessif.

Il est exact que le seul fait que les cautions soient gérantes de la SCI emprunteuse, et ce dans le cadre d'une SCI manifestement familiale et constituée pour des motifs d'acquisition de résidence principale, est insuffisant pour les qualifier de cautions averties. La cour observe qu'aucun élément n'est donné sur leurs parcours respectifs alors que M. X... était artisan et Mme Y... sans profession ce qui ne permet pas de les considérer comme des cautions averties. En revanche, aucun élément ne permet de caractériser un risque d'endettement excessif. Aucun élément n'est produit de ce chef et il n'est pas même articulé une argumentation à ce titre étant rappelé que d'une part l'engagement de caution n'est pas disproportionné et que d'autre part le débiteur principal a rempli ses engagements pendant plus de six ans.

Il ne peut donc être retenu un manquement au devoir de mise en garde et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire.

Sur le quantum de la dette, les cautions discutent uniquement la majoration du taux d'intérêt sur les échéances impayées. La demande n'est pas nouvelle puisqu'il était sollicité du premier juge qu'il qualifie cette stipulation de clause pénale et la ramèn à de plus justes proportions, ce qui correspond à la réduction d'une clause pénale. Le premier juge a exactement qualifié la stipulation contractuelle de clause pénale par des motifs que la cour adopte.

Il s'en déduit son caractère réductible. Le premier juge a retenu que s'agissant d'une indemnité d'un montant de 161,58 euros il ne pouvait être retenu de caractère manifestement excessif. La cour observe qu'il s'agit d'une fraction infime des sommes dues. Les appelants ne caractérisent en rien, ni même n'argumentent de ce chef, en quoi la clause serait en l'espèce manifestement excessive. Ils se contentent de la considérer comme inéquitable, ce qui est étranger au débat, au regard de leur situation de surendettement qui n'est pas même justifiée.

S'agissant de la capitalisation des intérêts, si les appelants rappellent de manière exacte l'application des dispositions de l'article L 312-23 du code de la consommation, ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de capitalisation. Or, le jugement avait ordonné la capitalisation, mais dans les conditions sollicitées par les défendeurs dans leurs écritures. La cour n'est donc pas saisie d'une demande de réformation de ce chef.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

L'appel étant mal fondé, les appelants seront in solidum condamnés à payer à l'intimée la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. X... et Mme Y... à payer à la société par actions de droit suisse Intrum Justitia Debt Finance AG la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. X... et Mme Y... aux dépens et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP C... & d'Amiens qui le demande.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, présidente, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/01430
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°17/01430 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;17.01430 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award