COUR D'APPEL DE BORDEAUX
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 30 OCTOBRE 2018
(Rédacteur : Catherine A..., Présidente)
N° de rôle : N° RG 17/04182
Jan Arthur X...
c/
Henriette B... Z... X...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats :
Décision déférée à la Cour : ordonnance de non conciliation rendue le 06 juin 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (cabinet 1, RG n° 16/10783) suivant déclaration d'appel du 11 juillet 2017
APPELANT :
Jan Arthur X...
né le [...] à HAMBOURG (ALL)
de nationalité Allemande
Profession : Gérant d'entreprise,
demeurant [...]
Représenté par Me Daniel C..., avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Henriette B... Z... X...
née le [...] à LILLE (59000)
de nationalité Française,
demeurant [...]
Représentée par Me Aurélie D... de l'AARPI TOURNY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du cpc, l'affaire a été débattue le 05 septembre 2018 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine A..., Présidente chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Président : Catherine A...
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Françoise ROQUES
Greffier lors des débats : Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.
M. X... et Mme B... se sont mariés le 27 novembre 1987 et ont adopté le régime de la séparation de biens.- De cette union sont nés :
- Alexie, le 18 août 1988,
- Arthur, le 4 avril 1990,
- Elliot, le 10 octobre 1995.
Par ordonnance de non conciliation en date du 6 juin 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- constaté par procès verbal que les époux acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci,
- attribué la jouissance du logement du ménage à l'époux, à titre onéreux,
- partagé la jouissance du mobilier du ménage,
- attribué la jouissance des véhicules Audi TT et 2CV à l'épouse,
- fixé à la somme mensuelle de 2 000 (deux mille) euros la pension alimentaire que l'époux devra verser à l'épouse au titre du devoir de secours,
- réservé les dépens.
Par déclaration au greffe en date du 11 juillet 2017, M. X... a interjeté appel total de cette décision.
L'ordonnance de clôture est en date du 22 août 2018. À l'audience de plaidoiries, les deux avocats ont demandé que l' ordonnance de clôture soit révoquée afin que toutes les pièces et conclusions échangées soient dans le débat ; cette ordonnance a été révoquée, plumitif renseigné.
Ils ont alors constaté que le dossier était suffisamment instruit de manière contradictoire et ont demandé qu'une nouvelle clôture soit prononcée sur le champ afin que l'audience puisse débuter .Il leur a été donné satisfaction, une nouvelle ordonnance de clôture étant ainsi rendue le jour des plaidoiries, avants les débats, plumitif renseigné
Aux termes de ses conclusions en date du 29 août 2018, M. X... demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'il a attribué à Mme B..., Ies véhicules Citroën 2CV et Audi TT à titre de jouissance,
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné M. X... à verser à son épouse la somme de 2 000 euros au titre de devoir de secours,
- dire qu'aucun devoir de secours ne sera du par M. X... à Mme B...,
- dire que la jouissance du logement du ménage sera attribuée à M. X... à titre gratuit et non à titre onéreux,
- condamner Mme B... à verser à M. X... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître C... sur la base de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions en date du 3 septembre 2018, Mme B... demande à la cour de :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoirie,
- rejeter les pièces n°75, 76 et 77 communiquées par M. X... le 24 août 2018,
- débouter M. X... de toutes ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de non conciliation en date du 6
juin 2017,
- condamner M. X... au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens.
SUR QUOI LA COUR;
L'appel est total mais les dispositions non contestées de l' ordonnance de non conciliation seront d'ores et déjà confirmées.
Sur le rejet des pièces 75, 76, 77 communiquées par M. X...
Au visa de l' article 954 du Code de procédure civile, Mme B... fait valoir qu'elle n'a pu répondre utilement aux pièces sus mentionnées qui ne sont pas indiquées pour chaque prétention et n'ont pas été communiquées simultanément .
Les deux parties ont demandé que la date de l'ordonnance de clôture soit reportée au jour de l'audience; Mme B... a conclu la dernière le 3 septembre 2018 et a pu répondre aux pièces sus visées communiquées le 29 août 2018. Le défaut de simultanéité de communication des pièces et l'absence de visa de trois pièces ne peuvent recevoir sanction dès lors que le principe du contradictoire a été respecté.
Sur la jouissance des véhicules automobiles
L'article 255 8° permet au juge aux affaires familiales de statuer sur l'attribution de la jouissance des biens indivis ou communs sous réserve des droits de chacun dans la liquidation du régime matrimonial.
Selon M. X..., les véhicules automobiles lui appartiennent ainsi qu'établi par leurs certificats d'immatriculation; Mme B... répond que ces certificats ne valent pas titre de propriété et que la voiture de marque AUDI ne comportant que deux places, elle utilise la voiture Citroën 2CV sur des petites distances lorsque ses petits enfants sont présents.
Les certificats d'immatriculation des véhicules ne valent pas titre de propriété. M. X... conclut d'ailleurs lui même que la carte grise de la voiture de marque Citroën 2CV est au nom de son épouse bien que payée par la société du Moulin de Laboirie
il n'est donc pas établi que les deux véhicules sus visés sont des bien propres.
Ensuite, M. X... ne conteste pas le nombre de véhicules du couple ( outre les deux véhicules sus visés) : une Audi A5, une Citroën B.X qui serait inutilisable selon Mme B..., une Land Rover Jeep Defender et deux motos. M. X... peut donc utiliser plusieurs véhicules et l'attribution de la jouissance des deux véhicules à l'épouse doit être confirmée sous réserve des droits de chacun dans la liquidation du régime matrimonial.
sur le devoir de secours
Aux termes des articles 212 et 255 du Code civil, les époux se doivent mutuellement secours et le juge peut, dans le cadre d'une procédure de divorce, condamner l'un d'eux à verser à l'autre - dans le besoin- une pension alimentaire destinée à assurer, dans la mesure du possible, les conditions de la vie commune sans permettre les dépenses somptuaires.
M. X... estime ne pas devoir payer de pension alimentaire à son épouse et demande de jouir du domicile conjugal ( Moulin de Laboirie ) à titre gratuit.
La jouissance à titre gratuit constitue une exécution du devoir de secours; il revient à la cour d'examiner les revenus et charges des parties avant de dire si l'un des époux doit secours à l'autre.
Aux termes de conclusions assez confuses, M. X... relate la création et l'évolution des SCI et de la SARL Dunker dédiée au négoce de pierres précieuses et fait valoir que :
* Mme B... a perçu en 2017 des salaires de 24 477 euros et des revenus fonciers de 9 003 euros, non comptée la pension alimentaire de 14 000 euros au titre du devoir de secours; qu'elle n'a aucune charge puisque faussement domiciliée chez des amis mais vivant avec un amant;
* le concernant et pour la même année , il a perçu un revenu de 12 000€ de la société Dunker et des revenus fonciers de 17 288€ dont il faut déduire la somme de 14 000 euros représentant la pension alimentaire qu'il verse au titre du devoir de secours; il s'acquitte des crédits, assurances et impôts...., vivant sur et des revenus du Domaine du Moulin de Laboirie.
Mme B... répond essentiellement que M. X... ne vit plus seul, qu'il ne produit pas les documents établissant le caractère déficitaire des biens immobiliers loués et dont certains sont grevés d'un crédit; qu'en tout cas, le compte courant d'associé de la Sarl Dunker était de 160 395 euros en 2017 et que les charges figurant aux bilans ne sont pas justifiées. Mme B... ajoute que le compte courant d'associé du Moulin de Laboirie s'élevait en 2016 à 408 565 euros, que M. X... n'évoque pas la SCI Oturie composée de deux appartements loués.
Mme B... dit travailler en tant que voyagiste en exécution de missions qui se raréfient et qui ont généré un revenu 670 euros par mois en 2017 et 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018. Elle évalue ses charges à hauteur de 675 euros en précisant vivre chez un couple ami auquel elle verse une contribution mensuelle de 500 euros.
La cour ne peut , dans le calcul des revenus et charges de chaque époux, prendre en compte le montant de la pension alimentaire fixée par le premier juge et dont le principe même est contesté par son débiteur.
Désireux de se constituer un patrimoine immobilier et de bénéficier d'une optimisation fiscale, M. X... et Mme B... ont créé la SCI Alarel composée de plusieurs immeubles comportant plusieurs locaux loués. M. X... argue de son caractère déficitaire et verse des bilans de cette SCI ( 2014 à 2017) indiquant- en dernier lieu- un encours de crédits de 1 306 000 euros et des comptes d'associés de 760 585€ qui s'ajoutent au passif. Si l'on tient pour sincères les bilans produits en l'absence de contrats de bail ou de tableaux d'amortissement, aucun des époux ne peut retirer de dividendes de cette SCI. En tout cas, le passif résulte principalement d'un amortissement immobilier.
Mme B... affirme sans être contredite qu'une SCI Oturie comporte deux appartements loués dont les baux et les tableaux d'amortissement d'un crédit ne sont pas produits. Est versée par M. X...' une déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés' qui indique un résultat net de 4 145 euros pour l'année 2017 dont il a déclaré des revenus à hauteur de 521 euros.( Pièce 70 ) M. X... n'indique pas avoir versé une somme identique à Mme B... dans la mesure des ses droits.
S'agissant de la SARL Moulin de Laboirie, la déclaration de revenus fonciers de M. X... pour l'année 2017 indique un loyer brut de 20 160 euros versé par elle à lui même. Des attestations produites par Mme B... interrogent la cour sur les possibles paiements en espèces. Cette même déclaration fait apparaître qu'il a perçu - au titre de l'année 2017- des loyers bruts de 2 486€ pour un immeuble situé [...] et qu'il est également propriétaire d'un immeuble sis [...] qui ne lui aurait rapporté aucun loyer sans que M. X... n'en explique la raison.
En tout état de cause, l'ensemble des revenus fonciers perçus par M. X... en 2017 pour un montant déclaré de 17 288 euros ne correspond pas à la somme de 2 276 euros évoquée dans ses conclusions. Cette situation révèle l'opacité entretenue par M. X... qui contredit des pièces qu'il produit.
S'agissant de la SARL Dunker qui apparaît à l'équilibre ( 385 euros de résultat courant avant impôt), les liquidités sont de 8 692 euros et des réserves non obligatoires sont mentionnées à hauteur de 46 897 euros sur lesquelles M. X... décide de ne pas prélever des dividendes. La cour ne peut retenir - contrairement à ses affirmations - que cette société est ' en sommeil'.
En définitive, M. X... qui gère l'ensemble des biens vise à se constituer un patrimoine tout entretenant un passif déficitaire et ce d'autant qu'il vit dans l'immeuble loué par la SARL Le Moulin de Laboirie. Son logement ne lui cause pas de charges mais est une source de revenus dont tous - selon attestations produites par Mme B... - ne seraient pas versés en chèque mais en espèces.
La seule pièce 56 de Mme B... ne suffit pas à établir que M. X... vit avec Mme Y... .
De son coté, Mme B... a perçu en 2017 un revenu de 670 euros par mois en 2017 et de 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018.
Il n'est pas établi que Mme B... n'aurait pas de charges puisque deux attestations, des bulletins de salaire et contrats de travail établissent qu'elle vit chez des amis auxquels elle verse une contribution mensuelle de 500 euros qui s'ajoutent aux charges énumérés pour un montant de 675€.
Ces éléments établissent que Mme B... est dans une situation de besoin nécessitant le versement par son époux d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours que le premier juge a légitimement fixée à la somme mensuelle de 2 000 euros.
M. X... ne peut prétendre à la jouissance de l'ancien domicile conjugal à titre gratuit qui constituerait l'exécution d'une obligation de secours de la part de son épouse. Il sera débouté de sa demande de ce chef.
L'équité commande de condamner M. X... à verser à Mme B... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant , M. X... supportera les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
la cour, après rapport;
Dit n'y avoir lieu à dire irrecevables les pièces 75, 76 et 77 de M. X... ;
Confirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions.
Y ajoutant, déboute M. X... de sa demande tendant à la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit ;
Condamne M. X... à verser à Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. X... aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine A..., présidente, et par Audrey COLLIN Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente