COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2018
(Rédacteur : Madame Marie-Jeanne D..., Président)
N° RG 16/05187
SCI BEGLES PAPIN
c/
SAS SOCULTUR
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 juin 2016 (R.G. 15/02475) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 03 août 2016
APPELANTE :
SCI BEGLES PAPIN agissant en la personne de son représentant légal
domicilié [...]
Représentée par Me X... E... Y... de la SCP D'AVOCATS INTER-C... Y..., avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Brigitte Z... substituant Me Anne A... de la B... - AARPI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS SOCULTUR prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]
Représentée par Me Josiane F..., avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 septembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Jeanne D..., Présidente chargé du rapport, et Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Marie Jeanne D..., Président,
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI Bégles Papin a, par acte sous seing privé du 5 mars 2010, donné à bail pour une durée de dix années à la société BAZAR DE L'HÔTEL DE VILLE qui l'a cédé le 5 novembre 2010 à la société SODIVAL aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Socultur, un local n° PAC 50 d'une superficie de 7.000 m2 située dans le centre commercial RIVES D'ARCIN à BEGLES en vue d'y exploiter une activité de vente et de services sous les enseignes CULTURA et IVIEONGA.
Au cours de l'année 2013, les propriétaires fonciers, regroupés au sein de l'AFUL du centre commercial Rives d'Arcins, ont fait procéder à différents travaux, dont les parkings extérieurs.
Estimant avoir indûment payé au bailleur la somme de 121.216,91 euros HT au titre de ces travaux et refusant d'acquitter 62.846,45 euros de factures supplémentaires, la société SOCULTUR a, par acte du 26 février 2015, saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une action en remboursement de la somme de 121.216,91 € HT et en contestation du surplus.
Par jugement du 28 juin 2016, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a :
- condamné la SCI Bégles Papin à payer à la société Socultur la somme de 121.216,91€ HT, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015 et capitalisation par années entières,
- dit que la société Socultur n'était pas débitrice des factures des 13 août 2014 et 28 juillet 2014 d'un montant respectif de 13.638,83 € HT et 49.207,62 euros HT et débouté la SCI Bégles Papin de sa demande reconventionnelle de ce chef,
- débouté la SCI Bégles Papin de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- ordonné, pour le tout, l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la SCI Bégles Papin à payer à la société Socultur la somme de 2.500 € application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Bégles Papin aux dépens.
LA COUR
Vu la déclaration d'appel de la SCI Bégles Papin ;
Vu les conclusions de la SCI Bégles Papin en date du 3 septembre 2018 aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- dire que la société Bégles Papin avait toute légitimité pour émettre les factures en date des 19 décembre 2013, 3 février 2014, 25 février 2014 et 20 mai 2014.
- dire qu'il n'y a pas lieu à restitution des sommes payées au titre de ces factures.
- dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts.
- si par impossible, la Cour devait confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 28 juin 2016, dire que les intérêts ne sont dus que depuis le 16 août 2016.
- condamner la société Socultur à lui restituer, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir, la somme de 122.965,97 €, laquelle a été remise à Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de BORDEAUX en sa qualité de séquestre.
- dire que cette somme doit être majorée des intérêts de retard au taux de l'intérêt légal, calculés depuis le 28 février 2017 jusqu'au jour effectif du remboursement.
- condamner la société Socultur à lui payer, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir, la somme de 75.415,73 € toutes taxes comprises.
- dire que les sommes dues seront majorés des intérêts de retard au taux de l'intérêt légal, augmenté de cinq points et ce :
'depuis le 13 août 2014 pour un montant de 16.366,59 €,
'depuis le 28 juillet 2014 pour un montant de 59.049,14 €
et calculés jusqu'au jour effectif du paiement.
- condamner la société Socultur à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement des articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile.
- condamner la société Socultur aux entiers dépens au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Vu les conclusions de la société Socultur en date du 3 septembre 2018 dans lesquelles elle demande à la cour de :
- confirmer en son entier le jugement entrepris ;
- condamner la SCI Bégles Papin à lui payer une indemnité complémentaire de 3.600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
- la condamner aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution ;
SUR CE
La société Bégles Papin fait valoir qu'elle a consenti un bail commercial sur des locaux sis au centre commercial 'Rives d'Arcins' le 5 mars 2010 à la société Sodival et que la société Socultur est venue aux droits de la société Sodival à la suite d'un apport partiel d'actif le 13 juillet 2010.
Elle indique que les travaux litigieux ont été votés par l'assemblée générale des copropriétaires le 21 novembre 2011 soit postérieurement à la signature du bail.
Elle soutient que les clauses du bail prévoyaient qu'étaient à la charge du preneur les réparations et réfection ainsi que l'éclairage du parking commun même celles occasionnées par la vétusté.
Dans ces conditions, elle affirme que la société Socultur est redevable pour sa quote-part des travaux réalisés sur le parking, la convention faisant la loi des parties.
Enfin elle conteste l'existence d'un manquement à son obligation de délivrance dans la mesure où le parking est une partie commune et ne gène en rien l'exploitation du local donné à bail.
La société Socultur invoque le fait que la vétusté du revêtement du parking était antérieure à la signature du bail ainsi que la société Bégles Papin le reconnaît dans ses conclusions.
Elle rappelle qu'en vertu des dispositions de l'article 1720 alinéa 1 du code civil, le bail est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce. Elle affirme que les conditions particulières du bail mettant à sa charge les travaux sur le parking même en cas de vétusté n'ont pas exclu l'application de cet article.
Elle souligne que l'apparence de la vétusté ne dispense pas le bailleur d'une délivrance conforme du bien loué même en l'absence de réserves de la part du preneur.
L'article 1720 du code civil dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et qu'il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Cependant cet article n'est pas d'ordre public et il peut y être dérogé par des conventions particulières.
En l'espèce, le contrat de bail intervenu entre les parties le 5 mars 2010 dispose dans les CONDITIONS GÉNÉRALES en son article 27 intitulé Charges modifié dans les CONDITIONS PARTICULIÈRES (Article 27.1 dernier paragraphe) que le preneur devra régler au bailleur pendant toute la durée du bail sa quote part de la dépense supportée par le bailleur dans toutes les charges communes de l'ensemble immobilier. Cet article précise que l'ensemble des charges communes de l'ensemble immobilier ainsi que les charges communes relatives à l'immeuble correspondra à des dépenses engagées pour compte commun de l'ensemble des preneurs qu'il s'agisse des dépenses engagées par le bailleur ou par le syndicat de copropriété ou tout autre organe de gestion.
Cet article définit les dépenses visées avec la précision que cette liste n'est pas limitative et notamment :
-l'entretien...les réparations y compris celles occasionnées par la vétusté...et rénovations de toute nature des parties, installations réseaux et équipements communs tant en ce qui concerne les structures ou sols...les circulations extérieures...
- ...réparation, remplacement renouvellement des parties,... à usage commun en ce compris celles occasionnées par la vétusté ou la force majeure et y compris celles visées par les articles 605, 606 du code civil à l'exception des gros travaux engendrés par un défaut affectant les fondations de la construction.
Il ressort de ces dispositions que les parties ont entendu mettre à la charge du preneur le coût des travaux notamment des parties communes même lorsque ceux-ci résultaient de la vétusté ou de la force majeure. La cour constate d'ailleurs que la société Socultur ne remet pas en cause formellement être débitrice des travaux portant sur les parties communes dans la mesure où elle conteste seulement le fait que la vétusté devrait être postérieure à la prise d'effet du contrat.
Cependant il convient de relever que la charge des travaux concernant les parties communes même en cas de vétusté n'a fait l'objet d'aucune limite quant au point de départ de cette vétusté.
Au contraire, cette clause contractuelle est claire et sans équivoque.
Soutenir le contraire serait de nature à entraîner une difficulté d'interprétation quant à l'appréciation de la date d'apparition d'une telle vétusté.
Dans ces conditions, en l'absence de limitation quant à la date d'apparition de la vétusté contenue dans cette clause contractuelle, il y a lieu de dire que c'est à bon droit que le bailleur, la société Bégles Papin, a adressé à la société Socultur les factures correspondant à sa quote-part dans la réalisation des travaux concernant le parking conformément aux dispositions contractuelles s'imposant aux parties.
Il convient en outre de relever que contrairement à la mention contenue dans le jugement déféré, la délibération votée pour la réalisation des travaux concernant le parking est intervenue le 21 novembre 2011 soit postérieurement à la signature du bail du 5 mars 2010.
En ce qui concerne un manquement de la part de la société Bégles Papin quant à la délivrance du bien objet du bail commercial, la cour constate que la Bégles Papin a bien délivré à la société Socultur le bien tel qu'il est décrit dans le bail et que les parties communes ne font évidemment pas parties de ce bail.
Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la société Bégles Papin un quelconque manquement à son obligation de délivrance.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Socultur de sa demande visant à obtenir le remboursement de la somme de 121.216,91 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015.
La société Bégles Papin demande la condamnation de la société Socultur à lui restituer la somme de 122.965,97 euros qui a été consignée entre les mains de M. Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Bordeaux le 28 février 2017.
Cependant le présent arrêt, affirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mis en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. En conséquence il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande de la société Bégles Papin.
D'autre part, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Bégles Papin sollicitant le paiement du solde des travaux à savoir les factures du 28 juillet 2014 et du 13 août 2014 pour un montant HT de 62.846,45 euros soit 75.415,73 euros TTC.
Il y a lieu de condamner la société Socultur au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal majorés de cinq points conformément aux dispositions contractuelles à compter du 1er septembre 2014 sur la somme HT de 49.207,62 euros plus TVA et à compter du 1er octobre 2014 sur la somme HT de 13.638,83 euros plus TVA, date d'exigibilité de ces deux factures.
La société Bégles Papin demande en outre la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et 32'1 du code de procédure civile.
Cependant, l'exercice d'une action en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, il échet de relever que la société Bégles Papin ne démontre ni l'existence d'une telle attitude de la part de la société ni même l'existence d'un dommage. Il convient en conséquence de la débouter de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Condamne la société Socultur à payer à la société Bégles Papin la somme de 75.415,73 euros TTC au titre des factures des 28 juillet 2014 et 13 août 2014.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal majorés de cinq points à compter du 1er septembre 2014 sur la somme de 49.207,62 euros HT plus TVA et à compter du 1er octobre 2014 sur la somme de 13.638,83 euros HT plus TVA et ce jusqu'à complet paiement.
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour.
Déboute la société Bégles Papin de sa demande fondée sur l'article 1382 du code civil et sur l'article du code de procédure civile.
Condamne la société Socultur aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne D..., présidente, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE