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24/10/2018 | FRANCE | N°16/05821

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 octobre 2018, 16/05821


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CINQUIÈME CHAMBRE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 OCTOBRE 2018



(Rédacteur : Madame Nathalie X..., Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/05821







Madame Danielle Y...



c/



Association ENTREPRISE D'INSERTION DES AVEUGLES DU SUD-OUEST (EI PRESTA)

















Nature de la décision : AU FOND








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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 septembre 2016 (R.G. n°F 14/02731) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 27 septembre 2016,





APPELA...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 OCTOBRE 2018

(Rédacteur : Madame Nathalie X..., Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/05821

Madame Danielle Y...

c/

Association ENTREPRISE D'INSERTION DES AVEUGLES DU SUD-OUEST (EI PRESTA)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 septembre 2016 (R.G. n°F 14/02731) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 27 septembre 2016,

APPELANTE :

Madame Danielle Y...

née le [...] de nationalité Française, demeurant [...]

assistée et représentée par Me Sandrine Z..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Association Entreprise d'insertion des aveugles du Sud-Ouest (EI PRESTA), prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 402 734 784

assistée et représentée par Me Pierre-louis A... de la SCP KPDB, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie X..., présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Catherine B... de Gordon, présidente

Madame Nathalie X..., présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie E...,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 24 octobre en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme Y... a été engagée par l'Association EI PRESTA dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en date du 13 septembre 2004, en qualité de technico-commerciale.

Sa rémunération était constituée d'une partie fixe de base d'un montant de 2.282,96 € pour une durée de travail de 169 heures outre des commissions calculées sur la marge brute de ses clients dont le barème était établi chaque année dans le cadre d'une lettre de mission.

Par avenant en date du 01 mai 2011 avec effet rétroactif au 01 janvier 2011, elle a été promue au statut cadre en tant que responsable du service commercial.

Madame Y... a adressé un courrier à l'Association EI PRESTA le 10 avril 2014 dans lequel elle a fait état d'un certain nombre de questions sur les difficultés rencontrées dans son travail au cours de l'année précédente notamment sur le fait qu'elle n'avait plus aucune visibilité ni sur les objectifs de l'association, ni sur une partie de l'activité commerciale, qu'elle avait appris qu'un responsable de développement commercial été recruté, sans en avoir été auparavant informé.

Elle s'est déclarée dans ce courrier par ailleurs extrêmement choquée de l'annonce de la réduction de ses commissions sur les résultats obtenus.

Le 4 juin 2014, l'Association EI PRESTA lui a répondu, faisant état de la dégradation de l'ambiance dans le service de Madame Y..., contestant les griefs allégués par la salariée, et, s'agissant des primes, confirmant qu'elles avaient été remises en cause pour l'année 2013, compte tenu de la poursuite de la non atteinte des objectifs, de l'ambiance délétère dans laquelle s'est trouvé le service de Madame Y..., et de la réorganisation qu'il avait fallu opérer.

Par courrier en date du 17 juin 2014, l'Association EI PRESTA a notifié à Madame Y... un avenant modifiant les modalités de calcul de ses commissions à compter de l'année 2014 de la manière suivante :

- prime CA si le CA est de 1880K€ : 12,5 K€

si le CA est de 1970 K€ : 15 K€

si le CA est de 2068 K€ : 17,5 K €

- 3% du CA sur les nouveaux clients

- 3€ du CA sur les nouveaux produits

- bonus d'un mois de salaire si le résultat brut est atteint.

Par courrier du 11 juillet 2014, la salariée a fait part de son refus de modification de son contrat de travail et du mode de calcul de sa rémunération, précisant que depuis le recrutement du Directeur du développement, ses attributions se trouvaient limitées à la prospection commerciale.

Par courrier en date du 13 octobre 2014 Madame Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur pour les motifs suivants :

- Modification unilatérale du contrat de travail en contradiction avec la fiche de poste

- Réduction de son activité de prospection

- Incidence directe sur le calcul de ses commissions

- Suppression des responsabilités liées au poste

- Non paiement des commissions pour l'année 2013

- Volonté caractérisée de porter atteinte à son état de santé.

Le 14 octobre 2014, elle a saisi le conseil de prud'hommes de BORDEAUX, lequel, par jugement du 2 septembre 2016, a:

- jugé infondés les griefs invoqués par Madame Y... pour justifier de sa prise d'acte, et dit que la rupture de son contrat de travail en date du 13 octobre 2014 produirait les effets d'une démission,

- condamné l'Association EI PRESTA à verser à Mme Y... les sommes suivantes:

- 11.803,38 € au titre du rappel de commissions pour l'année 2013,

- 1.180,33 € au titre des congés payés afférents,

- débouté Mme Y... du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile,

- condamné l'Association EI PRESTA aux entiers dépens.

Mme Y... a relevé appel par acte en date du 28 septembre 2016.

Aux termes de ses conclusions du 13 mars 2018, Madame Y... demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'une démission, de dire fondée la prise d'acte de la rupture par elle et en conséquence que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'Association EI PRESTA à lui verser les sommes suivantes :

- Rappel de commissions 2013 : 17 046,54 €

- Congés payés afférents : 1 704,65 €

- Rappel de commissions 2014 : 16 109,77 €

- Congés payés afférents : 1 610,97 €

- Dommages et intérêts : 10 000 €

- Rappel de congés payés sur commissions 2011 : 904,06 €

- Rappel de congés payés sur commissions 2012 : 1 002,33 €

- Dommages et intérêts pour perte contrat AG2R : 3 002,24 €

- Indemnité légale de licenciement : 23 176,59 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 15 865,21 €

- Congés payés afférents : 1 586,52 €

- Dommages et intérêts (18 mois) : 95.191,23 €

- Rappel heures supplémentaires : 30.027,88 €

- Congés payés afférents : 3 002,78 €

- Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 8000 €

- Rappel montant DIF : 1.098 €

- Dommages et intérêts pour non remise des documents de rupture : 5 288,40 €

- Article 700 du Code de procédure civile : 3 000 €.

Par conclusions du 7 mai 2018, l'association EI PRESTA demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce que les griefs allégués par Madame Y... pour justifier sa prise d'acte de la rupture sont infondés et, dès lors, que la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'une démission, et en ce qu'il a jugé mal fondées les demandes d'heures supplémentaires.

L'intimée sollicite la réformation du jugement déféré en ce qui concerne les demandes de commissions, et sollicite le rejet des prétentions de l'appelante de ce chef.

Elle sollicite le paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamnation de l'appelante aux dépens.

L'ordonnance de clôture, rendue le 15 mars 2018, a été révoquée sur l'accord exprès des parties, et la clôture est de nouveau intervenue le 15 mai 2018.

MOTIFS

- Sur les demandes de rappel de salaires :

Sur les commissions 2013 et 2014:

L'avenant au contrat de travail de Madame Y... signé le 2 mai 2011 prévoit, au titre de la part variable de sa rémunération:

'le plan d'intéressement :

21 : Danielle conservera les 12'000 € annuels de commissions qu'elle a, bon an, mal an, la rémunération fixe de base étant destinée à reconnaître le supplément de responsabilité entraînée par le statut cadre.

Ces 12'000 € de commissions annuelles seront conservées sous réserve que le chiffre d'affaires ne descende pas en dessous de 800'000 € (chiffre sur lequel elle était commissionnée jusqu'à maintenant). Si le chiffre d'affaires passe en dessous de ce montant, la commission sera réduite dans les mêmes proportions que la baisse de ce chiffre d'affaires.

22 : pour le management du service, et seulement pour 2011, une prime forfaitaire de 2000 € est prévue, selon deux critères : la définition d'une stratégie commerciale pour les trois ans à venir, et la définition des fiches de fonctions des personnes qui lui sont rattachées. Ces deux thèmes devront faire l'objet d'une validation de la part du comité de gestion.

Pour les années suivantes, le montant sera de 4000 €, et sera transformé en un pourcentage sur les nouveaux chiffres d'affaires réalisées sur la diversification. Il s'ajoutera au pourcentage défini à l'article 24.

23 : pour le service (Danielle, Danila et Jérôme), une commission sera versée sur le chiffre d'affaires réalisées au-delà de 1'400'000 €. Le taux prévu est de 3 %, et Danielle gère cette enveloppe pour son service.

24 : pour la diversification, un taux individuel de même nature et de même montant est prévu : 3 %. La diversification comprend : gestion de bases de données, phoning, et gestion des NPAI.

Il ne s'applique pas au chiffre d'affaires réalisées avec l'Unadev. Il ne s'applique pas également au chiffre d'affaires portant sur ces domaines et déjà réalisé actuellement.

Il s'applique sous réserve que le niveau minimum de chiffre d'affaires sur le métier actuel de PRESTA, et stipulé à l'article 23, soit respecté.

Le taux de 3 % s'applique pour Danielle aux affaires qu'elle a signées directement.

Pour les affaires signées par ses collaborateurs, le taux de 3 % est réparti entre 0,5 % pour Danielle, et 2,5 % pour ses collaborateurs.

25 : enfin, Danielle reste éligible, comme tout le personnel, à la prime de fin d'année, décidée par le directeur. »

À l'appui de ses demandes, Madame Y... produit un décompte des sommes qui lui sont dues en application des articles 21 à 24-2 de l'avenant au contrat de travail du 5 mai 2011.

L'association EI PRESTA ne verse aux débats aucune lettre de mission postérieure à l'avenant du 5 mai 2011.

Pour l'année 2013 les tableaux qu'elle produit faisant apparaître le chiffre d'affaires pour cette même année, sans autre indication, ne sont pas de nature à constituer pour Madame Y... un engagement de nature contractuelle à réaliser le chiffre d'affaires projeté.

La salariée est en conséquence fondée à solliciter pour l'année 2013 la somme de 17'046,54 € au titre du rappel des commissions outre les congés payés afférents, soit

1 704,65 €, déduction faite de la prime de 12'000 € qui lui a été réglée en avril 2014, l'association ne produisant aux débats aucun élément de nature à remettre en cause le calcul opéré par la salariée, au regard du contrat de travail et de son avenant.

Pour l'année 2014, Madame Y... expose que, malgré une sommation de communiquer, elle n'a pas connnaissance du chiffre d'affaires effectivement réalisé en 2014 par elle-même et son équipe.

Elle soutient qu'en refusant de communiquer ces éléments, l'Association EI PRESTA a commis une faute et lui cause nécessairement un préjudice, et sollicite à titre de dommages et intérêts la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.

S'agissant de cette année, la cour constate que l'avenant au contrat de travail proposé à la salariée le 17 juin 2014 modifie le mode de calcul des commissions commerciales de Madame Y... .

Il ne s'agit pas seulement, comme le soutient l'employeur, d'une modification relative au chiffre d'affaires devant être atteint par la salariée, mais d'une révision totale du mode de calcul de ses commissions, et de leur attribution.

Faute d'avoir été expressément accepté par Madame Y..., cet avenant ne peut trouver application pour les sommes qui lui sont dues au titre de l'année 2014.

Il ressort du document intitulé « statistiques clients » produit par l'association EI PRESTA que le chiffre d'affaires effectué par Madame Y... au moment de son départ de l'association s'élevait à la somme de 1'310'226,98 euros.

La salariée peut revendiquer le paiement des primes qui lui sont dues en vertu du contrat de travail et de son avenant de 2011, au prorata de sa présence dans l'entreprise.

Madame Y... ayant quitté l'association le 31 octobre 2014, elle ne peut prétendre qu'au versement de la prime prévue à l'article 21 de l'avenant au prorata Temporis, c'est-à-dire 10'000 €, à celle de 3333,33 € au titre de la prime prévue à l'article 22, et à 109,77 € en application de l'article 24'2 de l'avenant au contrat de travail.

Il lui sera alloué la somme de 11.443,10 € à ce titre outre la somme de 1 144,31 € au titre de congés payés afférents.

La salariée ne peut en revanche revendiquer le paiement d'autres commissions, dès lors que le calcul de l'enveloppe due pour le service ne peut être opéré qu'à l'issue de l'année écoulée, et que Madame Y... a quitté l'entreprise le 31 octobre 2014.

Il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à sa demande en dommages et intérêts de ce chef.

Sur les rappels de salaire pour 2011 et 2012 :

C'est à tort que Madame Y... sollicite le paiement de l'indemnité de congés payés sur les commissions qu'elle a perçues en 2011 et 2012, dès lors que ces commissions qui ne constituent pas un pourcentage du salaire, mais sont proportionnelles au chiffre d'affaires réalisé, ne rentrent pas dans l'assiette de l'indemnité de congés payés.

Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Madame Y... expose avoir effectué 1199h26 à titre d'heures supplémentaires d'octobre 2011 à octobre 2014.
Pour contester le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement d'heures supplémentaires, elle soumet à la Cour les mêmes moyens et prétentions que ceux soumis à l'appréciation des premiers juges qui ont, par des motifs pertinents que la Cour fait siens, estimé que les documents produits par la salariée ne permettent pas de corroborer ses dires tant au niveau des heures d'envoi des e-mails que des heures réellement effectuées, Madame Y... n'étant pas soumise à des horaires journaliers fixes.

Il sera ajouté que, conformément à ce que soutient l'intimée, la preuve n'est pas rapportée qu'il ait été demandé à Madame Y... d'effectuer des heures supplémentaires, pas plus que celle-ci ne justifie avoir sollicité l'autorisation d'augmenter ses horaires de travail.

Dès lors que la cour n'est pas en mesure de vérifier l'amplitude horaire journalière de la salariée, il convient de considérer que les éléments qu'elle apporte aux débats ne sont pas suffisants pour constituer des indices probants des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur les demandes au titre du harcèlement moral :

Conformément aux dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, le salarié concerné, conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, il ressort des pièces médicales versées aux débats par la salariée qu'elle n'a connu que de courtes périodes d'arrêt maladie en septembre et octobre 2014, alors que le certificat médical daté de février 2015 n'apparaît pas probant en ce qui concerne la cause de la dégradation de son état de santé.

Par ailleurs, la salariée fait valoir à tort que son exclusion des comités de gestion constituerait des faits de harcèlement moral, dès lors que sa participation auxdits comités de gestion était limitée aux comités consacrés aux orientations stratégiques, budgétaires et commerciales de l'association, et qu'il n'est pas démontré qu'elle en ait été volontairement exclue.

De la même façon, le fait qu'elle ne figure pas sur une plaquette de l'entreprise publiée en 2015 ne saurait constituer un fait de harcèlement.

Enfin, la modification de l'organisation du service commercial de l'association, et le recrutement en avril 2014 d'un responsable de développement commercial ne constitue pas plus une décision de l'employeur constituant un harcèlement moral, mais l'exercice normal de son pouvoir de direction.

Les éléments exposés par Madame Y..., pris dans leur ensemble, ne sont pas constitutifs de faits de harcèlement moral, et c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté ce chef de demande.

- Sur la prise d'acte:

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, et ceux-ci doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La rupture est imputable à l'employeur lorsque celui-ci ne respecte pas la loi, la convention collective ou ses engagements contractuels, dès lors que les faits sont établis et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

- Sur la modification unilatérale du contrat de travail de Mme Y... :

A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir :

- qu'à partir de 2013, elle n'a plus été invitée aux réunions du comité de gestion, alors qu'elle y participait auparavant

- que depuis le recrutement de Monsieur C..., directeur du développement, en avril 2014, sa fiche de poste a été fortement modifiée, puisqu'elle a été rattachée hiérarchiquement à Monsieur C... qui a pris le management direct des collaborateurs, le développement et la gestion du service commercial à compter de son engagement dans l'association,

- que ses fonctions ont été de plus en plus restreintes,

- qu'en conséquence, bien que l'intitulé du poste de responsable commercial soit resté inchangé, tel n'a pas été le cas du contenu de ses fonctions, profondément affectées par les nouvelles attributions dévolues au directeur du développement,

- que ces changements sont constitutifs d'une modification substantielle de son contrat de travail, qu'elle a refusée, et qui justifie de la sorte à elle seule la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

L'association intimée fait valoir pour sa part que les fonctions de Madame Y... n'ont pas été modifiées en ce qui concerne l'encadrement des commerciaux, ni s'agissant de la signature des devis, que ni Monsieur D..., ni ensuite Monsieur C... n'ont jamais refusé à Madame Y... le droit de bénéficier d'une marge de discussion avec un client.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié. La circonstance que la tâche donnée à l'intéressé soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement ne caractérise pas une modification du contrat de travail, dès l'instant où elle correspond à sa qualification.

Seule la modification des attributions entraînant une diminution des responsabilités du salarié est constitutive d'une modification unilatérale du contrat de travail.

En l'espèce, la modification de l'organisation du service commercial, rendue nécessaire par la situation économique de l'association en 2013, ne constitue pas en soi une rétrogradation de Madame Y....

La perte de la responsabilité hiérarchique invoquée par Madame Y... n'est pas démontrée, dès lors qu'elle a continué à être chargée de la répartition entre elle-même et ses deux collaborateurs de l'une des commissions fixées dans son contrat de travail.

Elle ne démontre pas plus avoir été exclue de la formation au nouveau logiciel utilisé pour la gestion commerciale.

-Sur le non-paiement des commissions :

Le salaire de Madame Y... lui a toujours été réglé ponctuellement,.

Le litige portant sur une partie des commissions dues pour 2013, et sur les commissions dues pour 2014, non encore exigibles au jour du départ de la salariée de l'entreprise, les manquements invoqués par Madame Y... sur ce point ne sont pas suffisants pour justifier de la part de la salariée la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de BORDEAUX a rejeté les demandes de Madame Y..., en considérant que la rupture de son contrat de travail en date du 13 octobre 2014 doit produire les effets d'une démission.

- Sur les dommages et intérêts pour perte de contrat AG2R:

L'association EI PRESTA n'invoque aucun moyen pour s'opposer à la demande de Madame Y... de ce chef.

Il ressort des explications de l'appelante, non contestées par l'intimée, que l'absence de versement sur le contrat de retraite et prévoyance AG2R, d'un pourcentage de 7,80% sur les commissions qui lui sont dues lui a causé un préjudice équivalent au montant qui aurait dû être versé.

Au regard des sommes allouées par ailleurs, Madame Y... est fondée à solliciter à ce titre la somme de 2.222, 19 € que l'association EI PRESTA sera condamnée à lui verser.

- Sur les demandes relatives à la remise des documents de rupture et au droit individuel à la formation:

Il ressort du courrier officiel adressé par le conseil de l'association EI PRESTA au conseil de Madame Y... que celle-ci a obtenu en cours d'instance une attestation Pôle Emploi rectifiée mentionnant le motif de rupture invoqué par la salariée.

L'appelante ne justifie pas du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'inexactitude de la mention figurant sur l'attestation initialement remise, et le jugement déféré sera confirmé en ce que cette prétention a été rejetée.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens d'appel seront laissés à la charge de chacune des parties, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné l'association EI PRESTA aux dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens, et il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 2 septembre 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant le montant dû au titre de rappel de commissions pour l'année 2013, en ce qu'il a rejeté la demande pour l'année 2014, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du contrat de retraite et prévoyance ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs :

Condamne l'association EI PRESTA à verser à Madame Danielle Y... les sommes suivantes :

-17.046,54 € au titre des commissions dues sur l'année 2013et 1 704,65 € au titre des congés payés afférents ;

- 11.443,10 € au titre des commissions dues pour l'année 2014 et 1 144,31 € au titre des congés payés afférents ;

- 2.222, 19 € à titre de dommages et intérêts pour perte de contrat AG2R;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Dit que chaque partie gardera à sa charge ses propres dépens d'appel.

Signé par Madame Catherine B... de Gordon, présidente et par Anne-Marie E..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie E... Catherine B... de Gordon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/05821
Date de la décision : 24/10/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/05821 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-24;16.05821 ?
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