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24/10/2018 | FRANCE | N°16/03322

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 octobre 2018, 16/03322


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 24 OCTOBRE 2018



(Rédacteur : Madame Nathalie PIGNON, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/03322









Monsieur [M] [R]



c/



ASSOCIATION OREAG

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRA

R non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 avril 2016 (...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 OCTOBRE 2018

(Rédacteur : Madame Nathalie PIGNON, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/03322

Monsieur [M] [R]

c/

ASSOCIATION OREAG

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 avril 2016 (RG n° F 12/02911) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 mai 2016,

APPELANT :

Monsieur [M] [R], né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

(33340), de nationalité française, profession chef de service éducatif, demeurant [Adresse 1],

Présent et assisté de Maître Rachelle HAMADI-VEYNE, avocate au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

ASSOCIATION OREAG, prise en la personne de sa représentante légale Madame [B] domiciliée en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

représentée par Maître Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie Pignon, Présidente chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Catherine Dupouy de Gordon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière et Madame Pélagie Fourdinier, greffier stagiaire,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

- prorogé au 24 octobre 2018 en raison de la charge de travail de la Cour.

***

Monsieur [M] [R] a été embauché par l'association OREAG à compter du 20 mars 2003 suivant contrat à durée indéterminée en qualité d'éducateur sportif faisant fonction d'éducateur.

Par avenant du 1er septembre 2010, il a été reclassé au statut de Chef de service éducatif.

Le 13 Septembre 2012, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le 24 septembre 2012.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 02 octobre 2012, Monsieur [M] [R] a été licencié pour faute grave.

Le 14 décembre 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester son licenciement.

Par jugement en date du 29 avril 2016, le conseil de prud'hommes en formation de départage a rejeté les demandes de Monsieur [M] [R] et jugé que le licenciement pour faute grave et la décision de mise à pied conservatoire préalable étaient fondés. Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'association OREAG et a condamné Monsieur [M] [R] aux dépens

Par déclaration en date du 20 mai 2016, Monsieur [M] [R] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutés.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 1er août 2016 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 05 juin 2018, Monsieur [M] [R] sollicite la réformation du jugement entrepris, le prononcé de la nullité de la mesure de mise à pied et la condamnation de l'association OREAG pour licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sollicite :

la remise du certificat faisant mention des emplois successivement occupés ;

15 849,76 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

1 584,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

23 774,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

140 000 euros au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse ;

l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire du 13/09/2012 au 02/10/2012 ;

2 641,62 euros au titre du paiement de salaire correspondant à la mise à pied ;

1 500 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 05 avril 2018 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 05 juin 2018, l'association OREAG sollicite :

la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé fondés le licenciement pour faute grave et la décision de mise à pied conservatoire ;

la réformation pour le surplus du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par l'association OREAG.

L'association OREAG sollicite la condamnation de Monsieur [M] [R] aux sommes suivantes :

2 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Par courrier du 02 octobre 2012, qui fixe les limites du litige, Monsieur [M] [R] a été licencié pour faute grave.

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié.

Par ailleurs, Monsieur [M] [R] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du contrat de travail pendant le préavis.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' Le 11 septembre 2012, il a été porté à ma connaissance par les services de protection judiciaire de la jeunesse que, le 8 août dernier, alors que vous étiez en position de Directeur par intérim, vous avez été alerté par la gendarmerie de la présence au sein de leur local d'un mineur placé au sein du Centre Educatif Fermé.

Celui-ci présentait une fracture de la mâchoire nécessitant une ITT de 15 jours, suite à des faits de violence d'une extrême gravité provoqués par un groupe de jeunes placés également au Centre Educatif Fermé.

Après un bon moment, vous êtes arrivé à la gendarmerie et avez interpellé violemment le jeune en fugue en lui demandant pourquoi il était venu porter plainte, alors même que celui-ci, en position de fragilité, était en demande de soutien de votre part.

Par la suite, lorsque Madame [O], Vice-procureur de la république, prend la décision de sortir ce mineur en danger du Centre Educatif Fermé, vous vous êtes permis de critiquer de façon agressive à deux reprises son ordonnance.

Hormis un appel bref auprès de votre Directeur, en congés à ce moment là, vous n'avez pas informé le Directeur Général par intérim en place alors même que vous étiez en position de Directeur par intérim du Centre Educatif Fermé.

L'information que vous avez faite auprès des services de protection judiciaire de la jeunesse sur cet incident n'a pas respecté la procédure établie car vous vous êtes contenté d'informer partiellement par téléphone le Directeur territorial de la Protection judiciaire de la jeunesse de cet incident sans lui transmette, comme habituellement, le rapport d'incident sur ces faits ni la déclaration de fugue du jeune violenté malgré une demande expresse de sa part.

Il aura fallu que le Procureur de la république en personne interpelle les services de protection judiciaire de la jeunesse concernant cette affaire pour que nous soyons, par répercussion, informés de ces faits.

Pour votre défense, vous vous êtes contentés d'indiquer que certes cette situation était embarrassante mais que vous ne pensiez pas que cela allait prendre ces proportions sans prendre conscience :

- de votre défaut de surveillance des jeunes placés au Centre Educatif Fermé,

- de votre comportement violent envers le jeune en fugue,

- de votre comportement agressif envers Madame [O], Vice-procureur de la république,

- de votre négligence professionnelle à ne pas rendre compte par écrit de cet incident auprès de la protection judiciaire de la jeunesse et auprès du Directeur Général.

Je vous rappelle qu'en tant que cadre, vous avez la responsabilité de veiller au bon fonctionnement du Centre Educatif Fermé et d'entretenir de bonnes relations avec les services judiciaires et les autorités de tutelle qui nous financent.

Nous estimons que votre attitude et vos actes relèvent d'une faute professionnelle inacceptable au regard de votre fonction de Chef de service et de Directeur par intérim du Centre Educatif Fermé et nuisent gravement à notre association.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans notre structure.'

La lettre de licenciement est motivée par quatre griefs, un défaut de surveillance, un comportement violent envers le jeune du centre éducatif fermé, un comportement agressif envers Madame la Vice-procureur de la république, une négligence professionnelle.

Sur le premier grief, soit le défaut de surveillance :

L'association OREAG reproche à Monsieur [M] [R] un défaut de surveillance à l'origine de la fugue.

Monsieur [M] [R] explique que la surveillance du groupe revenait à l'éducateur en charge de la surveillance des jeunes.

Il est constant que Monsieur [M] [R], chef de service éducatif, a assuré la direction par intérim du centre éducatif fermé, du 6 août au 2 septembre 2012, durant les congés annuels du Directeur, Monsieur [J] [F].

Le 8 août 2012, le jeune [M] a fugué pour se rendre à la gendarmerie [Localité 2] où il a déposé plainte de son propre chef pour des faits de violence qui se seraient déroulés la veille.

Vers 18 heures, les gendarmes ont contacté Monsieur [M] [R] pour l'informer que le jeune [M] était dans leur locaux. Le chef de service s'est alors rendu à la gendarmerie.

L'association OREAG, qui prétend que Monsieur [M] [R] n'est arrivé que tardivement à la gendarmerie, n'en rapporte pas la preuve.

Par ailleurs, aucune pièce relative aux missions du chef de service éducatif de l'association n'est produite aux débats.

Toutefois, la convention collective nationale du 15 mars 1966 dont relève le centre éducatif fermé précise que le chef de service éducatif 'assume les responsabilités éducatives, administratives dans le cadre de missions ou de directives fixées par son supérieur hiérarchique'. Il est notamment chargé 'de la mise en oeuvre et du suivi des objectifs éducatifs collectifs et/ou individualisés définis par le projet pédagogique de la structure concernée'. Ainsi, le chef de service éducatif coordonne les activités afin d'assurer la prise en charge des publics.

Dans un courrier du 12 octobre 2012 adressé au directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse, le Directeur Général de l'association OREAG a précisé que les jeunes présents sur la structure étaient, le soir des faits, encadrés par Monsieur [C] [O], moniteur-éducateur en CDD, qui n'a semble-t-il jamais contrôlé la présence du jeune [M]'.

En présence d'un éducateur en charge de la surveillance d'un nombre réduit de jeunes, de surcroît en période de congé du directeur, sans alerte particulière ou de difficulté de l'éducateur, le défaut de surveillance ne peut être reproché à Monsieur [M] [R].

Bien que l'attitude du jeune [M] ait éveillé l'attention de Monsieur [Z] [S], éducateur, qui a consigné dans le cahier de liaison le 8 août à une heure indéter-

minée : '[M] semble se renfermer sur lui-même et reste cloîtré dans sa chambre', force est de constater qu'aucune information auprès du chef de service éducatif n'a été transmise.

Compte tenu de ces éléments, ce grief n'est pas suffisamment caractérisé dans sa matérialité et ne peut donc servir de base au licenciement de Monsieur [M] [R].

Sur le deuxième grief, soit le comportement violent envers le jeune du centre éducatif fermé :

Le salarié explique dans son courrier du 24 octobre 2012 n'avoir à aucun moment été injurieux à l'égard de qui que ce soit, conscient du contexte.

En réponse à une demande de la direction générale de l'association OREAG, Madame [F] [O], vice-procureur, a écrit dans un mail du 14 septembre 2012 : 'J'essaie de me souvenir et de récapituler : il ne s'était donc pas rendu compte de la fugue du mineur et a mis beaucoup de temps à arriver à la gendarmerie après leur appel. Il a devant les gendarmes quasiment crié sur ce mineur, lui demandant pourquoi il était venu là, pourquoi il déposait plainte etc...'

Il est à noter que Madame [F] [O] n'a assisté à aucun événement relatif au mineur en fugue, la vice procureur rapportant plus d'un mois plus tard les dires des gendarmes qui auraient été témoins de la violence de Monsieur [M] [R] à l'égard du jeune [M] dans les locaux de la gendarmerie.

Si à son arrivée, Monsieur [M] [R] a pu questionner le jeune sur sa présence à la gendarmerie, il n'en demeure pas moins que les gendarmes ont laissé le chef de service éducatif repartir avec le jeune [M] afin de le conduire dans un centre éducatif renforcé.

Le directeur du centre qui a accueilli le jeune [M] le soir même du 08 août atteste de l'accompagnement du jeune par Monsieur [M] [R] et précise que : 'le climat était tout à fait détendu et aucune tension n'était perceptible entre ces deux personnes. Dans la soirée, l'adolescent s'est rapidement fondu dans le groupe sans jamais faire état de quelque incident que ce soit avec Monsieur [R] ni auprès des jeunes ni auprès des adultes de la structure'.

De même, Madame [E] [N], psychologue au sein du centre éducatif fermé, décrit, dans un mail du 11 octobre 2012, Monsieur [M] [R] comme une personne de confiance qui savait se rendre disponible et bienveillant à l'égard des jeunes garçons placés au centre et qui savait faire preuve d'écoute.

Madame [A] [J], autre collègue de Monsieur [M] [R], écrit dans un mail du 03 octobre 2012 que ce dernier est un éducateur et un chef de service droit et intègre.

Si Monsieur [M] [R] a pu faire preuve d'un comportement inadapté, il ne constitue pas pour autant un manquement suffisamment important pour justifier une cause réelle et sérieuse de licenciement. D'ailleurs, ni la vice-procureur ni les gendarmes n'ont alerté immédiatement leur hiérarchie. La vice-procureur a même été contrainte de rassembler ses souvenirs pour rapporter les faits à l'association OREAG.

Compte tenu de ces éléments, ce grief ne peut servir de base à lui seul au licenciement de Monsieur [M] [R] ; sur ce point le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé.

Sur le troisième grief, soit le comportement agressif envers Madame la Vice-procureur de la république :

Madame [F] [O] a pris la décision, en tant que vice-procureur de la république, de sortir le jeune mineur du centre éducatif fermé, ce dont Monsieur [R] a été informé à la gendarmerie.

N'ayant pas la capacité de procéder à des placements de jeunes, il a demandé un justificatif de cette demande. Le procès verbal d'investigations du 8 août 2012 indique ainsi : 'Madame [O] demande de prendre attache avec le responsable du CEF afin que le jeune [M] soit placé dans un établissement PJJ et qu'il avise le juge mandant, Madame [Y] de cette mesure'.

Madame [F] [O], dans son mail du 14 septembre 2012 indique que Monsieur [M] [R] s'est permis de critiquer de façon agressive à deux reprises sa décision.

Le directeur Territorial de la protection judiciaire de la jeunesse, Monsieur [G] [U], indique dans son courrier du 12 septembre 2012 : 'le chef de service se serait permis des commentaires critiques suite à la décision du magistrat du parquet'.

La vice-procureur explique également que Monsieur [M] [R] lui a reproché à nouveau sa décision lors du déferrement.

Dans son rapport d'incident, le salarié reconnaît en effet avoir fait part à Madame [F] [O] de son interrogation sur sa demande d'extraction du jeune.

Pour autant, Monsieur [M] [R] a cherché une structure d'accueil, il s'est alors rapproché des services de la protection judiciaire de la jeunesse qui n'ont pu satisfaire sa demande. Le chef de service s'est alors tourné vers des solutions en interne de l'association et a trouvé une place disponible pour la nuit du 8 au 9 août 2012 au sein du centre éducatif renforcé de Saint Martin de Sescas.

Bien qu'aucune fiche de poste n'ait été fournie aux dossiers des parties, il relève des fonctions d'un chef de service éducatif, de surcroît pendant les congés de son directeur, de veiller à entretenir de bonnes relations avec les services judiciaires et les autorités de tutelle et de respecter les décisions prises par l'autorité judiciaire.

Monsieur [M] [R] a été recruté en mars 2003 en tant qu'éducateur dans ce centre éducatif, il y exerce les fonctions de chef de service éducatif depuis septembre 2010, il ne peut alors pas méconnaître ces règles élémentaires.

Compte tenu de ces éléments, le grief est matériellement établi.

Sur le quatrième grief, soit la négligence professionnelle :

L'employeur reproche au salarié une négligence professionnelle au regard d'une absence d'information de la direction générale et au regard d'un manque d'information auprès des services de protection judiciaire de la jeunesse.

- Sur l'absence d'information de la direction générale :

L'association OREAG reproche à Monsieur [M] [R] de ne pas avoir informé la direction générale et de s'être contenté d'un appel bref auprès du directeur du centre éducatif, en congé.

La direction générale a alors été informée suite à des échanges ayant eu lieu entre le procureur de la république et les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Monsieur [M] [R] explique avoir cherché à joindre le directeur de l'établissement, Monsieur [J] [F], à plusieurs reprise et y être parvenu en soirée. Ce dernier s'est alors montré rassurant et n'a à aucun moment donner l'instruction de contacter la direction générale.

Il convient de rappeler l'absence de délégation de missions et de procédures écrites pendant cette période d'intérim. Une note a simplement été affichée pour informer de l'intérim de la direction du 6 août au 2 septembre 2012 inclus par le chef de service éducatif.

Le directeur du centre éducatif, informé, avait également la possibilité de reprendre les différentes démarches, effectuées ou non, avec le chef de service à son retour de congés, début septembre, et d'informer la direction générale.

Le climat conflictuel qui règnait au sein de l'institution entre Monsieur [J] [F] et Monsieur [M] [R] doit également être souligné. La lecture des notes de 2007 et 2008 écrites par Monsieur [J] [F] en attestent. Nonobstant la date de ces notes, le ton injurieux est révélateur de l'hostilité du directeur à l'égard de son subordonné : 'Mon cher [M], voici le travail mâché en reconnaissance de ton incompétence flagrante', 'tu es ainsi plus con que les cons'...

Il en est de même pour les témoignages de Madame [K] [X], secrétaire de direction, et de Madame [B] [V], éducatrice scolaire spécialisée, indiquant le refus du directeur d'établir un document affirmant que Monsieur [M] [R] avait remis les clefs du coffre le 21 septembre 2012 bien qu'il s'y était engagé envers le salarié.

Compte tenu de ces éléments, le défaut d'information de la direction générale ne peut être reproché à Monsieur [M] [R].

- Sur le manque d'information auprès des services de protection judiciaire de la jeunesse :

Dans son courrier du 24 octobre 2012, le salarié explique qu'à ses yeux, la déclaration de fugue n'avait pas lieu d'être dans la mesure où au moment où l'institution s'est rendu compte de la fugue, le jeune était en sécurité dans une gendarmerie.

L'employeur indique de son côté, dans son courrier du 12 octobre 2012 adressé au directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse, que la procédure de fugue et incidents mise en place depuis l'ouverture du centre éducatif fermé prévoit que 'la fugue sera signalée aux différentes autorités compétentes, immédiatement dès le franchissement de la clôture d'enceinte et au plus tard dans la demi-heure qui suit le constat de disparition. Ce signalement se fera par téléphone et sera confirmé simultanément par fax aux différents partenaires concernés'.

Si, en l'absence de production de note de service, règlement intérieur, ou compte rendu de réunions, la preuve de la communication de cette procédure aux salariés n'est pas rapportée, force est de constater qu'elle était connue de Monsieur [R] qui l'a mise en oeuvre lors de la fugue du jeune Sofyen du même jour.

Le manque de discernement de Monsieur [M] [R] dans l'appréciation de la fugue du jeune [M] a eu pour conséquence l'absence de déclaration de cette fugue aux autorités compétentes.

Au surplus, le rapport d'incident sollicité le 8 août 2012 par le directeur adjoint à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse n'a été établi et transmis par Monsieur [R] que les 11 et 18 septembre (mail puis courrier).

Ce manquement est préjudiciable au bon déroulement de la procédure de prise en charge du jeune [M]. En tant que chef de service, ce manquement remet en cause la confiance de l'association envers son salarié.

S'il n'est pas contesté que certaines démarches ont été effectuées de façon conforme : l'information au juge des enfants TPE [P] [W], l'information du lieu où le jeune a dormi dans la nuit du 8 au 9, la demande au juge des enfants aux fins d'obtenir l'accord pour laisser rentrer le jeune [M] chez sa mère de façon anticipée... il est avéré que d'autres déclarations pourtant obligatoires n'ont pas été mises en place.

Le grief de la négligence professionnelle de Monsieur [M] [R], qui n'a pas signalé la fugue est matériellement établi et, ajouté aux autres manquements, est suffisamment sérieux pour servir de base à son licenciement.

Toutefois, il résulte des éléments ci-dessus indiqués que la faute grave n'est pas démontrée et en particulier la nécessité de faire cesser immédiatement la situation par une rupture du contrat de travail avec mise à pied conservatoire et sans préavis.

Sur ce point le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé.

Sur les conséquences du licenciement

Sur la période de mise à pied conservatoire

La faute grave n'étant pas démontrée et en particulier, la nécessité de faire cesser immédiatement la situation par une rupture du contrat de travail avec mise à pied conservatoire et sans préavis, la mise à pied conservatoire sera par conséquent annulée.

Le calcul effectué par Monsieur [M] [R] pour la période de mise à pied conservatoire couvrant le 13 septembre 2012 au 02 octobre 2012, date du licenciement, s'élève à 2 641,62 euros.

L'employeur ne contestant pas les montants sollicités par le salarié, il sera alloué au salarié, la somme de 2 641,62 euros au titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement.

Au regard des éléments transmis par Monsieur [M] [R], l'employeur ne contestant pas les montants sollicités par le salarié, il sera alloué au salarié, la somme de 15 849,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 584,97 euros au titre l'indemnité congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

Selon l'article L.1234-9 du code du travail le salarié a droit à une indemnité de licenciement.

Conformément à l'article R.1234-2 du même code cette indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au delà de dix ans d'ancienneté.

L'indemnité de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement, ou, selon la formule la plus avantageuse, le tiers des trois derniers mois.

En présence d'une réglementation conventionnelle, il convient d'effectuer le calcul de chacune des indemnités et de comparer leur montant ; l'indemnité la plus élevée devant être versée.

Au regard des éléments transmis par Monsieur [M] [R], l'employeur ne contestant pas les montants sollicités par le salarié, il sera alloué au salarié, la somme de 23 774,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur la remise du certificat rectifié

Le contrat de travail à durée indéterminée du 20 mars 2003 prévoit le recrutement de Monsieur [M] [R] en qualité d'éducateur sportif faisant fonction d'éducateur.

L'attestation du 09 mai 2005 indique que le salarié a exercé les fonctions de professeur EPS à compter du 1er octobre 2003.

L'avenant du 2 février 2011 au contrat de travail de Monsieur [M] [R] prévoit le reclassement du salarié avec effet rétroactif au 1er septembre 2010 en tant que chef de service éducatif, cadre classe 2 niveau 3.

Le certificat de travail remis à la fin de la relation contractuelle, établi le 05 octobre 2012 indique que les emplois successivement occupés sont : chef de service éducatif du 20 mars 2003 au 02 octobre 2012, sans tenir compte de la période d'éducateur sportif faisant fonction d'éducateur ni de celle de professeur EPS.

Force est de constater que le certificat de travail ne correspond pas aux fonctions exercées par Monsieur [M] [R] contractualisées par le contrat de travail du 20 mars 2003.

L'association OREAG sera condamnée à remettre à Monsieur [M] [R], en conformité avec le présent arrêt, le certificat de travail rectifié.

Sur la demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi

Le contrat de travail s'exécute de bonne foi et celui qui prétend que son co contractant a manqué à son obligation doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, Monsieur [M] [R] ne produit aucune pièce utile venant caractériser les modalités particulièrement vexatoires du licenciement ayant entrainé un préjudice.

Par conséquent, la Cour ne fera pas droit à la demande de dommages et intérêts du salarié.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêt pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Faute de preuve d'un tel abus en l'espèce, l'association OREAG sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [M] [R] et l'association OREAG échouent pour partie de leurs prétentions devant la cour.

Les dépens seront donc partagés par moitié et chaque partie sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 29 avril 2016 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive établie par l'association OREAG.

Et statuant à nouveau sur les autres points,

DIT que le licenciement de Monsieur [M] [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l'association OREAG à payer à Monsieur [M] [R] les sommes suivantes :

2 641,62 euros au titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied du 13 septembre 2012 au 02 octobre 2012 ;

15 849,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

1 584,97 euros au titre de l'indemnité congés payés sur préavis ;

23 774,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Et y ajoutant :

ORDONNE la remise par l'association OREAG du certificat de travail de Monsieur [M] [R] rectifié ;

DEBOUTE Monsieur [M] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

DEBOUTE l'association OREAG de sa demande au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a pu exposer lors de la procédure d'appel.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/03322
Date de la décision : 24/10/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/03322 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-24;16.03322 ?
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