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03/07/2018 | FRANCE | N°17/06148

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 03 juillet 2018, 17/06148


RECOURS EN MATIÈRE DE VISITES ET SAISIES DOMICILIAIRES

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Société OYAT INVEST AG, SCI BABOUCHE, SARL OYAT SERVICES, Monsieur Charles X..., Madame Fabienne Y...



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DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

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R.G : 17/06148

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DU 03 JUILLET 2018

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ORDONNANCE

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'articl...

RECOURS EN MATIÈRE DE VISITES ET SAISIES DOMICILIAIRES

---------------------------

Société OYAT INVEST AG, SCI BABOUCHE, SARL OYAT SERVICES, Monsieur Charles X..., Madame Fabienne Y...

C/

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

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R.G : 17/06148

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DU 03 JUILLET 2018

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Notifications

le :

ORDONNANCE

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 03 JUILLET 2018

Nous, Jean-François BOUGON, Conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, désigné en l'empêchement légitime du Premier Président par ordonnance du 11 décembre 2017, assisté de Martine MASSÉ, Greffier,

ENTRE :

Société OYAT INVEST AG, société de droit suisse, prise en son nom et venant aux droits et obligations de la société de droit luxembourgeois KSAR INVEST SA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

SCI BABOUCHE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié [...]

SARL OYAT SERVICES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Avenue de la Muscadelle - Cabane Oyat - [...]

Monsieur Charles X...

né le [...], de nationalité française, demeurant [...]

Monsieur Fabienne Y...

né le [...], de nationalité française, demeurant [...]

absents,

représentés par Me Caroline C... membre de la selarl LEXYMORE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et Me Virginie Z... et Me Joris A... membres de la SCP HOGAN LOVELLS LLP, avocat au barreau de PY..., avocat plaidant

Demandeurs au recours contre une décision rendue le 20 octobre 2017 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de BORDEAUX,

ET :

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité Direction nationale d'enquêtes fiscales IV et V divisions - [...]

absente,

réprésentée par Me Elise B..., avocate au barreau de PY... substituant Me Jean D... membre de la SCP URBINO-SOULIER, CHARLEMAGNE & ASSOCIES, avocat au barreau de PY...

Défenderesse,

Avons rendu publiquement l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été appelée devant nous, assisté de Martine MASSÉ, Greffier, en audience publique, le 05 Juin 2018;

La société Oyat Invest AG, la Sci Babouche la Sarl Oyat Services, M. Charles X... et Mme Fabienne Y... forment un recours à l'encontre de l'ordonnance du 20 octobre2017 par laquelle le juge de la liberté et de la détention de Bordeaux autorise sur le fondement des dipositions de l'article L16 B du livre des procédures fiscales, l'administration à opérer visites et saisies dans des locaux et dépendances sis av de la Muscadelle Cabane Oyat 33970, Lège-cap-Ferret susceptibles d'être occupés par les intéressés.

Pour conclure à l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge de la liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Bordeaux a autorisé visite et saisie, les appelants font valoir :

- que le contrôle juridictionnel a priori n'a pas été effectué.

Ils expliquent que le juge des libertés et de la détention s'est contenté de signer une ordonnance pré-rédigée par l'administration fiscale, sans procéder au moindre contrôle, comme le montrent les incohérences, inexactitudes et omissions dont elle est émaillée. C'est ainsi qu'ils reprochent au juge des libertés :

*d'avoir retenu sur la base d'une attestation d'un fonctionnaire des finances publiques que la société Oyat invest était détenue et contrôlée à 100% par les époux X... et dirigée par M.Charles X... alors que les documents mis à sa disposition lui permettaient de s'apercevoir que les époux X... ne détenaient que 90% du capital social, que sa direction est assurée collectivement par les époux X... et leurs enfants et qu'elle n'emploie aucun salarié ;

* d'avoir tiré argument de la mention Oyat sur la boîte aux lettres de la cabanne Oyat pour en déduire que la société Oyat Invest aurait reçu du courrier en France alors que le nom de cette société ne figure pas sur la boîte aux lettres ;

* d'avoir tiré argument du fait que la société Oyat Invest loue des locaux dans une [...] alors que s'agissant d'une holding, cette situation n'a rien d'extraordinaire;

* d'avoir douté de l'investissement personnel des enfants X... dans l'animation de la société Oyat invest du fait de leurs nombreuses autres activités professionnelles ;

* d'avoir considéré que M. Charles X... était le seul dirigeant de la société Ksar Invest alors qu'en réalité, s'agissant d'une société Luxembourgeoise, cette société devait obligatoirement avoir des administrateurs luxembourgeois ;

* de s'être intéressé aux acquisitions et réorganisations effectuées par Ksar Invest en 2008 et 2009 préalablement au transfert par les époux X... de leur domicile [...] ;

* d'avoir présumé de divers éléments, qui pourtant ont tous leur justifications, que la société Ksar Invest était une société fictive;

* d'avoir déduit d'éléments analysés sans rigueur que la société Oyat Invest poursuivait une activité en France ;

* d'avoir retenu comme présomption de fraude le prêt consenti par Oyat Invest à la société Babouche ;

* de ne pas avoir motivé l'autorisation de visite au domicile de M. Charles X....

Les appelants concluent à l'annulation de l'ordonnance ou à tout le moins à sa réformation en l'absence de présomption de fraude. Ils reproche également à l'administration fiscale un manquement à son devoir de loyauté pour avoir dissimulé au juge des libertés et de la détention les éléments qui lui aurait permis de faire une juste appréciation de la situation comme le fait que le retour en France des époux X... a été précédé d'un rendez-vous au ministère du budget pour que l'opération puisse intervenir dans la plus grande transparence.

*

Le directeur général des finances publiques rappelle l'ensemble des éléments retenus par le JLD pour finalement présumer que la société Oyat Invest en nom propre et venant aux droits et obligations de la société Luxembourgeoise Ksar Invest SA exerce en France une activité de gestion et d'investissement par prise de participations, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettre de passer ou faire passer en France les écritures comptables correspondantes. Puis, pour conclure à la confirmation de la décision déférée, il fait valoir qu'il ne peut être utilement fait grief au juge des libertés de ne pas avoir lui-même rédigé l'ordonnance qui de jurisprudence constante est réputée établie par le juge qui l'a rendue et signée et que rien ne permet de suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son appréciation.

Par ailleurs, il explique que la mission du juge s'arrête à la mise en évidence de présomptions suffisantes et qu'il n'a pas le contrôle de la proportionnalité de la mesure choisie par l'administration.

Enfin, reprenant l'argumentation des appelants, il fait valoir :

* que les documents rassemblés par l'administration montrent que ce sont bien les époux X... qui assurent la direction de la société Oyat Invest et que le fait que Charles X... ne détienne que 90 % du capital social ne change rien à la présomption retenue par le juge à l'encontre de cette société ;

* que l'administration a recueilli le témoignage d'un employé de la poste qui a attesté que la boîte aux lettres de la cabanne Oyat a reçu du courrier de la société Katzberg Invest et qu'il est possible de présumer qu'un pli rédigé à l'adresse de la cabanne Oyat, quelle que soit la désinence particulière du destinataire dès lors qu'il porte le nom d'Oyat, il peut parfaitement y recevoir son courrier;

* que la Sarl Oyat Invest soit une société passive et non une société active, est une question de fait et ne saurait résulter des seules affirmations des appelants et que, quoiqu'il en soit il est permis de s'interroger lorsqu'il apparaît qu'une société qui serait purement passive dispose pour la contrôler de quatre personnes, les époux X... et leurs enfants ;

* qu'il pouvait parfaitement être déduit de la domiciliation en Suisse de la société Oyat Invest, au regard de la législation hélvétique en vigueur qui impose à une société désirant poursuivre ou exercer une activité en Suisse qu'elle y possède un siège et un représentant de nationalité Suisse, que la participation des enfants X... dans la société Oyat Invest n'a pas d'autre objet que de satisfaire aux obligations légales, les époux X... résidant en France et leurs enfants en Suisse ;

* qu'il pouvait présumer que M. Charles X... était bien le seul dirigeant de la société Ksar invest alors qu'il était, tout à la fois, président du conseil d'administration de cette société et président du conseil d'administration de la société mère, associé unique, Invest Oyat, finalement bénéficiaire de la plus value de 20.000.000 €, réalisée juste avant sa dissolution par la société Ksar Invest ;

* que le détail des opérations effectuées par Ksar Invest en 2009 ne sont pas précis n'enlève rien à la présomption retenue à son encontre qui consiste à avoir développé en France des opérations sans avoir satisfait à ses obligations déclaratives ;

* qu'il ne peut-être nié que la société Ksar Invest est établie au Luxembourg à une simple adresse de domiciliation et qu'il est légitime de s'intéresser à son activité dès lors qu'il est constant qu'elle a effectué des opérations importantes qui n'ont pu être décidées que par M. Charles X... ;

* que contrairement à ce qu'affirme les appelants, la participation dans une société française d'un consortium, dont fait partie Oyat Invest, est susceptible de caractériser une activité en France de la société Oyat Invest ;

* que le prêt consenti par Oyat Invest à la Sci Babouche, compte tenu de son importance et que les deux sociétés ont même dirigeant permettait de suspecter que la Sci Babouche, bénéficiaire du prêt, pouvait détenir des documents illustrant la fraude présumée.

Enfin, il réclame une somme de 2.000 € pour frais irrépétibles.

SUR CE :

Il est de jurisprudence constante que sont réputés établis par le juge les motifs de l'ordonnance qu'il signe avant de la rendre et que par voie de conséquence, il ne peut être fait grief, au cas d'espèce, au juge des libertés et de la détention, d'avoir rendu une ordonnance pré-rédigée par l'administration.

En application de l'article 16 B du livre des procédures fiscales, il appartient au juge saisi par l'administration fiscale d'une demande de visite et autorisation de saisies de vérifier d'une façon concrète l'existence de simples présomptions de fraude. Il ne lui appartient pas de contrôler la proportionnalité de la mesure sollicitée par l'administration, ni de rechercher les preuves.

Au cas d'espèce, les pièces présentées au juge des libertés et de la détention lui permettait de présumer :

- que la société Oyat Invest et la société Ksar Invest SA sont animées par les époux X... et singulièrement par M. Charles X... ;

- que ces deux sociétés sont établies à des adresses de domiciliation, pour la première en Suisse et pour la seconde au Luxembourg,

- que l'intervention des enfants X... n'a que pour objet de permettre la domiciliation de la société Oyat Invest en Suisse et de la société Ksar Invest SA au Luxembourg ;

- que ces sociétés reçoivent du courrier en France aux domiciles successifs de leur principal animateur, M. Charles X... et notamment à la cabanne Oyat;

- que la société luxembourgeoise ne disposait pas au Luxembourg de moyens matériels et humains pour exercer son activité dont il est établi qu'ensuite de diverses opérations d'acquisitions et de fusions, au jour de sa dissolution elle a pu transmettre à la société Oyat Invest un capital de plus de 20.000.000€ ;

- que la société Oyat Invest, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un consortium, intervient en France dans des opérations financières non négligeables (prêt à la Sci Babouche et prise de participation dans la société Treves tfc) ;

- que ces sociétés, qui paraissent particulièrement actives en France, n'ont jamais procédé à quelque déclaration fiscale que ce soit ;

- que ces éléments réunis par l'administration, dont il appartiendra le cas échéant au juge du fond de discuter la pertinence, constituent un faisceaux de présomptions de fraude suffisant pour permettre au juge des libertés d'accéder aux demandes de l'administration des finances publiques. Par voie de conséquence, la décision déférée sera confirmée. Les frais irrépétibles de l'administration, contrainte de défendre, seront arbitrés à la somme de 2.000 €

PAR CES MOTIFS :

Disons le recours recevable en la forme mais non fondé,

Confirmons la décision déférée en toutes ses dispositions,

Ajoutant, condamnons les appelants à payer à M. le directeur général des finances publiques, ès qualités, la somme de 2.000 € pour frais irrépétibles,

Condamons les appelants aux dépens de la présente instance,

La présente ordonnance est signée par Jean-François Bougon, conseiller et par Martine Massé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 17/06148
Date de la décision : 03/07/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux OP, arrêt n°17/06148 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-03;17.06148 ?
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