COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 21 JUIN 2018
(Rédacteur : Frédéric CHARLON, président,)
N° de rôle : 16/04942
Djamel X...
Dorine Y... épouse X...
c/
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : décision rendue le 30 juin 2016 par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG : 15/00099) suivant déclaration d'appel du 25 juillet 2016
APPELANTS :
Djamel X...
né le [...] à ORAN (ALGERIE)
de nationalité Canadienne
demeurant [...]
Dorine Y... épouse X...
née le [...] à PÉRIGUEUX (24)
de nationalité Française
demeurant [...]
représentés par Maître Fabien Z..., avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉ :
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de son représentant légal domicilié [...]
représenté par Maître Marie-Lucile A... de la SCP ROUXEL - HARMAND, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2018 en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Frédéric CHARLON, président, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Frédéric CHARLON, président,
Anne-Marie CHASSAGNE, conseiller,
Catherine COUDY, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
Ministère Public :
L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis le 9 janvier 2018.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 20 avril 2014, un véhicule automobile dont la carte grise était au nom de Mme Dorine Y... a été détruit par un incendie, alors qu'il se trouvait en stationnement sur la voie publique.
M. Djamel X... et Mme Y... ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi) du tribunal de grande instance de Périgueux qui, par décision du 30 juin 2016, a déclaré irrecevable leur demande d'indemnisation au motif qu'il existait une incertitude quant à la nature exacte de l'incendie.
M. X... et Mme Y... ont interjeté appel le 25 juillet 2016 de cette décision dont ils demandent l'infirmation.
Ils réclament chacun la somme de 4 500 euros, compte tenu de la valeur du véhicule et du préjudice d'immobilisation, en faisant valoir que l'incendie avait le caractère d'une infraction pénale justifiant l'indemnisation du préjudice par la Civi, même si l'auteur de ce délit n'a pas été identifié.
Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds) demande la confirmation de la décision entreprise ou, subsidiairement, de dire que seule Mme Y... peut être indemnisée, étant seule propriétaire du véhicule et de dire n'y avoir lieu de prononcer une condamnation à l'encontre du Fonds.
Le ministère public conclut le 9 janvier 2018 à la confirmation de la décision de la Civi.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le Fonds ne conteste pas que les conditions prévues aux articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale se trouvent réunies, mais il prétend que les appelants n'établissent pas que le préjudice invoqué résulte de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction, comme l'exige l'article 706-3 code de procédure pénale, pour pouvoir bénéficier d'une indemnité allouée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.
À défaut de poursuites pénales, il appartient à la juridiction de l'indemnisation de rechercher elle-même la matérialité d'une infraction pénale volontaire ou involontaire, que son auteur soit identifié ou non.
L'expert mandaté par l'assureur du véhicule a indiqué dans son rapport : 'véhicule incendié en partie habitacle par un fait extérieur intentionnel ... une 205 a aussi été incendiée à proximité de la BMW'.
Il ressort de ces constatations, faites par un technicien de l'automobile, qu'en raison de la nature même des dommages, le sinistre avait été causé intentionnellement, ce qui n'est pas incompatible avec le courrier adressé le 17 juin 2014 à M. X... par le même cabinet d'expertise, selon lequel les circonstances de l'incendie ne correspondaient pas à celle d'un 'incendie accidentel du véhicule', dès lors que le terme 'accidentel' induit un événement involontaire, alors que les constatations ont révélé une cause extérieure intentionnelle.
Il apparaît ainsi que le fait matériel allégué correspond au délit d'incendie volontaire d'un bien appartenant à autrui, prévu par l'article 322-6, alinéa 1er, du code pénal et dans la mesure où la demande d'indemnisation entre dans le champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, elle est recevable.
La décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions sera donc infirmée.
La carte grise du véhicule est établie au seul nom de Mme Dorine Y..., compagne de M. X..., celui-ci ayant précisé dans sa déclaration de sinistre qu'il vivait en concubinage.
Or, dans la mesure où il a acheté le véhicule et que Mme Y..., titulaire de la carte grise, bénéficie d'une présomption de propriété, il apparaît que M. X... et Mme Y... étaient propriétaires indivis de ce bien à la date de sa destruction et qu'ils sont tous deux fondés à solliciter une indemnisation.
Sur le montant de l'indemnité, il est établi que M. X... avaient acquis ce véhicule au prix de 8700 euros deux mois avant l'incendie et que les appelants subissent en outre un préjudice d'immobilisation, ce qui justifie l'allocation de la somme de 4 500 euros à chacun d'eux.
Par ailleurs, le Fonds sera condamné à leur payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme la décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de Périgueux en date du 30 juin 2016 ;
Statuant à nouveau :
Alloue à M. Djamel X... et à Mme Dorine Y..., chacun, la somme de 4 500 euros, que devra leur verser le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Condamne le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. X... et Mme Y... la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,