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07/06/2018 | FRANCE | N°16/05424

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 07 juin 2018, 16/05424


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


--------------------------











ARRÊT DU : 07 JUIN 2018





(Rédacteur : Monsieur François BOUYX, Conseiller)








N° de rôle : 16/05424














SA SMA


SAS ATELIER AQUITAIN D'ARCHITECTES ASSOCIES








c/





SNC BROCHON PUY PAULIN


SAS SOLETANCHE BACHY FRANCE


SAS BORDEAUX DEMOLITION SERV

ICES


SAS APAVE SUDEUROPE


SELARL LAURENT X...


SARL ENTREPRISE JOUNEAU

















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :





aux avocats


Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2016 (R.G. ) par le Tribunal de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JUIN 2018

(Rédacteur : Monsieur François BOUYX, Conseiller)

N° de rôle : 16/05424

SA SMA

SAS ATELIER AQUITAIN D'ARCHITECTES ASSOCIES

c/

SNC BROCHON PUY PAULIN

SAS SOLETANCHE BACHY FRANCE

SAS BORDEAUX DEMOLITION SERVICES

SAS APAVE SUDEUROPE

SELARL LAURENT X...

SARL ENTREPRISE JOUNEAU

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2016 (R.G. ) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 août 2016

APPELANTES :

SA SMA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...]

Représentée par Me Luc Y... de la SCP LUC Y... , avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Jean A..., avocat au barreau de BORDEAUX

SAS ATELIER AQUITAIN D'ARCHITECTESASSOCIES (Atelier A4), inscrite au RCS de Bordeaux sous le n° 478 457 534, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...]

Représentée par Me Laurène B... de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE B..., avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Marin C..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SNC BROCHON PUY PAULIN agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Annie D... de la SCP ANNIE D... AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Amandine F... substituant Me Patrick G..., avocat au barreau de BORDEAUX

SAS SOLETANCHE BACHY FRANCE agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Delphine AA... de la SCP H... , avocat au barreau de BORDEAUX

SAS BORDEAUX DEMOLITION SERVICES agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Jean-jacques I... de la SCP H... , avocat au barreau de BORDEAUX

SAS APAVE SUDEUROPE, venant aux droits de la société CETEN APAVE INTERNATIONAL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au sièges social [...]

Représentée par Me Laure J... de la SELARL J... & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Antoine K... substituant Me Sylvie L..., avocat au barreau de LYON

SELARL LAURENT X... es qualité de mandataire liquidateur de la SARL ENTREPRISE JOUNEAU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...]

SARL ENTREPRISE JOUNEAU agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [...]

Représentées par Me Patrick M... de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 avril 2018 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Monsieur François BOUYX, Conseiller,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Vu le jugement rendu le 12 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire du 28 janvier 2011 réalisé par Laurent N...:

' qui a déclaré irrecevables des demandes formées par la société par actions simplifiée Atelier Aquitain d'Architectes Associés (Atelier 4A), la société Soletanche Bachy France et la société par actions simplifiée Apave Sudeurope à l'encontre de la société Entreprise Jouneau,

' qui a déclaré irrecevables des demandes formées par la société en nom collectif Brochon Puy Paulin en relevé indemne de condamnations prononcées au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [...] , et des copropriétaires en réparation de leur préjudice matériel pour les fissurations de la cage d'escalier et des parties privatives,

' qui a déclaré irrecevables des demandes formées par la société Brochon Puy Paulin comme subrogée dans les droits des copropriétaires et occupants au titre des préjudices immatériels,

' qui a condamné in solidum la société Atelier 4A et la société par actions simplifiée Bordeaux Démolition Services (BDS), in solidum avec la société anonyme SMA dans la limite de 44772,01€, à payer à la société Brochon Puy Paulin une somme de 156846,42€ au titre de la démolition et de la reconstruction d'un mur séparatif,

' qui a condamné in solidum les sociétés Atelier 4A et BDS à relever indemne la société SMA de cette condamnation et qui a dit que dans leurs rapports entre elles, la charge finale de cette condamnation serait supportée à 40% par la société Atelier 4A et à 60% par la société Bordeaux Démolition Services,

' qui a condamné in solidum les sociétés Atelier 4A et BDS à payer à la société SMA une somme de 67302,39€ au titre de la démolition du mur séparatif,

' qui a condamné la société SMA à relever indemne la société Brochon Puy Paulin de condamnations prononcées au profit des époux Jean-Marc O... - Morgane DD..., des époux Diego P... - EE... Q..., de Michael R..., des époux Jean-François S... - Caroline T..., de FF... U... épouse V... et de la société à responsabilité limitée Atka, en réparation de leurs préjudices de jouissance, financiers et économiques,

' qui a condamné la société Atelier 4A et la société BDS à payer à la société SMA une somme de 21717,07€ au titre des dommages matériels causés au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires pour la fissuration de la cage d'escalier et des parties privatives,

' qui a condamné la société Atelier 4A et la société BDS à relever indemne la société SMA de cette condamnation et qui a dit que dans leurs rapports entre elles, la charge finale de ces condamnations serait supportée à 40% par la société Atelier 4A et à 60% par la société Bordeaux Démolition Services,

' qui a condamné in solidum la société Atelier 4A et la société BDS aux dépens de l'instance et du référé, en ce compris les frais d'expertise,

' qui a condamné in solidum la société Atelier 4A et la société BDS à payer à la société Brochon Puy Paulin et à la société SMA une somme de 2000,00€ à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' qui a dit que dans leurs rapports entre elles, la charge finale de ces condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile serait supportée à 40% par la société Atelier 4A et à 60% par la société Bordeaux Démolition Services,

' qui a condamné in solidum la société BDS à payer à la société Entreprise Jouneau, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Laurent X... et à Me XX..., ces derniers pris, respectivement, en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire et d'administrateur judiciaire de la société Entreprise Jouneau, une somme de 2000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' qui a ordonné l'exécution provisoire,

' enfin, qui a débouté les parties du surplus de leurs demandes;

Vu la déclaration d'appel de la société Atelier 4A du 24 août 2016, dirigée contre les sociétés BDS et Apave Sud Europe, enrôlée sous le numéro RG 16/5418;

Vu la déclaration d'appel de la société SMA du 25 août 2016, dirigée contre les sociétés Brochon Puy Paulin, Atelier 4A, BDS, Soletanche Bachy France, Apave Sud Europe et Entreprise Jouneau, ainsi que contre la société Laurent X... , prise en qualité de mandataire liquidateur de cette dernière société, déclaration enrôlée sous le numéro RG 16/5424;

Vu la mention au dossier du 16 mars 2018 par laquelle a été prononcée la jonction de ces deux instances sous le numéro RG 16/5424;

Vu les conclusions de la société Brochon Puy Paulin, contenant appel incident, notifiées et remises par voie électronique le 25 janvier 2017;

Vu les dernières écritures de la société Soletanche Bachy France, notifiées et remises par voie électronique le 10 mars 2017;

Vu les dernières écritures de la société SMA, notifiées et remises par voie électronique le 17 mars 2017;

Vu les dernières écritures de la société Atelier 4A, notifiées et remises par voie électronique le 20 mars 2017;

Vu les dernières écritures de la société BDS, contenant appel incident, notifiées et remises par voie électronique le 21 mars 2017;

Vu les dernières écritures de la société Entreprise Jouneau et de la société Laurent X... , agissant en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de cette société, notifiées et remises par voie électronique le 23 avril 2017;

Vu les dernières écritures de la société Apave Sudeurope , notifiées et remises par voie électronique le 06 juillet 2017;

Vu l'ordonnance de clôture du 20 mars 2018;

RAPPEL SUCCINCT DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE:

Au cours des années 2005 à 2012, la société Brochon Puy Paulin, agissant en qualité de constructeur non-réalisateur, a fait édifier un ensemble immobilier à usage d'auditorium, de parkings souterrains et de logements sur un terrain situé à Bordeaux, entre le cours [...] et la rue du [...]. Le 04 juillet 2007, elle a souscrit une 'Police d'assurance responsabilité civile'Promoteur»' auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA.

Sont notamment intervenus à l'acte de construire :

- pour la maîtrise d'oeuvre, la société Atelier 4A, selon contrat de maîtrise d'oeuvre du 13 juillet 2005,

- pour la démolition des constructions existantes, la société BDS, selon acte d'engagement du 15 septembre 2005,

- pour les travaux de fondations spéciales, la société Soletanche Bachy France,

- pour le contrôle technique, la société Ceten Apave International, aux droits duquel vient la société Apave Sudeurope ,

- en cours de chantier, pour la pose de renforts métalliques dans l'angle des fondations, la société Entreprise Jouneau.

Au mois d'avril 2008, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [...] (le syndicat des copropriétaires), se plaignant de l'apparition de désordres à la suite des opérations de démolition qui s'étaient déroulées de janvier à août 2006, a obtenu en référé la mise en oeuvre d'une expertise, confiée à Laurent N..., lequel a déposé un rapport daté du 28 janvier 2011. Le 14 juin 2012, le syndicat et plusieurs copropriétaires ont fait assigner la société Brochon Puy Paulin devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en paiement de diverses sommes d'argent, sollicitant en outre la reconstruction à l'identique du mur arrière, séparant leur immeuble du chantier. La société Atka, exploitant un commerce de restaurant, à l'enseigne 'Agadir', au [...] , et les époux Lahcen V... - FF... U..., sont intervenus volontairement à l'instance.

Le 11 mars 2013, la société Brochon Puy Paulin a fait assigner en garantie les sociétés Atelier 4A, BDS, Soletanche Bachy France et Sagena. Les 11 et 12 juillet 2013, la société BDS a fait assigner en garantie les sociétés Ceten Apave International et Entreprise Jouneau. Le 22 décembre 2014, la société Atelier 4A a appelé en la cause la société Laurent X... et Me Sébastien XX... pris, respectivement, en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur de la société Entreprise Jouneau, à l'égard de laquelle une procédure de sauvegarde avait été ouverte le 06 août 2014.

Le tribunal a d'abord statué sur l'action principale par un jugement du 18 juin 2013. En se fondant sur l'obligation de chaque propriétaire de ne causer à autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage, il a condamné la société Brochon Puy Paulin à indemniser les demandeurs et les intervenants volontaires de leurs préjudices matériels, de leurs troubles de jouissance et de leurs préjudices économiques, ainsi qu'à procéder à la reconstruction à l'identique du mur arrière de l'immeuble. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la présente cour du 29 mai 2015, qui a en outre augmenté le montant de certaines indemnités.

Par un second jugement, rendu le 12 juillet 2016, le tribunal a statué sur les actions en garantie dans les termes rappelés plus haut. Il a partiellement fait droit aux demandes de la société Brochon Puy Paulin à l'encontre des seules sociétés SMA, Atelier 4A et BDS. Il a également statué sur les actions récursoires entre ces parties.

Le 24 août 2016, la société Atelier 4A a relevé appel de cette décision. Ce recours a été enrôlé sous le numéro RG 16/5418. Le 25 août 2016, la société SMA a également relevé appel. Ce recours a été enrôlé sous le numéro RG 16/5424. Par mention au dossier du 16 mars 2018, les deux instances ont été jointes sous le numéro RG 16/5424.

DISCUSSION :

1° / Sur l'action principale de la société Brochon Puy Paulin:

a) sur les demandes dirigées contre la société SMA:

1 ' sur les conditions générales du contrat d'assurance:

Les parties sont en désaccord sur les conditions générales applicables au contrat d'assurance souscrit par la société Brochon Puy Paulin. L'assurée affirme que les conditions générales en vigueur à la date de la souscription, le 04 juillet 2007, portent la référence SGB0017A et ne comportent pas certaines des clauses d'exclusion invoquées par l'assureur. Celui-ci soutient au contraire que les conditions générales en vigueur lors de la souscription portent la référence SGB0017 et que les conditions référencées SGB0017A constituent une version postérieure, inapplicable en l'espèce.

Il est précisé à la page 3 des conditions particulières du contrat souscrit par la société Brochon Puy Paulin que 'Le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des documents contractuels suivants: - Conditions générales SGB0017'. Il se déduit de cette mention que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les conditions générales référencées SGB0017A, qui sont produites par l'assuré (sa pièce 2), ne sont pas applicables en l'espèce. Certes, l'exemplaire des conditions générales versé aux débats par l'assureur (sa pièce 4) porte une référence légèrement différente de celle mentionnées dans les conditions particulières, à savoir SGB0017 - 300 - 5 . 94. Toutefois, la société SMA indique que la mention '300 - 5 . 94' signifie seulement qu'il a été imprimé trois-cents exemplaires de cette version des conditions au mois de mai 1994, mais qu'il s'agit bien de la version SGB0017, visée dans les conditions particulières. La cour admettra cette explication parce qu'elle est plausible et logique, et qu'en toute hypothèse, la version SGB0017A communiquée par la société Brochon Puy Paulin n'est manifestement pas celle visée aux conditions particulières. Il sera donc fait application des conditions générales produites par l'assureur.

2 ' sur le préjudice matériel résultant de la démolition et de la reconstruction du mur séparatif:

La société Brochon Puy Paulin relève appel incident du jugement en ce qu'il a estimé que la société SMA ne lui devait sa garantie qu'à concurrence de la moitié du coût des travaux de démolition et de reconstruction du mur séparant l'arrière de l'immeuble du syndicat des copropriétaires du chantier, au motif qu'il s'agissait d'un ouvrage mitoyen, et en ce qu'il a condamné l'assureur, compte tenu des versements déjà effectués, à la garantir à hauteur de la somme de 44772,01€ seulement. Soutenant que la preuve du caractère mitoyen du mur n'est pas rapportée, elle prie la cour de condamner la société SMA à lui payer une somme totale de 156846,42€ HT au titre des travaux de démolition et de reconstruction.

L'article 3 alinéa 1 des conditions générales SGB0017 du contrat d'assurance souscrit par la société Brochon Puy Paulin énonce que 'la Sagena garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que peuvent encourir les assurés à l'égard des tiers du fait de l'exercice des activités professionnelles de promoteur-constructeur ou de maître d'ouvrage d'opérations de construction'.

En l'espèce, il ressort du rapport de l'expert judiciaire, que le mur litigieux, construit à l'origine en pierres de taille, séparait l'immeuble du syndicat des copropriétaires des bâtiments qui ont été détruits en vue de l'édification de l'auditorium. Le technicien a noté que ce mur était tenu par un portique avant démolition et que sa fissuration s'était produite à l'endroit où le portique avait été démoli dans le cadre des travaux (page 54 de son rapport). Dans le jugement du 18 juin 2013 et l'arrêt du 29 mai 2015, le tribunal, puis la cour, en ont justement déduit que cette fissuration constituait un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, qui engageait de plein droit la responsabilité civile de la société Brochon Puy Paulin, sans qu'il soit nécessaire de démontrer une faute de sa part. Par ailleurs, ils ont exactement constaté que le mur, qui séparait deux immeubles, bénéficiait de la présomption de mitoyenneté édictée par l'article 653 du code civil, dès lors que la société Brochon Puy Paulin ne justifiait d'aucun titre ou de marques lui attribuant la propriété exclusive de l'ouvrage (page 12, paragraphe 3, du jugement et page 14, paragraphe 3, de l'arrêt). La présente cour fera sien ce raisonnement.

L'importance de la fissuration a nécessité la démolition et la reconstruction du mur. Compte tenu du caractère mitoyen de cet ouvrage, la garantie de l'assureur n'est due qu'à concurrence de la moitié du coût de ces travaux, c'est-à-dire qu'à concurrence du préjudice causé au tiers qu'est le syndicat des copropriétaires. En revanche, s'agissant d'un contrat d'assurance de responsabilité civile, la société SMA ne peut être tenue de garantir la société Brochon Puy Paulin pour le préjudice qui lui a été causé par l'autre moitié de ce coût, préjudice dont elle peut seulement être indemnisée par les intervenants aux opérations de construction, auteurs du trouble anormal de voisinage.

Le coût total des travaux de démolition et de reconstruction s'est élevé à la somme non contestée de 224148,81€ HT, dont le détail figure à la page 7 des dernières écritures de la société Brochon Puy Paulin. Sur ce montant, la société SMA a remboursé une somme de 67302,39€. C'est donc avec raison que le tribunal a estimé qu'elle restait devoir une somme de 44772,01€ (224148,81€ / 2 - 67302,39€) et qu'il a limité sa garantie à ce montant. Sa décision sera confirmée de ce chef.

3 ' sur les préjudices immatériels:

La société Brochon Puy Paulin sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société SMA à la relever indemne des condamnations prononcées au profit des époux O..., des époux P..., de Michael R..., des époux S..., de FF... V... et de la société Atka, en réparation de leurs préjudices de jouissance, financiers et économiques. La société SMA prie au contraire la cour de réformer le jugement sur ce point et de débouter la société Brochon Puy Paulin de ses demandes à ce sujet, au motif qu'aux termes de l'article 6.19 des conditions générales du contrat d'assurance, elle ne garantit pas ce type de dommage.

L'article 6.19 des conditions générales SGB0017 exclut de la garantie 'les dommages résultant, sur un chantier de construction, de l'émission de poussières ou d'odeurs, de la production de vibrations, de bruits, de passages répétés d'engins ou de matériels'. La société Brochon Puy Paulin soutient que cette clause n'est pas applicable en l'espèce, au motif qu'elle concerne un trouble consécutif à une pollution environnementale et non un trouble anormal de voisinage. Elle fonde son interprétation sur une fiche intercalaire SGB0017B, jointe aux conditions particulières de son contrat, ainsi que sur l'article 6.21 des conditions générales SGB0017.

La fiche intercalaire SGB0017B accorde une 'Garantie des dommages en cas d'atteinte à l'environnement'. Elle définit comme constituant une telle atteinte 'la production d'odeurs, de bruits, vibrations, variations de température, ondes, radiations, rayonnements, excédant la mesure des obligations ordinaires de voisinage' (article 1). Elle ajoute cependant que les dommages causés aux tiers par une telle atteinte sont garantis 'sous réserve que celle-ci soit d'origine accidentelle' (article 2, alinéa 1), c'est-à-dire qu'elle soit 'la conséquence concomitante d'un événement soudain, imprévu et extérieur à la victime ou à la chose endommagée et qui ne se réalise pas de façon lente ou progressive' (idem, alinéa 2). En l'espèce, il ressort des motifs du jugement du 18 juin 2013 et de l'arrêt du 29 mai 2015 que les préjudices immatériels subis par les voisins du chantier ont été la conséquence de bruits extrêmement forts et répétés, qui ont duré pendant plusieurs années. Ces nuisances, qui ne sont pas d'origine accidentelle au sens des clauses contractuelles précitées comme n'ayant pas été la conséquence d'un événement soudain, n'ont pas constitué une atteint à l'environnement au sens de ces textes, mais des dommages du type de ceux visés à l'article 6.19 des conditions générales SGB0017.

S'il est vrai que l'article 6.21 des conditions générales susmentionnées exclut de la garantie 'les dommages résultant de troubles de voisinage (...) par le simple fait de l'implantation de l'immeuble, de ses dimensions, de sa structure (tels que pertes d'ensoleillement, brouillage des émissions de radio télévision, mauvais tirage des cheminées voisines)', il n'en résulte pas pour autant que tous les autres troubles anormaux de voisinage entrent dans le champ de la garantie, ainsi que le prétend la société Brochon Puy Paulin par un raisonnement a contrario. En effet, les clauses d'exclusion se complètent et se cumulent. Il s'ensuit que lorsque des dommages du type de ceux visés à l'article 6.19 des conditions générales SGB0017 constituent des troubles anormaux de voisinage, ils ne peuvent donner lieu à garantie. Tel étant le cas en l'espèce, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société SMA à relever indemne la société Brochon Puy Paulin des condamnations prononcées au titre de ces dommages.

4 ' sur le plafond de garantie:

La société SMA reproche au tribunal de ne pas avoir fait application du plafond de garantie stipulé, pour les dommages matériels et immatériels, à la page 2 des conditions particulières du contrat, à savoir '610.000€ par sinistre et par an'. Elle invoque l'article 1.8 des conditions générales SGB0017, selon lequel 'constitue un seul et même sinistre l'ensemble des réclamations relatives à des dommages trouvant leur origine dans une même cause'. Elle précise qu'en l'espèce, elle a indemnisé les conséquences d'un autre sinistre, survenu [...] et ayant également trouvé sa cause dans la construction de l'auditorium. Elle soutient qu'ayant déjà réglé une somme totale de 597680,52€, sous déduction d'une franchise de 18875,00€, pour l'ensemble des lésés dans le cadre de cette opération de construction, elle ne saurait en toute hypothèse être condamnée au-delà d'une somme de 31194,52€ (610000,00€ - 597680,52€ + 18875,00€). La société Brochon Puy Paulin conclut au rejet de cette demande, au motif que la société SMA se prévaut d'une définition du sinistre qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.124-1-1 du code des assurances et qu'elle cumule le versement d'indemnités relatives à divers faits dommageables ayant eu des causes techniques différentes et étant survenus à plusieurs années d'écart.

L'article L.124-1-1 du code des assurances est ainsi rédigé: 'Au sens du présent chapitre, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique'. Dans la mesure où ce texte assimile à un fait dommageable unique un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, il apparaît que, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 1.8 des conditions générales SGB0017, qui énonce que constitue un seul sinistre l'ensemble des réclamations relatives à des dommages trouvant leur origine dans une même cause, n'est pas contraire au code des assurances.

La société SMA verse aux débats un rapport d'expertise judiciaire du 28 février 2014, réalisé par Laurent N..., qui concerne deux autres immeubles atteints de désordres causés par les travaux de construction de l'auditorium, situés [...] et [...] . Il ressort de ce document que les désordres les plus graves, dénommés 'désordres de type 1' par l'expert, ont affecté l'immeuble du [...] , qu'ils se sont manifestés de façon accélérée à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010, qu'ils ont été dus à une dégradation évolutive du mur mitoyen séparant le [...] du [...] , ce dernier immeuble étant compris dans l'emprise du chantier, et que cette dégradation a elle-même été provoquée par une présence d'eau en sous-sol que les intervenants sur le chantier ont laissé perdurer avec 'désinvolture' (page 137 du rapport) et qui a fragilisé l'assise de l'ouvrage. Dans le présent litige, le même expert N... a noté, dans son rapport du 28 janvier 2011, que la fissuration du mur séparatif, qui existait antérieurement aux travaux, ainsi que cela avait été noté à l'occasion d'un constat préventif, s'était aggravée après les opérations de démolition effectuées au cours du premier semestre de l'année 2006, que cette aggravation avait été constatée lors de la première réunion d'expertise du 05 septembre 2008 et qu'elle avait été due à la démolition d'un immeuble situé [...] , compris dans l'emprise du chantier, sans que le mur litigieux ait été contreventé.

Il résulte de ce qui précède que les désordres causés à l'immeuble du [...] et ceux ayant affecté l'immeuble du [...] , s'ils sont survenus à l'occasion des travaux de construction de l'auditorium, n'ont pas trouvé leur origine dans la même cause technique, les premiers ayant été dus à la démolition d'un immeuble sans précaution, les seconds à la présence d'une importante quantité d'eau en sous-sol, ayant dégradé l'assise de l'ouvrage concerné. Par ailleurs, ils ne se sont pas manifestés aux mêmes dates, l'aggravation de la fissuration du mur séparatif étant apparue vraisemblablement au cours de l'année 2007 et ayant été constatée au mois de septembre 2008, et la dégradation du mur de l'immeuble du cours [...] étant survenue de manière accélérée fin 2009 et début 2010. Il s'ensuit que ces désordres n'ont pas constitué 'un seul et même sinistre' au sens de l'article 8.1 des conditions générales SGB0017 et qu'en outre, ils n'ont pas concerné la même année. Dès lors, comme l'a justement estimé le tribunal, la société SMA n'est pas fondée à opposer à son assuré les sommes qu'elle a pu verser à la suite du sinistre survenu [...] , en vue de limiter le montant de son obligation dans le présent litige.

b) sur les demandes dirigées contre les intervenants aux opérations de construction:

La société Brochon Puy Paulin sollicite la condamnation des intervenants aux opérations de construction à la relever indemne des condamnations prononcées à son encontre dans l'arrêt de la présente cour du 29 mai 2015, en se fondant à titre principal sur leur responsabilité contractuelle, à titre subsidiaire sur l'existence de troubles anormaux de voisinage, dans la mesure où elle a indemnisé ses voisins dans les droits desquels elle se trouve subrogée. Elle prie en conséquence la cour:

- de condamner in solidum les sociétés Atelier 4A, BDS, Soletanche Bachy France, Entreprise Jouneau et Apave Sudeurope à lui payer la somme de 156846,42€, solde du coût des travaux de démolition et de reconstruction du mur séparatif, et de fixer à ce montant sa créance au passif de la procédure collective de la société Entreprise Jouneau,

- de condamner in solidum les sociétés Atelier 4A, BDS, Soletanche Bachy France et Apave Sudeurope à la garantir des sommes réglées par elle à hauteur de 88610,00€, en réparation des préjudices de jouissance, financiers et économiques de ses voisins.

1 ' sur les demandes dirigées contre la société Atelier 4A:

La société Atelier 4A conteste toute faute de sa part, au motif qu'elle n'avait pas reçu de mission de diagnostic des avoisinants ni de mission EXE (Etudes d'exécution et de synthèse) et que le CCTP (Cahier des clauses techniques particulières) des lots confiés à la société BDS mettait à la charge de cette entreprise les études techniques, l'établissement des plans d'exécution des ouvrages et la méthodologie de la démolition, sous le contrôle de la société Apave. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, elle ne saurait être tenue pour responsable des dommages immatériels causés aux voisins par les bruits du chantier, qui résultent de la seule exécution des travaux. Elle conclut en conséquence à la réformation du jugement en ses dispositions la concernant et au rejet des demandes formées à son encontre.

L'expert judiciaire a estimé que le sinistre concernant le mur séparatif était 'lié à un défaut de conception initiale du projet de conservation des héberges' (page 58 de son rapport). Il a souligné le fait que les études nécessaires à la conservation des murs (étude de leurs fondations et calcul de contreventement) n'avaient pas, à sa connaissance, été menées préalablement à la démolition et il a indiqué que les fissures qui étaient apparues avaient été 'la conséquence de cette absence d'étude préalable' (idem). Certes, le contrat de maîtrise d'oeuvre de la société Atelier 4A ne comporte aucune mission EXE et il est précisé à l'article 2.2 du CCTP du lot n°1, relatif aux travaux de démolitions, que la méthodologie de ces travaux est à la charge des entreprises. Cependant, ce texte indique également que cette méthodologie fera obligatoirement l'objet d'un document écrit spécifiant l'ensemble des modes opératoires pour chaque phase avec 'tout plan et toute note de calcul nécessaire justificative', que ce document sera soumis à l'approbation du maître d'oeuvre, au minimum quinze jours ouvrés avant la date prévisionnelle d'exécution sur le chantier, et que la réalisation des travaux sera subordonnée au visa de l'intéressé. En l'espèce, la société Atelier 4A ne justifie pas de l'exécution de ces prescriptions, ce qui caractérise un manquement à ses obligations de maître d'oeuvre, ainsi que l'a justement estimé le tribunal.

Le manquement de la société d'architectes ayant directement concouru à la survenance des désordres causés au mur séparatif, c'est avec raison que les premiers juges ont condamné cette société, in solidum avec la société SMA dans la limite de 44772,01€, à payer à la société Brochon Puy Paulin la somme de 156846,42€, solde du coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage (224148,81€ - 67302,39€). Leur décision sera confirmée sur ce point.

En ce qui concerne les préjudices immatériels, la société Atelier 4A démontre, par la production de très nombreux comptes rendus de chantier établis de mars 2010 à décembre 2012, qu'elle a constamment rappelé aux entreprises qu'elles devaient travailler uniquement durant les heures légales, c'est-à-dire du lundi au samedi, de sept heures à vingt heures. Il s'ensuit que la preuve d'une faute de nature à engager sa responsabilité pour les dommages résultant des bruits entraînés par la réalisation de travaux en dehors de ces horaires n'est pas rapportée. Par ailleurs si la société Brochon Puy Paulin justifie avoir exécuté intégralement les condamnations prononcées par le jugement du 18 juin 2013 et par l'arrêt du 29 mai 2015, son action subsidiaire au titre des troubles anormaux de voisinage n'est pas fondée à l'encontre de la société Atelier 4A, dans la mesure où ce n'est pas cette société qui est à l'origine des bruits excessif ayant causés aux riverains des préjudices de jouissance, financiers et économiques. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande du maître de l'ouvrage à ce sujet.

2 ' sur les demandes dirigées contre la société BDS:

La société BDS, qui relève appel incident, sollicite la réformation du jugement en ce qui concerne la condamnation prononcée contre elle au titre du mur séparatif, en faisant valoir que l'expert judiciaire n'a mentionné que l'absence d'étude préalable comme cause des désordres, sans mettre en évidence une quelconque faute d'exécution qu'elle aurait commise au cours des opérations de démolition. Elle conclut en revanche à la confirmation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu sa responsabilité au titre des préjudices immatériels.

S'il est exact que le technicien a indiqué que l'absence d'étude préalable était la cause principale de l'apparition des fissures dans le mur séparatif, il ressort de l'article 2.2 du CCTP du lot n°1 'Démolitions', que les études techniques et la méthodologie des travaux de démolition étaient à la charge des entreprises, que cette méthodologie devait faire obligatoirement l'objet d'un document écrit spécifiant l'ensemble des modes opératoires pour chaque phase, et que ce document devait être soumis à l'approbation du maître d'oeuvre préalablement au début des travaux, ainsi qu'il a été dit. La société BDS ne prétendant ni ne justifiant s'être acquittée de cette obligation, ces circonstances caractérisent une faute de sa part, directement à l'origine du sinistre relatif au mur séparatif. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société Atelier 4A et la société SMA, celle-ci dans la limite de 44772,01€, à payer à la société Brochon Puy Paulin la somme de 156846,42€, solde du coût des travaux de démolition et de reconstruction du mur litigieux.

En revanche, le maître de l'ouvrage de démontre pas quelles ont été les entreprises à l'origine de bruits excessifs, excédant les inconvénients normaux de voisinage, ni celles qui ont travaillé en dehors des heures légales. S'agissant d'un chantier d'une ampleur considérable, ayant mobilisé de très nombreux intervenants et ayant duré sept ans, avec quelques périodes d'arrêt, la cour ne dispose pas des éléments suffisants pour attribuer à la société BDS, fût-ce pour partie, la cause des préjudices immatériels subis par les voisins. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de la société Brochon Puy Paulin au titre des dommages immatériels.

3 ' sur les demandes dirigées contre la société Soletanche Bachy France:

L'expert judiciaire n'a retenu aucune faute de la société Soletanche Bachy France à l'origine des désordres ayant affecté le mur séparatif. Par ailleurs, la société Brochon Puy Paulin ne démontre aucun lien de causalité entre les prestations de cette société et les préjudices immatériels causés aux voisins du chantier. Il s'ensuit qu'elle échoue tant dans son action principale que dans son action subsidiaire, fondée sur sa subrogation dans les droits des voisins. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

4 ' sur les demandes dirigées contre la société Entreprise Jouneau :

Pour fonder ses prétentions à l'encontre de la société Entreprise Jouneau, la société Brochon Puy Paulin se prévaut uniquement de l'avis de l'expert judiciaire selon lequel une solution de confortement mise en place par cette société entre février et mars 2009, sur commande du maître de l'ouvrage, n'avait fait que créer des efforts parasites dans le mur séparatif et en avait accéléré la fissuration (page 58, paragraphe 1, de son rapport). Toutefois, la société Entreprise Jouneau n'a pas été attraite aux opérations d'expertise, de sorte que le rapport du technicien lui est inopposable. A défaut de production d'un autre élément de preuve, la société Brochon Puy Paulin ne démontre ni une faute, ni un fait de la société Entreprise Jouneau ayant contribué à la survenance des dommages causés au mur séparatif. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées contre cette société.

5 ' sur les demandes dirigées contre la société Apave Sudeurope:

Le contrat de 'Contrôle technique de construction' conclu le 29 juin 2004 avec l'Apave énonce, à l'article 4 alinéa 12 de ses 'Conditions d'intervention', que 'les travaux de démolition préalables ne relèvent pas de la présente mission'. La société Brochon Puy Paulin le conteste, en soulignant que l'Apave avait reçu une mission de 'type AV', définie dans les conditions d'intervention comme portant sur la 'Stabilité des ouvrages avoisinants'. Cependant, il est précisé à l'article 1 des 'Conditions spéciales' relatives à cette mission que 'les aléas techniques que le G.I.E. CETEN Apave INTERNATIONAL a pour mission de contribuer à prévenir au titre de la mission Av, sont ceux qui, découlant de la réalisation des fondations de l'ouvrage neuf, et, le cas échéant, des ouvrages périphériques en infrastructure (reprise en sous-oeuvre et voiles périphériques), sont susceptibles d'affecter la stabilité des avoisinants'. Il se déduit de ces dispositions que, de manière générale, la mission de l'Apave ne portait pas sur les travaux de démolition et que, plus particulièrement, sa mission Av ne concernait que les conséquences éventuelles des ouvrages neufs sur les avoisinants, mais non les conséquences de la démolition des ouvrages anciens.

Les sociétés SMA, Atelier 4A et BDS, dans le cadre de leurs actions récursoires qui seront examinées ci-après, critiquent ce raisonnement en faisant valoir que l'article 2.2 du CCTP du lot n°1 'Démolitions' imposait aux entreprises de faire approuver par le bureau de contrôle le document écrit qu'elles étaient tenues d'établir pour définir la méthodologie des opérations de démolition et de soumettre cette méthodologie et leurs modes opératoires à l'approbation non seulement du maître d'oeuvre, ainsi qu'il a été dit, mais encore du bureau de contrôle, au minimum quinze jours ouvrés avant la date prévisionnelle d'exécution sur le chantier. Elles en déduisent qu'il a ainsi été dérogé aux clauses invoquées par l'Apave. Elles ajoutent que cette société a du reste contrôlé et validé la méthodologie mise en oeuvre, ainsi que cela résulte de divers comptes rendus de chantier. Enfin, elles soulignent que l'expert a noté que l'Apave aurait pu, sur la base d'un constat visuel, demander qu'un calcul de stabilité des murs soit produit et qu'elle n'avait émis aucune réserve sur les renforts métalliques mis en place, dont il a estimé qu'ils avaient aggravés les fissures existantes (page 86 de son rapport).

S'il était loisible au maître de l'ouvrage et à l'Apave de déroger aux clauses générales de leur contrat dans les conventions spéciales de celui-ci, une telle dérogation ne saurait résulter des dispositions du CCTP du lot 'Démolitions', car ce document n'a pas été signé par l'Apave et lui est, de ce fait, inopposable. En revanche, une dérogation aux dispositions de l'article 4 alinéa 12 des 'Conditions d'intervention' du contrat de contrôle technique figure en ces termes à l'article 2 alinéa 2 des 'Conditions spéciales' de la mission Av: 'Par dérogation aux dispositions de l'article 4, alinéa 12 des conditions générales, le G.I.E. CETEN APAVE INTERNATIONAL examine, au regard exclusivement de la présente mission, les dispositions prises par les constructeurs en matière de terrassement, blindage de fouilles et étaiement'. Cet article confirme que la mission donnée à l'Apave ne concernait pas les travaux de démolition, puisque la seule exception qu'il prévoit était limitée aux terrassements, blindages de fouille et étaiements.

Les comptes rendus de chantier n°15 du 1er février 2006 et n°16 du 08 février 2006 mentionnent, en leur page 4, qu''après visite de l'Apave, le 01/02/06, et analyse des méthodologies mises en oeuvre pour les travaux de démolition, le premier mur de refend (depuis l'entrée), perpendiculaire aux mitoyens côté 11 du cours peut être enlevé sans risque particulier'. Toutefois, outre que la démolition ainsi visée, située du côté du cours [...] et non à l'autre extrémité du chantier, du côté de la rue du [...], n'est pas à l'origine des désordres ayant donné lieu au présent litige, la mention précitée est ambiguë. En effet, s'agissant d'un compte rendu établi par le maître d'oeuvre, il n'est pas possible de savoir si l'analyse des méthodologies a été effectuée par la société Apave Sudeurope , qui n'en avait pas l'obligation, ou par la société Atelier 4A, à qui cette vérification incombait aux termes du CCTP du lot 'Démolitions' qu'elle avait elle-même rédigé et qui lui était donc opposable. Il sera en outre souligné que dans la mesure où l'Apave avait reçu mission d'examiner, au regard de la stabilité des avoisinants, les dispositions prises par les constructeurs en matière de terrassement, blindage de fouille et étaiement, sa visite du chantier peut s'expliquer par l'exécution de ladite mission, sans impliquer de sa part une analyse ni une approbation des méthodologies de démolition. Enfin, s'il est exact que, dans un compte rendu de visite du 27 juin 2006 et deux comptes rendus de visite du 30 novembre 2006, elle a signalé l'existence de diverses fissures sur des immeubles avoisinants, ces constatations, qui peuvent avoir été faites en exécution de sa mission Av, ne suffisent pas à démontrer qu'elle ait été chargée d'un contrôle préalable des travaux de démolition.

Si l'expert a indiqué à la page 86 de son rapport que l'Apave aurait pu, sur la base d'un constat visuel, demander qu'un calcul de stabilité des murs mitoyens soit produit, il n'en a pas pour autant conclu à un manquement de cette société en relation de cause à effet avec les désordres causés au mur séparatif. Par ailleurs, s'il a également précisé que l'Apave n'avait pas émis de réserves sur les renforts métalliques mis en place, il ne résulte pas de ce qui précède que la pose de ces confortements ait relevé de la mission de cette société.

La responsabilité du contrôleur technique ne pouvant être recherchée en dehors du champ de sa mission, c'est en définitive avec raison que le tribunal a débouté la société Brochon Puy Paulin de ses demandes à l'encontre de la société Apave Sudeurope . Sa décision sera confirmée sur ce point.

2° / Sur les actions récursoires:

La société SMA, qui déclare être subrogée, en application de l'article L.121-12 alinéa1 du code des assurances, dans les droits de son assuré à qui elle a payé l'indemnité d'assurance, agit, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, contre les intervenants à la construction qu'elle estime responsables de ces troubles. Elle prie en conséquence la cour de condamner in solidum les sociétés Atelier 4A, BDS, Soletanche Bachy France et Apave Sudeurope , d'une part à la relever indemne de la condamnation prononcée contre elle à hauteur de 44772,01€ au titre de la démolition et de la construction du mur séparatif, d'autre part de lui payer la somme de 67302,39€, solde du coût des travaux précités, et celle de 21717,07€ correspondant à des dommages matériels causés au syndicat des copropriétaires et aux occupants pour la fissuration de la cage d'escalier et des parties privatives. De son côté, la société Atelier 4A demande à la cour de condamner in solidum les sociétés BDS, Soletanche Bachy France et Apave Sudeurope , sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, à la relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle. Enfin, la société BDS sollicite, sur le fondement du même texte, la condamnation in solidum des sociétés Atelier 4A, Soletanche Bachy France, Entreprise Jouneau et Apave Sudeurope à la relever indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et de fixer sa créance au passif de la société Entreprise Jouneau au montant des condamnations qui seront prononcées contre cette société.

La cour ayant laissé l'indemnisation des préjudices immatériels subis par les voisins à la charge de la société Brochon Puy Paulin, les actions récursoires ne portent plus que sur le coût des travaux de démolition et de reconstruction du mur séparatif, et sur les dommages matériels causés au syndicat des copropriétaires et aux occupants. Ces dommages consistent, d'une part en une fissuration verticale de la cage d'escalier, d'autre part en des désordres causés au restaurant à l'enseigne 'Agadir', ayant consisté en le décollement de la faïence murale. Le 07 avril 2014, la société SMA a versé à la société Brochon Puy Paulin une somme de 21717,07€ au titre de ces désordres, ce qui explique que le maître de l'ouvrage n'ait rien réclamé à ce sujet aux intervenants aux opérations de construction.

Dans le cadre de l'action principale, la cour a constaté qu'il n'était rapporté la preuve d'aucune faute de la société Soletanche Bachy France ayant concouru à la survenance des désordres, ni d'aucun manquement de la société Apave Sudeurope à sa mission de contrôle technique. Elle a également jugé que le rapport d'expertise judiciaire, qui constituait le seul élément de preuve invoqué à l'encontre de la société Entreprise Jouneau, était inopposable à celle-ci, qui n'avait pas été appelée en qualité de partie aux opérations d'expertise. Aucun élément de nature à remettre en cause ces appréciations n'est produit dans le cadre des actions récursoires. Il n'est pas non plus établi une faute ou un fait des trois parties susmentionnées qui ait participé à la survenance des préjudices matériels des voisins. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit aux actions récursoires à l'encontre de ces trois parties.

Il a déjà été statué sur la responsabilité des sociétés Atelier 4A et BDS quant aux désordres causés au mur séparatif. Les manquements de ces sociétés à leurs obligations envers la société Brochon Puy Paulin ont constitué le fait générateur des troubles anormaux de voisinage causés au syndicat des copropriétaires, dans les droits duquel la société SMA se trouve subrogée. La cour retiendra donc la responsabilité des sociétés Atelier 4A et BDS à l'égard de cet assureur. Par ailleurs, dans leurs rapports entre elles, elle jugera, comme l'a fait le tribunal, que la charge définitive des condamnations sera supportée à concurrence de 40% par la société Atelier 4A et de 60% par la société BDS. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum ces deux sociétés à relever indemne la société SMA de la condamnation au paiement de la somme de 44772,01€ et à lui payer la somme de 67302,39€, ainsi qu'en sa disposition relative à la charge définitive de ces condamnations.

Pour ce qui est des préjudices matériels subis par les voisins, l'expert a attribué la fissuration verticale, apparue dans la cage d'escalier postérieurement aux travaux de démolition de la société BDS, à une décompression de la superstructure du bâtiment liée à la destruction de toute la zone arrière (page 60 de son rapport) et les désordres causés au restaurant 'Agadir' à des 'chocs importants' sur le mur du local imputables à la société BDS, laquelle a d'ailleurs reconnu sa responsabilité en signant un accord transactionnel le 07 septembre 2006 (idem). Dans la mesure où ces dommages matériels sont dus de manière exclusive au fait, même non fautif, de la société BDS lors de ses travaux de démolition, la responsabilité de cette société envers la société SMA sera seule retenue, à l'exclusion de celle de la société Atelier 4A dont il n'est pas établi que l'activité ait concouru à la survenance des troubles. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société BDS à relever indemne la société SMA de la condamnation au paiement de la somme de 21717,07€, mais il sera réformé en ce qu'il a prononcé la même condamnation à l'encontre de la société Atelier 4A, et la société SMA sera déboutée de son action récursoire à l'encontre de celle-ci. Par voie de conséquence, il sera constaté que l'action récursoire de la société Atelier 4A portant sur la somme de 21717,07€ est devenue sans objet.

3° / Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance. Dans la mesure où les sociétés Atelier 4A et BDS succombent dans l'essentiel de leurs prétentions, elles seront condamnées aux dépens des appels.

Il serait inéquitable que les sociétés SMA, Brochon Puy Paulin, Soletanche Bachy France, Apave Sudeurope et Laurent X... , ès-qualités, conservent à leur charge la totalité des frais exposés par elles devant la cour et non compris dans les dépens. Il convient de faire droit à leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, dans la proportion qui sera précisée dans le dispositif.

Il convient de dire que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Atelier 4A et BDS supporteront la charge définitive des condamnations qui précèdent à concurrence de 40% pour la société Atelier 4A et de 60% pour la société BDS.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit les appels et les appels incidents;

Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, sauf:

- en ce qu'il a condamné la société SMA à relever indemne la société Brochon Puy Paulin des condamnations prononcées au profit des époux O..., des époux P..., de Michael R..., des époux S..., de FF... V... et de la société Atka, en réparation de leurs préjudices de jouissance, financiers et économiques,

- en ce qu'il a condamné la société Atelier 4A à payer à la société SMA une somme de 21717,07€ au titre des dommages matériels causés au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires pour la fissuration de la cage d'escalier et des parties privatives, et en ce qu'il a fait droit à l'action récursoire de la société BDS à l'encontre de la société Atelier 4A à concurrence de 40% de la somme précitée;

Statuant à nouveau sur ces trois points:

Déboute la société Brochon Puy Paulin de sa demande tendant à la faire relever indemne par la société SMA des condamnations prononcées au profit des époux O..., des époux P..., de Michael R..., des époux S..., de FF... V... et de la société Atka, en réparation de leurs préjudices de jouissance, financiers et économiques;

Déboute la société SMA de sa demande en paiement de la somme de 21717,07€ dirigée contre la société Atelier 4A;

Constate que l'action récursoire de la société Atelier 4A contre la société BDS, portant sur la somme de 21717,07€, est devenue sans objet;

Ajoutant au jugement :

Dit que la société SMA n'est pas fondée à opposer à la société Brochon Puy Paulin les sommes qu'elle a pu verser à la suite du sinistre survenu au [...] , en vue de limiter le montant de son obligation dans le présent litige;

Condamne in solidum la société Atelier 4A et la société BDS à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

1°) à la société SMA, une somme de 3000,00€,

2) à la société Brochon Puy Paulin, une somme de 5000,00€,

3°) à la société Soletanche Bachy France, une somme de 2000,00€,

4°) à la société Apave Sudeurope , une somme de 3000,00€,

5°) à la société Laurent X... , prise en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Entreprise Jouneau, une somme de 2000,00€;

Condamne in solidum la société Atelier 4A et la société BDS aux dépens des appels, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

Dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Atelier 4A et BDS supporteront la charge définitive des condamnations qui précèdent à concurrence de 40% pour la société Atelier 4A et de 60% pour la société BDS;

Signé par Madame Marie-Jeanne Contal, président, et par Madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/05424
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°16/05424 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;16.05424 ?
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