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24/05/2018 | FRANCE | N°17/01491

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 24 mai 2018, 17/01491


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE





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ARRÊT DU : 24 MAI 2018





(Rédacteur : Madame Michèle SERRES-HUMBERT, Conseiller)








N° de rôle : 17/01491














X... Y...


Laurence Z... épouse Y...








c/





A... B...


Michelle X... épouse B...











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Nature de la décision : AU FOND











SUR RENVOI DE CASSATION





























Grosse délivrée le :





aux avocats


Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 23 février 2017 (n° G 16-12.859) rendu par la Cour de Cassation sur un arrêt rend...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2018

(Rédacteur : Madame Michèle SERRES-HUMBERT, Conseiller)

N° de rôle : 17/01491

X... Y...

Laurence Z... épouse Y...

c/

A... B...

Michelle X... épouse B...

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 23 février 2017 (n° G 16-12.859) rendu par la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 20 Octobre 2015 par la Cour d'Appel d'ANGERS (RG: 13 /229) en suite d'un jugement du tribunal de grande instance de LAVAL du 01 Juillet 2013 (RG:11/955), suivant déclaration de saisine en date du 08 mars 2017

DEMANDEURS :

X... Y...

né le [...] à BERNAY (27300)

de nationalité Française, demeurant [...]

Laurence Z... épouse Y...

née le [...] à SECLIN (59113)

de nationalité Française, demeurant [...]

Représentés par Me Philippe C... de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés de Me Bernard D..., avocat au barreau de LAVAL

DEFENDEURS :

A... B...

né le [...] à HENNEBONT, demeurant [...]

Michelle X... épouse B...

née le [...] à SAINT CALAIS DU DESERT, demeurant [...]

Représentée par Me Alexandre E... de la F... AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 mars 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie Jeanne I..., Président,

Madame Michèle SERRES-HUMBERT, Conseiller,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Par acte notarié en date du 8 juin 2007, M et Mme B... ont acquis un immeuble d'habitation situé [...] , figurant au cadastre section [...] , ainsi qu'une bande de terrain leur servant d'accès cadastrée numéro [...] et constituant respectivement les lots n° 22 et 21 d'un lotissement remontant à 1971.

Ces immeubles jouxtent la maison d'habitation avec garage en sous-sol acquise par M et Mme Y... les 2 et 3 mai 2000, située [...], cadastrée section [...] et [...], constituant les lots n° 18 et 23 du lotissement des Filatures.

Par acte d'huissier en date du 6 mai 2011, M et Mme B... ont assigné M et Mme Y... sur le fondement de l'article 691 alinéa 2 du code civil pour voir juger que le fonds des défendeurs ne bénéficie d'aucun droit de passage sur la parcelle cadastrée n° [...] (lot 21 du lotissement) et en conséquence leur voir interdire tout passage.

Le tribunal de grande instance de Laval par jugement en date du 1er juillet 2013, a :

'dit que le fonds sis à Laval cadastré section [...] , propriété de M et Mme B... n'est pas grevé d'une servitude de passage au profit de la parcelle n° [...], propriété de M et Mme Y...;

'interdit en conséquence à ces derniers et à toutes personnes de leur chef de passer sur la parcelle n° [...], passé un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 300 € par infraction constatée passé ce délai;

'ordonné à la requête de la partie la plus intéressée la publication du jugement au bureau des hypothèques;

'ordonné l'exécution provisoire du jugement;

'condamné les défendeurs in solidum aux dépens, dont distraction au profit de l' avocat des époux B..., mais rejeté la demande de ces derniers en paiement d'une indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel d'Angers par arrêt en date du 20 octobre 2015, a :

'déclaré M et Mme Y... irrecevables en leur prétention à la propriété du chemin cadastré [...] ;

'confirmé le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

'débouté M et Mme B... de leur demande de dommages et intérêts ;

'condamné M et Mme Y... aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 euros.

M et Mme Y... ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

La cour de cassation par arrêt du 23 février 2017, a :

'cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

'remis , en conséquence, la cause et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant

ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux;

'condamné M et Mme B... aux dépens ;

'vu l'article 700 du code de procédure civile, condamné M et Mme B... à payer à M et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros;

'rejeté la demande de M et Mme B... ;

'dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé .

M et Mme Y... ont saisi la cour de renvoi, le 8 mars 2017.

Par conclusions en date du 21 février 2018, ils demandent à la cour de :

'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur portant grief, statuant à nouveau:

Vu l'article 2272 code civil ;

'constater l'acquisition par prescription acquisitive par les époux Y... de la propriété indivise du chemin cadastré commune de Laval section [...] pour une surface de 1a 52 ca, et ce par suite de son affectation depuis l'origine à un usage commun et de sa possession paisible , publique et non équivoque par eux-mêmes et leurs auteurs à titre de copropriétaires ;

'en tout cas constater l'existence, établie par commencement de preuve par écrit corroboré par toutes preuves concordantes, d'une reconnaissance de servitude de passage sur ledit chemin par son premier propriétaire suivant le lotissement des lieux, laquelle vaut titre recognitif suppléant l'absence de titre constitutif dans les conditions de l'article 695 code civil, et ce au profit du propriétaire du fonds cadastré commune de Laval section [...] ;

'à tout le moins, vu les articles 682 et 685 code civil ;

*constater l'état d'enclave partielle de l'immeuble cadastré N[...], faute de pouvoir l'exploiter en sa nature de garage de véhicule ;

*constater en ce cas que l'assiette et le mode de la servitude légale existant à tout le moins sur le fonds cadastré N[...] sont établis par trente ans d'usage ;

'constater que dans un cas comme dans l'autre l'assiette de la servitude s'étend sur toute la largeur de la parcelle N[...], et ce depuis la [...] jusqu'au droit du second pilier du portail d'accès au garage existant dans l'immeuble N°352 ;

En toute hypothèse :

'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir ;

'déclarer les époux B... irrecevables et en tout cas non fondés en toutes leurs contestations ainsi qu'en toutes leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter ;

'les condamner in solidum à payer à M et Mme Y..., à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution provisoire du jugement à leurs risques et périls les sommes de :

- 130 € par mois depuis le 1er Juillet 2013, soit 6.240 € au 30 Juin 2017, outre 130 € par mois jusqu'à la publication de l'arrêt à intervenir, au titre des pertes de loyers occasionnées,

- 150 € par mois entre les mêmes dates, soit 7.200 € au 30 Juin 2017, outre 150 € par mois jusqu'à la publication de l'arrêt à intervenir, au titre de l'atteinte aux droits des époux Y...,

- 7.500 € en réparation de leurs préjudices moraux ;

Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

'condamner les époux B... in solidum à payer à M et Mme Y... une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ,ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la Selarl Lexavoué Bordeaux aux offres de droit.

Ils font valoir que :

'les demandes reconventionnelles sont recevables en cause d'appel sous la seule réserve de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant, conformément aux exigences de l'article 70 du code de procédure civile, ce qui est le cas en l'espèce; les intimés renoncent à réitérer une quelconque fin de non-recevoir à ce titre devant la cour,

'si la servitude de passage ne peut pas s'acquérir par prescription, tel n'est pas le cas de la copropriété du chemin sur lequel le passage s'exerce,

'le chemin litigieux a été emprunté de manière constante depuis la construction de l'immeuble G... en 1973, soit depuis plus de 30 ans ; Mme G..., habitante du quartier, en atteste et l'entrée de l'impasse se trouve juste en face de son immeuble au numéro 16,

'il ne pourrait guère en être autrement dès lors précisément que l'immeuble G... a son entrée principale sur cette impasse où se trouvent la boîte aux lettres et le numéro apposé par les services de la commune et où s'effectue l'enlèvement des ordures ménagères,

'le chemin est en réalité une véritable voie publique, goudronnée, non fermée à son extrémité débouchant sur la [...] et il existe même à son extrémité un lampadaire d'éclairage public,

'depuis plus de 30 ans, les époux G... et leurs successeurs ont eu la possession de leur part dans cette impasse commune, de manière paisible, publique et non équivoque à titre de véritables copropriétaires ; ils ont participé à l'entretien de cet accès commun,

'la possession acquisitive n'a pas lieu d'être exercée en vertu d'un titre, son objet étant précisément de suppléer l'absence de titre ; il n'est pas sérieux de réduire à une simple détention précaire ou par tolérance, un usage constant de la ruelle pendant 38 ans,

'on ne peut opposer l'existence d'un second accès sur la voie publique s'agissant d'un petit portail piéton non praticable même après transformation pour accéder au garage,

'la prescription est acquise dès l'année 2003 et à compter de cette date il appartient aux intimés d'établir une renonciation à la prescription laquelle ne se présume pas,

'le propriétaire de l'autre fonds riverain cadastré [...] dispose pour sa part d'une servitude de passage par titre,

'la cassation étant entière, ils ne peuvent que réitérer à toutes fins leur démonstration quant à l'existence d'une servitude à leur profit sur le fondement de l'article 695 du code civil,

'le titre récognitif s'entend d'une reconnaissance par le propriétaire du fonds asservi, des droits concédés au profit du propriétaire du fonds dominant et il est admis le commencement de preuve par écrit,

'M H..., premier acquéreur auprès du lotisseur des lots 21 à 22, avait conçu et dressé les plans de la future construction G...;dans tous les plans établis, l'immeuble se trouve dans sa configuration actuelle avec un bas niveau de plain-pied avec l'accès par le chemin litigieux ; M H... étant propriétaire du chemin numéro 380, il convient d'analyser ces faits comme une reconnaissance sans équivoque de servitude à charge de son fonds au profit du fonds 352 ; les parties avaient convenu de partager les frais d'entretien du chemin entre les propriétaires des lots 18,20 et 22 ; ces circonstances corroborent le commencement de preuve par écrit d'une concession amiable de servitude,

'les intimés connaissaient l'existence de la charge dès lors que le portail existait ostensiblement au bord du chemin et que l'accès était régulièrement pratiqué en l'absence d'une autre issue possible ; lorsque l'absence de mention de la servitude dans les titres a été découverte, la seule préoccupation des époux B... a été de requérir auprès du notaire la régularisation de la situation,

'l'état des lieux est tel qu'il n'existe aucun accès direct sur la voie publique en dehors d'un portillon pour piétons qui est insuffisant au sens de l'article 682 du code civil,

'l'agrandissement de ce passage ne permettrait pas un accès au garage ; le coût des transformations nécessaires au désenclavement, à les supposer réalisables techniquement, serait excessif et démesuré,

'la situation ne résulte pas du fait de M G..., leur auteur, mais de M H... propriétaire en son temps du fonds asservi,

'en application de l'article 685 du code civil ,l'assiette et le mode de servitude s'établissent par 30 ans d'usage,

'le bien est loué et il avait été convenu qu'en cas de suppression de l'accès au garage la valeur locative d'un montant de 1230 euros serait abaissée à 1100 euros ; du fait de l'exécution provisoire ,la clause du bail a dû recevoir application ce qui leur cause un préjudice de 130 euros depuis le 1er juillet 2013.

Par conclusions du 13 juillet 2017, M et Mme B... demandent à la cour de :

'débouter M et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

'confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Laval le 1er juillet 2013,

Y ajoutant,

'condamner M et Mme Y... à payer à M et Mme B... la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation des troubles subis, et ce sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

'condamner M et Mme Y... à payer à M et Mme B... la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner les mêmes en tous les dépens.

Ils soutiennent que :

'les appelants ne démontrent pas une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de 30 ans,

'M et Mme Y... ont reconnu être détenteurs précaires et donc bénéficiaires d'une simple tolérance,

'dès lors qu'ils ont refusé de prendre en charge les travaux de réparation du chemin notamment en 2010, M et Mme Y... ont fait la preuve de ce qu'ils ne se considéraient pas propriétaires ou copropriétaires de la dite parcelle,

'M et Mme Y... disposent d'un portail qui donne directement sur la rue [...],

'les actes notariés sont sans ambiguïté ; les appelants n'ont pas appelé en la cause l'ensemble des prétendus propriétaires indivis,

'il a été expressément prévu que la parcelle numéro [...] ne bénéficierait d'aucun droit de passage sur le chemin et a fortiori de servitude ; la construction a été réalisée de façon délibérée alors qu'il était possible de prévoir une sortie de garage différente de façon à ce que les manoeuvres ne se fassent pas sur la parcelle [...],

'l'apposition du cachet de M H... sur le permis de construire de la maison de M et Mme Y... n'est pas le commencement de preuve de l'existence de la reconnaissance d'une servitude au profit de leurs auteurs ; il n'existe ni servitude légale ni titre recognitif de servitude ultérieur,

'la parcelle [...] dispose d'un accès sur sa plus grande longueur directement sur la rue [...] et elle n'est donc pas enclavée ; la construction d'un muret ne permet pas de caractériser un état d'enclave alors qu'elle est volontaire et résulte de l'acte des auteurs des appelants,

'l'état d'enclave s'apprécie au regard de la possibilité d'accéder à la parcelle depuis la voie publique et non en considération des constructions qui y figurent,

'la résistance opposée par les appelants est abusive alors que la procédure dure depuis 6 ans et rend les relations de voisinage compliquées ; ils ont dû rembourser les sommes qui leur avaient été allouées par la cour d'appel d'Angers et les frais de justice payés par leur adversaire.

L'affaire a été clôturée le 6 mars 2018.

SUR QUOI :

Le lotissement de la société des Filatures a été approuvé par arrêté préfectoral du 28 mai 1971 ; aux termes du règlement du lotissement le lot numéro 21 aujourd'hui cadastré section [...] , est défini comme étant en nature de passage et destiné à être vendu à l'acquéreur du lot numéro 19, devenu numéro 22 à la suite de l'arrêté du 19 juillet 1972 (les lots 21 et 22 appartiennent aujourd'hui aux époux B...).

Il est expressément précisé que « ce lot sera grevé d'une servitude de passage à tous usages, au profit de l'acquéreur du lot numéro 20.

L'entretien et la réfection éventuelle de ce lot seront à la charge des acquéreurs des lots 19 et 20 à frais communs et par moitié ».

Le lotissement exclut expressément pour le propriétaire du lot numéro 18 (propriété Y...) l'utilisation du lot 21 en ces termes : « ce lot n'aura aucun accès sur le lot numéro 21 ».

L'existence d'une servitude de passage sur le lot 21 au profit du lot 20 a été rappelée dans les actes successifs de vente de ce bien ; les actes notariés se rapportant à la vente des parcelles [...] et [...] ne contiennent aucune servitude de passage sur le lot 21.

Il résulte de ces éléments et de tous les actes de vente successifs que :

'la parcelle numéro [...] à usage de passage appartient à M et Mme B... et qu'elle est grevée d'une servitude de passage au seul profit du lot numéro 20 cadastré [...], appartenant à une partie qui n'est pas dans la cause,

'le droit pour le propriétaire du numéro 18 d'accéder à son lot par la parcelle numéro [...] est expressément exclu.

M et Mme Y... ont emprunté la parcelle [...] pour accéder à leur garage ; M et Mme B... voulant réaliser des travaux de réfection de la chaussée ont été informés par leur notaire de l'absence de servitude de passage au profit du fonds Y... et M et Mme Y... n'ont pas donné de suite au projet de constitution d'une servitude conventionnelle de passage et de modification de servitude, établi par le notaire des intimés.

Sur la propriété indivise des lieux :

A la suite de l'arrêt de la cour de cassation, la recevabilité de la demande de M et Mme Y... tendant à voir constater leur droit de propriété sur la parcelle litigieuse, n'est plus discutée.

Les appelants invoquent la prescription acquisitive de l'alinéa 1er de l'article 2272 du code civil aux termes duquel « le délai de prescription pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».

Les conditions de la prescription acquisitive sont régies par l'article 2261 du code civil, autrefois 2229 et suppose « une possession continue et non interrompue, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ».

Il résulte de l'attestation de Mme Jeanne G... qui habite depuis 1921 la maison située en face de la parcelle [...] ,que depuis le début du lotissement, « les propriétaires successifs de la maison du [...] , ont toujours utilisé sans discontinuer, cette impasse pour accéder à leur garage par le portail existant depuis l'origine de la maison' pour pénétrer à pied dans leur propriété par le portillon situé au 19 à droite du portail ».

Le propriétaire initial de la parcelle [...] du 23 août au 23 novembre 1972 , déclare avoir « accepté en début d'octobre 1972 que l'accès au garage de la construction de M et Mme G... (à l'époque propriétaires des parcelles [...] et [...]) se fasse par cette impasse cadastrée [...] , lot 21 dont j'étais le propriétaire ».

La maison des appelants a été construite en 1974 et ils démontrent que les propriétaires successifs ont utilisé l'impasse de façon régulière et publique depuis cette date.

Ce passage s'est fait à l'origine en vertu d'une autorisation d'usage du propriétaire pendant 2 mois, de la parcelle qui affirme bien dans son attestation son droit de propriété entier sur la dite parcelle.

M et Mme Y... ne peuvent donc prétendre avoir, par eux-mêmes et par leurs auteurs, utilisé cette impasse à titre de propriétaire depuis l'origine ; le caractère équivoque de la possession alléguée les rend mal fondés en leur demande tendant à être déclarés propriétaires indivis du bien par prescription acquisitive.

Le fait que la commune ait apposé la plaque numérotée de leur bien sur le mur de clôture leur appartenant et longeant l'impasse, y procède à l'enlèvement des ordures ménagères et que les appelants y aient installé leur boîte aux lettres, n'est pas de nature à établir un comportement de propriétaire sur la voie elle-même.

La décision de la commune d'implanter au bout de la ruelle un éclairage public est sans incidence sur les conditions exigées pour la possession par l'article 2261 ci-dessus.

Le Littré définit le terme ruelle comme une petite rue et il ne peut être déduit de l'utilisation de ce mot par les intimés, la reconnaissance par eux d'un droit de propriété sur cette parcelle.

Les époux Y... ne démontrent par ailleurs, par eux-mêmes ou par leurs auteurs, aucun comportement de propriétaire sur la parcelle [...]. M G..., ancien propriétaire du bien appartenant aux appelants, déclare que l'entretien de l'impasse se faisait à frais partagés mais il n'est produit aucun document le démontrant.

Leur demande sera en conséquence rejetée sur ce point.

Sur la servitude :

En application de l'article 695 du code civil « le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi ».

La servitude litigieuse s'agissant d'une servitude de passage ne peut s'établir que par titre lequel n'existe pas en l'espèce et la servitude de passage est expressément exclue par le lotissement.

Ce caractère exclusif est rappelé dans l'acte de vente des lots 21 et 22 en date des 23 et 25 novembre 1972 intervenu entre M H... et M et Mme A... dans lequel il est rappelé que le lot 21 est grevé d'une servitude de passage laquelle profitera exclusivement aux propriétaires du lot 20 ; cet acte rappelle l'arrêté d'approbation du lotissement avec l'énumération des lots et l'absence d'accès pour les propriétaires du lot 20 sur le lot numéro 21.

M Daniel H... (ancien propriétaire du lot 21 cadastré section [...] ) atteste que la demande de permis de construire de M et Mme G... prévoyant l'accès à leur garage par l'impasse cadastrée [...] , a été déposée avec son accord, « c'est-à-dire que j'ai accepté en début d'octobre 1972, que l'accès au garage de la construction de M et Mme G... se fasse par cette impasse cadastrée [...] , lot 21 dont j'étais le propriétaire ». Il a cependant, dans l'acte notarié ci-dessus, exclu tout droit de passage pour les propriétaires du lot 20.

L'article 695 du code civil admet en remplacement du titre constitutif, un titre récognitif de servitude;il n'existe pas en l'espèce de titre constitutif de la servitude et l'attestation ci-dessus ne se réfère d'ailleurs à aucun titre constitutif de la servitude de passage.

La décision du premier juge n'ayant pas retenu l'existence d'une servitude de passage sera confirmée.

Sur l'enclave :

Les parcelles [...] et [...] appartenant à M et Mme Y... ont un accès sur la rue [...] mais ils précisent que cet accès est limité à la largeur d'un portillon pour piétons, insuffisant alors que leurs fonds est en partie en nature de garage pour véhicules et qu'ils devraient requérir des autorités publiques l'autorisation d'ouvrir un portail permettant le passage de véhicules alors qu'il n'est pas certain que cette autorisation leur serait délivrée et en tout état de cause cela ne permettrait pas un accès au garage lequel ne peut se pratiquer que depuis l'impasse.

Les constructeurs de la maison telle qu'elle a été implantée avec un accès au garage par le passage constituant le lot 21 cadastré [...] , ont obtenu l'accord de ce propriétaire à la date du dépôt du permis de construire au mois d'octobre 1972 ; il sera observé qu'à la date où M G... a acheté le terrain soit en 1973, M H... n'était plus propriétaire de la parcelle [...] qu'il avait vendue au mois de novembre 1972 sans faire mention de la moindre tolérance de passage et en l'excluant au contraire ; la maison a été construite en 1974 sans autre assurance.

Les auteurs de M et Mme Y... ont donc pris le risque de construire leur bien avec un accès au garage sur une voie qui ne bénéficiait pas à leur fonds et sans s'assurer que les propriétaires de la parcelle [...] au moment de l'achat de leur parcelle et de la construction de leur maison étaient toujours d'accord pour ce passage.

Leurs fonds ainsi que dit ci-dessus dispose d'un accès à la voie publique ; l'insuffisance dont ils excipent résulte de leur choix de s'enclore et de ne permettre un passage suffisant pour la voiture qu'au niveau du mur d'enceinte donnant sur la voie privée.

Le caractère volontaire de l'enclave exclue qu'ils puissent revendiquer un droit de passage sur la parcelle [...]; il sera relevé par ailleurs que les développements relatifs au coût excessif des travaux à réaliser ne sont pas prouvés.

La décision entreprise sera confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Les appelants succombant dans leur demande ne sont pas fondés à solliciter des dommages et intérêts.

M et Mme Y... n'ont fait qu'user de leur droit de se défendre en justice et n'ont commis aucun abus ; ils n'ont commis par ailleurs aucune faute de nature à engager leur responsabilité. Les intimés seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.

Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais par eux engagés et non compris dans les dépens.

Sur les dépens :

Les dépens seront mis à la charge des appelants qui succombent.

PAR CES MOTIFS :

Déboute M et Mme Y... de leur demande tendant à se voir déclarer copropriétaires de la parcelle située commune de Laval et cadastrée section [...] ,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Laval en date du 1er juillet 2013,

Y ajoutant,

Déboute M et Mme Y... de leur demande de dommages et intérêts,

Déboute M et Mme B... de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne M et Mme Y... à payer à M et Mme B... la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M et Mme Y... aux dépens.

L'arrêt a été signé par Marie-Jeanne I..., Présidente et par Annie BLAZEVIC, greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/01491
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°17/01491 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;17.01491 ?
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