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24/05/2018 | FRANCE | N°16/04606

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 24 mai 2018, 16/04606


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 24 MAI 2018



(Rédacteur : Madame Sandra Higelin, Vice-Présidente Placée)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/04606

















Madame Nathalie X... épouse Y...



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SCE SCEA GAUJADE





















Nature de la décision : AU FOND

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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2018

(Rédacteur : Madame Sandra Higelin, Vice-Présidente Placée)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/04606

Madame Nathalie X... épouse Y...

c/

SCE SCEA GAUJADE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 juillet 2016 (R.G. n°F14/03226) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2016,

APPELANTE :

Madame Nathalie X... épouse Y...

née le [...] à BORDEAUX

de nationalité Française, demeurant [...]

représentée par Me D... loco Me Magali Z..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCE SCEA GAUJADE, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Florence A..., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2018 en audience publique, devant Madame Sandra HIGELIN, Vice-Présidente Placée chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sandra HIGELIN, Vice Présidente Placée

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Durant l'année 2012, M. B... a contacté les époux Y... afin de les employer aux fins d'entretien et de valorisation de parcelles de vignes qu'il était en train d'acquérir. La société Gaujade a été constituée à cette fin par acte notarié du 5 avril 2013, et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 30 avril 2013.

Le 7 juin 2013, la Direction départementale des territoires et de la mer a délivré une autorisation d'exploiter les parcelles par la société Gaujade.

Le 1er juillet 2013, la société Gaujade a engagé Mme Y... selon un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel, en qualité d'ouvrier spécialisé en viticulture niveau II échelon B.

Le 18 août 2014, Mme Y... a adressé à la société Gaujade une lettre de démission. Cette dernière a accepté la démission.

La relation de travail a pris fin le 18 septembre 2014.

Le 1er décembre 2014, Mme Y... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de:

voir reconnaître l'existence du contrat de travail pour la période de janvier à juillet 2013

obtenir réparation pour mauvaise exécution du contrat de travail

voir requalifier sa démission en licenciement produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir réparation à ce titre

Par jugement 7 juillet 2016, le Conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

jugé que Mme Y... était en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2013

jugé que Mme Y... a démissionné de son poste de travail le 18 août 2014

débouté Mme Y... de l'ensemble de ses demandes

débouté la société Gaujade de ses demandes reconventionnelles

Par déclaration du 12 juillet 2016, Mme Y... a relevé appel du jugement.

Par conclusions du 9 novembre 2016, reprises oralement à l'audience, l'appelante sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

à titre principal, juge qu'elle a été liée à la Société Gaujade par contrat de travail à compter du 14 janvier 2013

condamne la société Gaujade au paiement de la somme de 418,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

à titre principal, requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et condamne la société Gaujade au paiement des sommes suivantes :

27 440 euros à titre de rappel de salaire

2 744,07 euros au titre des congés pqyés afférents

à titre subsidiaire, condamne la société Gaujade au paiement des sommes suivantes :

8 926,07 euros à titre d'heures complémentaires

892,61 euros au titre des congés payés afférents

en tout état de cause, condamne la société Gaujade au paiement de la somme de 4 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail

en tout état de cause:

juge que la société Gaujade s'est rendue coupable de travail dissimulé et la condamne à ce titre au paiement d'une indemnité de 9 555,21 euros sur le fondement de l'article L 8223-1 du code du travail

juge que sa démission s'analyse en une prise d'acte de rupture devant produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Gaujade au paiement des sommes suivantes :

530,85 euros à titre d'indemnité de licenciement

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

ordonne la remise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, des bulletins de salaire de janvier 2013 à septembre 2014 et des documents de fin de contrat rectifiés

enjoigne à la société Gaujade de régulariser les déclarations auprès des organismes sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard

condamne la société Gaujade au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens

déboute la société Gaujade de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses écritures du 30 janvier 2018, développées oralement à l'audience, l'intimée conclut :

à titre principal, à la confirmation du jugement déféré et au rejet de l'ensemble des demandes de l'appelante,

à titre subsidiaire, au rejet de la demande en dommages et intérêts pour licenciement abusif

à titre incident, à la condamnation de Mme Y... au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat du travail

* Sur la date de prise d'effet du contrat de travail

Mme. Y... fait valoir qu'elle a commencé à travailler dès le 14 janvier 2013, et sollicite un rappel de salaires du 14 janvier 2013 au 1er juillet 2013, date de signature du contrat.

La Société Gaujade indique que si Mme. Y... a aidé M. B..., gérant de la société, c'était en contrepartie de l'engagement pris par ce dernier de faire signer à son époux un contrat d'ouvrier agricole alors qu'il était inexpérimenté, et de racheter le matériel agricole des parents de son épouse.

En application de l'article L 8221-6 du Code du travail définissant le contrat de travail, il est constant que le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'oblige à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, dans un rapport de subordination et moyennant une rémunération.

La reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, l'élément essentiel étant constitué par le lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur concerné.

Mme Y... verse aux débats un tableau récapitulatif de son travail mensuel pour la saison 2013, mentionnant les tâches réalisées et heures de travail dès janvier 2013, ainsi que la copie d'un agenda 2013 mentionnant par jour le nombre d'heures travaillées par elle sous la lettre 'N' dès le 14 janvier 2013.

Elle produit en outre une attestation établie par M. Ferrière, conseiller agro-solution, dont il résulte qu'il a été amené à collaborer avec M. Y..., en accord avec son employeur M. B..., dès le mois de janvier 2013, et une attestation de M. C..., de la société Agri Prestations et Conseils, lequel atteste avoir été présenté par M. B... aux époux Y... 'ses régisseur et responsable de la propriété' en avril 2013 dans le cadre de la réalisation de travaux de racotage, et indique avoir été supervisé quotidiennement par les époux lors de la réalisation de ces travaux ayant duré une quinzaine de jours.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a bien eu de la part de Mme Y... fourniture d'un travail, ce que la SCEA ne conteste au demeurant pas, faisant seulement valoir que ce travail a été fourni à titre bénévole en contrepartie de l'engagement pris par elle de faire signer un contrat de travail aux époux Y..., et de racheter le matériel agricole des parents de Mme Y....

Mme Y... indique en second lieu qu'elle a été rémunérée durant cette période.

Elle verse aux débats un document établissant que son époux a perçu une somme de 350 euros le 30 janvier 2013 en CESU. Ce document est toutefois inopérant, dans la mesure où le bénéficiaire du paiement est son époux.

Elle produit en outre la copie de quatre chèques émis par M. B...:

- un chèque daté du 1er mars 2013 d'un montant de 900 euros, à l'ordre de 'Y... Jérémy et Nathalie'

- un chèque daté du 1er mars 2013 d'un montant de 900 euros, à l'ordre de 'Y... Nathalie'

- un chèque daté du 2 juillet 2013, d'un montant de 1350 euros, à l'ordre de 'Y... Nathalie'

- un chèque daté du 16 juillet 2013 d'un montant de 143 euros, à l'ordre de 'Nathalie Y...'

Elle produit encore quatre chèques établis entre le 26 mai 2013 et le 1er juin 2013, tous à l'ordre de 'Y...' mais n'émanant pas de M. B....

La société conteste qu'il s'agissait d'une rémunération, et fait valoir que les chèques qui ont été établis à l'ordre de M. Y... et de son épouse, l'ont été à la demande des parents de cette dernière, les époux X..., et correspondaient au rachat de leur matériel viticole.

Elle verse à cet égard aux débats une facture émise en avril 2013 par M. X... pour un montant de 26 400 euros.

La Cour observe cependant que le montant de cette facture ne correspond aux sommes versées par M. B... aux époux Y..., et que Mme Y... a perçu des sommes dès mars 2013, alors même que la facture n'a été établie qu'en avril 2013.

Il convient en outre de relever que Mme Y... verse aux débats copie d'un bordereau de remise de chèques sur le compte de M. X..., dont il résulte que la SCEA Gaujade lui a remis un chèque d'un montant de 10 000 euros, encaissé le 5 octobre 2013.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prestation de travail fournie par Mme Y... comportait bien une rémunération.

Mme Y... indique en troisième lieu qu'il y avait un lien de subordination, et verse aux débats une attestation de M. Ferrière, qui ne revêt pas les formes du témoignage, mais constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit, dont il résulte que lorsqu'il a rencontré M. B..., gérant de la Société Gaujade en janvier 2013, celui-ci l'a informé que Jérémy Y... serait son interlocuteur principal au sein de la propriété, mais que son accord serait indispensable au passage de commandes et à l'achat définitif de produits de traitement et matériaux.

Cette seule attestation, qui ne concerne au demeurant que M. Y... et non son épouse, n'est pas de nature à démontrer qu'elle se trouvait sous l'autorité de M. B..., que ce dernier lui donnait des ordres et des directives, et contrôlait l'exécution du travail.

La Cour observe au demeurant qu'il résulte des termes même du courrier en date du 18 août 2018, annexé à la lettre de démission envoyée par M. Y..., qu'il existait un accord verbal avec M. B... pour que lui et son épouse remettent en état et entretiennent la propriété 'et cela à notre façon de travailler car vous souhaitiez nous laisser libres de gérer au mieux le travail', ce qui démontre que le couple jouissait d'une entière liberté dans l'organisation du travail.

Il résulte de ce qui précède que l'existence d'une relation de travail avant la signature du contrat de travail signé le 1er juillet 2013 n'est pas établie, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

* Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés

Mme Y... sollicite à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, non réglés - à l'exception de juillet 2013- et non pris, la somme de 418,95 euros, demande à laquelle l'employeur s'oppose.

L'article 6 du contrat de travail de la salariée précise: 'Les congés payés sont indemnisés mensuellement, sous forme d' une indemnité mensuelle de congés payés égale à 10 % de la rémunération brute.'

Il résulte de l'analyse des pièces produites par Mme Y... que les congés payés n'ont été rémunérés conformément au contrat de travail qu'en juillet 2013, et que l'employeur a été sollicité par mail sur la question de congés payés en juin 2014 et août 2014, Mme Y... précisant dans ces mails qu'elle ne pouvait poser de congés payés, et en sollicitait la rémunération.

L'examen des bulletins de paie versés aux débats démontre que des jours de congés payés ont été déduits par l'employeur et ont fait l'objet de lignes spécifiques, sur les bulletins de paie de juin à septembre 2014, alors qu'il est établi que Mme Y... n'avait pas sollicité la pose de jours de congés payés, et en demandait au contraire le paiement.

Pour la période d'août 2013 à mai 2014, 10 mois, Mme Y... a totalisé 21 jours de congés payés, équivalant à 220,50 euros.

Pour la période de juin à septembre 2014 - 3 mois et 18 jours- elle a totalisé 8 jours de congés payés, équivalant à 88,20 euros.

Il résulte des pièces produites que la Société Gaujade a versé à Mme Y... 15,12 euros pour la période d'août 2013 à septembre 2014.

Il convient en conséquence de condamner la Société Gaujade à verser à Mme Y... la somme de 293,58 euros à titre d'indemnisation des congés payés.

* Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet

Aux termes de l'article L 3123-14 du Code du travail, alors en vigueur, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit, lequel mentionne:

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application des articles L 3123-25 et suivants, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, ou les semaines du mois,

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée son communiquées par écrit au salarié

4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Il est constant que l'absence d'indication de la durée exacte du travail convenue et de sa répartition sur la semaine ou le mois, a pour effet de faire présumer que le contrat a été conclu à temps complet, et qu'il appartient à l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel, d'autre part que le salarié n'a pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travail et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l'espèce, le contrat de travail à temps partiel de Mme Y... précise: 'La durée du travail est fixée à 21 heures par mois sur l'année de référence, soit du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. L'horaire journalier du salarié à temps partiel ne peut être inférieur à 3 heures de travail. Les heures de travail seront enregistrées sur le cahier d'horaires émargé par le salarié.'

Ce contrat, s'il précise la durée mensuelle du travail, ne comporte toutefois aucune précision sur la répartition du travail entre les semaines du mois, ce qui laisse présumer que le contrat a été conclu à temps complet.

Mme Y... indique encore avoir effectué un grand nombre d'heures complémentaires, dont le volume a dépassé, dès le début de la relation de travail, la durée légale du travail.

Aux termes de l'article L 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme Y... verse en l'espèce aux débats un tableau récapitulatif des heures travaillées en 2013 et 2014, ainsi que les copies de ses agendas, faisant état de 382 heures travaillées pour la période de juillet à décembre 2013, et 397,5 heures travaillées pour la période de janvier 2014 à septembre 2014.

La Cour observe cependant que ces documents, établis par elle seule, ne précisent pas les horaires effectués, pas plus que les tâches accomplies, étant au demeurant relevé qu'il n'est pas contesté qu'elle travaillait durant la même période pour le compte de la Société Medeville, dans le cadre de contrats saisonniers.

L'employeur verse à cet égard aux débats un écrit émanant de la SCEA Médeville et Fils, dont il résulte que Mme Y... y a travaillé, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée, du 14 décembre 2012 au 28 août 2013, du 1er décembre 2013 au 30 avril 2014, et du 5 mai 2014 au 15 juillet 2014, soit plus de 9 mois concomittament à son emploi au sein de la Société Gaujade qui a duré un peu plus de 14 mois.

Il en résulte que Mme Y... n'a pas été, nonobstant l'absence de mention de la répartition des heures de travail, dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail, ni dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

La présomption de contrat à temps complet étant dès lors écartée, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme Y... de sa demande de requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, et de ses demandes subséquentes.

La réalité des heures complémentaires dont Mme Y... a sollicité à titre subsidiaire le paiement, à hauteur de 8926,07 euros, n'étant pas, au vu de ce qui précède, pas établie, la décision entreprise l'ayant déboutée de sa demande à ce titre sera confirmée.

* Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme Y... argue en premier lieu de l'absence de visite médicale d'embauche.

La Société Gaujade fait pour sa part valoir que l'appelante ne démontre pas l'existence d'un préjudice.

Aux termes de l'article R 4624-10 du Code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai, par le médecin du travail.

Il appartient à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, de prendre les dispositions pour soumettre le salarié à la visite médicale d'embauche dans le délai légal, à défaut de quoi il engage sa responsabilité.

Il n'est en l'espèce pas contesté que Mme Y... n'a bénéficié d'aucune visite médicale d'embauche.

Le manquement de l'employeur a causé à Mme Y..., qui n'a notamment pas été en mesure d'être informée par le médecin du travail sur les risques d'exposition au poste de travail, un préjudice justifiant que lui soient alloués des dommages-intérêts.

Mme Y... reproche en second lieu à l'employeur de lui avoir occasionné un préjudice financier et moral du fait du non versement d'une partie de sa rémunération.

Force est cependant de constater qu'elle ne produit aucun élément établissant l'existence des préjudice, et notamment d'un préjudice financier autre que celui réparé par le cours des intérêts.

Le préjudice causé à Mme Y... par le manquement de la Société Gaujade à son obligation d'organiser une visite médicale d'embauche, sera justement réparé par la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

* Sur le travail dissimulé:

Aux termes de l'article L 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi, le fait pour tout employeur:

1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L 8223-1 du Code du travail précise qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L 8221-3 ou en commettant des faits prévus à l'article 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Mme Y... indique que la Société Gaujade s'est rendue coupable de travail dissimulé en ne la déclarant qu'à compter du 1er juillet 2013, alors qu'elle avait commencé à travailler antérieurement à cette date, et en mentionnant sur les bulletins de salaires un nombre d'heures de travail inférieur aux heures réellement travaillées et payées.

Dans la mesure toutefois où résulte de ce qui précède que la relation de travail n'a débuté que lors de la signature du contrat le 1er juillet 2013, et où Mme Y... ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement d'heures complémentaires non réglées, aucune dissimulation d'emploi n'est établie.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

* Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement abusif

Il est constant qu'un acte de rupture du contrat de travail ne peut être qualifié de démission que s'il présente 4 caractères: cet acte doit concerner un contrat à durée indéterminée, la rupture doit avoir un caractère unilatéral et résulter de la seule volonté du salarié, la volonté de rompre ne doit pas être équivoque, et la volonté de mettre fin au contrat doit résulter des convenances personnelles, que le salarié n'a toutefois pas l'obligation de faire connaître à l'employeur.

Si la démission est requalifiée en prise d'acte de rupture, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Mme Y... verse aux débats la lettre de démission adressée le 18 août 2014 à son employeur, comportant en annexe un courrier établi par elle et son époux, listant de nombreux reproches, s'agissant notamment de la dégradation des conditions de travail liée au défaut d'entretien et réparation du matériel ainsi que de l'accomplissement de très nombreuses heures supplémentaires non payées, et faisant état de leur volonté de revoir les conditions de leurs contrats de travail à compter du 1er janvier 2014.

Ce courrier joint à lettre de démission, que l'employeur ne conteste pas avoir reçu, fait état de reproches relativement aux conditions d'exercice du contrat de travail, qui s'analysent comme des réserves et rendent la démission équivoque.

Il en résulte que le courrier de démission du 18 août s'analyse en une prise d'acte de rupture du contrat de travail.

Il est constant que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Concernant le premier grief contenu dans le courrier, relatif à l'accomplissements de très nombreuses heures complémentaires non payées, il résulte des développements ci-avant qu'il n'est pas établi.

S'agissant du second reproche relatif au manque d'entretien du matériel agricole, Mme Y... ne produit pas le moindre élément.

La Société Gaujade le conteste en tout état de cause et verse aux débats plusieurs factures d'achat de matériel.

Dans la mesure où les manquements de l'employeur invoqués par la salariée ne sont pas démontrés, la prise d'acte de rupture ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision entreprise ayant débouté Mme Y... de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement abusif, sera dès lors confirmée.

Sur les autres demandes

Les intérêts sur les dommages-intérêts alloués au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, de nature indemnitaire, courent à compter de la présente décision.

La SCEA Gaujade supportera la charge des entiers dépens de la présente instance.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... la part des frais non compris dans les dépens, et il convient en conséquence de condamner la SCEA Gaujade à lui verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision prononcée le 7 juillet 2016 par le Conseil des prud'hommes de Bordeaux, excepté en ce qu'elle a débouté Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la SCEA Gaujade à verser à Mme Y... la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Dit que les intérêts sur cette condamnation courent à compter de la présente décision,

Y ajoutant,

Condamne la SCEA Gaujade à payer à Mme Y... la somme de 293,58 euros à titre d'indemnisation des congés payés, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016,

Condamne la SCEA Gaujade à verser à Mme Y... une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SCEA Gaujade aux entiers dépens de la présente instance.

Signé par Eric VEYSSIERE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/04606
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/04606 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;16.04606 ?
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