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24/04/2018 | FRANCE | N°16/00439

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 24 avril 2018, 16/00439


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 24 AVRIL 2018



(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)





N° de rôle : 16/00439









CPAM DE LA GIRONDE



c/



[I] [A]

SELARL ANESTHESISTES SAINT ANTOINE



[U] [O]

[B] [H]























Nature de la décision : AU FOND




r>

















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1°, RG : 10/00470) suivant déclaration d'appel du 21 janvier 2016





APPELANTE :



CPAM DE LA GIRONDE, prise en la pe...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 24 AVRIL 2018

(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)

N° de rôle : 16/00439

CPAM DE LA GIRONDE

c/

[I] [A]

SELARL ANESTHESISTES SAINT ANTOINE

[U] [O]

[B] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1°, RG : 10/00470) suivant déclaration d'appel du 21 janvier 2016

APPELANTE :

CPAM DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[I] [A]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (IRAN)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Caroline BRIS de la SELARL CBS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

SELARL ANESTHESISTES SAINT ANTOINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

INTERVENANTS :

[U] [O]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2] (25)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

[B] [H]

né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Denis BORGIA de la SELARL BORGIA & CO, AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 mars 2018 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le docteur [I] [A] a exercé en qualité de médecin libéral anesthésisteà compter du 15 mai 2001 en optant pour le secteur 1.

Le 1er octobre 2004, il s'est associé avec le docteur [H] au sein de la SELARL Anesthésiste Saint-Antoine (ci-après la SELARL ASA).

Le 8 juillet 2008, Mme [O] a été nommée en qualité de cogérante de cette société, puis le 18 février 2009, elle est devenue associée à hauteur de 33,33 % dans le capital social de la SELARL ASA (chaque médecin devenant porteur de 2667 parts sociales).

Le 1er septembre 2010, M. [A] a démissionné de ses fonctions de cogérant de la SELARL ASA ; les parts sociales n'étant plus alors réparties qu'entre Mme [O] et M. [H].

En décembre 2001, le docteur [A] avait demandé à la CPAM de la Gironde son inscription en secteur 2 afin de pouvoir bénéficier d'honoraires libres, ce qui lui a été refusé par l'organisme social, au motif qu'il ne pouvait changer de secteur que dans le mois ayant suivi son option pour le secteur 1.

Par arrêt du 10 décembre 2004, la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement du TASS de la Gironde et confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de la Gironde du 14 mai 2002, qui rejetait sa demande tendant à pouvoir opter pour le secteur à honoraires différents.

À la suite d'une nouvelle demande du docteur [A], une nouvelle décision de la commission de recours amiable est intervenue le 19 juin 2007. Par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde du 24 septembre 2009, le docteur [A] a été déclaré irrecevable en son recours comme hors délai.

Par acte du 28 décembre 2009, M. [A] a fait assigner la caisse primaire d'assurance-maladie de la Gironde (ci-après la CPAM de la Gironde) pour voir juger fautif et discriminatoire ce refus de changement de secteur et obtenir paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 3 mars 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux s'est déclaré compétent pour connaître de la demande, a constaté que la situation du docteur [A] avait été traitée de manière différente de celle de ses collègues se trouvant dans la même situation, de sorte que la preuve d'une discrimination fautive était rapportée, et a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise comptable confiée à M. [Y], afin de déterminer quelle aurait pu être l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat net de ce médecin s'il avait été admis en secteur à honoraires libres et chiffrer ainsi sa perte financière éventuelle, actuelle et celle à venir.

Mme [U] [O] et M. [B] [H] et la SELARL ASA sont intervenus volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 22 octobre 2012, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 22 janvier 2014 (rectifié le 26 février 2014), le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré recevable cette intervention volontaire, a déclaré la mission d'expertise commune aux docteurs [U] [O] et [B] [H] ainsi qu'à la société ASA, et a condamné la CPAM de la Gironde à payer au docteur [A] la somme provisionnelle de 120.000 €.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 19 mars 2013.

Par jugement du 22 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- constaté l'autorité de la chose jugée du jugement du 3 mars 2011,

- condamné la CPAM de la Gironde à indemniser l'entier préjudice subi par M. [A], du fait de la discrimination constatée par le jugement du 3 mars 2011,

- condamné en conséquence la CPAM de la Gironde à payer à M. [I] [A] la somme de 415.340 € en réparation de son préjudice financier, sous déduction de la somme de 120.000 € allouée par l'ordonnance du juge de la mise en état, avec intérêt au taux légal à compter du 9 avril 2014, ainsi que celle de 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

- rejeté la demande d'inscription en secteur deux de M. [I] [A],

- déclaré recevables les demandes de Mme [U] [O], de M. [B] [H] et de la société ASA,

- condamné la CPAM de la Gironde à payer à la société ASA la somme de 278.255 € en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2015,

- rejeté les demandes de Mme [U] [O] et de M. [B] [H],

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées.

La CPAM de la Gironde a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat le 21 janvier 2016, intimant M. [A] et la SELARL ASA.

La SELARL ASA a formé un appel incident et Mme [U] [O] et M. [B] [H] sont intervenus à l'instance aux termes d'un appel provoqué.

Par conclusions d'incident des 9 janvier et 4 avril 2017, la CPAM sollicitait sur le fondement de l'article 771 du code de procédure civile, que soit ordonnée, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par document, la communication des pièces visées dans les deux sommations de communiquer, à savoir la copie de l'assemblée générale pour l'approbation des comptes 2009 et 2010 et, tout acte juridique homologuant la sortie du capital de la SELARL ASA par le docteur [A] et/ou garantie d'actif et de passif.

Par ordonnance du 10 mai 2017, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a :

- rejeté la demande de la CPAM de la Gironde,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Par conclusions d'appelant n°3 signifiées par RPVA le 15 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la CPAM de la Gironde demande à la cour de :

À titre principal :

- constater l'absence de discrimination constitutive d'une faute générant un préjudice et en conséquence, débouter l'ensemble des demandeurs de leurs prétentions,

- en conséquence, reconventionnellement, la condamner au paiement la somme de 10.000 € au bénéfice de la CPAM de la Gironde sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Subsidiairement :

- juger les demandeurs irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 10 décembre 2004,

- dire que le jugement du 3 mars 2011 n'était pas susceptible d'appel,

- juger irrecevables, au titre de l'article 122 et 481 du code de procédure civile, au titre de l'autorité de la chose jugée la décision du TASS du 24/09/2009 validant la décision de la Commission de Recours Amiable du 04/07/2007,

En conséquence,

- débouter l'ensemble des demandeurs de leurs prétentions,

- en conséquence, reconventionnellement, la condamner au paiement la somme de 10.000 € au bénéfice de la CPAM de la Gironde sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Subsidiairement (bis) :

- qualifier le préjudice invoqué d'illicite,

En conséquence,

- débouter l'ensemble des demandeurs de leurs prétentions,

- en conséquence, reconventionnellement, la condamner au paiement la somme de 10.000 € au bénéfice de la CPAM de la Gironde sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

À défaut,

En ce qui concerne les demandes des docteurs [O] et [H] :

- à titre principal, dire les docteurs [O] et [H] irrecevables car hors délai dans leur appel,

- à titre subsidiaire, confirmer la décision,

En ce qui concerne les demandes du docteur [A] :

- statuer ce que de droit sur les demandes lors de l'exercice libéral du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2004,

- dire M. [A] irrecevable en ses demandes indemnitaires au titre de sa période afférente à l'association au sein de la SELARL ASA du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2009 compte tenu de l'absence de qualité à agir eu égard aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile et donc l'en débouter,

- débouter M. [A] de ses demandes indemnitaires pour sa période d'exercice en salarié en l'absence de préjudice,

- dire M. [A] irrecevable en ses demandes au titre de la période liée à l'association avec le docteur [B] compte tenu de l'absence de qualité à agir eu égard aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile et donc l'en débouter,

- débouter le docteur [A] de sa demande d'expertise et de ses préjudices pour l'année 2010 à ce jour,

- débouter le docteur [A] de sa demande d'expertise et de ses préjudices «à venir»,

- débouter le docteur [A] de sa demande d'inscription sur la liste « secteur 2 »,

- débouter le docteur [A] de sa demande indemnitaire au titre de son préjudice moral,

- en tout état de cause dans l'hypothèse d'une reconnaissance de fait de la CPAM constater la faute de M. [A] qui n'a pas répondu dans les délais légaux et dès procéder à un partage de responsabilité la caisse acceptant une responsabilité qui ne saurait excéder 10 % et à tout le moins un partage à 50-50,

En ce qui concerne les demandes la SELARL ASA :

- à titre principal dire ses demandes prescrites sauf pour la période allant du 28 janvier 2010 au 1er septembre 2010 et dès lors limiter le montant alloué au prorata temporis sur cette dernière période,

- subsidiairement, constater que l'association a été faite avec un médecin en secteur I en toute connaissance de cause et en conséquence l'en débouter,

- en tout état de cause la cour d'appel ne pourra indemniser et M. [A] et la SELARL Asa sur les mêmes montant et les mêmes périodes,

- reconventionnellement, condamner les parties qui succombent à payer la somme de 10.000 € au bénéfice de la CPAM de la Gironde sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 signifiées par RPVA le 29 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la SELARL ASA et MM. [O] et [H], demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel provoqué par Mme [O] et M. [H],

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 22 décembre 2015, en ce qu'il a :

* constaté l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux daté du 3 mars 2011,

* déclaré recevables les demandes de Mme [O] et de M. [H] et de la SELARL ASA,

* condamné la CPAM de la Gironde à verser à la SELARL Asa une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la CPAM de la Gironde aux dépens qui comprendront la totalité des frais d'expertise,

- le réformer quant au surplus et, statuant à nouveau :

À titre principal,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [H] des dommages et intérêts de 281.698€,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [H] des intérêts au taux de 4% sur les dommages et intérêts alloués, applicables selon le détail suivant :

* 4% à compter du 31/03/2005 sur la somme de 31.757€,

* 4% à compter du 31/03/2007 sur la somme de 54.847€,

* 4% à compter du 31/03/2008 sur la somme de 46.202€,

* 4% à compter du 31/03/2009 sur la somme de 31.011€,

* 4% à compter du 31/03/2010 sur la somme de 21.825€,

* 4% à compter du 31/03/2011 sur la somme de 19.889€,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à Mme [O] des dommages et intérêts à hauteur de 98.028€,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à Mme [O] des intérêts au taux de 4% sur les dommages et intérêts alloués, applicables selon le détail suivant :

* 4% à compter du 31/03/2009 sur la somme de 31.011€,

* 4% à compter du 31/03/2010 sur la somme de 21.825€,

* 4% à compter du 31/03/2011 sur la somme de 19.889€,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [H] et Mme [O] la somme de 10.000€ chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles exposés par les concluants pour faire valoir leurs droits,

À titre subsidiaire,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à la SELARL ASA des dommages et intérêts à hauteur de 278.255 €,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à la SELARL ASA des intérêts au taux de 4% sur les dommages et intérêts alloués, applicables selon le détail suivant :

* 4% à compter du 31/03/2005 sur la somme de 65.513€,

* 4% à compter du 31/03/2007 sur la somme de 109.694€,

* 4% à compter du 31/03/2008 sur la somme de 92.405€,

* 4% à compter du 31/03/2009 sur la somme de 93.033€,

* 4% à compter du 31/03/2010 sur la somme de 65.475€,

* 4% à compter du 31/03/2011 sur la somme de 39.777€,

À titre infiniment subsidiaire,

- juger que la CPAM a eu un comportement discriminatoire à l'encontre de M. [A] en lui refusant le changement de secteur,

- juger que ce comportement discriminatoire constitue une faute en lien direct avec les préjudices invoqués ci-avant tant part le docteur [A] que par la SELARL ASA et les docteurs [H] et [O],

En tout état de cause,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à la SELARL ASA la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles exposés par les concluants pour faire valoir leurs droits.

- condamner la CPAM de la Gironde aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Par conclusions signifiées par RPVA le 6 février 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. [A] demande à la cour de :

I- confirmer le jugement de première instance du 22 décembre 2015 en ce qu'il a :

* constaté l'autorité de la chose jugée du jugement du 3 mars 2011,

* condamné la CPAM de la Gironde à indemniser l'entier préjudice subi par M. [A] du fait de la discrimination constatée par le jugement du 3 mars 2011,

* condamné en conséquence la CPAM de la Gironde à verser à M. [A] la somme de 415.340 € en réparation de son préjudice financier indemnisant le préjudice subi de 2002 à 2010,

II - réformer pour le surplus,

Statuant de nouveau,

1) Concernant le taux d'intérêt applicable sur le préjudice du 1er janvier 2002 au 1er janvier 2010:

- dire que le taux d'intérêt applicable à la condamnation sera de 4% à compter de la fin de l'année à laquelle cette somme aurait dû être perçue,

En conséquence,

- dire que la somme de 31.756,50 euros allouée au titre du préjudice subi en 2004 et 2005 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er janvier 2005,

- dire que la somme de 54.847 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi pour les années 2005 et 2007 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er janvier 2007,

- dire que la somme de 46.202,50 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi pour les années 2007 et 2008 portera intérêts au taux de 4% à compter du 1er janvier 2008,

- dire que la somme de 31.011 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi sur les exercices 2008 et 2009 portera intérêts au taux de 4% à compter du 1er janvier 2009,

- dire que la somme de 21.825 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi sur les années 2009 et 2010 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er janvier 2010,

- dire que la somme de 91.893 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi sur l'année 2002 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er janvier 2003,

- dire que la somme de 88.717 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi sur l'année 2003 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er janvier 2004,

- dire que la somme de 49.084 euros allouée pour l'indemnisation du préjudice subi du 1er janvier au 30 septembre 2004 portera intérêts au taux de 4 % à compter du 1er octobre 2004,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser les sommes précédemment citées portant intérêts au taux de 4 % aux dates précitées à M. [A],

2) Sur le préjudice financier subi par M. [A] d'août 2011 à ce jour :

À titre principal,

Avant-dire droit,

- désigner l'expert-comptable [Y] afin de chiffrer l'entier préjudice subi par le docteur [A] à compter du 1er août 2011 jusqu'à ce jour,

- dire que l'expert-comptable [Y] aura pour mission de :

* réunir les parties,

* solliciter l'intégralité des documents nécessaires à sa mission,

* recevoir les observations des parties,

* rechercher quelle aurait été l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat net du docteur [A] s'il avait été admis en secteur honoraires libres (secteur 2),

* chiffrer la perte financière éventuelle à compter du mois d'août 2011 jusqu'à ce jour en tenant compte d'une projection d'activité jusqu'à l'âge de la retraite et de la perte éventuelle du droit à la retraite,

À titre subsidiaire, si aucune expertise n'était ordonnée,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [A] la somme de 50.000 euros pour la période d'août 2011 à septembre 2012 portant intérêt à 4% à compter de septembre 2012,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [A] la somme de 120.000 euros pour la période de septembre 2012 à mars 2014 portant intérêt à 4% à compter de mars 2014,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [A] la somme de 140.000 euros pour la période de mars 2014 à décembre 2015 portant intérêt à 4% à compter de décembre 2015,

- condamner la CPAM de la Gironde à verser à M. [A] la somme de 140.000 euros pour la période de décembre 2015 à décembre 2016 portant intérêt à 4% à compter de décembre 2016,

- constater que le docteur [A] ne peut communiquer d'élément comptable pour l'année 2017, les comptes n'étant pas encore clos,

- dire que l'année 2017 sera indemnisée dans le cadre d'une demande ultérieure formulée par le docteur [A],

3) Sur l'indemnisation du préjudice financier futur :

À titre principal,

- réformer le jugement rendu le 22 décembre 2015,

- constater que l'expert a indiqué être dans l'impossibilité de chiffrer le préjudice à venir du docteur [A],

- Ordonner en conséquence l'inscription du docteur [A] en secteur 2 et son changement de secteur dans le mois qui suivra la signification de la présente décision,

- Condamner la CPAM à une astreinte de 2.000 euros par jour si celle-ci ne procédait pas au changement de secteur ordonné et n'inscrivait pas le docteur [A] en secteur 2 dans le délai prescrit par la Cour,

À titre subsidiaire,

Si la Cour devait confirmer le jugement sur ce point tout comme l'ont fait les juges de première instance,

- prendre acte du fait que le docteur [A] saisira le Tribunal de Grande Instance aux frais de la CPAM à chaque fin d'année afin que son entier préjudice soit indemnisé,

4) Sur le préjudice moral subi par M. [A] :

- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a alloué la seule somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [A],

- condamner la CPAM de la Gironde à verser au docteur [A] la somme de 40.000 euros afin que son entier préjudice moral soit indemnisé,

En toute hypothèse,

- condamner la CPAM à verser au docteur [A] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant l'intégralité des frais d'expertise.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 février 2018.

Le 28 février 2018, la CPAM a signifié de nouvelles écritures au fond, conclusions d'appelant n°5 dont le dispositif est identique à celles du 15 janvier 2018.

En l'absence d'opposition des parties et compte tenu des intérêts en cause, la cour, avant les débats, a prononcé la révocation de l'ordonnance de clôture, admis la recevabilité de ces écritures tardives et avant les débats prononcé la clôture à nouveau de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de M. [A]

À titre principal, la CPAM remet en cause le principe même de la discrimination retenue par le jugement du 3 mars 2011 en considérant que cette décision n'était pas susceptible d'appel, sous entendu indépendamment du jugement du 22 décembre 2015.

La cour observe en premier lieu que la déclaration d'appel telle que formalisée par la CPAM ne portait que sur le jugement du 22 décembre 2015.

Surtout et contrairement aux énonciations de la CPAM le jugement du 3 mars 2011 ne se bornait pas à statuer sur la compétence. S'il ordonnait avant dire droit une expertise sur le préjudice, il n'en demeure pas moins que préalablement à cette mesure, dans le dispositif, il statuait très expressément sur la responsabilité de la CPAM dans les termes suivants constate que la situation de celui-ci (M. [A]) a été traitée de manière différente de celles de collègues se trouvant dans la même situation, de sorte que la preuve d'une discrimination fautive est rapportée.

Ce jugement tranchait ainsi une partie du principal et ordonnait une mesure d'instruction ce qui entre exactement dans les prévisions de l'article 544 du code de procédure civile, de sorte qu'il pouvait être immédiatement frappé d'appel comme un jugement tranchant tout le principal et emportant dessaisissement.

Il ne l'a pas été, seul le jugement statuant en lecture de rapport sur le préjudice l'ayant été. Il s'en déduit que non seulement le principe de la discrimination est revêtu de l'autorité de la chose jugée ainsi que l'ont retenu les premiers juges dans le jugement entrepris mais que cette disposition est désormais irrévocable, comme ne pouvant plus être frappée d'aucun recours. Contrairement à ses affirmations, la CPAM qui ne peut plus exposer les raisons objectives qui justifieraient la disparité de traitement qualifiée de discrimination par le tribunal, n'a pas été privée du droit inaliénable d'un second degré de juridiction. Elle ne l'a pas exercé ce qui est fort différent.

Subsidiairement, la CPAM développe une argumentation sur un partage de responsabilité en invoquant la faute qu'aurait commise M. [A] en ne sollicitant pas son inscription en secteur II dans le délai prévu.

Quant à un strict aspect d'autorité de la chose jugée, il est exact que le tribunal dans son jugement du 3 mars 2011 n'a pas eu à statuer sur une prétention quant à un partage de responsabilité. On ne peut donc pas considérer que la prétention est irrecevable. Cependant, la faute que la CPAM entend opposer à M. [A] procède du débat sur son inscription en secteur I ou plus exactement du refus de son inscription en secteur II. Ce débat a été tranché par l'arrêt de cette cour en date du 10 décembre 2004.

Le seul débat dont la cour puisse être saisie désormais est celui des conséquences de la discrimination, telle que retenue par le jugement du 3 mars 2011, sur un plan indemnitaire. Dans ces conditions la CPAM ne peut opposer à M. [A] le fait de n'avoir pas sollicité en temps voulu son inscription en secteur II. En effet, ce qui a été retenu par le jugement du 3 mars 2011 est le fait de ne pas avoir appliqué à M. [A] le même traitement administratif qu'à deux de ses confrères placés dans la même situation, c'est à dire ayant eux aussi sollicité leur inscription en secteur II plus d'un mois après leur installation. Il s'en déduit que les arguments de fait invoqués par la CPAM ne peuvent conduire à un partage de responsabilité et son inopérants.

Devant la cour, pour s'opposer aux demandes de M. [A], la CPAM entend se prévaloir du caractère illicite du préjudice. Elle considère que dès lors que M. [A] n'avait aucun droit de passer en secteur II le préjudice qui consisterait dans l'impossibilité d'exercer en secteur II serait illicite. Mais là encore la cour ne peut que rappeler que le débat porte sur les conséquences d'un traitement reconnu comme discriminatoire. M. [A] ne se prévaut donc aucunement d'une situation illicite mais demande l'indemnisation des conséquences d'un traitement qui n'a pas été le même pour lui et pour d'autres médecins, ce qui a été jugé de manière désormais irrévocable.

Les moyens opposés à titre principal par l'appelante sont donc sans portée et il convient d'apprécier les moyens développés à titre subsidiaire sur le seul préjudice.

Tout d'abord et ainsi que l'a rappelé le tribunal, il y a lieu de préciser que dans le cadre d'une discrimination telle qu'elle a été retenue le principe indemnitaire est celui de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de discrimination et non de réparer une perte de chance, notion inopérante en ce domaine.

La CPAM procède par affirmations lorsqu'elle soutient que les dommages et intérêts tels que fixés par la juridiction seront exclus de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Outre, ainsi que l'a retenu le tribunal, qu'un litige sur le régime fiscal relèverait de l'ordre administratif, la cour ne peut que constater qu'il s'agit de réparer des préjudices matériels, puisque découlant de pertes de revenus, ce qui emporte soumission à l'impôt. C'est donc à bon droit et par des motifs que pour le surplus la cour adopte que le tribunal a retenu le préjudice avant impôts.

Il convient ainsi de reprendre chacune des périodes visées par les parties.

- Période de 2002 à septembre 2004

Pendant cette période M. [A] exerçait seul. Les analyses de l'expert ne sont pas spécialement discutées. La CPAM oppose à tort la question de l'impôt sur le revenu et le partage de responsabilité ainsi que la notion de perte de chance, éléments écartés ci-dessus. Il existe une discordance dans les écritures de M. [A] qui reprend un montant de 312 474 euros dans les motifs de ses écritures tout en sollicitant dans le dispositif, qui seul saisit la cour, la confirmation du jugement de ce chef.

C'est donc à bon droit et par des motifs que la cour adopte que le tribunal, entérinant les conclusions de l'expert, lequel a exactement repris les données chiffrées qui lui étaient soumises, a retenu pour cette période un préjudice de 229 698 euros.

- Période du 1er octobre 2004 à septembre 2010

Pendant cette période M. [A] exerçait en qualité d'associé de la SELARL ASA.

À titre principal la CPAM considère que de ce chef les prétentions de M. [A] sont irrecevables pour défaut de qualité et/ou intérêt à agir dès lors que seule la société pourrait invoquer un préjudice au titre d'honoraires qu'elles avait seule la qualité pour encaisser.

Toutefois, un associé a bien qualité pour venir invoquer, sur un fondement indemnitaire, un préjudice qui lui est personnel, distinct de celui qu'aurait pu subir la société. Il a également intérêt à venir solliciter un tel préjudice personnel. Tel est bien le cas en l'espèce puisque la demande porte sur des pertes de revenus non pas de la société mais de M. [A].

Sur le quantum, les conclusions de M. [A], manifestement reprises de la première instance, présentent la même discordance que pour la période précédente puisqu'il est fait état, dans les motifs, d'un préjudice de 319 264 euros qui n'a nullement été entériné par le tribunal en même temps que d'une demande de confirmation seule reprise dans le dispositif.

Le tribunal a retenu un préjudice à hauteur de 185 642 euros subi par M. [A] directement. La cour ne peut que reprendre les mêmes motifs que ci-dessus au titre des impôts, le raisonnement étant le même au titre des prélèvements sociaux (CSG, CRDS). C'est donc par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal entérinant les conclusions de l'expert, lequel a exactement repris les données chiffrées qui lui étaient soumises, a retenu pour cette période un préjudice de 185 642 euros.

Au total et pour ces deux périodes le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la CPAM à payer à M. [A] la somme de 415 340 euros, sous déduction de la provision de 120 000 euros. Le tribunal a fait courir les intérêts sur cette somme à compter du 9 avril 2014, date de la demande en justice. La CPAM ne critique pas spécialement ce cours des intérêts. M. [A] sollicite lui que le jugement soit réformé et demande un cours des intérêts année par année à un taux de 4%. Outre qu'il ne s'explique guère sur ce taux de 4% sauf à affirmer péremptoirement que les sommes auraient pu être placées à ce rendement, la cour ne peut que rappeler la nature indemnitaire des sommes allouées de sorte que le jugement sera confirmé.

- Période de septembre 2010 à 2017

De ce chef, à titre principal, M. [A] sollicite une mesure d'expertise en faisant valoir qu'il est très difficile pour lui d'établir un préjudice. La cour ne saurait toutefois suppléer à sa carence dans l'administration de la preuve alors que d'une part, il lui était possible de soumettre à l'expert des éléments d'appréciation pour la période postérieure à 2010 (rapport déposé en 2013) et que d'autre part, les éléments d'appréciation étaient déjà précisés par l'expert de sorte qu'il pouvait soumettre au débat des modalités de calcul similaire en produisant les pièces nécessaires, ce qu'il ne fait pas.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise.

Les observations de la CPAM sur la période du 1er octobre 2010 au 1er août 2011 sont sans objet puisqu'il n'existe pas de demande de ce chef, étant observé qu'à cette date M. [A] était salarié et ne subissait donc aucun préjudice.

Pour la période de septembre 2011 à août 2012, M. [A], pour le cas où il ne serait pas ordonné d'expertise demande la somme de 50 000 euros. Cette prétention est recevable. En effet, si de manière laconique la CPAM considère que la cour ne pourrait pas statuer sur cette demande pour les mêmes motifs que la période où M. [A] était membre de la SELARL ASA, la cour ne peut que reprendre les motifs exposés ci-dessus.

En revanche la demande à hauteur de 50 000 euros est mal fondée. En effet, M. [A] invoque uniquement une différence de montant d'honoraires sur la période entre lui et M. [B]. Outre que la cour, comme le tribunal, ignore toujours les conditions dans lesquels M. [A] travaillait avec M. [B], il apparaît que le relevé des actes facturés fait apparaître une différence, aux dépens de M. [A], à hauteur non de 50 000 euros (montant très forfaitaire) mais de 42 607,87 euros comme exactement retenu par les premiers juges. Surtout, un préjudice ne saurait se déduire d'une seule différence d'honoraires correspondant à un chiffre d'affaires mais doit être calculé sur des bénéfices nets. M. [A] n'établit pas le quantum de son préjudice et ne met pas même la cour en mesure de le déterminer à partir des seuls avis d'imposition sur le revenu sans même s'expliquer sur la nature et le montant de ses charges.

C'est à bon droit que le tribunal a rejeté cette demande.

Pour la période postérieure, M. [A] demande les sommes suivantes :

120 000 euros pour la période de septembre 2012 à mars 2014,

140 000 euros pour la période de mars 2014 à décembre 2015,

140 000 euros pour la période de décembre 2015 à décembre 2016.

Pour ces trois périodes, M. [A] procède uniquement par affirmations. Ainsi alors que l'expert avait clairement explicité que le préjudice futur dépendrait en particulier des conditions d'exercice de M. [A] celui-ci n'en justifie pas. Il indique s'être installé pendant 18 mois (p. 23) ou deux ans (p. 27) en Guadeloupe puis à partir de 2016 avoir de nouveau trouvé un poste en métropole. Il ne donne cependant à chaque fois aucun élément sur les conditions de son exercice qu'il n'explicite même pas et encore moins ne justifie. Il affirme avoir réalisé un chiffre d'affaire sur 18 mois en Guadeloupe pour 600 000 euros alors que les médecins travaillant en secteur II percevraient la somme de 720 000 euros. Outre qu'il raisonne non en préjudice mais en perte de chiffre d'affaires, il ne donne aucun justificatif de ce chef. Depuis 2016 où il exercerait de nouveau en métropole, il ne donne aucun élément de preuve ni même aucune précision quant à cet exercice. Il se contente d'indiquer qu'il n'a pu communiquer d'éléments comptables pour l'année 2017, les comptes n'étant pas encore clos. Cela ne le dispensait toutefois pas de produire les éléments des années antérieures ce qu'il n'a pas fait puisque le dernier document produit concerne l'année 2012.

Faute pour lui d'établir la réalité et le quantum de son préjudice et même de l'articuler autrement que de manière strictement forfaitaire, il sera débouté de ces demandes pour toute cette période. Il n'y a pas lieu de dire que l'année 2017 sera indemnisée dans le cadre d'une demande ultérieure puisque d'une part cela ne correspond pas à une prétention et que d'autre part il revenait à M. [A] à tout le moins d'expliciter quel pouvait être son préjudice même s'il n'était pas en mesure de le chiffrer exactement au jour de la clôture.

Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef sauf pour la cour à ajouter le rejet des demandes pour les périodes postérieures au jugement et antérieures à l'arrêt.

Pour l'avenir

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté la demande de M. [A] tendant à son inscription en secteur II étant rappelé que la saisine du tribunal, puis de la cour, s'inscrivait uniquement dans les limites d'une action indemnitaire en réparation d'une discrimination.

C'est également par des motifs pertinents que le tribunal a rappelé que les demandes de 'donner acte' quant à des instances futures pour l'indemnisation du préjudice étaient sans portée juridiques.

Dès lors, si les parties gagneraient manifestement à trouver un rapprochement y compris par le biais d'une médiation qu'elles pourraient entreprendre pour trouver une solution pérenne, le jugement ne peut qu'être confirmé de ces chefs.

Préjudice moral

Le tribunal a retenu que la discrimination avait été à l'origine pour M. [A] d'un préjudice moral et l'a indemnisé par une somme de 5 000 euros. M. [A] demande que cette somme soit portée à 40 000 euros. Il n'apporte toutefois aucun élément de preuve qui permettrait à la cour de considérer que le préjudice a été sous évalué par le tribunal étant observé que s'il fait état de difficultés familiales et de nécessités d'installation dans différentes régions françaises, il ne produit aucune pièce à ce titre. Quant à la CPAM, elle conclut à la réformation du jugement et au débouté des prétentions. Elle soutient qu'il n'est pas justifié d'un préjudice moral et ajoute que l'indemnisation d'un préjudice moral afférent à une infraction pénale découle de la gravité de l'infraction, ce qui relève d'une lecture toute personnelle des principes indemnitaires.

La cour ne peut que constater qu'il est définitivement jugé l'existence d'une discrimination de M. [A] qui n'a pas bénéficié du même traitement que ses confrères de sorte qu'il existe bien, au delà du préjudice matériel dont il a été question ci-dessus, un préjudice moral justement évalué par le premier juge.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions concernant M. [A], comprenant l'application en première instance des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son profit. L'appel étant mal fondé, la CPAM sera condamnée à lui payer une somme complémentaire de 2 000 euros sur ce même fondement.

Sur les demandes de la SELARL Asa, de Mme [O] et de M. [H]

La CPAM soulève à ce titre différents moyens tendant à l'irrecevabilité des prétentions ou même de l'intervention de ces parties.

S'agissant de Mme [O] et de M. [H], et bien qu'elle n'ait pas saisi le conseiller de la mise en état, elle se prévaut d'un non respect des dispositions du décret 'Magendie' sans citer de textes plus précis.

Elle se prévaut de la signification du jugement entrepris en date du 4 février 2016 et soutient que ces parties n'étaient plus recevables à relever appel de la décision le jour où elle l'ont fait par conclusions d'appelant du 9 juin 2016. Toutefois, si Mme [O] et M. [H] n'étaient plus recevables à former un appel principal, ils n'ont jamais soutenu que tel était la voie de recours exercée par eux. Ils ont toujours indiqué intervenir dans le cadre d'un appel provoqué. Or, c'est bien l'appel incident de la SELARL ASA qui était à l'origine de leur appel provoqué. Le point de départ de cet appel provoqué aurait été la signification des conclusions de la société ASA emportant appel incident, laquelle signification n'a pas eu lieu et était inutile puisque c'est dans le même acte qu'ils ont exercé le 9 juin 2016 leur appel provoqué.

Celui-ci est en conséquence recevable.

La CPAM soulève également l'irrecevabilité cette fois des demandes de Mme [O] et M. [H] au visa de l'article 70 du code de procédure civile en considérant que leurs prétentions ne se rattachent pas par un lien suffisant à l'instance initiée par M. [A]. S'il est exact que les associés de M. [A] n'ont jamais été discriminés et ne le prétendent d'ailleurs pas, il n'en demeure pas moins que le préjudice qu'ils invoquent comme une conséquence de la discrimination subie par leur associé se rattache bien par un lien suffisant à l'instance initiale, s'agissant d'un préjudice par ricochet.

La CPAM discute encore la qualité à agir de Mme [O] et M. [H] en faisant valoir que seule la SELARL Asa dispose de cette qualité. Toutefois, si au stade du bien fondé il y aura lieu d'apprécier les préjudices et par qui ils ont été subis, les associés ont bien qualité pour venir invoquer un préjudice qui leur serait propre.

Les demandes de Mme [O] et M. [H] sont ainsi recevables et le jugement sera confirmé de ce chef.

Enfin, au titre des fins de non recevoir, la CPAM, pour la première fois en appel, fait valoir que les prétentions de la société ASA seraient prescrites pour toute la période du 1er octobre 2004 au 28 janvier 2010. Sans viser aucun texte, la CPAM se prévaut de la prescription quinquennale et considère que le point de départ est le 28 janvier 2015, date des écritures de première instance formalisant la demande indemnitaire.

Si la société ASA ne s'explique pas spécialement sur cette question de prescription, il n'en demeure pas moins qu'elle reprend expressément la chronologie et fait en particulier état de son intervention en première instance, laquelle ne procède pas de ses conclusions du 28 janvier 2015, mais d'écritures du 17 avril 2012. Or, il convient de tenir compte à la fois des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 et des dispositions de l'article 2239 du code civil emportant suspension de la prescription. Enfin, il apparaît que dans leurs conclusions du 17 avril 2012, les intervenants indiquaient expressément qu'ils préciseraient leurs demandes au regard des conclusions de l'expert et que par conclusions d'incident du 4 juin 2012, ils ont sollicité l'extension de la mission de l'expert, ce qui a donné lieu à une ordonnance du 22 octobre 2012.

Il s'en déduit que la prescription ne peut être acquise pour la période invoquée, les conclusions du 28 janvier 2015 n'en marquant pas le point de départ.

Il convient donc d'envisager au fond la question du préjudice subi par la société Asa et ses associés, Mme [O] et M. [H].

Devant les premiers juges il était sollicité la condamnation de la CPAM au paiement de la somme de 463 897 euros au profit de la société ASA, de la somme de 281 698 euros au profit de M. [H] et de 98 028 euros au profit de Mme [O]. Ces prétentions étaient présentées de manière successive sans que l'une soit le subsidiaire de l'autre. Le tribunal a analysé les prétentions dans l'ordre de leur présentation et a fait droit partiellement, à hauteur de 278 255 euros, à la demande de la société ASA pour ensuite débouter les deux associés de leurs demandes en considérant qu'il n'existait plus de préjudice subsistant pour eux après indemnisation de la société.

Devant la cour, la CPAM a formalisé son appel uniquement contre la société ASA. Dans le cadre de leur appel provoqué les intervenants présentent leurs demandes de manière différente puisque cette fois Mme [O] et M. [H] présentent des prétentions à titre principal et la société ASA seulement à titre subsidiaire.

Il convient toutefois de tenir compte à la fois de l'effet dévolutif de l'appel et de la position des parties, Mme [O] et M. [H] n'étant intervenus que dans le cadre d'un appel provoqué, de sorte que la cour ne peut qu'envisager en premier la question de la prétention indemnitaire de la société ASA qui ne constituait pas un subsidiaire en première instance et qui a fait l'objet d'une condamnation contestée par la CPAM.

La CPAM ne développe pas de véritable moyen de contestation au fond. Si elle considère que la société a choisi d'associer M. [A] en sachant qu'il était en secteur I, elle admet dans le même temps que si la cour admet le préjudice de celui-ci, la société aurait bien dû facturer des honoraires qui ne l'ont pas été. Elle indique avoir voulu clarifier la situation par l'incident de communication de pièce, sans en tirer de conséquences et alors que le conseiller de la mise en état avait expressément rappelé que les pièces demandées ne pouvaient avoir d'incidence sur le montant des dommages et intérêts, s'agissant des rapports entre la société et son ex associé. L'intimée reprend dans le cadre de son subsidiaire la somme telle que retenue par le tribunal. C'est par des motifs pertinents que le tribunal a retenu cette somme. En effet, il résulte des opérations d'expertise que le préjudice de la société ASA pendant la période où M. [A] était associé s'établissait à un montant total de 463 897 euros. De cette somme il convenait de déduire celle attribuée à M. [A] puisqu'il n'est plus associé de la dite société et qu'il est venu solliciter à titre personnel l'indemnisation de son préjudice. Pour la période considérée, la somme revenant à M. [A] était de 185 642 euros qu'il convenait de déduire. C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné la CPAM au paiement de la somme de 278 255 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef. Il le sera également en ce qu'il a rejeté la demande de cours des intérêts, année par année au taux de 4% pour les mêmes motifs que s'agissant des sommes allouées à M. [A] et tenant à la nature indemnitaire des sommes retenues.

Quant aux demandes des appelants provoqués, ceux-ci sont recevables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à venir invoquer un préjudice propre. Ils doivent cependant démontrer qu'ils subissent un préjudice personnel une fois indemnisé le préjudice de la société ASA tel que retenu ci-dessus. Or, les sommes demandées par Mme [O] et M. [H] tirées du rapport d'expertise constituent une déclinaison des honoraires non encaissés par la société. Il était d'ailleurs expressément mentionné dans le rapport d'expertise que Mme [O] et M. [H] subissaient un préjudice subséquent en qualité d'associés (p. 36). Dès lors que le préjudice de la société a été indemnisé ci-dessus, il n'existe pas de préjudice subsistant pour ses associés actuels.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté leurs demandes puisque s'il y était fait droit cela conduirait à une double indemnisation du même préjudice.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions concernant la société et ses associés actuels comprenant l'application en première instance des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ASA. L'appel étant mal fondé, la CPAM sera condamnée à lui payer une somme complémentaire de 2 000 euros sur ce même fondement, sans que ces dispositions ne puissent profiter à Mme [O] et M. [H], mal fondés en leur appel provoqué.

Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions et l'appel mal fondé, la CPAM sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [A] de ses demandes complémentaires en dommages et intérêts,

Condamne la CPAM de la Gironde à payer à M. [A] la somme de 2 000 euros et à la SELARL Anesthésiste Saint-Antoine la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la CPAM aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/00439
Date de la décision : 24/04/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/00439 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-24;16.00439 ?
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