La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2018 | FRANCE | N°16/05764

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 mars 2018, 16/05764


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CINQUIÈME CHAMBRE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 MARS 2018



(Rédacteur : Monsieur Jean-François SABARD, conseiller faisant fonction de président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/05764







Madame [I] [L]



c/



SAS PRODUITS DENTAIRES PIERRE ROLAND

















Nature de la décision : AU FOND









r>
Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2016 (R.G. n°15/00322) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 septembre 2016,





APPELANTE :

Madam...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 MARS 2018

(Rédacteur : Monsieur Jean-François SABARD, conseiller faisant fonction de président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/05764

Madame [I] [L]

c/

SAS PRODUITS DENTAIRES PIERRE ROLAND

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2016 (R.G. n°15/00322) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 septembre 2016,

APPELANTE :

Madame [I] [L]

née le [Date naissance 1] 1957 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Axelle MOURGUES de la SCP AURIENTIS-MOURGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Sas Produits dentaires Pierre Roland prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

SIRET

assistée de Me Pierre-Louis DUCORPS de la SCP KPDB, avocat au barreau de BORDEAUX

représentée par Me Isabelle BENISTY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François Sabard, conseiller faisant fonction de président, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, conseiller faisant fonction de président,

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Madame [I] [L] a été embauchée par la société produits dentaire Pierre Rolland ( SAS PDPR) le 22 septembre 1986 en qualité de responsable du service achats puis promue en 1990 aux fonctions de directeur de production et enfin en 2004 à celles de directeur d'établissement .

Elle est nommée administrateur de la société le 20 juin 2014.

Depuis l'été 2014, la société BRIDGEPOINT a racheté le groupe ACTEON et sa filiale la société PDPR.

Le 7 novembre 2014, la salariée est révoquée du conseil d'administration de la société.

Le 21 novembre 2014 elle est convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire

Le 29 décembre 2014 elle est licenciée pour faute grave ce qu'elle a contesté par lettre du 12 janvier 2015.

Ayant saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 13 février 2015 aux fins de faire juger qu'elle a fait l'objet d'un licenciement nul, elle sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de diverses indemnités et dommages-intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire demande à la cour de considérer qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Un jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux a été rendu le 16 septembre 2016 déboutant Madame [I] [L] de l'ensemble de ses demandes et la condamnant aux dépens de l'instance.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'appelante dans le dernier état de ses conclusions déposées au greffe le 5 janvier 2018 demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau de dire que son licenciement doit être déclaré nul et en conséquence de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

' 29'481 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 2948,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

' 169'915,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 392'112 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

À titre subsidiaire :

Elle demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur au paiement des mêmes sommes et en tout état de cause de la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir d'une part que son licenciement est nul dans la mesure où le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas qualité pour le faire, seul le président ayant ce pouvoir lequel aurait dû être consigné dans le registre prévu à cet effet, d'autre part que les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement pour faute grave étaient connus de longue date de la direction et que pour un certain nombre d'entre eux n'étaient pas de sa responsabilité mais de celle du pharmacien responsable du respect des procédures et du conditionnement des produits et enfin que la commercialisation de certains produits notamment de blanchiment dentaire n'avait pas été poursuivie sous sa direction après la décision de la police sanitaire du 9 juillet 2013 et qu'il ne saurait lui être reproché une mauvaise appréciation du risque financier économique pour la société alors qu'elle estime avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour en limiter les conséquences.

L'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris dans le dernier état de ses conclusions déposées au greffe de la cour le 12 janvier 2018 et à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Elle expose en premier lieu que la directrice générale Madame [F] avait reçu délégation de pouvoirs de la part du président de la société financière Acteon, actionnaire unique de la SAS PDPR pour exercer tous les pouvoirs de contrôle, de direction et de gestion opérationnelle au sein de cette société, en deuxième lieu que la livraison du produit PRIMACAÏNE à la Chine n'était pas conforme avec le certificat d'autorisation de mise sur le marché et que des produits ont été commercialisés en dépit d'une interdiction par décision de police sanitaire de l'ANSM ce qui a généré pour la société une perte financière importante alors qu'il appartenait à la salariée non seulement de faire une évaluation précise des risques encourus sur le plan financier et d'en informer sa hiérarchie mais aussi de mettre fin à une commercialisation des produits qui s'avérait coûteuse pour la société en l'absence d'un véritable marché.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du licenciement :

Contrairement à l'argumentation développée par l'appelante dans ses conclusions, il résulte des pièces produites contradictoirement aux débats que par actes de délégation de pouvoirs en date des 7 novembre et 18 décembre 2014, au profit de Madame [D] [F] en sa qualité de directrice générale salariée de la société financière ACTEON, société mère de PDPR SAS, elle devait exercer la gestion opérationnelle de la société dans le cadre de la politique fixée par le président comprenant la gestion et l'administration de la dite société, des pouvoirs de contrôle, de direction et de discipline et prendre les mesures nécessaires au respect de la réglementation du travail en s'assurant notamment du respect des procédures concernant la commercialisation et l'exportation des produits fabriqués par la société.

Il s'ensuit que la décision prise par la directrice générale de licencier Madame [I] [L] n'est donc pas entachée de nullité des lors qu'elle avait le pouvoir de la prendre.

Sur le licenciement pour faute grave :

Au terme d'une jurisprudence établie, la faute grave dont la preuve doit être rapportée par l'employeur, est définie comme celle résultant de tout fait ou ensemble de faits, non déjà sanctionné, imputable au salarié constituant une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou de sa fonction d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans la société concernée et ce même pendant la durée du préavis.

La cour constate qu'il est reproché à Madame [I] [L] dans la lettre de licenciement pour faute grave du 9 décembre 2014 d'avoir omis de mentionner dans la liste des risques générés dans sa zone de responsabilité le fait que les livraisons du produit PRIMACAÏNE en Chine effectuée depuis 2012 n'étaient pas en conformité avec le certificat d'autorisation de mise sur le marché accordé à la société notamment sur la taille des lots maximum autorisés de 650 l au lieu de lots de 1200 l tels qu'ils ont été livrés depuis plusieurs années et qu'il a même été proposé à l'importateur chinois des livraisons de lots à 1400 l sans avoir la certitude que la réglementation chinoise le permettait et qu'il était à craindre que la société soit tenue de verser des fortes pénalités comme cela a été le cas pour un autre produit.

Il lui est également fait grief d'avoir dissimulé à la directrice générale que la commercialisation de deux autres produits ME TOO LIGHT et MIX se heurtait à une interdiction depuis le 9 juillet 1973 de l'ANSM alors qu'aucune dérogation ni mise en conformité à la réglementation cosmétique n'a été mise en 'uvre .

Enfin il lui est reproché après que la direction générale en a été informée le 6 novembre 2014 par l'un de ses collègues que la société s'est engagée à acheter près de 2 millions d'euros d'implants alors qu'aucune vente n'est intervenue sauf pour quelques milliers d'euros sur l'année 2014 alors qu'il s'agit d'un contrat de distribution conclu pour une durée de quatre ans jusqu'au 31 décembre 2017 avec des engagements d'achats de 212 K €pour 2014 et des engagements croissants pour les années suivantes jusqu'en 2017 sans qu'une véritable étude de marché n'ait été réalisée et sans en mesurer l'impact financier sur la société.

Force est de constater et nonobstant les explications fournies par la salariée à la demande de son employeur lesquelles ne peuvent se limiter au fait que cette situation était connue de la direction antérieurement à l'arrivée de Madame [D] [F] à la direction générale de la société sans que cela soit établi par les pièces du dossier ou engagait la responsabilité d'un autre cadre placé sous son autorité, que d'une part la dissimulation ou minoration des risques financiers encourus pour la société avec la menace de sanctions financières pour le non-respect de la réglementation et des procédures relatives à la commercialisation et à l'exportation de produits pharmaceutiques et d'autre part le fait d'avoir laissé perdurer la fabrication et la commercialisation de ces produits non conformes nonobstant l'interdiction de la police sanitaire, constituent des manquements graves relevant de la sphère de compétence et des obligations du directeur de l'entreprise et non pas de celles du pharmacien placé son autorité hiérarchique et responsable du processus de fabrication des produits dans le respect des autorisations de mise sur le marché.

Il en résulte que la commission de ces erreurs graves de gestion impactant les résultats financiers de l'entreprise est directement imputable à Madame [I] [L] sans que cette dernière ait cherché à les corriger et à en informer sa hiérarchie en dépit des demandes d'information faites à plusieurs reprises avant de les découvrir grâce à l'intervention du directeur qualité dans le délai de la prescription et justifie au regard du niveau élevé de ses responsabilités et de l'autonomie de gestion et des pouvoirs dont elle disposait, la mesure de licenciement pour faute grave et la mise à pied comminatoire prise par la directrice générale dès lors que les faits commis rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.

Il convient donc de débouter Madame [I] [L] de l'ensemble de ses demandes résultant de son licenciement et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de condamner l'appelante à payer à l'intimée au titre des frais non compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter l'appelante de sa demande sur le même fondement dès lors qu'elle supportera les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel régulier, recevable mais mal fondé.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Madame [I] [L] à payer à la SAS Produits Dentaires Pierre Rolland ( PDPR) la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne Madame [I] [L] aux dépens de l'instance.

Signé par Monsieur Jean-François SABARD, conseiller faisant fonction de président, et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/05764
Date de la décision : 28/03/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/05764 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-28;16.05764 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award