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08/02/2018 | FRANCE | N°16/06420

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 08 février 2018, 16/06420


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2018



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° de rôle : 16/06420





















Madame [N] [L]



c/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

MAIF

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA GIRONDE

Association LE PUZZLE>










Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT - EXPERTISE (renvoi à l'audience collégiale du 03 octobre 2018 à 9 heures salle M)







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2018

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° de rôle : 16/06420

Madame [N] [L]

c/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

MAIF

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA GIRONDE

Association LE PUZZLE

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT - EXPERTISE (renvoi à l'audience collégiale du 03 octobre 2018 à 9 heures salle M)

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2016 (R.G. n°20131089) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 24 octobre 2016,

APPELANTE :

Madame [N] [L]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

de nationalité Française

Invalide, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christèle BADETS-PEAN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

représentée par Me Pauline MAZEROLLE loco Me Sophie PARRENO de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

MAIF, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social,

[Adresse 3]

non comparante ni représentée bien que régulièrement convoquée

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social,

[Adresse 4]

représentée par Me Fabienne GUILLEBOT-POURQUIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Association LE PUZZLE, venant aux droits de l'association LA PASSERELLE CAPEYRON, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social,

[Adresse 5]

représentée par Me Clémentine GAILLARD loco Me Thomas BAZALGETTE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 novembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Sophie BRIEU, Vice Présidente Placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige :

Mme [N] [L], salariée de la Caisse d'allocations familiales en qualité d'auxiliaire puériculture avait été mise à disposition auprès de l'association La passerelle Capeyron à temps plein.

Le 26 mai 2009, Mme [L] a été victime d'un accident de travail déclaré comme suit : 'l'intéressée a déclaré qu'en allant dans la cuisine de la halte-garderie, elle est tombée dans le vide sanitaire qui avait été ouvert et non signalé par l'entreprise SECOTRAP qui exécutait des travaux pour le compte de la ville de [Localité 2].'

Le certificat médical initial établi le 28 mai 2009 par le Dr [W] mentionne des hématomes, et excoriations des membres inférieurs, et des contractures cervico-dorso-lombaires.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle. L'état de santé de Mme [L] a été déclaré consolidé le 31 juillet 2010, avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5%. Un capital de 1 845,14 euros lui a été versé à ce titre.

Par courrier du 7 mars 2011, Mme [L] a saisi la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur.

Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 26 septembre 2011.

Par courrier recommandé du 6 juin 2013, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde principalement aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la caisse d'allocations familiales de la Gironde, dans la survenance de l'accident du travail du 26 mai 2009, de fixer au maximum la majoration de la rente prévue à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, subsidiairement de dire que l'accident dont a été victime Mme [L] le 26 mai 2009 est dû à la faute inexcusable de l'association La passerelle Capeyron, aux droits de laquelle vient l'association Le Puzzle, et qui a manqué à ses obligations de prévention et de sécurité dans le cadre des travaux réalisés dans la halte garderie en sa qualité d'employeur de fait de Mme [L], en tirer toutes conséquences de droit sur le fondement de l'article L. 452-l du code de la sécurité sociale et en tout état de cause, de condamner la caisse d'allocations familiales de la Gironde au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de l'expertise judiciaire, outre prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La Caisse d'allocations familiales demandait alors à être mise hors de cause, estimant que c'était l'association la Passerelle Capeyron qui était l'employeur de Mme [L] et que c'était cette dernière association qui avait manqué à son obligation de sécurité. Elle sollicitait la mise en cause de cette association.

L'association Le Puzzle, venant aux droits de l'association La passerelle de Capeyron, mise en cause, soulevait la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a :

dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la caisse d'allocations familiales de la Gironde ni l'association Le Puzzle, venant aux droits de l'association La Passerelle Capeyron,

déclaré Mme [L] recevable en son action ;

débouté Mme [L] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de la caisse d'allocations familiales de la Gironde, substituée dans la direction par l'association La Passerelle Capeyron, à l'origine de l'accident dont elle a été victime le 26 mai 2009 ;

constaté que les demandes de la caisse primaire d`assurance maladie de la Gironde deviennent sans objet :

rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

***

Par déclaration de son avocat au greffe de la Cour du 24 octobre 2016, Mme [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 14 novembre 2017 au greffe de la Cour et développées oralement, Mme [L] demande à la Cour de :

déclarer recevable et bien fondé son appel,

réformer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde en date du 20 septembre 2016 en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de la caisse d'allocations familiales de la Gironde, substituée dans la direction par l'Association la Passerelle Capeyron, à l'origine de l'accident dont elle a été victime le 26 mai 2009,

statuant à nouveau,

dire et juger que l'accident dont a été victime Mme [L] le 26 mai 2009 est dû à la faute inexcusable de la caisse d'allocations familiale de la Gironde qui a manqué à ses obligations de prévention et de sécurité dans le cadre des travaux réalisés dans la Halte garderie ;

dire et juger qu'il y a lieu de la recevoir en son action et de fixer au maximum la majoration de rente,

subsidiairement

dire et juger que l'accident dont a été victime Mme [L] le 26 mai 2009 est dû à la faute inexcusable de la caisse d'allocations familiales de la Gironde substituée dans la direction par l'association la Passerelle Capeyron aux droits de laquelle vient l'Association le Puzzle,

en tirer toutes conséquences de droit sur le fondement de l'article 452-1 du Code de la sécurité sociale ;

En tout état de cause,

dire et juger qu'il y a lieu de procéder à expertise médicale, confiée à tel expert du choix de la cour pour déterminer l'étendue de son préjudice corporel et personnel avec pour mission de :

convoquer Mme [L], victime d'un accident du travail le 26 mai 2009, dans le respect des textes en vigueur et recueillir ses observations et doléance ;

se faire communiquer parla victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial

fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'étude ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident du travail ;

à partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins.

indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident et, si possible, la date de la fin de ceux ci.

décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l'autonomie sont justifiées et si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation ;

retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution;

prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;

recueillir les doléances de la victime en interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;

décrire un état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles.

Dans cette hypothèse :

au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable

au cas où, il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir ;

procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur : la réalité des lésions initiales, la réalité de l'état séquellaire, l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiale, et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur.

déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine ; directe et exclusive avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités personnelles ou ses activités habituelles.

Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ; préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux au vu des justificatifs produits ; si cette durée est supérieure à l'incapacité retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable.

fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation.

lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles

décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés.

donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit.

lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) ;

indiquer si des appareillages, des fournitures complémentaires ou si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir;

si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision ;

établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

condamner la caisse d'allocations familiales de la Gironde à payer à Mme [L] telle somme qui sera déterminée, au vu des conclusions de l'expertise médicale à venir en réparation des préjudices de toute nature résultant de l'accident et notamment :

souffrances physiques et morales endurées par la victime,

préjudice moral,

préjudice esthétique,

préjudice d'agrément,

préjudice résultant de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle,

condamner la caisse d'allocations familiales de la Gironde au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de l'expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître Christèle Badet-Péan ;

ordonner l'exécution de la décision à intervenir.

***

Par conclusions déposées le 27 mars 2017 au greffe de la Cour et développées oralement, l'association le Puzzle venant aux droits de l'Association La passerelle Capeyron demande à la Cour de :

constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre,

en conséquence,

prononcer sa mise hors de cause,

condamner la caisse d'allocations familiales de la Gironde au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

***

Par conclusions déposées le 2 mars 2017 au greffe de la Cour et développées oralement, la caisse d'allocations familiales de la Gironde demande à la Cour de :

confirmer le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde, en date du 20 septembre 2016,

en conséquence,

dire et juger que la CAF de la Gironde n'a commis aucune faute inexcusable à l'encontre de Mme [L],

dire et juger que la CAF de la Gironde ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposée Mme [L],

dire et juger que la CAF de la Gironde ne pouvait ainsi prendre les mesures de prévention et de sécurité,

débouter Mme [L] de ses demandes,

condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par conclusions déposées le 2 août 2017 au greffe de la Cour et développées oralement, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, demande à la Cour dans l'hypothèse de la reconnaissance de la faute inexcusable de condamner l'employeur à lui rembourser :

le montant de la majoration du capital accident du travail fixé à 1 845,14 euros,

les sommes dont la Caisse aura l'obligation de faire l'avance,

et les frais d'expertise.

***

La MAIF, régulièrement avisée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2016, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience.

L'arrêt sera réputé contradictoire.

***

Au soutien de son appel, Mme [L] fait valoir que l'employeur avait connaissance ou conscience du danger, dès lors qu'une entreprise s'était vue confier des travaux de chauffage dans les locaux de la halte-garderie et que pour les besoins de ces travaux, une trappe avait été ouverte sans qu'aucune mesure de sécurité ni même d'information n'ait été mise en place sur les lieux, que la Caisse d'allocations familiales ne pouvait ignorer cette situation de danger, en sa qualité de gardien des lieux, ce d'autant qu'elle produit un courrier du 8 juin 2009 de la société Serset adressé à la société DGCCS se plaignant que malgré les ordres qu'elle leur avait répétés, elles constatait une nouvelle fois que les consignes en matière de sécurité n'étaient pas respectées. Elle indique que la Caisse d'allocations familiales participait à la vie de l'association et siégeait en qualité de membre de droit au conseil d'administration, qu'elle était donc parfaitement informée des conditions de réalisation des travails et qu'en outre en application de la convention de mise à disposition, le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail de la Caisse d'allocations familiales était chargé de veiller au respect des règles d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des salariés mis à dispositions, et que la Caisse d'allocations familiales devait dans ces conditions s'enquérir des conditions de travail de Mme [L], et s'assurer que les travaux ne l'exposaient pas à un danger, ce qu'elle n'a pas fait.

Subsidiairement, elle estime que l'association en sa qualité d'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail et de la santé et de la sécurité au travail par application des dispositions des articles L. 8241-2 alinéa 2 e t L.1251-21 du code du travail et qu'elle avait été alertée de l'absence de sécurisation du chantier, par le courrier pré-cité et qu'elle n'a rein fait pour y remédier.

La Caisse d'allocations familiales qui conclut à la confirmation et abandonne son moyen selon lequel Mme [L] était la salariée de l'association, fait valoir que cette dernière ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable de sa part, en ce qu'elle ne démontre pas qu'elle ait pu être informée des travaux réalisés au sein de l'association, à la demande de la mairie de [Localité 2] propriétaire des lieux, qu'elle ne figure pas dans les rapports de chantier, qu'elle n'était pas informée des travaux et qu'elle ne pouvait donc pas avoir conscience du danger.

L'association soutient que seul l'employeur peut être condamné et qu'en l'occurrence, elle n'était pas l'employeur de Mme [L], elle n'était ni propriétaires des locaux, ni mandant de la société Serset qui ne répondait qu'à la commune de [Localité 2] et que seule cette entreprise qui n'a pas respecté les règles de sécurité est responsable de l'accident de Mme [L].

La caisse primaire d'assurance maladie s'en remet à justice sur la faute inexcusable mais fait des réserves en ce qui concerne les préjudices indemnisables lesquels doivent être limités aux préjudices énumérés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par la décision du Conseil Constitutionnel, à savoir aux chefs de préjudices non déjà couverts par le livre IV. Elle s'oppose également à ce que la mission de l'expert comporte la fixation de la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute inexcusable

Le manquement à l'obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l'employeur a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures les mesures pour l'en préserver et lorsque la faute commise par l'employeur a été une cause nécessaire de l'accident, même en présence d'une faute ou d'une imprudence du salarié.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale prévoit également que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droits ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivannts.

Les parties ne font valoir aucun moyen portant sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable retenue par le tribunal des affaires de sécurité sociale, en sorte ce que celui-ci sera confirmé en ce qu'il a dit recevable l'action de Mme [L].

Il convient par ailleurs de constater que la Caisse d'allocations familiales de la Gironde ne conteste plus sa qualité d'employeur de Mme [L] et reconnaît cette qualité au sein de ses conclusions lorsqu'elle indique que : 'Mme [L] est salariée de la Caisse d'allocations familiales de la Gironde occupant le poste d'auxiliaire puéricultrice mise à disposition du centre social de Capeyron géré par l'association le Puzzle venant aux droits de l'association La passerelle Capeyron... Aux termes de la convention de mise à disposition, il était prévu que la Caisse d'allocations familiales de la Gironde était l'employeur de ce personnel...'

L'association La passerelle Capeyron utilisait des locaux appartenant à la mairie de [Localité 2], laquelle, maître d'ouvrage, avait confié le chantier à la société BEP SECOTRAP en qualité de maître d'oeuvre, la société Serset ayant obtenu le lot 1 correspondant aux travaux de chauffage-plomberie.

Le 26 mai 2009, vers 17h30, Mme [L] est tombée dans une trappe de 75 cm de côté ouverte au niveau de la cuisine sur un vide sanitaire d'une profondeur de l'ordre de deux mètres.

Contrairement à ce que prétend Mme [L] la Caisse d'allocations familiales n'était pas gardienne des lieux. Selon les statuts de l'association le Puzzle issus du procès-verbal d'assemblée extraordinaire du 26 juin 2014, postérieure à l'accident du 26 mai 2009, la Caisse d'allocations familiales n'était que membre de droit de la dite association, venant aux droits de l'association La passerelle Capeyron, et son représentant siégeait au conseil d'administration de celle-là, étant précisé qu'il n'est pas justifié qu'elle était également membre de droit siégeant au conseil d'administration de l'association La passerelle Capeyron. Il n'est par ailleurs pas justifié que les travaux en cause ont été évoqués lors des conseils d'administrations de l'association La passerelle Capeyron en la présence de la Caisse d'allocations familiales. La Caisse d'allocations familiales ne figure aucunement sur les comptes rendus de chantier. Pour autant, en application de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceu qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'aucune mesure de protection ou de mise en sécurité du trou n'avait été effectuée, lequel se trouvait directement derrière la porte de la cuisine, étant précisé qu'il n'était pas possible de le voir lors de l'entrée dans la pièce.

L'association La passerelle Capeyron, substituant la Caisse d'allocations familiales dans la direction, avait connaissance des travaux au sein des locaux qu'elle utilisait et figurait parmi les intervenants lors des réunions de chantier. Il ressort du compte rendu de chantier du 29 avril 2009 qu'à cette date, l'ouverture du vide sanitaire avait déjà été effectuée et qu'ainsi le vide sanitaire était ouvert depuis environ un mois lorsque l'accident est survenu alors même qu'aucun des comptes rendus de chantier antérieurs à l'accident n'indique de mesure de sécurité spécifique concernant le trou d'ouverture du vide sanitaire avant l'accident.

Ainsi en ne s'assurant pas de la mise en sécurité du trou donnant sur le vide sanitaire, ouvert depuis environ un mois et derrière la porte de la cuisine qui était ouverte au personnel de la halte garderie, l'association La passerelle Capeyron a manqué à son obligation de sécurité et a exposé les salariés travaillant au sein de la halte garderie dont Mme [L] à un danger dont elle avait ou aurait dû avoir conscience, en ce corroboré par le courrier adressé le 8 juin 2009,douze jours après l'accident, par la société Serset à la société DGCCS qui mentionne que 'malgré nos ordres répétés, nous constatons une nouvelle fois que les consignes en matière de sécurité convenues en réunion ne sont pas respectées (non respect du balisage...)... Nous vous rappelons que ce site reste occupé pendant toute la durée des travaux...Nous vous rappelons d'ailleurs qu'un accident s'est déjà produit le 26/05/2009 en raison de vos défaillances...' et qu'elle n'a pas pris les mesures pour l'en préserver, caractérisant ainsi une faute inexcusable.

C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que Mme [L] ne rapportait pas la preuve de la faute inexcusable de son employeur la Caisse d'allocations familiales de la Gironde, substituée dans la direction par l'association La passerelle Capeyron et le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

En application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration du capital alloué à Mme [L] qui a un taux d'incapacité de 5%, sera fixée au montant de ladite indemnité soit à la somme de 1.845,14 euros, qui avancée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sera récupérée par cette dernière auprès l'employeur la caisse d'allocations familiales de la Gironde.

Mme [L] est également en droit de demander à son employeur la réparation de ses préjudices complémentaires tels que définis par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale interprété à la lumière de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 n°2010-8QPC, consacrant pour le salarié victime d'un accident du travail la possibilité de solliciter outre la réparation des postes de préjudices complémentaires énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des dommages 'non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale' étant précisé que les préjudices qui sont couverts, à savoir ceux réparés même forfaitairement ou avec limitation par le livre IV du code de la sécurité sociale n'ouvrent pas droit à une action complémentaire de la victime à l'encontre de son employeur.

Ainsi sont exclus de l'expertise, les gains professionnels ou frais médicaux, qui sont couverts au moins partiellement par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il n'y a pas lieu non plus de déterminer la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle déjà fixés par le médecin conseil de la caisse et qui pour le taux relève du contentieux technique de l'incapacité.

Une expertise sera en conséquence ordonnée selon les modalités prévues au dispositif.

Il incombe à la Caisse primaire d'assurance maladie de faire l'avance à la victime de l'ensemble les sommes dues par l'employeur en réparation de ces préjudices.

La caisse d'allocations familiales de la Gironde sera condamnée à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde les sommes qu'elle aura avancées dont le montant de la majoration du capital accident du travail de 1.845,14 euros, les frais d'expertise.

Si la Caisse d'allocations familiales ne formule aucune demande envers l'association le Puzzle venant aux droits de l'association La passerelle Capeyron, les demandes de Mme [L] la mettait en cause en qualité d'entreprise utilisatrice, en sorte qu'il n'y a pas lieu de la mettre hors de cause.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La Caisse d'allocations familiales succombe en sorte qu'elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier Mme [L] de ces dispositions et de condamner la Caisse d'allocations familiales de la Gironde à payer à son avocat Me Badets-Péan une indemnité de 1.500 euros à ce titre en application de l'article 700-2° du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne commande de faire bénéficier l'association le Puzzle venant aux droits de l'association La passerelle Capeyron des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et cette dernière sera déboutée de sa demande d'indemnité à ce titre.

Les dépens seront réservés.

Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, l'arrêt est exécutoire de droit et qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que la Caisse d'allocations familiales de la Gironde substituée dans la direction par l'association La passerelle Capeyron aux droits de laquelle vient l'association Le Puzzle a commis une faute inexcusable à l'origine de l' accident du travail de Mme [L] survenu le 26 mai 2009 ;

Dit que la majoration du capital alloué à Mme [L] sera fixée au montant de ladite indemnité soit à la somme de 1.845,14 euros ;

Condamne la caisse d'allocations familiales de la Gironde à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde les sommes qu'elle aura avancées dont le montant de la majoration du capital accident du travail de 1.845,14 euros et les frais d'expertise ;

Avant-dire-droit sur l'indemnisation du préjudice de Mme [L] ;

Ordonne une expertise judiciaire ;

Commet le Dr [P] [O] ([Adresse 6]) afin d'y procéder ;

Dit qu'elle aura pour mission de déterminer et d'évaluer les préjudices de Mme [L] nés de son accident du travail du 26 mai 2009, et ainsi :

convoquer Mme [L], victime d'un accident du travail le 26 mai 2009, dans le respect des textes en vigueur et recueillir ses observations et doléance ;

se faire communiquer parla victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial,

fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'étude ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident du travail ;

les souffrances physiques et morales endurées,

les préjudices esthétique et d'agrément,

le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

le préjudice sexuel,

le déficit fonctionnel temporaire en précisant les différentes périodes de déficit total et partiel et le taux de déficit pour chacune des périodes,

l'assistance à tierce personne avant consolidation,

le préjudice né des dépenses liées à la réduction de l'autonomie à l'exclusion de l'assistance d'une tierce personne après consolidation.

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera procédé à son remplacement d'office ou sur diligence des parties ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie devra faire l'avance des honoraires de l'expert ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de trois mois à compter de son acceptation de la mission ;

Condamne la caisse d'allocations familiales de la Gironde à payer à l'avocat de Mme [L] Me Badets-Péan une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700-2° du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Rappelle que l'arrêt est exécutoire de droit ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 3 octobre 2018 à 9 heures salle M de la cour d'appel de Bordeaux- place de la République 33000 Bordeaux cedex, étant précisé que la notification du présent arrêt vaut convocation ;

Réserve les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Eric Veyssière, Président et par Gwenaël Tridon de Rey, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/06420
Date de la décision : 08/02/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/06420 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-08;16.06420 ?
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