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08/02/2018 | FRANCE | N°16/03786

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 08 février 2018, 16/03786


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2018



(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/03786

















Monsieur [H] [X]



c/



SAS ESPACE ENGINEERING





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 2...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2018

(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/03786

Monsieur [H] [X]

c/

SAS ESPACE ENGINEERING

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 avril 2016 (R.G. n° F15/78) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 06 juin 2016,

APPELANT :

Monsieur [H] [X]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

de nationalité Française

Responsable d'agence, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivia MAITRE-FAURIE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

SAS ESPACE ENGINEERING, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 343 353 447

représentée par Me Olivier CHENEDE, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 novembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sophie BRIEU, Vice Présidente Placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : G. TRIDON DE REY

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Espace Engineering a pour activité principale le suivi des travaux et l'ingénierie. Elle relève de la Convention collective des bureaux d'étude.

Suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 1er septembre 2004, M. [X] a été embauché par la société Espace Engineering en qualité de coordinateur, statut ETAM. Ce contrat s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée le 25 février 2005.

En dernier lieu, M. [X] occupait le poste de responsable d'agence, coefficient 170, position 3.1, statut cadre. Il bénéficiait d'une rémunération annuelle brute de 45 720 euros et d'une prime contractuelle d'activité.

Une rupture conventionnelle a été régularisée entre les parties le 5 décembre 2014 et homologuée le 24 décembre 2014, le préavis expirant le 31 juillet 2015.

Par courrier du 29 janvier 2015, M. [X] a été dispensé d'activité et convoqué à un entretien préalable à une rupture anticipée du préavis.

Par lettre du 11 février 2015, l'employeur lui a notifié une rupture anticipée du préavis

à effet immédiat aux motifs énoncés de faits de harcèlement moral et d' erreurs commises dans les dossiers.

Le 5 mars 2015, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême afin de voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement des sommes suivantes :

57 400 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25 000 euros net à titre de primes contractuelles,

2500 euros bruts à titre de congés payés afférents,

1892,22 euros bruts au titre des congés payés restants dus sur 2014,

20 000 euros bruts au titre de l'exécution de la rupture conventionnelle,

20 500 euros bruts à titre de rappel de salaire,

2 050 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de dire et juger que l'intégralité des sommes susvisées soient augmentées des intérêts au taux légal

exécution provisoire

entiers dépens.

Par jugement en date du 25 avril 2016, le conseil de prud'hommes a :

condamné la société Espace Engineering prime en la personne de son représentant légal à verser à M. [X] les sommes suivantes

- 1892,22 euros au titre de rappels de congés payés sur 2014,

- 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

débouté M. [X] de ses autres demandes.

***

Par déclaration de son avocat au greffe de la Cour du 6 juin 2016, M. [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 24 juillet 2017 au greffe de la Cour et développées oralement, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Espace Engineering à lui payer les sommes réclamées en première instance, outre 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans ses écritures enregistrées le 21 novembre 2017 au greffe de la Cour et soutenues oralement, la société Espace Engineering conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a alloué à M. [X] la somme de 1892,22 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été versée en exécution du jugement. Elle sollicite, en outre, la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé de la rupture

La lettre de rupture anticipée du préavis reproche à M. [X], outre des carences dans la gestion de dossiers, d'avoir tenu des propos injurieux et dégradants constitutifs de harcèlement moral à l'égard des salariés, d'avoir exercé des pressions psychologiques intenables sur les équipes et d'avoir eu des pratiques de management inacceptables.

Faisant valoir que la rupture de son contrat du travail résulte de l'homologation de la rupture conventionnelle et que selon le principe, ' rupture sur rupture ne vaut', M. [X] soutient que l'employeur ne pouvait rompre à nouveau la relation de travail sauf à se prévaloir, en application des règles régissant la rupture conventionnelle, de son droit à rétractation dans le délai légal ou d'un vice du consentement. En tout état de cause, il conteste les griefs énoncés dans la lettre de rupture dont il prétend qu'ils sont prescrits.

En l'espèce, il résulte de l'ensemble des étapes de la procédure ayant conduit au départ du salarié de l'entreprise que l'employeur n'a pas entendu remettre en cause le principe et les effets de la convention de rupture homologuée par l'autorité administrative de sorte que l'argumentation du salarié à cet égard est inopérante. Un employeur est en droit de mettre un terme définitif à la relation de travail en rompant de façon anticipée un préavis en cours d'exécution pour faute grave, la seule conséquence financière pour le salarié étant non pas la perte de l'indemnité de licenciement qu'il conserve mais la privation de sa rémunération pour la durée du préavis.

S'agissant du moyen tiré de la prescription des griefs de harcèlement moral reprochés à M. [X], celui-ci prétend que l'employeur en a eu connaissance des années auparavant ainsi que cela ressort des attestations versées aux débats.

Aux termes de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il résulte de la pétition signée de cinq salariés placés sous la subordination de M. [X] que les faits de harcèlement moral se sont déroulés à huis clos au sein de l'agence qu'il dirigeait. Avec des interlocuteurs extérieurs, il adoptait une attitude cordiale. Selon ces salariés, l'employeur n'a été destinataire de leur témoignage sur des faits de harcèlement moral que lorsqu'ils ont reçu l'assurance que M. [X] ne reviendrait pas à l'agence, c'est à dire dans la période contemporaine à l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable en date du 29 janvier 2015.

M. [X] ne peut valablement déduire des attestations émanant soit de certains salariés qui indiquent s'être plaints en juillet 2014 de ses agissements à des collègues de confiance travaillant au siège de l'entreprise, soit de personnes extérieures à l'entreprise qui témoignent d'un climat de tension dans l'équipe constaté en 2013, que l'employeur était lui-même informé, à cette époque, de la nature, de l'intensité ou de la cause de ces tensions, étant observé que le contexte dans lequel la rupture est intervenue, c'est à dire en période de préavis, démontre que l'employeur a été surpris par la situation et a du décider dans l'urgence de prendre l'initiative de la rupture.

Ces éléments établissent que l'employeur a engagé des poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois prévu à l'article L1332-4.

Il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter le moyen tiré de la prescription.

En ce qui concerne la réalité des griefs allégués, outre la pétition précitée, sont produites aux débats 8 attestations de salariés ou de collaborateurs décrivant des situations de stress extrêmes provoquées par le comportement lunatique et intempestif de M. [X] qui leur fixait des objectifs intenables, leur donnait des injonctions paradoxales et les maltraitait en les rabaissant (tu ne vaux rien, tu n'as rien dans la tête...), en les humiliant (tais toi quand je parle, tu ne comprends rien...) , en les insultant (tu me fais chier, tu es un bon à rien ...) et en leur imputant à tort la responsabilité de difficultés dans le traitement des dossiers.

Ces faits répétés ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail des salariés et de porter atteinte à leur dignité au sens des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail relatives au harcèlement moral.

Les attestations fournies par M. [X] au soutien de sa contestation des griefs de harcèlement moral émanent d'un ancien chef de service et de clients ou partenaires de l'entreprise. En aucun cas, ces témoignages sont de nature à contredire les faits précis et concordants relatés par les salariés directement victimes des agissements de M. [X]. En effet, elle font état des qualités professionnelles de l'intéressé qui, en l'espèce, ne sont pas en cause.

L'employeur tenu à une obligation de sécurité résultat devait prendre des mesures immédiates pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés confrontés à une situation de harcèlement moral qui rendait impossible la poursuite de la relation de travail avec M. [X] de sorte que la rupture anticipée du préavis était justifiée.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [X] des demandes indemnitaires au titre d'une rupture abusive.

Sur la demande de paiement de primes en exécution de la convention de rupture

M. [X] sollicite le paiement d'une prime de 20.000 euros en application de l'article 2 de la convention de rupture qui stipule qu'il percevra une prime de départ d'un montant maximum de 30.000 euros hors indemnité de rupture conventionnelle qui sera versée selon les dispositions suivantes :

- un montant de 100.000 euros versée sans conditions sur le mois de mai 2015,

- un montant de 10.000 euros versée au mois de juin sous condition de réussite du suivi, de la transmission et de la signature des dossiers en cours (notamment convention de du dossier Terrerna-Foncière Immobilière Charente, signature contrat ITM Saint Savin avant le 30 juin 2015)

-un montant de 10.000 euros à la signature et la transmission d'au moins 3 nouveaux dossiers/prospects significatifs (plus de 50.000 euros de marge par dossiers ou 150.000 euros sur un dossier, la marge étant le chiffre d'affaires contractant - coûts travaux, honoraires extérieur du chantier et assurance dommage ouvrage ) avant son départ de la société versé au solde de tout compte.

L'employeur s'oppose au paiement des deux dernières primes dans la mesure où d'une part, M. [X] n'était plus dans l'entreprise en juin 2015 et d'autre part, il n'a pas atteint les objectifs fixés.

Il résulte du tableau récapitulatif des affaires en cours traitées en janvier 2015 par l'agence d'Angoulême et dont les données relatives au descriptif du projet, au montant des travaux, et à l'état d'avancement des chantiers, ne sont pas objectivement critiquées par l'employeur, que M. [X] a atteint les objectifs visés à l'article 2 de la convention de rupture de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de primes.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les demandes de rappels de prime contractuelle

M. [X] sollicite le versement d'une somme de 25.000 euros au titre des primes sur objectifs pour les années 2013 et 2014 qui lui sont dues en vertu de l'avenant au contrat de travail du 28 mars 2011 et de l'article 6 de convention de rupture signée le 5 décembre 2014.

L'employeur objecte que M. [X] a renoncé au paiement de ces primes dans le cadre des discussions préalables à la rupture conventionnelle et qu'il ne peut réclamer des primes pour des périodes pour lesquelles aucun objectif n'a été contractualisé, c'est à dire en 2013 et 2014.

Il ne résulte pas, cependant, des clauses de la convention de rupture du 5 décembre 2014 que M. [X] a renoncé au paiement des dites primes. L'article 6 de la convention dispose, au contraire, qu'une somme de 20.000 euros sera versée au salarié à titre d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, outre les sommes dues en exécution du contrat de travail (salaires, primes, indemnité compensatrice de préavis, RTT).

En outre, M. [X] a perçu jusqu'au mois de juillet 2013 le montant de la prime sur objectifs et une avance lui a été versée pour l'année 2014 de sorte que l'argument de l'employeur selon lequel le salarié n'était pas éligible à cette prime sur ces périodes est inopérant.

M. [X] a établi un tableau récapitulatif des primes réglées entre 2011 et 2014 et de celles restant dues sur les exercices 2013 et 2014. Il a, par ailleurs, fourni le document fixant les modalités de calcul de ces primes et la liste des dossiers et les chiffres d'affaires correspondants servant de base de calcul des primes. Ces éléments ne sont pas discutés par l'employeur. Il y a lieu, dans ces conditions de faire droit à la demande de rappel de primes à raison de 8000 euros pour l'année 2013 et de 17.000 euros pour l'année 2014.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de rappel de solde d'indemnité compensatrice de congés payés

L'employeur ne répond pas à l'argumentation du salarié retenue par les premiers juges selon laquelle le montant de la rémunération des congés payés a été modifié sur le bulletin de paie du mois d'août 2014 par rapport aux mois précédents ( 189,20 euros par jour au lieu de 275,21 euros) de sorte que sur les 22 jours de congés payés pris sur cette période, le salarié a perdu une somme de 1892,22 euros.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts en raison du délai de carence qui lui a été imposé par Pôle Emploi et de la perte de droits aux indemnités d'assurance chômage dés lors que ces demandes sont fondées sur le caractère abusif de la rupture anticipée du préavis.

Chaque partie obtenant partiellement gain de cause supportera la charge de ses propres dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de rappel de primes

Statuant à nouveau dans cette limite

Condamne la société Espace Ingineering à payer à M. [X] le rappel de primes suivant :

- 8000 euros pour l'année 2013

- 17.000 euros pour l'année 2014

- 20.000 euros en exécution de l'article 2 de la convention de rupture

Y ajoutant

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens

Signé par Eric VEYSSIERE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/03786
Date de la décision : 08/02/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/03786 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-08;16.03786 ?
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