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31/01/2018 | FRANCE | N°16/05164

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 31 janvier 2018, 16/05164


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 31 JANVIER 2018



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 16/05164









[D] [U]



c/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-PERIGORD

























Nature de la décision : AU FOND











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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME (chambre : 1°, RG : 13/01733) suivant déclaration d'appel du 02 août 2016





APPELANTE :



[D] [U]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Local...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 31 JANVIER 2018

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/05164

[D] [U]

c/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-PERIGORD

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME (chambre : 1°, RG : 13/01733) suivant déclaration d'appel du 02 août 2016

APPELANTE :

[D] [U]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1] (BELGIQUE)

de nationalité Belge

demeurant [Adresse 1]E (BELGIQUE)

représentée par Maître Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-PERIGORD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître Laurène D'AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Frédéric MOUSTROU de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocat plaidant au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 décembre 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

1. Les époux Monsieur [B] et Mme [U] ont souscrit auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord (ci-après CRCAMCP) deux prêts :

* par acte authentique du 27 novembre 2002, un prêt habitat n° 43 951801 d'un montant de 76 275 euros, remboursable par échéances mensuelles sur une durée de 180 mois au taux d'intérêt proportionnel de 4,30% l'an, destiné à financer l'acquisition d'un ensemble immobilier situé lieudit « [Localité 2] » sur la commune de [Localité 3] (24) et à l'exécution de travaux ;

* par acte sous seing privé du 7 juin 2004, un prêt habitat n° 70000619858 d'un montant de 25 000 euros, d'une durée de 120 mois, au taux d'intérêt annuel fixe de 4,25% l'an, destiné à financer la réalisation de travaux au sein de leur maison d'habitation.

2. Le 26 septembre 2008, Monsieur [B] a engagé une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Périgueux. Par ordonnance de non-conciliation du 13 janvier 2009, le juge aux affaires familiales a attribué la jouissance du domicile conjugal à Monsieur [B] à titre onéreux à charge pour lui de régler les charges et emprunts y afférents. Madame [U] a obtenu, par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 19 octobre 2009, l'attribution du domicile conjugal à titre onéreux et à charge pour elle de régler les charges et emprunts y afférents.

3. Invoquant la défaillance des emprunteurs, la CRCAMCP a mis en demeure, par LRAR, les ex-époux de procéder au règlement des sommes dues au titre des prêts susmentionnés.

Monsieur [B] a assigné la CRCAMCP devant le tribunal d'instance de Périgueux pour faire suspendre ses obligations sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de la consommation. Madame [U] est intervenue volontairement dans le cadre de cette instance.

Le juge d'instance a autorisé les emprunteurs à suspendre le remboursement des crédits contractés auprès de la CRCAMCP pendant une durée de deux ans à compter du 1er mai 2009 pour le prêt consenti le 27 novembre 2002 et pendant une durée de deux ans à compter du 1er septembre 2009 pour le prêt du 7 juin 2004. Le juge a subordonné cette suspension à la justification, par les débiteurs dans un délai de trois mois, de la co-signature d'un ou plusieurs mandats de vente concernant l'immeuble situé à [Localité 3] lieu-dit [Localité 4]. Le défaut de cette justification devait entraîner la déchéance de plein droit de la suspension accordée.

La CRCAMCP a soutenu que, faute de respecter les dispositions de ce jugement, Monsieur [B] et Mme [U] avaient été déchus de plein droit du délai de grâce accordé. La CRCAMCP leur a indiqué par deux lettres datées des 11 et 12 mai 2010, qu'elle se prévalait de l'exigibilité intégrale de sa créance, invitant les débiteurs au paiement des sommes dues.

4. La CRCAMCP a assigné les débiteurs devant le tribunal de grande instance de Périgueux par acte du 16 juin 2010 aux fins de condamnation au paiement d'une somme principale de 16 970 euros sur le fondement du prêt du 7 juin 2004.

5. Sur requête de la CRCAMCP, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgeux, par ordonnance du 10 juin 2010, a autorisé celle-ci à régulariser une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'ensemble immobilier concerné en garantie du recouvrement des sommes dues au titre du prêt consenti le 7 juin 2004, objet de l'instance.

Par ailleurs, suivant exploit de Maître [E], huissier de justice de [Localité 5], un commandement aux fins de saisie immobilière de l'ensemble immobilier sis lieu dit de « [Localité 2] » à [Localité 3] a été délivré aux débiteurs le 10 juin 2010.

Les débiteurs n'ont pas réglé les sommes dues dans le délai et la CRCAMCP les a attraits à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgueux le 16 novembre 2010.

Suivant jugement d'orientation en date du 7 décembre 2010, le juge de l'exécution a validé la procédure de saisie immobilière et les créances, rejeté les demandes de vente amiable et de cantonnement de la saisie, fixé la mise à prix à la somme de 160 000 euros et les conditions de la vente forcée à l'audience d'adjudication du 1er mars 2011.

Mme [U] a interjeté appel de ce jugement. La cour d'appel d'appel de Bordeaux l'a intégralement déboutée de ses demandes par arrêt du 23 février 2011.

6. Après application des formalités légales, suivant jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgueux du 1er mars 2011, le bien objet de la procédure a été adjugé moyennant la somme de 101 000 euros. Par suite d'une surenchère, la vente a été de nouveau requise lors de l'audience du juge de l'exécution au tribunal de grande instance de Périgueux, le 7 juin 2011, sur une nouvelle mise à prix de 111 000 euros.

A cette date, le juge de l'exécution statuant par jugement sur incident, a :

* déclaré Madame [U] irrecevable en ses demandes,

* dit ne pouvoir passer outre la vente sur surenchère,

* condamné Mme [U] à verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement d'adjudication sur surenchère, du 7 juin 2011, l'immeuble saisi a été adjugé à 174 000 euros.

Mme [U] a interjeté appel du jugement rendu sur incident le 7 juin 2011 suivant déclaration d'appel le 22 août 2011.

Mme [U] s'étant désistée de son recours, la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 20 décembre 2012 a confirmé en toutes ses dispositions la décision déférée et l'a condamnée à payer à la CRCAMCP la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

7. Mme [U] a fait assigner la CRCAMCP devant le tribunal de grande instance d'Angoulême par acte du 29 juillet 2013 pour faire reconnaître ses fautes contractuelles et être indemnisée des préjudices consécutifs.

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande Instance d'Angoulême a :

* déclaré Mme [U] irrecevable en sa demande en nullité du taux d'intérêt des prêts,

* déclaré Mme [U] recevable mais mal fondée en son action en responsabilité à l'encontre de la CRCAMCP,

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la CRCAMCP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* autorisé Maître [L] à recouvrer directement ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans avoir reçu de provision,

* rejeté la demande d'exécution provisoire de la présente décision.

8. Madame [U] a interjeté appel partiel de cette décision le 2 août 2016. La banque a formé un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, n° 3 du 29 novembre 2017, faisant suite à des conclusions n° 2 du 23 novembre 2017 et accompagnées de dix nouvelles pièces, Madame [U] demande à la Cour de :

- la recevoir en son appel et la déclarer fondée,

- annuler le jugement entrepris et statuant à nouveau en fait et en droit :

Sur la recevabilité eu égard aux anomalies bancaires révélées le 1er juillet 2015 :

- constater qu'elle a découvert les anomalies présentes dans les prêts immobiliers à la réception des rapports d'analyse financières établis en juillet 2015,

- constater que la nature des anomalies portant sur le taux effectif global, le taux de période et le calcul des intérêts sur 360 jours au lieu de 365 jours est technique,

En conséquence :

- dire et juger que le point de départ de la prescription a commencé à courir le 1er juillet 2015, date du dépôt des rapports d'analyse financière révélant les anomalies mathématiques,

- dire et juger recevable Madame [U] en ses demandes ;

Sur la recevabilité eu égard à la nature de l'action :

- constater que les dispositions de l'article R 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution s'appliquent à la procédure de saisie immobilière,

- constater que la présente action est une action en responsabilité contractuelle,

- constater que la cour d'appel de Bordeaux a rappelé dans son arrêt du 23 février 2011 que la mise en jeu de la responsabilité du Crédit Agricole excédait les pouvoirs du Juge de l'exécution,

- constater que le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, est la juridiction compétente devant laquelle sont portés les litiges relatifs aux anomalies révélées dans les prêts bancaires.

En conséquence :

- dire et juger recevable Madame [U] en son action ;

Sur le fond :

Sur la désolidarisation :

- constater que, par courrier du 14 août 2008, Monsieur [B] a notifié sa désolidarisation du compte joint, laquelle a été acceptée par le Crédit Agricole,

- constater que le Crédit Agricole n'a pas informé Madame [U] de cette désolidarisation,

Sur les agissements fautifs portant sur la modification des conditions des contrats de prêt sans avoir obtenu l'accord préalable des co-emprunteurs :

- constater que les échéances bancaires du prêt immobilier devaient être prélevées sur le compte joint n°[Compte bancaire 1] ;

- constater que le compte joint n°[Compte bancaire 1] était le compte payeur dudit prêt ;

- constater que le Crédit Agricole a organisé sans l'information et accord préalable de Madame [U] le réaménagement au seul nom de Monsieur [B] du remboursement des échéances bancaires portant sur les deux prêts ;

- constater que les échéances bancaires du prêt immobilier étaient prélevées sur un nouveau compte personnel ouvert au nom de Monsieur [B] désignant ainsi ce dernier comme seul responsable quant au remboursement dudit prêt ;

- constater que le Crédit Agricole a commis une faute en ne faisant pas signer un avenant aux emprunteurs quant au nouveau compte payeur, et a minima en n'informant pas préalablement Madame [U], en la conseillant et en la mettant en garde sur les conséquences d'une telle situation à savoir l'absence de tout contrôle sur la bonne exécution des contrats de prêt par Monsieur [B] ;

- constater qu'il y a un lien direct entre la désolidarisation du compte [Compte bancaire 1] effectuée le 14 août 2008 et la modification des deux contrats de prêt opérées sans que Mme [U] en soit informée ;

- constater que le Crédit Agricole a poursuivi Mme [U] lorsque Monsieur [B] a été défaillant dans le remboursement des échéances bancaires ;

- constater que le Crédit Agricole a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté en procédant à cette saisie alors même qu'elle disposait de la possibilité de procéder à une saisie des rémunérations de Monsieur [B] ;

- constater que les manquements du Crédit Agricole résidant dans le non respect de ses engagements pris lors de la conclusion des contrats de prêt et la violation de ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ont placé Madame [U] dans une situation hautement préjudiciable ;

- constater que le préjudice de Madame [U] réside dans la perte de chance de n'avoir pas pu exiger en garantie de la bonne exécution des contrats de prêt par Monsieur [B] à l'occasion de la désolidarisation et des nouvelles modalités de remboursement, le dépôt de la somme de 19.000 euros du compte épargne du couple sur un compte séquestre, ce qui aurait permis une garantie de remboursement pendant deux années soit pendant la procédure de divorce et l'application des stipulations spécifiques que le contrat notarié prévoyait expressément en minorant ou en suspendant les échéances de remboursement, et ce pendant une période de deux années ;

- constater que le préjudice subi par Madame [U] résulte des décisions abusives prises par la banque de concert avec Monsieur [B] en violation des termes clairs et précis des contrats de prêts et de la qualité d'emprunteur de Mme [U], afin d'écarter celle-ci de la gestion des contrats de prêts, rendant inopposables ces contrats à Mme [U] ;

- constater que Madame [U] a subi un préjudice matériel et moral indiscutable ;

En conséquence :

- dire et juger que le Crédit agricole engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de Madame [U] ;

- condamner le Crédit Agricole à payer à Madame [U] les sommes de :

' 172.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de ses manquements caractérisés ;

' 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

Sur les anomalies portant sur les contrats de prêt

- constater que les frais de garantie et la souscription des parts sociales n'ont pas été pris en compte dans le calcul du coût total du crédit de 76.275 euros ;

En conséquence :

- constater l'erreur de calcul du TEG du prêt à hauteur de 76.275 euros ;

- constater que le TEG n'est pas proportionnel au taux de période dans le prêt à hauteur de 76.275 euros ;

En conséquence :

- dire et juger le TEG erroné dans l'offre de prêt litigieuse ;

- dire et juger que le prêteur a calculé ses intérêts sur la base d'une année de 360 jours dans les offres de prêt de 76.275 euros et 25.000 euros ;

En conséquence,

S'agissant du prêt n°43951801 :

Il est donc demandé à la Cour de :

- prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt ;

- prononcer la substitution du taux légal de l'année 2013 au taux d'intérêt conventionnel et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir ;

- enjoindre sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir, le Crédit Agricole de produire un nouvel échéancier prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal de l'année 2013 au taux conventionnel ;

- condamner le Crédit Agricole à payer à Madame [U] le trop perçu au titre des intérêts conventionnels ;

Au titre du prêt n°70000619858 :

- prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt,

- prononcer la substitution du taux légal de l'année 2004 (soit 2,27%) au taux d'intérêt conventionnel ;

- condamner le Crédit Agricole à verser à la concluante la somme de 3.300,91 euros au titre des intérêts perçus depuis le 15 juin 2004 jusqu'au 16 juin 2014 [6.207,53 euros (intérêts prélevés au taux conventionnel) ' 2.906,62 euros (intérêts calculés au taux légal de 2004)] ;

- débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner le Crédit Agricole à payer à la concluante la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

La CRCAMCP après appel incident a, dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 29 novembre 2017, demandé à la Cour de :

- recevoir la CRCAMCP en son appel incident et l'y déclarant bien fondée ;

- rejeter des débats les conclusions notifiées et déposées par Mme [U] le 23 novembre 2017, comme étant tardives et non conformes au principe du contradictoire, ainsi que toutes productions ultérieures de sa part ;

- rejeter des débats les conclusions et pièces n°65 à 75, telles que notifiées et déposées par Madame [U] le 29 novembre 2017, comme étant tardives et non conformes au principe du contradictoire, ainsi que toutes productions ultérieures de sa part ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande Instance d'Angoulême le 12 mai 2016 (RG n°13/01733), uniquement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en responsabilité dirigée par Madame [U] à l'encontre de la CRCAMCP ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- constater le caractère aussi irrecevable que mal fondé des prétentions de Madame [U] ;

- débouter Madame [U], de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Madame [U], à verser à la CRCAMCP la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Madame [U], aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Le Barazer & d'Amiens Avocat soussigné, conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.

Par message RPVA du 29 novembre 2017, l'avocate de l'appelante a indiqué ne pas s'opposer au report de la clôture.

La clôture de procédure a été prononcée selon ordonnance du 5 décembre 2017.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux jugements et arrêts déférés et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des conclusions des 23 et 29 novembre 2017 et des pièces 65 à 75

L'article 784 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

Au regard de cette disposition ainsi que de celles relatives au respect du principe du contradictoire comprises aux articles 15 et suivants du même code, la cour d'appel de Bordeaux a décidé de retenir les conclusions du 23 novembre 2017 auxquelles la banque avait le temps de répondre avant la clôture du 5 décembre 2017 mais de rejeter les conclusions du 29 novembre 2017 ainsi que les pièces n° 65 à 75 communiquées trop tardivement pour que l'intimée puisse y réagir avant l'audience et trop anciennes ( 2009 pour la pièce n° 66, 2008 pour les pièces n° 67 et 68, 2010 pour la pièce n° 71) pour ne pas avoir pu être communiquées plus tôt.

Sur la demande relative au calcul du TEG et de ses conséquences

Mme [U] fait valoir dans ses écritures que les frais de garantie et la souscription des parts sociales n'ont pas été pris en compte dans le calcul du coût total de ses crédits du 27 novembre 2002 et du 7 juin 2004. Elle demande principalement à ce titre et pour les deux crédits, une substitution rétroactive du taux applicable.

En application des articles 125 du code de procédure civile et 6 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 devenu article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peuvent, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elles portent sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

Il résulte du jugement d'orientation en date du 7 décembre 2010 que le juge de l'exécution a validé la procédure de saisie immobilière et les créances de Mme [U]. Cette dernière

a interjeté appel de ce jugement et la cour d'appel d'appel de Bordeaux l'a intégralement déboutée de ses demandes par arrêt du 23 février 2011.

Pour appuyer ses demandes, Mme [U] se borne à reprendre son argumentation déployée en première instance sans ajouter d'éléments nouveaux au débat. Or et comme le premier juge l'a justement jugé dans sa décision du 12 mai 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgueux a déjà eu l'occasion de valider, au sujet de ces deux prêts, la procédure de saisie pour les créances mentionnées à parfaire des intérêts postérieurs au 16 novembre 2010 sur le principal et sur le taux contractuel correspondant sans que Mme [U] ne soulève de contestation concernant ce taux. Cette décision ayant reçue autorité de la chose jugée, Mme [U] ne peut demander une modification du calcul des taux d'intérêt concernant ses prêts devant la cour d'appel de Bordeaux.

En conséquence, la décision a acquis autorité de chose jugée et Mme [U] ne peut soulever devant le cour d'appel la nullité du taux d'intérêt de ses prêts.

La décision du premier juge sera donc confirmée sur ce point.

Sur la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle

La CRCAMCP conteste de nouveau la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle dirigée à son encontre en ce que les demandes soumises au tribunal auraient déjà été examinées dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

Cependant, les décisions mentionnées par la banque ont été rendues par le juge de l'exécution qui n'est pas compétent pour statuer sur le fond et qui n'a pas statué comme tel. De même, les arrêts de la cour d'appel de Bordeaux du 23 février 2011 et du 20 décembre 2012 sont relatifs aux conditions de la vente aux enchères de l'immeuble et non à la responsabilité de la banque consécutive à un manquement contractuel.

L'article 1351 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause.

La demande formée n'étant pas la même mais nouvelle, l'action en responsabilité pour manquement contractuel à l'encontre de la banque sera jugée recevable et la décision du premier juge sera confirmée sur ce point.

Sur la faute de la banque

L'appelante fonde sa demande sur le manquement de la banque à l'obligation d'information relative à la désolidarisation

Mme [U] reproche à la CRCAMCP de ne pas l'avoir informée de la demande de désolidarisation du compte-joint effectuée par son époux, M. [B], par courrier du 14 août 2008 et acceptée par le Crédit Agricole. Elle fait valoir que ce manquement contractuel l'empêchait de réclamer le paiement de sa créance et lui a causé un préjudice résidant dans la perte de chance de n'avoir pas pu exiger la garantie de la bonne exécution des contrats de prêt par M. [B].

Pour obtenir réparation de son préjudice, Mme [U] doit ainsi démontrer l'existence, conformément à l'ancien article 1147 du code civil, d'un manquement contractuel, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ce manquement et ce préjudice.

Concernant le manquement contractuel, Mme [U] fait valoir que le fait de ne pas avoir été informée de la désolidarisation du compte-joint constituait un manquement contractuel contraire aux dispositions de l'ancien article 1134 du code civil. Elle verse aux débats un document informatif (pièce n° 41, p. 11), à portée néanmoins contractuelle, délivrée aux clients par la banque et expliquant que la désolidarisation constitue une modification substantielle du contrat de prêt.

Dès lors, la banque ne pouvait modifier les stipulations contractuelles substantielles sans l'accord de tous les emprunteurs à défaut de quoi elle commettait une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.

Pour prouver la réalité de cette désolidarisation, Mme [U] verse aux débats une lettre manuscrite de M. [B] faisant état de sa volonté de se désolidariser du compte-joint n° [Compte bancaire 1] datant du 14 août 2008. Cette demande est corroborée par la pièce n° 45 de la banque : lettre de M. [B] qui reconnaît avoir demandé la désolidarisation le 14 août 2008. Pour démontrer l'effectivité de cette désolidarisation Mme [U] met en avant, dans les pièces n° 10 et 17, que la banque adressait dès le 22 décembre 2008, des demandes de remboursement concernant le compte joint n° [Compte bancaire 1] au seul nom de l'intéressée. La CRCAMCP échoue à démontrer qu'elle a rejeté la demande de désolidarisation du compte-joint présentée par M. [B] le 14 août 2008. Il n'y a dès lors pas lieu de contester l'effectivité de cette désolidarisation à la date du 14 août 2008.

Pour prouver qu'elle n'était pas au courant de cette désolidarisation, Mme [U] a communiqué (pièce n °21) la lettre recommandée avec accusée de réception qu'elle a envoyée à la banque le 17 mars 2009 témoignant de son ignorance concernant cette opération. La teneur de la lettre, son contenu et la date à laquelle elle a été envoyée ne suffisent pas à douter de sa bonne foi et la CRCAMCP ne verse pas au débat des éléments tendant à montrer le contraire.

Afin de démontrer que ce manquement lui a causé un préjudice, Mme [U] fait valoir que la désolidarisation a eu pour effet de l'empêcher d'être tenue informée de toutes les informations légales et obligatoires telles que l'information annuelle relative à la modification du taux, du capital restant dû et le nombre d'échéances. Si ce seul manquement objectif suffit a démontrer l'existence et le caractère certain et direct du préjudice, Mme [U] fait valoir en plus qu'elle aurait pu déposer en garantie la somme de 19 000 euros sur un compte séquestre ce qui lui aurait éviter de connaître des difficultés financières. Elle demande la somme de 172 500 euros correspondant à sa part sur la vente du bien et représentant la moitié de la valeur de la maison qu'elle estime à 345 000 euros (pièce n° 13) alors que par jugement d'adjucation sur surenchère du 7 juin 2011, l'immeuble saisi a été adjugé à 174 000 euros. Elle demande en outre la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi. Le lien de causalité entre ce manquement précédemment évoqué et le préjudice étant lui aussi certain et direct, c'est à tort que le jugement n'a pas retenu la responsabilité contractuelle de la banque et devra donc être réformé sur ce chef mais le préjudice ne peut en aucun cas être évalué au regard de la valeur du bien immobilier dont elle a régulièrement perdu le titre de propriété.

De plus, Mme [U] et M. [B] dont la première connaissait les difficultés financières, auraient pu éviter l'adjucation du bien en le vendant plus tôt à l'amiable et éviter ainsi la déchéance du terme du contrat de prêt, comme le juge d'instance leur en avait accordé l'opportunité.

Il sera donc octroyé à Mme [U] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi consécutif au manquement contractuel de la banque.

Mme [U] ne parvenant pas à démontrer la réalité de son préjudice moral, sa demande de 10 000 euros à ce titre sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'appel de Mme [U] fondé sur la responsabilité contractuelle de la banque étant accueilli, le jugement du 12 mai 2016 sera réformé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la CRCAMCP sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et il ne sera pas fait droit aux demandes formées par celle-ci au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Son appel étant partiellement rejeté, Mme [U] conserve à sa charge les frais en ce compris les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du 12 mai 2016 sauf en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité contractuelle de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord et en ce qu'il a condamné Mme [U] aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs :

* dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

* condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord à payer à Mme [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice ;

* dit qu'il ne sera pas fait droit aux demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/05164
Date de la décision : 31/01/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/05164 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-31;16.05164 ?
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