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06/12/2017 | FRANCE | N°15/05825

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 décembre 2017, 15/05825


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 6 DÉCEMBRE 2017



(Rédacteur : Madame Catherine Dupouy de Gordon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/05825







SAS CHÂTEAU LAGRANGE



c/



Monsieur [C] [K]

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 6 DÉCEMBRE 2017

(Rédacteur : Madame Catherine Dupouy de Gordon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/05825

SAS CHÂTEAU LAGRANGE

c/

Monsieur [C] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 septembre 2015 (R.G. n°F 13/02610) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 21 septembre 2015,

APPELANTE :

SAS Château Lagrange, agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 328 478 656

assistée de Me Foulques DE ROSTOLAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Thomas DE BEAUMONT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 octobre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine Dupouy de Gordon, présidente

Madame Isabelle Lauqué, conseillère

Madame Annie Cautres, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [K] a été engagé par la SAS Château Lagrange , suivant contrat de travail à durée indéterminée, le 1er décembre 1990, en qualité de directeur adjoint.

Le 11 juin 2007, il a été promu au poste de directeur général.

Depuis 2008, il entretenait une liaison avec une salariée de l'entreprise, Mme [S].

En mai/juin 2013, celle-ci lui a fait savoir qu'elle entendait mettre fin à cette relation.

Le 19 juin 2013, M. [K] représentant l'employeur, la Sas Château Lagrange et Mme [S] signaient une rupture conventionnelle du contrat de travail dont celle-ci était titulaire en qualité de secrétaire, avec une date envisagée de rupture du contrat de travail au 26 juillet suivant. Ils faisaient état d'un premier entretien ayant eu lieu le 13 juin 2013.

Le 4 juillet 2013, M. [K] répondait à une demande d'explications de M. [O], vice-président, confirmant notamment qu'il n'aurait exercé aucune pression sur Mme [S] pour la signature de la rupture conventionnelle.

Puis, par courrier remis en main propre le 15 juillet 2013, M. [K] était convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement et mis à pied à titre conservatoire à effet immédiat.

Par courrier du 25 juillet 2013, il était licencié pour faute grave.

Au moment de son licenciement, M. [K] bénéficiait d'une ancienneté de 23 ans.

Le 12 août 2013, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant son licenciement et sollicitant la condamnation de son ex-employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité ainsi que de dommages et intérêts.

Par jugement du 7 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Bordeaux, section encadrement :

- juge le licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamne la Sas Château Lagrange à payer à M. [K] les sommes de :

- 3.934,33 € au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied,

- 79.486,02 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 7.948 € au titre des congés payés afférents,

- 158.972,04 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- rappelle que l'exécution provisoire est de droit, dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la moyenne des trois dernier mois,

- 81.000 € bruts au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais éventuels d'exécution,

- déboute M. [K] de ses autres demandes,

- déboute la Sas Château Lagrange de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sas Château Lagrange a interjeté appel de cette décision le 21 septembre 2015.

Par conclusions déposées le 18 février 2016 et développées oralement à l'audience, la Sas Château Lagrange conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de juger que le licenciement de M. [K] repose sur une faute grave, en le déboutant de toutes ses demandes et en le condamnant à verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle soutient que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande à la cour de constater l'absence de justification, par M. [K], de l'étendue du préjudice par lui allégué.

Par conclusions déposées le 13 janvier 2016 et développées oralement à l'audience, M. [K] soutient quant à lui qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal, lequel revêt nécessairement un caractère abusif, et qu'en toute hypothèse, les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne les sommes accordées, sauf au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, dont il demande la fixation à hauteur de 350.000 €.

M. [K] demande enfin la condamnation de la Sas Château Lagrange à lui remettre 192 bouteilles de CHÂTEAU LAGRANGE 2010 ainsi qu'à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande relative au licenciement verbal

Cette demande de M. [K] a été rejetée par le conseil de prud'hommes au motif que la preuve d'un licenciement intervenu verbalement avant l'engagement de la procédure n'était pas rapportée.

M. [K] la réitère devant la cour, et demande sur ce point l'infirmation du jugement, indiquant notamment que M. [O] lui aurait annoncé successivement le 5 juillet 2013 puis le 10 juillet 2013 qu'il le licenciait, ne le convoquant à un entretien préalable, fixé au 22 juillet 2013, sans mention de l'heure, que par lettre du 15 juillet 2013.

La Sas Château Lagrange affirme en revanche avoir scrupuleusement respecté la procédure de licenciement en convoquant M. [K], le 15 juillet 2013, à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, entretien prévu le 22 juillet suivant, à 10 heures (page 5 des conclusions). Elle ajoute que la décision de licencier n'a été prise que le 25 juillet 2013, matérialisée par la lettre de licenciement datée du même jour.

La cour ne peut toutefois que constater, ainsi que M. [K] l'a relevé, que l'heure de l'entretien ne figurait pas sur la lettre de convocation du 15 juillet 2013, puisque la mention de l'heure n'a pas été complétée.

M. [K] ne s'est pas présenté, considérant être d'ores et déjà licencié.

La lettre de licenciement mentionne quant à elle, sur ces deux points, 'Par lettre remise en main propre le 15 juillet 2013, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à votre licenciement pour faute grave, entretien fixé au 22 juillet. Ce même 15 juillet, nous vous avons précisé que l'entretien du 22 juillet aurait lieu à 10 heures. Vous ne vous êtes toutefois présenté pour cet entretien le 22 juillet, ni à 10 heures ni à aucune autre heure de la journée.'

En toute hypothèse et de plus, il apparaît que d'autres entretiens ou échanges avaient eu lieu entre M. [K] et M. [O] avant la remise de la lettre de convocation engageant officiellement la procédure de licenciement.

A titre de preuve d'une décision de licenciement prise et exprimée avant la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable, M. [K] produit notamment une attestation établie le 10 septembre 2013 par M. [H] qui indique être venu voir M. [K] le lundi 8 juillet 2013 vers 18 heures pour le soutenir dans l'épreuve qu'il traversait. Il ajoute: Nous étions dans son bureau en train de se parler lorsque M. [O], que j'avais vu plusieurs fois quand je passais au château, est entré dans le bureau. Il a dit les mots suivants: 'M. [K], pouvez-vous me donner une copie de votre contrat de travail car je ne retrouve pas notre exemplaire.' M. [K] a alors demandé pourquoi. M. [O] a répondu: ' suite à votre licenciement que je vous ai annoncé vendredi soir nous en avons besoin.'

L'attestation de M. [H] est régulière en la forme, précise dans son contenu et relate des faits dont le témoin indique qu'ils se sont déroulés en sa présence. Elle ne peut donc être purement et simplement écartée au motif que ni M. [O] ni personne au Château Lagrange ne connaîtrait M. [H] et qu'aucun agenda ni registre de visiteurs ne mentionnerait sa visite.

Il résulte d'ailleurs de l'attestation que M. [H] venait apporter à M. [K] un soutien à titre personnel.

M. [K] produit également l'attestation de Mme [B], ouvrière viticole dans l'entreprise, laquelle, si elle n'est pas accompagnée de la copie de sa pièce d'identité, comporte toutes les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, est précise dans son contenu et relate des faits dont le témoin indique qu'ils se sont déroulés en sa présence. Mme [B] relate que ' le 8 juillet à l'embauche de la mise en bouteille le matin, M. [M] est venu ouvrir les portes, ce qui était un fait inhabituel. Il a dit que les codes de l'alarme avaient été changés durant le week-end suite au licenciement de M. [K] que lui avait annoncé M. [O] le vendredi 5 juillet. Par la suite et pendant une semaine, M. [K] venait récupérer les cartons vides que les ouvriers de chai mettaient à sa disposition pour son déménagement.'

Certes, cette attestation est contredite par une attestation produite par la Sas Château Lagrange, rédigée par M. [D], maître de chai au château Lagrange, qui indique notamment qu'il est le seul cadre de l'entreprise à faire l'embauche de la mise en bouteille, que M. [M] n'intervient jamais dans ce genre de tâches, qu'il n'est jamais venu le 8 juillet 2013 au moment de l'embauche et que ce jour-là, l'alarme a été déverrouillée à 7heures et que le code utilisé était le même que depuis la date du dernier changement le 16 mai 2013.

Bien que l'attestation de M. [D] ait été rédigée le 18 novembre 2014 alors que celle de Mme [B] a été rédigée le 9 septembre 2013, à une date proche du fait qu'elle qualifie d'inhabituel dont elle pourrait avoir ainsi conservé la mémoire, l'attestation par elle rédigée ne sera pas retenue comme suffisamment probante en ce qui concerne ses mentions relatives à l'annonce par M. [M] du changement de l'alarme en raison du licenciement de M. [K] annoncé le vendredi 5 juillet. Cela d'autant plus qu'elle est également contredite par une attestation de M. [M] lui-même, rédigée le 9 décembre 2014, selon laquelle il affirme en particulier que les écrits de Mme [B] ne sont que des mensonges, s'interrogeant sur le lien éventuel entre ses déclarations mensongères et la relation qu'elle aurait entretenue avec le fils de M. [K].

La cour observe néanmoins que dans son souci d'apporter son soutien à son employeur, M. [M] n'hésite pas, dans une autre attestation, à affirmer que M. [K] lui avait donné l'ordre de ne pas révéler à Mme [S] la possibilité de revenir sur sa décision durant les 15 jours suivant la signature du formulaire de rupture conventionnelle du contrat de travail alors qu'il s'agit d'une mention obligatoire de ce document et qu'elle y figure de façon explicite et visible de sorte qu'elle n'était pas susceptible d'échapper à l'intéressée.

Les attestations de témoins relatant avoir appris par M. [K] lui-même, avant l'engagement de la procédure de licenciement, qu'il quittait le Château Lagrange ne peuvent pas davantage être retenues comme ne contenant que la constatation des propos tenus par M. [K].

Il n'en demeure pas moins que suite aux explications fournies par écrit par M. [K] le 4 juillet 2013, sur la demande de M. [O], ce dernier, vice-président, a convoqué le salarié à un entretien le 10 juillet 2013, vraisemblablement de façon verbale puisque seul l'horaire, à savoir 16 heures, a été confirmé par mail, sur la demande de M. [K].

Dans la mesure où aucun témoin n'était présent lors de cet entretien, aucune relation extérieure aux parties ne peut être produite.

M. [K] soutient quant à lui, dans un courrier du 22 juillet 2013 expliquant à M. [O] qu'il ne se présenterait pas aux entretiens ultérieurs, considérant que la rupture était déjà intervenue, que le dialogue suivant a eu lieu :

- question de M. [K] : vendredi dernier vous avez annoncé que vous me demandiez de quitter la société '

- réponse de M. [O] : oui

Il s'agit d'une affirmation de M. [K] mais elle est corroborée par l'attestation de M. [H] ci-dessus relatée.

Elle est également confirmée par un courrier de la Maïf, établi le 11 juillet 2013, accusant réception d'une demande de suppression des garanties souscrites pour le logement de fonction dont il disposait à Saint Laurent du Médoc.

De plus, dans les conclusions mêmes du Château Lagrange, il est reconnu que lors de l'entretien du 10 juillet 2013, M. [O] a proposé à M. [K] de démissionner, afin de 'sauvegarder sa réputation', et que la conséquence de son choix de ne pas démissionner serait l'enclenchement d'une procédure disciplinaire. Cette formulation démontre bien que la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail était acquise ainsi que nécessairement celle de procéder à son licenciement, seul moyen de rompre le contrat en l'absence de départ volontaire.

Le fait que la procédure ait été suivie ensuite n'a pas d'incidence sur le fait que la décision était arrêtée avant l'envoi de la convocation à l'entretien préalable et exprimée suffisamment clairement à M. [K] qui en a tiré les conséquences en quittant son bureau et son logement de fonction, ce dont plusieurs autres salariés de l'entreprise ont été témoins, sans que la manipulation imputée à M. [K] soit aucunement démontrée à cet égard.

En revanche, une attestation de Mme [K] fait apparaître que la Sas Château Lagrange a de son côté tenté d'obtenir des éléments à charge à l'encontre de son mari, compte tenu du contexte conflictuel existant alors entre eux.

Mme [K] atteste le 3 janvier 2014 avoir d'une part été choquée d'apprendre que Mme [S] l'aurait accusée de l'avoir harcelée alors que c'était elle qui serait venue lui apporter des éléments pour l'encourager à divorcer, comprenant alors ' qu'il s'agissait d'une personne manipulatrice, prête à tout pour mettre un terme à la carrière de M. [K].' Elle ajoute dans la même attestation avoir d'autre part été troublée par le comportement de M. [O] qui l'avait contactée au début du mois de juillet 2013, sachant qu'elle avait fait une demande en divorce, et lui avait demandé de faire de fausses déclarations pour discréditer M. [K] ce qu'elle avait refusé, se contentant de relater les faits tels qu'elle les avait perçus. Ce dernier point, relatif à la description des aspects personnels de la situation de M. [K], de son épouse et de Mme [S], est confirmé par la production d'un échange de courriers électroniques entre Mme [K] et M. [O], intervenu le 5 juillet 2013. Or il s'agit de la date à laquelle M. [K] avait annoncé à M. [D] qu'il était 'viré'. S'il ne s'agit que des déclarations de M. [K], elles sont à rapprocher des autres éléments objectifs ci-dessus décrits et de l'appréciation portée par Mme [K], indiquant dans son attestation avoir compris, avec le recul, que lorsque M. [O] l'a contactée début juillet 2013, il avait déjà décidé de licencier son mari.

Le mail de Mme [K] du 5 juillet 2013, envoyé à M. [O], permet également de savoir que Mme [S] est la nièce de M. [A], ancien directeur général de la Sas Château Lagrange, et que la discussion entre Mme [K] et M. [O] a notamment porté sur des pressions des membres de la famille de Mme [S] pour la défendre.

Enfin, il sera relevé que la Sas Château Lagrange produit une attestation de M. [D] [P], l'un de ses salariés, qui aurait été contacté par M. [K] le 22 août 2013, lui demandant de faire une lettre selon laquelle Mme [A], épouse de l'ancien directeur général, aurait déclaré 'qu'elle voulait sa peau.' Le 26 août 2013, un tiers se serait présenté chez lui pour récupérer la lettre ainsi qu'une copie de sa carte d'identité mais M. [P] indique qu'il a refusé ' une chose aussi stupide car mentir n'est pas dans son esprit'. Il ajoute que son attestation a été faite sans aucune pression de la part de la direction actuelle.

M. [K] quant à lui produit d'une part l'attestation de Mme [U] qui indique, le 15 avril 2014, que le vendredi 12 juillet 2013, elle s'est rendue au local du comité d'entreprise pour signer la pétition en soutien de M. [K]. Elle s'est alors trouvée en présence notamment de M. [P] qui a confié que Mme [A] lui avait dit 'On aura la peau de monsieur [K], il tombera'.

Certes, Mme [A] dément de tels propos mais il figure aussi au dossier de M. [K] une attestation de M. [C], qui avait été chargé de récupérer à son domicile l'attestation de M. [P], comme expliqué par celui-ci, et ne l'a effectivement pas obtenue, car M. [P] lui aurait déclaré qu'il ne souhaitait pas faire attestation relative à Mme [A]. En effet 'il pensait que ça pouvait être dangereux pour lui et pour son emploi car les deux cadres qui avaient signé la pétition en faveur de M. [K] avaient été convoqués par la direction du château.'

Il en résulte que dans un contexte où une affaire privée a pris une dimension relativement surprenante, un climat particulièrement tendu a émergé entre la mi-juin et la mi-juillet 2013, générant de part et d'autre quelques débordements et effervescences, mais nonobstant les contradictions ci-dessus relevées entre certaines attestations, M. [K] rapporte la preuve de ce que dans ce contexte allant crescendo, en particulier lorsque Mme [S], qui bénéficiait d'un délai de rétractation jusqu'au 4 juillet 2013, a fait savoir qu'elle considérait avoir été contrainte de signer la rupture conventionnelle, la Sas Château Lagrange a bien décidé de la rupture de son contrat de travail dès le 5 juillet 2013 et au plus tard le 10 juillet 2013, soit avant l'engagement de la procédure disciplinaire dont l'issue était acquise avant même la lettre de convocation du 15 juillet 2013.

Dès lors, il sera fait droit à la demande principale de M. [K] et le licenciement intervenu verbalement, sur une décision arrêtée avant l'engagement de la procédure disciplinaire, ne peut qu'être déclaré abusif.

Le jugement du 7 septembre 2015 sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [C] [K] était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais par substitution de motifs.

Sur le montant des sommes revenant à M. [K]

M. [K] demande la confirmation en ce qui concerne les salaires correspondant à la période de mise à pied, l'indemnité de préavis, les congés payés afférents, et l'indemnité légale de licenciement.

Le montant des sommes en cause n'est pas critiqué en lui-même par la Sas Château Lagrange.

Le jugement du 7 septembre 2015 sera donc confirmé sur ces points.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] sollicite le versement d'une somme de 350.000 euros, faisant valoir les conséquences morales et financières du licenciement.

La Sas Château Lagrange considère, dans le cadre de son argumentation très subsidiaire, que le montant réclamé est manifestement excessif et par ailleurs non justifié par M. [K].

Au moment du licenciement, M. [K] était âgé de presque 54 ans. Son ancienneté était de près de 23 ans.

Par une attestation de Pôle Emploi du 11 septembre 2017, il justifie avoir été admis, par notification du 14 janvier 2014, au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, consécutive à la fin de son contrat de travail le 25 juillet 2013, et avoir bénéficié, au 31 août 2017, de 992 allocations journalières.

Il sera nécessairement tenu compte de ces éléments et de la difficulté pour M. [K] de retrouver un poste de niveau et de rémunération comparables.

En revanche, si la Sas Château Lagrange a annoncé, dans la lettre de licenciement, une communication relative à ce licenciement, compte tenu des fonctions exercées par M. [K], il était énoncé qu'elle aurait lieu en des termes neutres et M. [K] ne justifie pas de la communication à des tiers qui aurait été effectuée par la Sas Chateau Lagrange dans des conditions préjudiciables.

En outre, le licenciement de M. [K] est intervenu dans une période troublée de sa vie personnelle, et l'employeur est étranger au fait même de la rupture intervenue avec Mme [S], événement déclenchant des péripéties ultérieures.

En conséquence, il apparaît que le préjudice subi par M. [K] sera justement réparé par l'attribution d'une somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement du 7 septembre 2015 sera donc infirmé sur le montant.

Sur la demande de remise de 192 bouteilles de Château Lagrange 2010

Cette demande, rejetée par le conseil de prud'hommes pour défaut de justification, est renouvelée par M. [K] devant la cour.

Un avantage en nature de 4 caisses par an de l'avant dernière mise en bouteille de la propriété a été stipulé dans le contrat de travail du 31 juillet 1990, dont il a conservé le bénéfice lors de sa nomination en qualité de directeur général.

Un avantage vins apparaît d'ailleurs sur les bulletins de salaire.

Toutefois, M. [K] ne justifie pas de son calcul exact à hauteur de 192 bouteilles.

Le jugement du 7 septembre 2015 sera donc confirmé.

Sur le remboursement d'office des indemnités de chômage

Il convient, faisant d'office application des dispositions d'ordre public de l'article L1235-4 du code du travail, d'ordonner le remboursement par la Sas Château Lagrange à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par l'intéressé, dans la limite de 6 mois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La Sas Château Lagrange échoue pour l'essentiel des demandes formulées au soutien de son appel et sera donc condamnée aux dépens.

Elle sera en outre condamnée à verser à M. [K] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que M. [C] [K] a fait l'objet d'un licenciement verbal,

Confirme en conséquence, par substitution de motifs, le jugement du 7 septembre 2015 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [C] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Le confirme en outre dans toutes ses autres dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sas Château Lagrange à verser à M. [C] [K] la somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sas Château Lagrange à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par M. [C] [K], dans la limite de 6 mois,

Condamne la Sas Château Lagrange à verser à M. [C] [K] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas Château Lagrange aux dépens.

Signé par Madame Catherine Dupouy de Gordon, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Catherine Dupouy de Gordon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 15/05825
Date de la décision : 06/12/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°15/05825 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-06;15.05825 ?
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