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05/10/2017 | FRANCE | N°16/01670

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 05 octobre 2017, 16/01670


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 05 OCTOBRE 2017



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/01670

















Madame [S] [G]



c/



SAS PARK HOTEL





















Nature de la décision : AU FOND







Not

ifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 févri...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 05 OCTOBRE 2017

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/01670

Madame [S] [G]

c/

SAS PARK HOTEL

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 février 2016 (R.G. n° F 13/02290) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 10 mars 2016,

APPELANTE :

Madame [S] [G]

née le [Date naissance 1] 1982 à MAROC

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julie MENJOULOU-CLAVERIE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS PARK HÔTEL, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

N° SIRET : 450 48 0 7 85

représentée par Me BOURDENS loco Me Matthieu BARANDAS de la SELARL TOSI GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 juin 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [S] [G] a été embauchée par contrat à durée déterminée à temps plein de 39 heures par semaine par la société Park Hôtel en qualité de femme de chambre du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2013 pour une rémunération brut mensuelle de 1634 euros.

Le 18 février 2013, Mme [S] [G] a fait l'objet d'un arrêt de travail qui a été reconduit jusqu'au 24 mars 2013 puis à compter du 18 avril 2013. Mme [G] n'a jamais repris le travail jusqu'à l'échéance de son contrat le 30 septembre 2013.

Au cours du mois de juin 2013, Mme [S] [G] et trois autres salariées ont déposé une plainte pénale pour harcèlement moral et discrimination raciale.

Mme [S] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 1] le 28 juin 2013 aux fins de voir la société Park Hôtel, condamnée à lui verser les sommes suivantes :

1 430,24 € à titre d'indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination raciale et violation de l'obligation de santé et de sécurité,

8 581,44 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

10 011,68 euros à titre de dommages et intérêts pour les salaires non perçus par la salariée du fait du licenciement,

1 430,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

143,02 € à titre de congés payés y afférents,

2000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 septembre 2014, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer.

Selon jugement rendu le 1er décembre 2014, le tribunal correctionnel de Bordeaux a relaxé Mme [A] des faits de harcèlement moral (propos injurieux, discriminatoires, vexatoires) envers Mme [G], [T] [S], [M] [V], [Q] [O] épouse [Q], [V] [M] épouse pour lesquels elle était poursuivie pour la période de janvier à juin 2013.

Par jugement du 29 février 2016, le conseil de prud'hommes de [Localité 1] a :

débouté Mme [S] [G] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens,

débouté la société Park Hôtel de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par déclaration de son avocat au greffe de la cour le 10 mars 2016, Mme [S] [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 6 juin 2017 au greffe de la cour et développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, Mme [S] [G] demande à la cour de :

réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 février 2016 par le conseil de prud'hommes de [Localité 1],

statuant à nouveau,

prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2013 en contrat de travail à durée indéterminée,

en conséquence,

condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification de

1 634 € sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail,

dire et juger que l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement moral et de discrimination raciale et qu'il a, en tout état de cause, manqué à son obligation de sécurité de résultat,

en conséquence,

condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

20.000 € à titre de dommages et intérêt pour licenciement nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse,

10.001,68 € au titre des salaires non perçus durant la période de nullité du contrat,

10.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination raciale et violation de l'obligation de sécurité de résultat,

200,23 € à titre d'indemnité de licenciement,

1.634 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

163,40 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés des mois d'octobre 2013 à mai 2014,

ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée tenant complet des termes de l'arrêt, l'ensemble de ces documents sous astreinte de 30 € par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt,

condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

le condamner aux dépens et frais éventuels d'exécution.

*

****

Par conclusions déposées le 21 avril 2017 puis le 20 juin 2017 au greffe de la cour et développées oralement, la société Park Hôtel demande à la cour de :

à titre principal,

confirmer le jugement du conseil de prud'hommes rendu en date du 29 février 2016 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Park Hotel de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

en conséquence,

débouter Mme [S] [G] de l'ensemble de ses prétentions fins et conclusions à l'encontre de la société Park Hôtel,

à titre subsidiaire, si la cour devait re-qualifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

débouter Mme [G] de sa demande de nullité du licenciement,

réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à de plus justes proportions eu égard à son ancienneté,

dire que Mme [G] ne rapporte pas la preuve de son état de grossesse,

débouter Mme [G] de sa demande de paiement de salaire pendant la période légale de protection,

débouter Mme [G] de sa demande d'indemnité au titre de l'irrégularité de procédure, et au titre de l'indemnité de licenciement,

débouter ou à tout la moins réduire sérieusement la demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

en tout état de cause,

la condamner au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur requalification du contrat de travail à durée déterminée en durée indéterminée

Au soutien de son appel en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de re-qualification du contrat à durée déterminée du contrat à durée indéterminée, Mme [G] fait valoir premièrement, qu'il n'y a pas de définition précise du motif de recours au contrat à durée déterminée, énonçant simplement un 'accroissement d'activité', qu'il n'est apporté aucune précision sur l'origine de cet accroissement d'activité, que la société Park Hôtel ne justifie pas de l'accroissement de l'activité, aucune valeur probante ne pouvant être accordée aux tableaux fournis par l'employeur et enfin que cet accroissement n'est pas temporaire mais permanent.

La société Park Hotel soutient quant à elle que le contrat qui mentionne qu'il est conclu pour faire face à un surcroît d'activité ou à un accroissement temporaire d'activité satisfait aux exigences légales (Cour de cassation, 10 mai 2012 n°04-44.823). Les attestations comptables versées aux débats prouvent que l'activité de l'hôtel a bien connu un accroissement d'activité réel en 2013 et le caractère temporaire de l'activité est démontré par la survenance du salon Vinexpo lors de la période de recrutement de la salariée.

En application des dispositions des articles L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il ne peut être conclu sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 1242-2 du code du travail dont le remplacement d'un salarié et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Aux termes du contrat, celui-ci a été conclu en raison d'un accroissement d'activité énonçant de façon suffisamment précise un motif légalement prévu.

Il ressort des tableaux de bord d'occupation de l'Holiday inn [Localité 1] Sud-Pessac dont la valeur probante n'est pas utilement contestées par la salariée que le taux d'occupation de l'hôtel s'était largement accru à compter de janvier 2013, pendant la période d'emploi de Mme [G], au regard des taux d'occupation de l'année 2012 pour chacun des mois considérés passant d'un taux d'occupation moyen de 48,34% sur les six premiers mois de l'année 2012 à 52,60 % sur les six premiers mois de l'année 2013 et de 48,63% en moyenne annuelle en 2012 à 67,36 % en moyenne annuelle en 2013. Le conseil de prud'hommes a exactement constaté que le tableau comparatif montrait un accroissement effectif de l'activité de janvier à juin 2013, une régression de -0,57% en juillet 2013 et une progression sur août et septembre 2013, démontrant l'existence du surcroît temporaire d'activité ayant motivé le recours au contrat à durée déterminée.

Il s'ensuit que la demande de re-qualification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sera rejetée et le jugement confirmé à ce titre.

Sur l'exécution du contrat de travail

Au soutien de son appel, Mme [G] fait valoir que l'employeur ne justifie pas voir pris toutes les mesures de prévention destinées à protéger sa sécurité et sa santé et ne démontre pas non plus avoir pris toutes les mesures propres à faire cesser la discrimination et le harcèlement moral pour éviter la dégradation de son état de santé.

Elle soutient ainsi avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination raciale qui se sont manifestés par des différences de traitement en raison de l'origine, des propos racistes, de la surcharge de travail et l'impossibilité de prendre les pauses réglementaires, générant un épuisement physique et psychologique, de lui avoir fourni de la nourriture avariée, de l'avoir fait utiliser des produits toxiques, de lui avoir interdit de parler à une collègue de travail et de lui avoir interdit d'apparaître à la vue des clients.

Concernant les agissements répétés de harcèlement moral et de discrimination raciale, elle soutient qu'il y a eu des différences de traitements en fonction de l'origine des salariés : Mme [D] [E] atteste d'une différence de traitement, ayant bénéficié elle-même d'horaires aménagés contrairement aux salariés d'origine étrangère, et témoignant de l'humiliation et du mépris de la directrice envers les personnes d'origine étrangère et non envers elle. Les femmes de chambre étaient soumises à des horaires de travail excessifs. L'inspecteur du travail a alerté à plusieurs reprises de la charge excessive de travail des femmes de chambre, sans que l'employeur n'en prenne acte. La nourriture était avariée, les produits utilisés toxiques.

Elle soutient ainsi que la surcharge de travail lui a provoqué de vives douleurs au poignet droit et qu'une ténosynovite de Quervain a ainsi été diagnostiquée, qu'elle a sombré dans une dépression profonde, qu'elle a développé une allergie aux produits ménagers et de l'asthme depuis qu'elle a été en contact avec les produits toxiques.

La société Park Hôtel s'oppose aux demandes de Mme [G] en faisant valoir que le tribunal correctionnel a eu a connaître des mêmes faits que ceux dénoncés devant la cour et a considéré qu'ils n'étaient pas caractérisés, la relaxe de la directrice ayant été prononcée et que cette décision revêt l'autorité de la chose jugée en sorte que le juge prud'homal ne peut retenir la réalité matérielle des faits.

Subsidiairement elle soutient que la salariée ne rapporte pas la preuve des allégations qu'elle avance, que sur la surcharge de travail, Mme [G] a surestimé le nombre de chambres nettoyées au cours de son contrat de travail, une distinction étant faite entre le nettoyage et les recouches, qu'elle effectuait en moyenne 10 chambres par jour recouches et départs confondus et non 25 à 28 chambres par jour. D'ailleurs, Mme [E] a réalisé plus de chambres qu'elle de janvier à juin 2013 et a travaillé plus de samedis, dimanches et jours fériés en sorte que la discrimination raciale n'est pas fondée et le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe pure et simple de Mme [A] pour ces faits.

Sur la violation de l'obligation de sécurité, la société Park Hôtel soutient qu'aucun lien de causalité entre les maladies invoquées et l'emploi n'est avéré : la ténosynovite de Mme [S] [G] n'a pas été reconnue comme maladie professionnelle. De plus, dans le cadre d'une demande de prise en charge de maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la part d'une autre salariée, le conseil régionale de reconnaissance des maladies professionnelles, a indiqué que les produits utilisés par les femmes de ménage ne présentaient pas de caractère de dangerosité pour les salariées, et a rejeté la qualification de maladie professionnelle.

En outre, concernant le rapport de l'inspection du travail, la société Park Hotel a répondu point par point aux exigences de cette dernière. Elle indique avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariées.

Le conseil de prud'hommes a considéré que les faits avancés par la salariés avaient été jugés par le tribunal correctionnel qui avait prononcé la relaxe de l'ancienne directrice et que Mme [G] ne lui produisait pas d'élément supplémentaire.

1/Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Devant le tribunal correctionnel, Mme [E] [A], directrice au sein de la société Park Hôtel et supérieure hiérarchique de Mme [G] était prévenue pour avoir à Pessac de courant janvier à juin 2013, harcelé Mme [G], [T] [S], [M] [V], [Q] [O] épouse [Q], [V] [M] épouse [J] par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l'espèce en leur imposant des surcharges de travail, en tenant des propos injurieux, discriminatoires, vexatoires.

Les faits portant sur la surcharge de travail, les propos injurieux, discriminatoires et vexatoires ont été examinés par le tribunal correctionnel qui a prononcé la relaxe de la supérieure hiérarchique.

Au regard des mains courantes de Mme [G] des 22 avril et 16 juin 2013, de ses auditions des 9 et 17 septembre 2013, des procès-verbaux d'audition de ses collègues de travail, il s'agissait des propos racistes, de l'interdiction d'apparaître à la vue des clients, de l'interdiction de parler à la collègue Mme [V] et de l'interdiction d'apparaître à la vue des clients dont Mme [G] fait mention. Tous les faits reprochés à Mme [A], supérieure hiérarchique de Mme [G] ont été examinés par le tribunal correctionnel dont la décision est passée en force de chose jugée, en sorte que la cour ne saurait à nouveau les évoquer dans le cadre du procès prud'homal.

Seuls des faits de harcèlement moral différents ou émanant d'une autre personne peuvent être évoqués

*sur les propos racistes

Mme [G] allègue le comportement raciste du cuisinier M. [T] en indiquant l'avoir dénoncé dans le procès-verbal d'audition du 17 septembre 2013 et lui reprochant de ne pas avoir tenu compte de son allergie aux crustacées en lui répondant que 'le cimetière est grand'.

Elle a effectivement déclaré que M. [T] n'accepte pas les remarques qui lui sont faites sur la nourriture servie, surtout au sujet de la viande Halal, qu'il leur a dit 'vous me cassez le cul avec votre Halal'. Or aucun des autres procès-verbaux ou attestations versés aux débats ne vient corroborer la tenue de tels propos.

Le fait que le cuisinier ait refusé de faire un plat spécifique pour Mme [G] en raison de son allergie aux crustacées ne caractérise pas en soi un comportement raciste. Ces faits de comportement ou propos racistes ne sont donc pas établis.

* sur la nourriture avariée à l'origine de problèmes digestifs

Si Mme [N] fait état de la médiocre qualité de la nourriture, de yaourts périmés aux termes des procès-verbaux et attestations produites aux débats, cette attestation ne présente pas de valeur probante suffisante dès lors qu'elle faisait également partie des plaignantes dans l'instance pénale et que ses déclarations ne sont pas corroborées par les autres éléments du dossier. En effet, Mme [H] qui indique dans son attestation que la nourriture servie datait de près d'une semaine et que les yaourts étaient toujours périmés n'a pas travaillé pendant la période du contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 18 février 2013, dernier jour de présence de Mme [G].

Son attestation est donc dépourvue de valeur probante. Par ailleurs, aux termes de son audition, M. [P] a indiqué que le plateau repas qui lui était préparé était correct, sans qu'il puisse être déduit de ses déclarations selon lesquelles Mme [A] avait cessé de manger avec le personnel dans la salle au sous-sol car les repas ne lui convenaient pas que la nourriture était avariée. Ce fait n'est donc pas établi.

* sur l'utilisation de produits toxiques

Aux termes de la lettre de l'inspection du travail du 2 juin 2017, l'inspectrice du travail indique avoir constaté lors du contrôle effectué au sein de l'entreprise Holiday Inn à [Localité 2] le 7 juin 2013, que les femmes de chambres utilisaient des produits chimiques dangereux, notamment un gel désinfectant pour WC classé corrosif sans mettre à sa disposition de masque de protection. Ce fait est établi.

En définitive, les faits établis en dehors de ceux reprochés dans le cadre de l'instance pénale, s'agissant de l'utilisation de produits chimiques dangereux par l'ensemble des femmes de chambres, ne laissent pas présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [G].

Mme [G] sera déboutée de ses demandes au titre du harcèlement moral.

2/Sur les faits de discrimination raciale

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie par l'article1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traité de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou de l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par une but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En ce qui concerne la surcharge de travail alléguée, il est exact qu'à la suite du contrôle de l'inspection du travail en juin 2013, qui avait constaté que les feuilles de chambre présentées aux salariées lors de leur embauche journalière comportait un certain nombre disproportionné de chambres par rapport au temps de travail présumé et avait estimé que cela constituait une pression pouvant être source de stress, l'employeur avait modifié le planning des femmes de chambre à compter du 2 septembre 2013.

Or au sein de la catégorie d'emploi des femmes de chambre, il ressort des tableaux fournis par l'employeur portant sur l'activité journalière et mensuelle des femmes de chambre d'une part que Mme [G] n'avait pas un volume de chambres à nettoyer (en recoucher et en départ) supérieur à celui des autres salariées, ni même à celui de Mme [E] qui aurait été la seule salariée de nationalité française à ce moment. Par ailleurs, sur sa période de présence dans l'entreprise du 1er janvier à la fin février 2013, elle a travaillé trois jours de week-end, Mme [V] : 6 jours, Mme [J] : 0 jours, Mme [E] : 0 jours, Mme [Q] : 1 jour et Mme [U] : 7 jours.

Certes deux salariées n'ont pas travaillé le week-end pendant cette période. Or ces éléments ne laissent pas supposer de discrimination à raison de l'origine ou de la religion dès lors que sur les deux salariées n'ayant pas travaillé le week-end, il y avait outre Mme [E], de nationalité française, mais également Mme [J], qui faisait partie du groupe des plaignantes au pénal portant sur le harcèlement moral et les propos racistes et discriminatoires et dont il est constant qu'elle n'était pas d'origine française. Par ailleurs, les tableaux mettent en exergue que sur la période de janvier à juin 2013, Mme [E] a travaillé 8 samedis et 3 dimanches, soit 11 jours alors que les autres salariées (Mmes [U], [V], [J] et [Q]) ont travaillé 17, 14, 8 et 9 jours, ce qui n'est pas significatif d'un traitement discriminatoire au détriment des salariées d'origine étrangère.

En ce qui concerne les propos du cuisiner 'vous me cassez le cul avec votre Halal', il a été vu ci-dessus que ceux-ci n'étaient pas établis. En revanche il a été établi qu'il avait refusé de faire un plat spécifique pour Mme [G] qui souffre d'une allergie aux crustacés alors même qu'il savait qu'elle ne mangeait pas de viande non Halal.

Il est constant que Mme [G] n'est pas la seule salariée ne mangeant pas de viande non Halal. L'employeur n'a pas l'obligation de fournir de la viande Halal et il est justifié qu'il fournissait du poisson, des légumes, du riz, (hors d'oeuvre ou potage, plat garni, fromage ou dessert outre une boisson, 1/4 de vin ou de bière ou eau minérale) permettant aux salariés de confession musulmane de se restaurer, en sorte que le refus du cuisinier de préparer un plat spécifique pour Mme [G] est exclusif de la discrimination alléguée à raison de son origine ou de sa religion.

Mme [G] sera donc déboutée de ses demandes au titre d'une discrimination à raison de son origine ou de sa religion.

Sur l'obligation de sécurité de résultat

Selon les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions de d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Selon les dispositions de l'article L. 4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques à la source ;

3° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état de l'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorités sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il est admis que ne méconnaît pas l'obligation légale de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Il appartient à la cour de vérifier si l'employeur a mis en place, en amont, une politique de prévention de qualité guidée par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme [G] soutient que l'employeur a violé son obligation de sécurité car il ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de préventions destinée à protéger sa santé et sa sécurité, en ne justifiant pas avoir pris toutes les mesures curatives propres à faire cesser la situation de souffrance au travail liée à la surcharge de travail, en ne faisant pas bénéficier Mme [G] des formations relatives à l'évacuation et à la sécurité incendie, en ne lui faisant pas bénéficier de formation relative à la gestion du stress professionnel ou de harcèlement moral, en ne mettant pas en place une organisation du travail permettant de prévenir tout risque professionnel, en ne prévoyant pas d'évaluation des risques psycho-sociaux au sein du document unique d'évaluation, en ne prévoyant pas de procédure d'alerte en matière de harcèlement moral dans son règlement intérieur, en n'informant pas et en ne formant pas le personne à l'utilisation des produits chimiques et en ne justifiant pas ne pas avoir pris toutes les mesures propres à faire cesser la discrimination et le harcèlement moral.

Le moyen selon lequel la société Park Hôtel ne justifie pas avoir pris toutes les mesures propres à faire cesser la discrimination et le harcèlement moral est inopérant, puisqu'aucune discrimination ni aucun harcèlement moral n'a été retenu à l'égard de Mme [G]. Il en est de même en ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de procédure d'alerte en matière de harcèlement moral dans le règlement intérieur.

Des réunions de formation en incendie ont été organisées notamment en mars et avril 2013. Mme [G] n'y a pas participé dès lors qu'elle était déjà en arrêt de travail les 13 mars et 2 avril 2013. L'absence de formation de Mme [G] au risque incendie sur une période de moins de deux mois de travail ne caractérise pas un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En ce qui concerne la surcharge de travail, l'inspection du travail avait constaté en juin 2013, que les feuilles de chambre présentées aux salariées lors de leur embauche journalière comportait un certain nombre disproportionné de chambres par rapport au temps de travail présumé et avait estimé que cela constituait une pression pouvant être source de stress. L'employeur qui a modifié le planning des femmes de chambre à compter du 2 septembre 2013 et a procédé au recrutement de femme de chambres, reconnaissant ainsi l'existence d'une organisation générant une surcharge de travail et susceptible de générer du stress, pendant la période d'intervention de Mme [G], caractérisant la violation de son obligation de sécurité.

D'ailleurs, les risques psycho-sociaux n'avaient pas été répertoriés au sein du document unique d'évaluation des risques avant l'intervention de l'inspection du travail en juin 2013.

En outre il est établi que pendant la période de travail de Mme [G],les femmes de chambres utilisaient des produits chimiques dangereux, notamment un gel désinfectant pour WC classé corrosif sans que l'employeur mette à leur disposition de masque de protection, caractérisant un autre manquement de la société Park Hotel son obligation de sécurité envers Mme [G].

Mme [G] soutient avoir subi un préjudice corporel résultant de l'atteinte portée à son intégrité physique et mentale outre un préjudice financier durant l'exécution du contrat de travail, alléguant n'avoir eu droit à aucun maintien de salaire de son employeur ni aux indemnités journalières de la sécurité sociale, faute pour elle de justifier d'une ancienneté suffisante et générant un préjudice distinct de celui de la rupture.

Il a été diagnostiqué en mars 2013 que Mme [G] souffrait d'une ténosynovite de Quervain à un stade fibreux. Or elle souffrait bien avant son embauche dans le cadre de ce contrat de douleurs au poignet gauche et elle n'a fait aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour celle maladie inscrite au tableau 57. Il s'ensuit qu'aucun lien entre la surcharge de travail en janvier et février 2013 et les douleurs liées à une ténosynovite de Quervain à un stade fibreux diagnostiquée en mars 2013 n'est établi de manière certaine.

Aux termes du certificat du Dr [L] du 14 octobre 2013, il est indiqué que l'état de santé de Mme [G] nécessite la prise d'anxiolytique en rapport avec des problèmes professionnels. Or ce certificat établi plus de sept mois après le début de l'arrêt de travail et ne posant aucun diagnostic, est insuffisant pour établir que l'arrêt de travail qui a débuté fin février 2013 était causé par une dépression réactionnelle. Aucun lien ne peut être fait entre cet arrêt de travail et la surcharge de travail.

Mme [G] n'apporte aucune élément justifiant son assertion selon laquelle elle a développé une allergie aux produits ménagers et de l'asthme depuis qu'elle a été en contact avec les produits toxiques utilisés dans le cadre de son emploi par la société Park Hotel.

À défaut d'établir tout lien entre l'arrêt de travail et les manquements de l'employeur, elle ne saurait pas plus prétendre à la réparation d'un préjudice financier.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [G] soutient que la relation contractuelle qui pris fin le 30 septembre 2013, au terme du contrat sans procédure de licenciement ni notification des motifs est nulle tant au titre de la discrimination et du harcèlement moral qu'en raison de ce que la rupture est intervenue alors qu'elle était enceinte depuis le 27 avril 2013 et qu'elle en avait informé l'employeur en juin 2013.

Mme [G] a été déboutée de sa demande de re-qualification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de sorte que le contrat a pris fin par l'arrivée du terme de celui-ci et qu'il n'y a pas eu licenciement. Les moyens avancés pour voir dire nulle la rupture sont donc inopérants et Mme [G] sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes et demande salariale au titre de salaires non perçus pendant la période légale de protection liée à son état de grossesse.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [G] succombant sera condamnée aux entiers dépens d'appel. Elle sera donc déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et la disparité financière existante au bénéfice de l'employeur commande en revanche de ne pas faire bénéficier la société Park Hotel de ces dispositions et de rejeter sa demande d'indemnité à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne Mme [G] aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Eric VEYSSIERE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/01670
Date de la décision : 05/10/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/01670 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-05;16.01670 ?
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