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27/09/2017 | FRANCE | N°16/01643

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 septembre 2017, 16/01643


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 27 SEPTEMBRE 2017



(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/01643







Madame [F] [K]



c/



Association RÉSIDENCE AVEUGLES AQUITAINE

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR

le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugemen...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 SEPTEMBRE 2017

(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/01643

Madame [F] [K]

c/

Association RÉSIDENCE AVEUGLES AQUITAINE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 février 2016 (R.G. n°F15/00046) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 09 mars 2016,

APPELANTE :

Madame [F] [K]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François RUFFIE, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

Association Résidence Aveugles Aquitaine, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Véronique DUCASSE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2017 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, président chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssiere, président

Madame Isabelle Lauqué, conseiller

Madame Annie Cautres, conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

Faits-procédure-prétentions des parties

L'association résidence aveugles Aquitaine a pour activité l'hébergement médicalisé de personnes âgés déficients visuels. Le 16 septembre 1991 elle a engagé Mme [K] en qualité de garde-malade de nuit. À compter du 1er janvier 2004, la salariée a été nommée dans les fonctions d'aide-soignante de nuit non diplômée à temps partiel. Le 1er avril 2007, elle a été recrutée à temps complet.

Le 25 mars 2015, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamner celui-ci au paiement d'indemnités de rupture.

Par jugement du 3 février 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [K] de ses demandes et l'a condamnée à verser à l'association la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] a interjeté appel du jugement.

Le 10 février 2016, Mme [K] a été licenciée pour inaptitude.

Par conclusions enregistrées au greffe le 8 juin 2016 et soutenues oralement à l'audience, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, de dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les sommes suivantes :

- 15.729,16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 4530 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

- 22.650 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 6495 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la remise sous astreinte des documents de fin de contrat.

Dans ses écritures reçues au greffe le 29 septembre 2016 et oralement reprises à l'audience, l'association résidence aveugles Aquitaine conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions déposées, oralement reprises.

Motifs de la décision

Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements de celui-ci à ses obligations. Lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La preuve des manquements incombe au salarié.

Lorsque la résiliation judiciaire est suivie d'un licenciement, ce qui est le cas en l'espèce, le juge doit, d'abord, rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée.

La salariée soutient à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire que l'employeur a modifié unilatéralement les éléments essentiels du contrat de travail puisqu'il lui a imposé de passer, à compter du 1er novembre 2014, du poste d'aide-soignante à celui d'agent de service avec une nouvelle organisation du travail portant une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale et au droit au repos.

L'employeur expose qu'au mois d'août 2014 l'agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental ont constaté que Mme [K] n'avait toujours pas le diplôme d'aide-soignante (AS) et ont enjoint l'établissement d'assurer la présence aux côtés de l'intéressée d'une aide-soignante diplômée. Cette situation a impliqué une réorganisation du travail de nuit dès lors que Mme [K] avait échoué contrairement à ses autres collègues à obtenir le diplôme et ne pouvait dans ces conditions assurer les soins. Celle-ci a donc été placée sous l'autorité d'une aide-soignante diplômée tout en conservant ses attributions et ses horaires de nuit conformément aux termes de son contrat de travail avec un simple changement des nuits travaillées dans la semaine. La qualification d'agent des service hospitaliers (ASH) mentionnée sur le bulletin de paie à partir de novembre 2014 correspond, selon l'employeur, à la véritable qualification de la salariée, mais, indique-t-il, sa rémunération est demeurée inchangée.

Il résulte, en effet, d'une visite d'inspection de l'établissement par les services du conseil départemental en juin 2014 que 'le pool de nuit compte toujours un agent qui est sur un poste d'AS de nuit alors qu'elle n'est pas qualifiée. Le directeur affirme que cette problématique sera réglée lorsque les deux agents qui sont en formation AS obtiendront leur diplôme, soit en septembre 2014'.

Mme [K] ne conteste pas que ce rapport visait sa situation personnelle et qu'elle n'a pas, en définitive, obtenu son diplôme d'AS.

Elle ne peut, en conséquence, valablement reprocher à l'employeur d'avoir respecté la préconisation à effet immédiat du conseil départemental en date du 1er août 2014 qui demandait à l'association : 'd'assurer la présence d'un AS diplômé et d'un ASH sur toutes les plages horaires de nuit jusqu'à l'arrivée de l'équipe de jour à 7h'.

Toutefois, le fait que Mme [K] exerce ses fonctions sous l'autorité d'une AS a nécessairement modifié ses attributions en ce sens qu'elle n'avait plus la responsabilité d'assurer seule des soins d'hygiène corporelle, de confort et de bien être des usagers ainsi que l'admet l'employeur dans ses conclusions, étant observé que celui-ci ne démontre pas, comme il le prétend, que Mme [K] partageait les attribution d'AS avec la nouvelle titulaire à partir du mois de novembre 2014.

En réalité, Mme [K] a occupé un poste d'ASH à partir de cette date ainsi que mentionné sur son bulletin de paie. A cet égard, il ressort du témoignage de

M. [N] qui a travaillé jusqu'au 1er juin 2013 comme ASH en binôme avec Mme [K] lorsque celle-ci occupait le poste d'AS de nuit que les deux fonctions sont distinctes. L'AS a la responsabilité des résidents, c'est à dire : agir en cas d'urgence,

assurer les soins d'hygiène, le nursing, la prise de traitements, la surveillance des constantes, tandis que l'ASH a pour mission d'entretenir les locaux, d'aider l'AS à coucher les résidents, de faire les rondes et de latéraliser les résidents pour que l'AS puisse effectuer des soins.

Les fiches de suivi produites aux débats concernant les ASH travaillant la nuit montre que leur travail se limite au coucher des patients, aux rondes, à la réfection des lits et à l'aide aux changes apportée à l'AS. Ils ne participent pas aux soins.

Il existe, donc, une différence significative entre les attributions des AS et celles des ASH. Cette distinction se traduit par une différence de statut.

Il s'ensuit qu'en imposant à Mme [K] de passer du statut d'AS à celui d'ASH, l'employeur a retiré à la salariée ses fonctions principales pour ne lui confier que les attributions secondaires de son emploi et a procédé, de ce fait, à un déclassement constitutif d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail, peu important que la rémunération soit demeurée inchangée.

Bien qu'induite par la préconisation du conseil départemental, la décision de l'employeur impliquait, en tout état de cause, la signature d'un avenant au contrat de travail entérinant un accord exprès de Mme [K] à la modification intervenue.

Or, il ressort du procès-verbal de la réunion du 20 octobre 2014 que la salariée a explicitement refusé cette modification et que par courriers du 8 décembre 2014 et du 13 février 2015 elle en a contesté la mise en oeuvre. Aucun avenant contractuel n'a été proposé malgré les remarques réitérées de Mme [K].

Dès lors, il y a lieu de considérer que la gravité du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles était telle qu'elle empêchait la poursuite de la relation de travail.

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur introduite le 25 mars 2015 est, donc, justifiée et sera prononcée à compter du 10 février 2016 date de la rupture effective du contrat de travail causée par le licenciement pour inaptitude de Mme [K].

Le jugement sera réformé en ce sens.

La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [K] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3854,36 euros et les congés payés afférents ainsi qu'à une indemnité réparant le préjudice résultant de la perte d'emploi injustifiée. Le montant de cette indemnité sera fixé à la somme de 15.000 euros au regard des éléments produits aux débats sur la situation personnelle et professionnelle de l'intéressée.

En revanche, la demande d'indemnité de licenciement sera rejetée puisque celle-ci a été versée à Mme [K] lors de la procédure de licenciement pour inaptitude.

Sur les autres demandes

Contrairement à ce qui est soutenu par Mme [K], l'employeur a mis en place une nouvelle organisation du service dans lequel était affectée la salariée pour un motif légitime. En effet, comme rappelé ci-dessus, la preuve est rapportée que la présence d'une AS diplômée était exigée durant la nuit par l'autorité de tutelle. Cette mesure de nature réglementaire avait nécessairement pour effet une modification des attributions de Mme [K] qui n'était pas titulaire du diplôme de sorte que celle-ci ne peut imputer à l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail, étant précisé que la salariée souhaitait travailler seulement dans un service de nuit et qu'elle ne peut, dans ces conditions, soutenir que l'employeur aurait dû lui proposer un poste d'AS dans un service de jour. D'où il suit que la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté n'est pas fondée et sera, en conséquence, rejetée.

L'employeur remettra à Mme [K] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie rectifié conforme aux dispositions du présent arrêt.

L'employeur qui n'obtient pas gain de cause supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à Mme [K] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par Ces Motifs

infirme le jugement déféré ;

et statuant à nouveau,

prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] à compter du 10 février 2016 ;

condamne l'association résidence aveugles Aquitaine à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.854,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

et à remettre à Mme [K] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie rectifié conforme aux dispositions du présent arrêt ;

déboute Mme [K] de ses demandes relatives à l'indemnité de licenciement et aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

condamne l'association résidence aveugles Aquitaine aux dépens de première instance,

y ajoutant,

condamne l'association résidence aveugles Aquitaine à payer à Mme [K] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamne l'association résidence aveugles Aquitaine aux dépens d'appel.

Signé par Monsieur Eric Veyssiere, président et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Eric Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/01643
Date de la décision : 27/09/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/01643 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-27;16.01643 ?
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