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03/07/2017 | FRANCE | N°16/03171

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 03 juillet 2017, 16/03171


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 03 JUILLET 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 16/03171









[D] [O]



c/



SCI KEYS

























Nature de la décision : AU FOND























Gross

e délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 14/12238) suivant déclaration d'appel du 16 mai 2016





APPELANTE :



[D] [O]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 1]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 JUILLET 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/03171

[D] [O]

c/

SCI KEYS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 14/12238) suivant déclaration d'appel du 16 mai 2016

APPELANTE :

[D] [O]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 1]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Maître Jean-François BODET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCI KEYS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]

Représentée par Maître RIVIERE , avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 mai 2017 en audience publique double rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Elisabeth LARSABAL, président, rapporteur et Jean-Pierre FRANCO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine COUDY, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [D] [O] est propriétaire depuis le 16 juillet 1996 d'une maison de trois pièces d'une surface de 77 m² sur un niveau, sise [Adresse 3]), ainsi que d'une cour de 23 m².

Selon permis de construire du 28 juin 2012, la société SEFISO Atlantique a obtenu l'autorisation d'édifier un immeuble sur quatre niveaux sur la parcelle voisine, [Adresse 4], sur laquelle se trouvait auparavant un pavillon.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juin 2013, Mme [O] a écrit à la société SEFISO Atlantique pour attirer son attention sur le fait que l'immeuble à construire privera de toute clarté ses fenêtres situées à 2 mètres et sollicitait un rendez-vous pour 'discuter des dispositions à prendre pour régler ce problème'.

Le 8 octobre 2013, un constat d' huissier de justice a constaté l'état de sa maison, ainsi que la lumière et la vue dans les deux pièces (chambre et séjour) donnant sur la parcelle voisine.

Le 16 septembre 2014, elle faisait constater l'existence d'un mur enduit en blanc à environ 2 mètres de ces deux fenêtres.

C'est dans ces conditions que, par acte du 10 décembre 2014, elle a assigné la société SEFISO Atlantique devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par jugement en date du 23 mars 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Les Keys,

- débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [O] aux dépens,

- débouté la société Les Keys de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En effet, le tribunal a considéré que quoique interpellée sur ce point par les écritures adverses, Mme [O] qui ne fonde pas son action sur le trouble anormal de voisinage mais sur la responsabilité quasi délictuelle de la société SEFISO Atlantique ne démontre pas que la construction ait été fautive. Au contraire, la société Les Keys démontre avoir obtenu l'autorisation d'urbanisme et affiché celle-ci dans les délais réglementaires. En conséquence, il a rejeté sa demande.

Mme [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat en date du 16 mai 2016, dans des conditions de régularité non contestées.

Par conclusions en date du 20 juin 2016, Mme [O] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel.

En conséquence réformer la décision entreprise, et statuant à nouveau,

- condamner la société Keys à lui verser une indemnité de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'agrément,

- condamner la société Keys à lui verser une indemnité de 50.000€ en réparation de son préjudice patrimonial,

- condamner la société Keys aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de maître Jean-François Bodet, avocat à la Cour, sur ses offres et affirmations de droit, ainsi qu'à une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 11 août 2016, la société Keys demande à la cour de:

- débouter Mme [O] de ses demandes indemnitaires,

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 mai 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

C'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de Mme [D] [O] dès lors que le seul fondement juridique visé était l'article 1382 ancien du code civil, ce qui impliquait la démonstration d'une faute de la SCCV les Keys, dès lors que l'immeuble ayant été édifié conformément au permis de construire, que Mme [D] [O] n'a d'ailleurs pas contesté, il ne pouvait être retenu de faute à l'encontre du maître d'ouvrage de l'édifice nouvellement construit

Mme [D] [O] invoque désormais en appel le fondement des troubles anormaux de voisinage, qui, même en l'absence de faute, permet, en présence d'un tel trouble, d'obtenir une indemnisation du préjudice causé, et à titre subsidiaire la responsabilité délictuelle.

Il est constant qu'alors que la maison de Mme [D] [O] sise [Adresse 5] avait pour voisinage immédiat une maison similaire sans étage sise au milieu d'un terrain de 650 m², son bien immobilier est désormais flanqué d'un immeuble de deux étages, dont le mur, peint en blanc est en extrême limite de propriété à deux mètres des fenêtres de son salon et de sa chambre ; il en résulte à l'évidence une perte de luminosité et de vue de deux des trois pièces principales du logement, qui constituent un indéniable préjudice de jouissance et dont témoignent les constats d'huissier assortis de photos faits avant, ce dernier en référé préventif par le maître d'ouvrage, et après la construction ; si certes il convient de prendre en considération l'urbanisation du centre ville d'Andernos, où se sont construits concomitamment plusieurs petits immeubles, et le fait que la maison de Mme [D] [O] est située sur l'artère principale de la commune, passante et commerçante, et non en rase campagne ou bord de plage, il demeure que son environnement est dégradé par ce nouveau voisinage ; il en va ainsi même si la construction est conforme au permis de construire, ce dernier n'étant délivré que sous réserve du droit des tiers, peu important l'orientation des fenêtres, l'ensoleillement et la luminosité étant deux notions distinctes, et étant rappelé que Mme [D] [O] est âgée de 82 ans, de sorte que cette adaptation est plus difficile ou que l'idée d'un déménagement peut difficilement être envisagée.

Par ailleurs, le bien immobilier de Mme [D] [O] a de ce fait perdu de sa valeur marchande, en raison de cette proximité gênante, qui fait perdre à la maison de son intérêt en tant que maison dans un environnement similaire. Mme [D] [O] produit un avis de valeur établi par l'agence la Bourse de l'immobilier entre 150 000 et 160 000 €, qui n'est pas probant en ce qu'il ne fait aucune référence à une valeur avant évolution du voisinage qui aurait été réduite du fait de la nouvelle construction, mais mentionne au niveau des éléments négatifs la vue et les nuisances visuelles ; là encore, cette perte de valeur est avérée compte tenu d'un environnement jouxtant en hauteur et de la perte de lumière et de vue de la maison de Mme [D] [O].

Le jugement sera infirmé et il sera accordé à Mme [D] [O], dont il est rappelé qu'elle avait écrit au promoteur avant le début de la construction le 12 juin 2013 pour proposer une discussion, lettre demeurée sans réponse, une somme de 20000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, improprement qualifié préjudice d'agrément, et une somme de 30000 € à titre de dommages intérêts pour perte de valeur de son bien immobilier.

Les dépens tant de première instance que d'appel seront mis à la charge de la SCCV les Keys, qui sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [D] [O], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais non compris dans les dépens, une somme de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCCV les Keys à payer à Mme [D] [O] les sommes de 20 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour perte de valeur de son bien immobilier sis [Adresse 5] ;

Condamne la SCCV les Keys à payer à Mme [D] [O] une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCCV les Keys aux dépens tant de première instance que d'appel, et en ordonne la distraction au profit de maître Bodet, avocat.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/03171
Date de la décision : 03/07/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/03171 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-03;16.03171 ?
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