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21/06/2017 | FRANCE | N°15/06032

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 juin 2017, 15/06032


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 21 JUIN 2017



(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/06032







Madame [Q] [M]



c/



EPIC MONNAIE DE PARIS

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR no

n parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 septembre 20...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2017

(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/06032

Madame [Q] [M]

c/

EPIC MONNAIE DE PARIS

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 septembre 2015 (R.G. n°F 14/01350) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2015,

APPELANTE :

Madame [Q] [M]

née le [Date naissance 1] 1971, de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assistée de Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY de la SELARL ORACLE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

EPIC Monnaie de Paris, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

SIRET 160 020 012 RCS Paris

représenté par Me Arnaud PILLOIX de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mars 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, président

Madame Isabelle Lauqué, conseiller

Madame Annie Cautres, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 21 juin 2017 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Q] [M] a été embauchée par l'EPIC MONNAIE DE PARIS à compter du premier septembre 2009 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de responsable relations sociales et coordination ressources humaines pour le site de [Localité 1], statut cadre.

Elle a été convoquée, par lettre remise en main propre, à un entretien préalable à son licenciement fixé le 30 mai 2012.

Par courrier en date du 28 juin 2012 l'employeur lui a notifié un avertissement.

Mme [Q] [M] est à nouveau convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé le 20 septembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 septembre 2012, Mme [Q] [M] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Le 19 mai 2014, Mme [Q] [M] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester son licenciement.

Par jugement en date du 28 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de BORDEAUX a :

- débouté Mme [Q] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [Q] [M] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 2 octobre 2015, Mme [Q] [M] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 13 mars 2017 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du même jour Mme [Q] [M] sollicite :

- qu'il soit jugé que son licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- que l'employeur soit condamné à lui verser les sommes suivantes :

- 4 040 euros au titre de l'irrégularité du licenciement ;

- 53 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 30 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 33 619,58 euros au titre des heures supplémentaires incluant les congés payés ;

- 9 530,84 euros au titre de l'indemnité de repos compensateurs incluant les congés payés ;

- 24 240 euros au titrer des dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 5 000 euros au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2009, 5 000 euros pour l'année 2010, 3 000 euros pour 2011 et 5 000 euros pour 2012 ;

- 1 800 euros au titre des congés payés sur primes d'objectifs ;

- que les bulletins de salaire rectifiés et les documents de fin de contrat soient remis sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;

- que les sommes allouées portent intérêt au taux légal avec capitalisation ;

- qu'il lui soit alloué la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- que les pièces communiquées le 10 mars 2017 par l'employeur soient rejetées des débats parce que tardives.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 13 mars 2017 déposées au greffe auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du même jour l'EPIC MONNAIE DE PARIS sollicite la confirmation du jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet de pièces

Attendu qu'il ressort des bordereaux de communication de pièces du dossier que les deux parties ont communiqué des pièces très peu de temps avant l'audience ;

Qu'elles ont par ailleurs chacune déposé des conclusions le jour de l'audience et n'ont pas respecté le calendrier de procédure indiqué  ;

Attendu que compte tenu de ces éléments aucune pièce ne sera écartée des débats, la demande de Mme [Q] [M] étant rejetée sur ce point ;

Sur le licenciement

Attendu que conformément à l'article L.1321-1 du code du travail le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur ;

Que, comme l'a souligné le conseil de prud'hommes, ce règlement s'impose à tous les membres du personnel et constitue un acte réglementaire de droit privé ;

Attendu que l'article 21 du règlement intérieur de l'établissement dispose que le conseil de discipline peut également être appelé à donner son avis sur les sanctions prévues à l'article 20, autre que l'avertissement et le blâme, à la demande d'un salarié contractuel relevant de la convention collective de la bijouterie, joaillerie et orfèvrerie ;

Que cependant l'article 20 du règlement intérieur ne vise que le licenciement pour faute ;

Attendu qu'en matière de licenciement pour insuffisance professionnelle, par définition non disciplinaire, les dispositions susvisées ne s'appliquent pas ;

Que Mme [Q] [M] ne peut donc soutenir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait qu'elle n'a pas été informée du droit de saisir le conseil de discipline pour avis ;

Attendu que par courrier du 26 septembre 2012, qui fixe les limites du litige, Mme [Q] [M] a été licenciée pour insuffisance professionnelle ;

Attendu qu'en matière d'insuffisance professionnelle et selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile ;

Que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu que la lecture attentive de la lettre de licenciement démontre que seule l'insuffisance professionnelle est reprochée à la salariée et non des griefs de nature disciplinaire ;

Que par ailleurs le courrier de licenciement fait état de faits suffisamment vérifiables ;

Attendu qu'aux termes de son contrat de travail Mme [Q] [M] a pour mission :

'de coordonner et piloter l'activité des IRP sur le site ;

'd'assurer l'application de la politique RH sur le site ;

'de garantir la sécurité juridique des procédures RH sur le site ;

'de veiller à la préservation d'un bon climat social sur le site ;

'd'assurer la veille juridique sans contentieux ;

'de réaliser la coordination de l'équipe RH du site ;

Attendu qu'elle a repris les dossiers gérés par l'adjointe du directeur des ressources humaines de PARIS partie à la retraite en décembre 2010 ;

Que ce fait était connu de la salariée dès son recrutement ;

Attendu que dès le premier octobre 2010 M. [Z] [Y] fait état auprès de la salariée du fait qu'elle doit imposer sa légitimité et dépasser des problèmes relationnels rencontrés avec une certaine [A] ;

Que les courriels produits par Mme [Q] [M] à l'appui du fait qu'elle avait alerté son employeur des difficultés de fonctionnement révèlent qu'à chaque fois c'est M. [Z] [Y], son supérieur, qui lui demande des comptes sur un certain nombre de problèmes de fonctionnement ;

Attendu qu'elle a fait l'objet d'évaluations professionnelles en 2010 et 2011 ;

Attendu qu'il résulte de son évaluation réalisée en novembre 2010 par M. [Z] [Y] il est pointé :

'des difficultés relationnelles avec certains collègues du service,

'des difficultés à appréhender certains dossiers malgré son expérience professionnelle ;

'des fonctionnements où elle est sans cesse en situation de tout faire valider par la DRH adjointe ;

Attendu qu'il est justifié que Mme [Q] [M] a bénéficié en 2011 de deux formations, l'une relative à la sensibilisation de la culture client et l'autre relative au fait de manager le changement ;

Attendu que son évaluation 2011, réalisée le 12 mars 2012, fait état des éléments suivants :

'une contribution technique quasi inexistante ;

'une absence d'initiative, la salariée se plaçant en permanence en mode «exécution» ;

'une dimension relationnelle satisfaisante ;

'une autonomie très relative de la salariée dans la préparation des réunions ;

Attendu que Mme [Q] [M] a suivi en 2012 quatre formations, essentiellement en bureautique et informatique ;

Attendu qu'il est faux d'affirmer pour la salariée qu'elle n'avait reçu aucune alerte, ses évaluations professionnelles la mettant en garde sur l'amélioration de la contribution technique et des relations avec les clients et les chefs de services ;

Qu'au surplus l'employeur, par six formations octroyées à la salariée sur une période de deux années, a assuré l'adaptation de Mme [Q] [M] à son poste de travail ;

Attendu que c'est dans ce contexte que l'employeur a, le 28 juin 2012, prononcé un avertissement à l'égard de la salariée en raison d'insuffisances sur les réunions et de la validation d'une absence d'infirmière au mépris de la réglementation en vigueur ;

Que Mme [Q] [M] se contente de contester les faits objets de cet avertissement sans pour autant en demander l'annulation devant la cour ;

Sur la première insuffisance, soit la remise tardive, le 19 juillet 2012, de la notification des évaluations des fonctionnaires techniques de l'année 2011

Attendu qu'il est justifié au dossier que Mme [Q] [M] a été destinataire le 28 juin 2012 des attributions de bonification des fonctionnaires techniques de [Localité 1] au titre de l'année 2011 pour notification ;

Que le courriel de transmission fait état de la nécessité d'une distribution diligente, les fonctionnaires ayant un recours contre ces décisions ;

Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal de réunion en date du 26 juillet 2012 que le syndicat UGICT Fonctionnaires s'étonne de la non réception des évaluations 2011 pour les fonctionnaires techniques ;

Qu'il est spécifié que ces évaluations sont distribuées au moment de la réunion, soit le 26 juillet 2012 ;

Que Mme [Q] [M] a donc mis près d'un mois pour exécuter cet ordre sans ambiguïté ;

Attendu qu'au vu du courriel de M. [H] [S] en date du 26 juillet 2012 celui-ci se plaint d'une remise de sa notification le 19 juillet qui est datée du 25 juin ;

Qu'il s'interroge sur le point de départ de son délai de recours , soit le 25 juin ou le 19 juillet et indique contester la décision notifiée ;

Attendu que l'attestation de M. [H] [S] produite par la salariée n'apporte pas d'élément venant en contradiction avec la remise tardive de la notification aux fonctionnaires techniques ;

Attendu que ce fait est donc réel et objectif et démontre que la salariée n'a pas été diligente dans le domaine des notifications de décisions susceptibles de recours par les fonctionnaires techniques alors que l'ordre donné était clair et que la tâche à effectuer était simple ;

Qu'aucun élément au dossier ne vient justifier la carence de la salariée sur ce plan ;

Sur la deuxième insuffisance reprochée, soit le fait de n'avoir donné aucune suite au projet de procès-verbal du comité d'entreprise du 20 juin 2012

Attendu qu'il résulte de la réunion des délégués du personnel du 26 juin 2012 que les délégués CGT mentionnent «nous signalons à nouveau que le délai légal pour les réponses DP est de 6 jours. Il est anormal de les recevoir plus de deux semaines après » ;

Que la réponse a été réalisée le 11 juillet 2012, soit hors du délai prévu ;

Attendu que cette tâche incombe à Mme [Q] [M] en vertu de son contrat de travail (soit de garantir la sécurité juridique des procédures RH sur le site et veiller à la préservation d'un bon climat social sur le site) ;

 

Qu'elle ne justifie aucunement des raisons pour lesquelles elle n'a pas été diligente ni du fait qu'elle aurait transmis le document pour validation à la direction ;

Qu'en effet elle produit au dossier un seul courriel en date du 21 juin 2012 démontrant qu'elle avait en charge cette tâche et ne transmettait nullement le document pour aval de la direction ;

Sur la troisième insuffisance reprochée, soit l'absence de suite donnée à la réception du procès-verbal du comité d'entreprise du 20 juin 2012

Attendu que le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 6 septembre 2012 fait état du fait que les corrections de la direction des procès-verbaux du mois de juin 2012 n'ont pas été communiqués au secrétaire du comité ;

Attendu que par courriel en date du 19 juillet 2012 concernant le procès-verbal du comité d'entreprise du 22 mai 2012, il est clair que la charge de corriger ce type de document incombe à Mme [Q] [M] avant de le soumettre à la direction ;

Que ce point est confirmé par une attestation de M. [O], régulière en la forme ;

Attendu qu'il est démontré que Mme [Q] [M] a failli en ce domaine ;

Sur la quatrième insuffisance reprochée, soit la remise très en retard de l'étude statistique sur l'intérim

Attendu qu'il résulte d'un courriel de M. [Z] [Y] en date du 6 juillet 2012 que le bilan complémentaire concernant l'intérim 2011 a été transmis avec trois mois de retard et non finalisé ;

Attendu que Mme [Q] [M] se contente d'affirmer que le travail avait été confié à sa collègue sans en justifier par une pièce utile du dossier ;

Attendu que le retard dans son élaboration est démontré et révèle la carence de Mme [Q] [M] sur ce point ;

Sur la cinquième insuffisance reprochée, soit la transmission d'un procès-verbal de désaccord des négociations annuelles obligatoires qui ne présentait aucune garantie de fiabilité

Attendu que le courriel de M. [Z] [Y] en date du 16 juillet 2012 révèle son mécontentement sur le procès verbal de désaccord des négociations annuelles obligatoires comme comportant des imprécisions préjudiciables ;

Que Mme [Q] [M] ne peut se retrancher derrière le fait qu'elle n'était en charge que de la rédaction du rapport, cette rédaction étant défaillante et non le projet lui-même ;

Que les approximations relevées sont importantes en ce qui concerne la technicité des données et constituent des insuffisances au vu des fonctions exercées par la salariée ;

Sur la sixième insuffisance reprochée, soit le manque d'échanges avec les membres du service des ressources humaines

Attendu que l'employeur produit au dossier une attestation de Mme [N] [T] qui fait état qu'elle ne faisait pas remonter à PARIS les besoins de formation des agents de [Localité 1] ;

Attendu que ce fait n'a rien à voir avec les besoins de formation exprimés au comité d'entreprise que M. [F] [Q] évoque dans son attestation régulière en la forme ;

Attendu que les pièces utiles du dossier ne permettent pas de déceler la défaillance de la salariée dans le cadre du dossier [P] ;

Attendu que ces éléments ne sont donc pas déterminants et ne caractérisent pas une insuffisance professionnelle sur ce plan ;

Attendu cependant qu'il est démontré que Mme [Q] [M] a failli à ses obligations contractuelles par des défaillances sur le plan de la gestion des dossier qu'elle avait en charge ;

Attendu que c'est donc par une juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [Q] [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté la salarié des demandes de ce chef ;

Sur la demande au titre de l'irrégularité du licenciement

Attendu que Mme [Q] [M] fait valoir que la décision de la licencier a été antérieure à la convocation à son entretien préalable ;

Attendu que le plan d'action produit au dossier en date de mai 2012 ne constitue qu'un document de travail et n'est pas assimilable à un organigramme ;

Attendu que la procédure disciplinaire diligentée à son encontre ne révèle aucunement que l'employeur a décidé de la licencier dès le mois de mai 2012 ;

Attendu que la procédure de licenciement a été totalement respectée, notamment en ce qui concerne l'application de l'article L.1232-3 du code du travail ;

Attendu que Mme [Q] [M] sera déboutée de cette demande nouvelle devant la cour ;

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Attendu que l'article L 1152-1 du Code du Travail définit le harcèlement comme le fait de subir, pour un salarié, des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;

Que l'article L 1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement;

Attendu que Mme [Q] [M] invoque les faits suivants :

'des pressions et propos discriminatoires;

Attendu que pour étayer ses affirmations Mme [Q] [M] produit notamment :

'deux procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise en date du 24 mars 2010 et 22 septembre 2010 qui ne font état que du climat au sein de l'établissement sans que rien ne soit précisé concernant Mme [Q] [M] ;

'le rapport annuel d'activité du médecin du travail en 2010 sans que rien ne soit indiqué concernant le sort de l'appelante ;

'deux procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise en date du 29 avril 2011 et 28 juin 2011 qui ne concerne pas le cas de Mme [Q] [M] ;

'une note de service du 19 juillet 2011 ;

'différents courriels qui ne démontrent que le mécontentement de l'employeur face aux erreurs techniques de Mme [Q] [M] ;

'des exemples de suivis de personnels totalement étrangers au présent litige, Mme [Q] [M] mettant en cause les méthodes de management à titre général dans l'entreprise ;

'un extrait de registre des accidents au sein de l'entreprise où figure la trace d'une consultation de Mme [Q] [M] pour « burn out » le 16 juillet 2012 avec un compte rendu d'infirmière où la salariée fait état de son grand malaise au travail ;

'des pièces médicales sur une possible récidive de cancer du sein en décembre 2010 ;

'un certificat du médecin du travail du 4 mars 2013 qui évoque pour l'année 2011 une pression temporelle sur les résultats demandés sans que la salariée ait donné son accord pour une alerte de l'employeur sur ce point ;

'une ordonnance médicale d'anti-dépresseurs en janvier 2011 pouvant très bien être liée à la santé de la salariée sur le plan de sa maladie ;

Attendu que le harcèlement moral ne doit pas se confondre avec les tensions et conflits pouvant survenir avec l'employeur ou les reproches que ce dernier est en droit d'adresser au salarié ni avec le stress ou le surmenage, tous éléments qui peuvent aboutir à une altération de l'état de santé du salarié sans que celle-ci soit imputable à l'employeur ;

Attendu qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ;

Attendu que c'est par une juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 sera confirmé sur ce point ;

Sur les demandes au titre de la prime d'objectifs

Attendu que l'article 5 du contrat de travail signé entre les parties prévoit que Mme [Q] [M] percevra, outre sa rémunération forfaitaire, une part variable de 5 000 euros sur son activité en fonction d'objectifs définis annuellement ;

Attendu qu'il résulte de ses évaluations professionnelles que des objectifs ont été fixés annuellement, sans qu'il puisse être retenu la tardiveté de leur fixation, même si l'annexe 1 n'a jamais été élaborée à la fin de la période d'essai de la salariée ;

Attendu que les premiers juges ont valablement retenu, au vu des évaluations professionnelles produites au dossier, que Mme [Q] [M] avait partiellement rempli les objectifs fixés ;

Que l'année 2012 correspond à celui de son licenciement pour insuffisance professionnelle où elle n'a pas rempli ses objectifs ;

Qu'elle a perçu au titre de cette rémunération variable la somme de 1 666 euros en 2009, 4 000 euros en 2010 et 2 000 euros en 2011 et a donc été rempli de ses droits ;

Attendu que compte tenu de l'ensemble de ces éléments le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de ce chef ;

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs

Attendu que l'article L.3121-39 du code du travail prévoit que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ;

Que cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ;

Attendu que les dispositions des articles L.3121-43 et L.3121-44 du code du travail sont applicables à la présente espèce dans la mesure où Mme [Q] [M], conformément à son contrat de travail est de cadre niveau 5 échelon 2 ;

Attendu que l'accord relatif à l'organisation de la durée du travail au sein de l'EPIC MONNAIE DE PARIS en date du 16 décembre 2008 prévoit que lors de la conclusion de la convention de forfait jours une définition claire des missions et des moyens doit être précisée et qu'à l'occasion d'un entretien annuel il sera fait le point sur la charge, l'organisation de travail et l'équilibre entre la vie personnelle et professionnelle ;

Attendu que si le contrat de travail prévoit avec précision les missions dévolues à la salariée, rien ne permet de cerner les moyens mis en place quant à la durée et aux modalités de temps de travail ;

Que le contrat ne précise même pas le nombre de jours travaillés, se référant seulement au respect du plafond annuel légal de jours travaillés ;

Que l'employeur ne peut se dédouaner en invoquant la connaissance par la salariée, en sa qualité de directrice des ressources humaines, du plafond annuel de jours travaillés ;

Attendu que dans ces conditions c'est par une très juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que cette convention de forfait n'était pas opposable à Mme [Q] [M] ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié

Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que Mme [Q] [M] expose qu'elle a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été réglées par l'employeur ;

Attendu que pour étayer ses dires, Mme [Q] [M] produit notamment:

- un décompte détaillé semaine par semaine des heures de travail effectuées ;

- une édition des badgeages concernant la salariée ;

Attendu que le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ;

Attendu que l'employeur expose que Mme [Q] [M] n'a pas accompli d'heures supplémentaires au vu de l'application de la convention de forfait jours ;

Attendu que l'employeur ne produit aux débats aucun élément relatif aux heures supplémentaires alléguées ;

Attendu que la comparaison des relevés de badgeages et du décompte de la salariée fait apparaître que Mme [Q] [M] comptabilise des temps de travail avec de nombreuses incohérences et calculs totalement erronés ;

Attendu qu'au vu de ces éléments produits très contradictoires, et sans qu'il y ait besoin de mesure d'instruction, la cour a la conviction que Mme [Q] [M] n' a pas effectué les heures supplémentaires alléguées ;

Attendu que c'est par une exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont débouté la salariée des demandes de ce chef ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Attendu que l'article L.8221-2 du code du travail prohibe le travail partiellement ou totalement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions susvisées a droit, en cas de rupture du contrat de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

Que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Attendu que dans la mesure où il a été établi que la salariée n'a pas réalisé d'heures supplémentaires elle sera déboutée de cette demande ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 28 septembre 2015 ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [Q] [M] aux entiers dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président et par Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 15/06032
Date de la décision : 21/06/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°15/06032 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-21;15.06032 ?
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