La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2017 | FRANCE | N°15/03839

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 juin 2017, 15/03839


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 14 JUIN 2017



(Rédacteur : Madame Isabelle LAUQUE, Conseiller,)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/03839









Monsieur [G] [X]



c/



SARL TRANSPORTS DESSAIGNE

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :
r>

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 JUIN 2017

(Rédacteur : Madame Isabelle LAUQUE, Conseiller,)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/03839

Monsieur [G] [X]

c/

SARL TRANSPORTS DESSAIGNE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2014 (R.G. n° F 09/00133) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PERIGUEUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 11 avril 2014,

APPELANT :

Monsieur [G] [X], né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1], de nationalité française, profession routier, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Albane RUAN-WALTHER de la SELARL RUAN-WALTHER, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Maître Thierry LE GALL de la SCP LE GALL, avocat au barreau de BERGERAC,

INTIMÉE :

SARL TRANSPORTS DESSAIGNE, siret n° 556 720 159, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Bruno BAYLAC, avocat au barreau de PERIGUEUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2017 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle Lauqué, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, président

Madame Isabelle Lauqué, conseiller

Madame Annie Cautres, conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

*

Monsieur [G] [X] a été embauché par la société DESSAIGNE TRANSPORTS SARL en qualité de conducteur routier dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en date du 24 septembre 2001.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Par courrier du 7 juillet 2007, M. [X] a notifié à son employeur sa décision de démissionner après un préavis de 8 jours.

Le 6 avril 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour réclamer le paiement d'un rappel de salaire correspondant d'une part à des heures supplémentaires et d'autre part à des heures de travail de nuit outre les congés payés afférents.

Par jugement avant dire droit du 10 janvier 2011, le Conseil a ordonné une expertise des disques chronotachygraphes d'avril 2004 à juillet 2007 confiée au Laboratoire d'Analyse Microscopique de Chronotachygraphe.

En cours de procédure, M. [X] a demandé au Conseil de juger que sa démission s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à lui payer des dommages et intérêts.

Après dépôt du rapport, le Conseil, par décision du 27 janvier 2014 a jugé que la démission de M. [X] était non équivoque, a condamné la SARL DESSAIGNE TRANSPORT à lui payer la somme de 3.637,20 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures de nuit impayées et l'a débouté du surplus de ses demandes.

M. [X] a interjeté appel de ce jugement le 11 avril 2014.

Le 17 juin 2015, la Cour a prononcé la radiation du rôle de l'affaire.

Sur la demande de M. [X], l'affaire a été réinscrite.

Par conclusions déposées le 25 juin 2015 développées oralement à l'audience du 9 mai 2017 auxquelles la Cour se réfère expressément, il conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la Cour de juger que la rupture de son contrat de travail est imputable à la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS et de la condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 9.224,11 € au titre de ses heures supplémentaires,

- 922,41 € au titre des congés payés afférents,

- 261,71 € au titre de la prime de nuit,

- 26,17 € au titre des congés payés afférents,

- 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts,

- 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 20 mai 2015 développées oralement à l'audience du 9 mai 2017 auxquelles la Cour se réfère expressément, la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS conclut à titre principal au rejet de toutes les demandes de M. [X] et à défaut que soit ordonnée une nouvelle expertise.

A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 3.637,20 euros au titre des heures supplémentaires en retenant le second calcul de l'expert.

En tout état de cause, elle conclut au rejet de la demande de M.[X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

- Sur les heures supplémentaires et les heures de nuit :

La durée du travail des salariés des entreprises de transports routiers de marchandises est réglementée par le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, modifié par le décret du 22 décembre 2003 puis par le décret du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transports routiers de marchandises abrogé le 1er janvier 2007.

Dans sa version initiale, l'article 4 du décret du 26 janvier 1983 prévoyait que la durée hebdomadaire du travail était calculée sur une semaine et que par dérogation, dans le cas où, pour des raisons techniques d'exploitation, il serait impossible d'organiser le travail sur une semaine pour certains personnels roulants effectuant des transports de marchandises, la durée hebdomadaire du travail pouvait être calculée sur deux semaines consécutives, dans les mêmes conditions qu'au paragraphe deux, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et autorisation du ministre chargé du travail.

Le décret du 22 décembre 2003 a modifié cet article 4 et a prévu que la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants marchandises peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine en application de l'article L212-8 du code du travail et qu'à défaut d'accord, dans les cas où, pour des raisons techniques d'exploitation, il serait impossible d'organiser le travail sur une semaine pour les personnels roulants de marchandises, la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, et pouvant être égale à deux semaines consécutives, trois semaines consécutives ou au plus un mois, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et autorisation de l'inspecteur du travail des transports territorialement compétent.

Enfin, l'article 4 du décret du 31 mars 2005 a modifié l'article 4 du décret du 26 janvier 1983 en supprimant l'autorisation de l'inspecteur du travail compétent mais cette disposition dont se prévaut la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS a été annulée par décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2005.

Dès lors, contrairement à ce que soutient la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants de marchandises ne pouvait être calculée sur une durée supérieure à la semaine sans accord de l'autorité administrative compétente pour toute la période concernant la demande de rappel de salaire de M. [X] au titre de ses heures supplémentaires et ses heures de nuit.

En l'occurrence, la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS ne justifie d'aucune autorisation de l'inspecteur du travail lui permettant de procéder à un calcul de la durée hebdomadaire du travail sur le mois en sorte qu'il convient de rejeter le moyen juridique invoqué au soutient d'une demande de nouvelle expertise.

Elle soutient par ailleurs que M. [X] ne manipulait pas correctement l'appareil chronotachygraphe et produit à l'appui de sa contestation des rappels à l'ordre notifiés au salarié.

Cependant la Cour relève que seul l'avertissement du 28 mars 2007 est motivé par la manipulation incorrecte de l'appareil chronotachygraphe soit à une date concomitante au litige opposant le salarié à son employeur sur les heures supplémentaires.

Dès lors, la Cour juge que ce seul courrier de l'employeur est insuffisant pour remettre en cause la sincérité de l'ensemble des disques sur plusieurs années et ne peut donc justifier qu'il soit procédé à un abattement de 25% de son temps de travail effectif sur l'ensemble de la période.

En conséquence de ce qui précède, la Cour reprenant les conclusions de l'expert, condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 9.224,11 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées sur la période considérée outre la somme de 922,41 euros au titre des congés payés afférents et, validant les modalités de calcul relatives à la rémunération du travail de nuit, condamne également la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 261,71 euros à titre de prime de nuit outre la somme de 26,17 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur la rupture du contrat de travail :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque la démission fait suite à des manquements que le salarié impute à l'employeur, la démission peut s'analyser en une prise d'acte si des circonstances antérieures ou contemporaines à la rupture la rendent équivoque.

En l'espèce, le M. [X] a adressé à la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS une lettre de démission en date du 7 juillet 2007 qui ne fait état d'aucun reproche à son employeur.

Le fait d'avoir attendu plusieurs années pour faire valoir ses droits devant la juridiction du travail n'est pas de nature à faire obstacle à une demande de requalification de la démission du salarié et le juge doit se placer au jour de la rupture du contrat de travail pour apprécier si les circonstances antérieures ou contemporaines à la rupture la rendaient équivoque.

En l'espèce, la démission de M. [X] est intervenue dans un contexte conflictuel de revendication du paiement d'heures supplémentaires et de multiplication de sanctions disciplinaires pour certaines directement en lien avec ces revendications.

La Cour a condamné la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] diverses sommes à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et des primes de nuit ce qui démontre que l'employeur a manqué à ses obligations légales pendant de nombreuses années vis à vis de son salarié.

Dans ces conditions, la Cour constate qu'au jour de la démission de M. [X], la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS n'avait pas payé à M. [X] les heures supplémentaires dues depuis plusieurs années en sorte qu'il existait des circonstances antérieures à la démission qui la rendaient équivoque.

En conséquence, la Cour juge que la rupture du contrat de travail de M. [X] est imputable à l'employeur qui a manqué à ses obligations légales et contractuelles en se dispensant de rémunérer les heures supplémentaires dues à son salarié et qu'en conséquence, cette rupture doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [X] avait 6 ans d'ancienneté dans l'entreprise.

Au vu de ce seul élément, la Cour évalue à la somme de 12.000 euros le préjudice né de la perte de l'emploi et condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer cette somme à M. [X] à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

- Sur les autres demandes :

La SARL DESSAIGNE TRANSPORTS sera condamnée à payer à M. [X] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

LA COUR

Infirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué.

Statuant à nouveau :

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 9.224,11 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre avril 2004 et juillet 2007.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 922,41 euros au titre des congés payés afférents.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à Mr [X] la somme de 261,71 euros à titre de prime de nuit.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 26,17 euros au titre des congés payés afférents.

Dit que la démission de M. [X] s'analyse en une prise d'acte de rupture imputable à l'employeur.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS à payer à M. [X] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL DESSAIGNE TRANSPORTS aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président et par Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 15/03839
Date de la décision : 14/06/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°15/03839 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-14;15.03839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award