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24/05/2017 | FRANCE | N°15/07475

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 24 mai 2017, 15/07475


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 24 MAI 2017



(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/07475

















Monsieur [E] [Z]



c/



SA [O] LA GRANDE MARQUE





















Nature de la décision : AU FOND







N

otifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 nov...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2017

(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/07475

Monsieur [E] [Z]

c/

SA [O] LA GRANDE MARQUE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 novembre 2015 (R.G. n° F14/218) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2015,

APPELANT :

Monsieur [E] [Z]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

de nationalité Française

Directeur Commercial, demeurant [Adresse 1] - FRANCE

représenté par Me Eric VISSERON de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA [O] LA GRANDE MARQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2] - FRANCE

N° SIRET : [O]4

représentée par Me Eric BACHELERIE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mars 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [E] [Z] a été recruté comme directeur commercial de la région ouest par la SA [O] la Grande Marque le 3 octobre 2005. Il exerçait ses fonctions sous la responsabilité du directeur ventes et marketing, Monsieur [U] [O], qui était également président du conseil de surveillance.

Il était convoqué le 27 décembre 2013 à un entretien préalable fixé au 10 janvier 2014 et était licencié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 janvier suivant pour faute.

Il était dispensé d'effectuer son préavis à compter du 29 janvier 2014. Monsieur [O] contestait son licenciement le 15 février 2014 et saisissait le conseil de prud'hommes le 18 juin 2014 en demandant :

'-Requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-dommages et intérêts : 649 200€'.

Par jugement en date du 09 novembre 2015, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [Z] de ses demandes et la SA [O] de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel en date du 02 décembre 2015, Monsieur [Z] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions reçues au greffe le 07 avril 2016, il reprend ses demandes initiales, outre une application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 10 000€.

Il indique que la société [O] a pour enseigne ' Compagnie des Grandes Eaux de Vie de France' et que la société holding, [O] Holding, est détenue à 99,98% par [U] [O].

Il précise qu'il était soumis à un forfait jours de 215 jours par an, que la convention collective était celle des vins et spiritueux chais de [Localité 2] et que sa rémunération mensuelle brute était de 12 776,54€ par mois.

Il avait pour mission principale d'élaborer, de proposer et de mettre en oeuvre la politique commerciale de l'entreprise en fonction de la stratégie de développement.

Il s'est impliqué inconditionnellement dans son emploi en communiquant de manière directe et franche avec Monsieur [U] [O].

La lettre de licenciement est uniquement fondée sur trois courriels échangés avec [U] [O], les 29 octobre, 02 et 10 novembre 2013. Il indique qu'il avait pour la première fois été invité à participer au conseil de surveillance le 18 décembre 2013, donc immédiatement avant son licenciement.

Il rappelle qu'en application de l'article L 1121-1 du code du travail, le salarié bénéficie de la liberté d'expression dans l'entreprise qui ne peut se voir apporter des restrictions que justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Il fait état d'un investissement professionnel hors du commun

Il indique qu'en octobre 2005, le chiffre d'affaires pour la division West qu'il dirigeait, était de 16 199M€ et le prix de moyen de vente de la caisse était de 135€ pour, respectivement à la fin février 2014, 37,757M€ et 247M€.

Il avait, avec [U] [O], une relation étroite et directe qui était jalousée. Il était déjà intervenu auprès de ce dernier dans des situations de crise et il avait été remercié pour sa franchise. Les courriels litigieux doivent être replacés dans ce contexte.

En 2012 et 2013, l'entreprise était confrontée au retournement du marché chinois qui avait pour conséquence de réduire considérablement le budget de son équipe commerciale sur un tout autre marché. Il s'était par ailleurs étonné de stocks anormaux et inexpliqués de marchandises en Chine dès 2012 (Gestion de Yuanliu). Les alarmes qu'il avait déclenchées sur ce point avaient recueilli l'accord de l'employeur et les questions avaient été reprises lors de la réunion du conseil de surveillance du 18 décembre 2013 au cours de laquelle un risque pénal avait été évoqué pour le dirigeant.

Il conteste l'existence d'abus dans l'usage de sa liberté d'expression et n'a fait que donner son avis sur la compétence du directeur marketing, Monsieur [I], à la demande de son employeur et à rappeler ce dernier à ses responsabilités.

Concernant le grief retenu dans sa communication avec Monsieur [O] lui-même, il n'a fait que reprendre un terme utilisé par ce dernier.

Il n'a jamais remis en cause le pouvoir hiérarchique de son employeur

Il n'a fait que s'interroger légitimement sur le dérapage de la filiale chinoise Yua Liu qui a eu un impact direct sur le secteur West.

Il demande la réparation de son préjudice à hauteur de 4 ans de salaire brut, le chiffre d'affaires de la société étant de 83 millions d'euros.

Par conclusions déposées au greffe le 17 janvier 2017, la société [O] demande de confirmer le jugement et de le condamner à lui payer la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si le licenciement devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, de constater que Monsieur [O] ne justifie pas d'un préjudice supérieur à six mois de salaire.

Elle rappelle que la liberté d'expression reconnue à chaque salarié a des limites et que des mises en garde avaient été délivrées à Monsieur [Z] qui mettait en cause le responsable de l'entreprise à partir d'une rencontre à [Localité 3] en octobre 2013.

Il est rappelé que Monsieur [Z] était le responsable d'une des deux régions commerciales, celle de la Région Ouest, qui n'est pas la plus importante. Les résultats sont le fruit d'un travail collectif et le marché chinois, en augmentation constante depuis 2005, représentait les deux tiers de l'activité du groupe.

Monsieur [Z], hormis un courriel de 2009, ne produit aucun exemple de la liberté de ton qui aurait présidé à ses relations avec Monsieur [O], celui adressé par ce dernier en 2009 l'étant d'ailleurs à trois directeurs.

La liberté d'expression a des limites qui sont dépassés dans les mails de Monsieur [Z]. tant à l'égard de Monsieur [O] que de collègues.

Le comité d'éthique a reconnu que les propos tenus par Monsieur [Z] étaient incompatibles avec le code éthique du groupe.

Monsieur [Z] a formulé des accusations de malversations, de dissimulation d'informations et de présentation de budget 'bidon' en leur donnant une publicité.

Monsieur [O] était alerté, fin 2013, sur les effets du comportement de Monsieur [Z] sur des salariés de l'entreprise.

Concernant le préjudice de Monsieur [Z], il a retrouvé un travail, dès le mois d'avril 2014, comme directeur export du groupe Rivoire & Fils.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et la lettre de licenciement fixant les limites du litige.

Aux termes de la lettre de licenciement du 15 janvier 2014 :

'Vous avez intégré la société CGLM en octobre 2005 en qualité de Directeur commercial de la région Ouest.

Vous avez su à ce poste su faire montre d'indéniables compétences.

Nous avons cependant progressivement composer avec un mode d'expression de plus en plus extrême de votre part, lequel a finalement pris une tournure résolument méprisante et dénigrante dès lors que CGLM a été confrontée à des difficultés importantes consécutives au retournement du marché du Cognac en Chine.

Depuis, vous avez clairement méconnu les principes de base d'une relation hiérarchique normale et que la liberté d'expression reconnue à chaque salarié a pour limites l'intérêt de l'entreprise ,la hiérarchie, le rôle et les responsabilités dévolues à chacun et le respect des notions de mesure et de politesse.

Nous vous avions déjà alerté sur votre mode de communication.

M. [X] [L], Directeur Général Opérations, vous a ainsi demandé de cesser de tenir des propos pouvant être considérés comme diffamatoires par les personnes visées, demande suivie formellement par une mise en garde de M. [O] [B] [U], Directeur Général Compliance Groupe, en juillet 2013.

Vous vous êtes engagé à dorénavant respecter les procédures et la hiérarchie.

Lors de notre entrevue à [Localité 3] en octobre 2013, je m'étais ouvertement inquiété auprès de vous de ce que vos propos et attitudes aboutissaient à présent à ce que je pouvais considérer être une remise en cause de mon autorité et de mes décisions, et ce en suite de votre mail du 7 octobre 2013, véritable charge contre [K] [I] et mes décisions.

Malgré cela, vous avec de plus fort multiplié les critiques publiques envers moi-même et d'autres salariés de l'entreprise et sur la conduite de la société, notamment au travers de trois mails en date des 29-10, 2/11,10/11, inacceptables tant sur la forme que sur le fond et particulièrement symptomatiques des griefs retenus à votre encontre.'

Les trois griefs retenus sont respectivement :

'vous avez adopté une attitude clairement insultante et irrespectueuse, voire diffamatoire et calomnieuse envers des salariés et la direction de CLGM et d'autres entreprises du groupe.'

'Vous remettez en cause mon pouvoir hiérarchique et cherchez/tendez à saper mon autorité'

'Vous avez ni plus ni moins formulé, y compris à mon encontre, des accusations extrêmement graves de malversations, dissimulation d'informations et présentation de budget bidon, à nouveau en copiant d'autres salariés de l'entreprise'

Pour chacun des griefs, la lettre de licenciement cite de larges extraits des courriels concernés qui seront repris ci-dessous.

Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise, et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. L'abus correspond à l'usage de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Le mode de communication de Monsieur [Z] avait déjà posé difficulté.

Dans un courriel adressé à Monsieur [U] [O] le 07 janvier 2013, Monsieur [R] [X], responsable des ressources humaines, relatait:

'Pour votre information, je vous rends compte de la visite de [E] [Z] dans mon bureau ce matin.

Il est venu me voir en fin de matinée, et visiblement très remonté.

Après m'avoir salué, il s'est rapidement emporté en me questionnant :

-'Tu veux me voir' Tu veux qu'on parle''

-'T'as des questions à poser sur les mails à [K] et à [C]''

-'T'es au courant de ces mails! Si tu les veux, t'as qu'à me les demander! Vous êtes en train de faire tout un pataquès avec [I]! Il est allé demander à [T] les mails. S'il les veut il n'a qu'à me les demander! Et toi, t'es allé voir [L] pour mettre ton nez dedans! T'as qu'à venir me voir et m'en parler si tu veux les lire! Au lieu de tramer dans mon dos! Tu veux instruire un dossier sur moi' Si tu veux me mettre un avertissement, t'as qu'à me demander, je te les passe les mail! Tu as les mails' Tu les veux''

-'[H] et toi vous êtes tous des pourris à tramer dans le dos des gens! C'est plus la peine de me serrer la main!'...

Le 03 juillet 2013, Monsieur [O] [B] [U], le Directeur Général Compliance, adressait le courrier suivant à Monsieur [Z] :

'...

2. Notre Code Ethique nous engage à respecter des conditions de forme strictes lorsque nous correspondons avec des collègues de l'entreprise. Ce qui peut vous paraître bénin peut cependant choquer ou blesser profondèment des personnes, ce qui est non seulement à une obligation de respect réciproques, mais peut aussi mettre l'entreprise en risque, d'autant plus que la loi nous fait obligation de protéger l'ensemble de nos salariés.

3.Quelle que soit la nature de vos intentions, et je sais votre attachement à l'entreprise, vous ne devez pas oublier que de par vos responsabilités, un comportement trop direct ou pouvant être vécu comme agressif ou dégradant, peut être qualifié de harcèlement s'il vient à se répéter.

Notre entreprise connaît votre valeur professionnelle et vos résultats, ainsi que ceux des équipes que vous managez.

Ce courrier me permet de vous dire qu'il serait dommage que les événements qui m'ont conduit à vous écrire ternissent l'image du professionnel reconnu que vous êtes.

Ce courrier n'est pas un avertissement écrit. Il a pour but de vous alerter sur des points précis en espérant, comme vous me l'avez dit, que cela ne se reproduise pas.'

Ce courrier, attirant l'attention d'un collaborateur sur des problèmes de comportement, et faisant une référence directe à l'obligation de sécurité de l'employeur, et donc de prévention des risques psycho-sociaux et du harcèlement que seraient susceptibles de découler de ce comportement, constitue une sanction disciplinaire, même s'il écarte la qualification d'avertissement.

A la suite de ce courrier, Monsieur [X] [L], Directeur Général, adressait à Monsieur [Z] le courriel suivant le 04 juillet 2013 :

'Comme je te l'ai indiqué notre entretien du 26/06 avait pour but de t'alerter sur différents points. Tu m'as même indiqué que je mélangeais tout, sauf que le but était de te mettre en garde contre les mails cités ci dessous mais également au sujet des propos tenus oralement auprès d'un trop grand nombre de personnes pour qu'ils restent confidentiels et qui peuvent être considérés comme diffamatoires par les personnes visées'.

Le courrier de Monsieur [U] avait été précédé, le 02 juillet, du courriel suivant adressé à Monsieur [U] [O] :

'Je viens de parler longuement avec [E], il sort de mon bureau.

Je pense que cette fois il a compris, j'ai été sans nuances et il sait ce que le courrier qu'il va recevoir contient, tu auras le brouillon dans l'après-midi pour validation.

[E] m'a donné sa parole qu'il n'écrira plus ce genre d'email et que dorénavant il respectera les procédures et la hiérarchie.'

Et le 03 juillet à 18h30, Monsieur [O] lui-même adressait à Monsieur [Z] le courriel suivant au sujet de la lettre du 03 juillet 2013 :

'Merci de ton email et de ta franchise habituelle.

Pour que tout soit clair : j'ai été informé de ces emails à [O] et [H] par [X], suite à ton entretien avec lui mercredi dernier. Et c'est moi qui ai demandé, après avoir lu ces mails, à ce qu'un écrit soit fait pour les raisons qui sont explicitées dans ce même écrit.'

Fin juin-début juillet 2013, l'attention de Monsieur [Z] avait donc été attirée, au cours de deux entretiens et par une lettre s'analysant comme une sanction disciplinaire, sur la nécessité de modifier son comportement et sur l'analyse de l'employeur en termes de risques pour les autres salariés que ce comportement générait. C'est Monsieur [U] [O] lui-même qui avait pris l'initiative de cette procédure.

Le 04 juillet, suite à la lettre du 03 juillet, Monsieur [Z] adressait le courriel suivant à Monsieur [S] [Y]

'Attention : [L] = branche pourrie. Je viens de l'apprendre à mes dépens..'

Et le 05 juillet Monsieur [Z] adressait le courriel suivant à quatre personnes :

'Suite et fin de cet épisode particulièrement pénible et contre-productif. J'ai passé ma semaine à me défendre de ces saloperies diligentés en premier lieu par [M] [Q] et [X] [L]. Quand je pense qu'[M] [Q] est 'directrice des Ressources Humaines...C'est comme nommer un cannibale pour diriger l'AVF (Association Végétarienne de France).'

Dans un courriel adressé à Monsieur [O] le 04 novembre 2013 et adressé en copie à Madame [Q] et à Monsieur [U], Monsieur [Z] écrivait :

'...

je reprécise n'avoir jamais eu de problème à ce que tu sois mon supérieur hiérarchique direct et remplisse le rôle de directeur général pour les parties commerciale et marketing. C'est un peu plus confus quand tu me parles ou me donnes des consignes en mélangeant ton statut de propriétaire de [O] et celui de directeur général de CGLM.

...

N'ayant pas eu de réponse à mon email du 7/10/2013 (ci-dessous) et comme tu évitais ouvertement le sujet, il a fallu lors de l'appel hebdomadaire le jeudi 17/10/2013 que je te propose un meeting au salon de [Localité 3] la semaine suivante pour en parler. Sans cela, j'attendrai toujours ma réponse à cet email. Permets moi de trouver cela pour le moins étrange.

...

Lors de cet entretien du jeudi 24/10/2013, mes trois premières questions ont porté sur le fait de savoir si tu étais en train de vendre ton entreprise, si tu souhaitais la vendre et si dans l'hypothèse d'une catastrophe tu t'entêterais jusqu'au bout quitte à couler CGLM. J'ai noté que c'était assurément négatif pour les deux premiers points et que tu te séparerais de ton entreprise si tu y étais contraint afin qu'elle ne sombre pas.

Que tu aies cherché à diversifier tes activités pour des raisons fiscales ou simplement de pérennité et transmission de ton patrimoine, c'est ton droit et tu n'as pas de compte à rendre. Par contre il paraît injuste pour un salarié de CGLM que ces activités affaiblissent sérieusement et directement la santé financière de cette même CGLM.

...

Si ça n'avait pas d'effet dévastateur sur CGLM par répercution, je n'aurai, vu mon poste, pas le droit de t'interpeller à ce sujet. Malheureusement, c'est loin d'être le cas.

...

Lors de ce TFWA le mardi 22/10, ton associé [L] [S] a organisé un meeting avec toi et [C] [P] ([C][P]) sans m'y convier volontairement alors que je suis le supérieur hiérarchique directde [C]. Maison Café [O] allant prendre un stand pendant un an pour promouvoir son produit chez Kadewe [Localité 4], vous avez proposé à [C][P] de voir si VP (notre importateur allemand) pouvait financer le salaire de la promotrice ainsi que les bouteilles de cognac.

...

ma question est : pourquoi'

Pourquoi vouloir continuer à associer ta marque de café qui ne marche pas et ne marchera jamais à la marque de spiritueux éponyme'

...

Force est de constater que cette 'danseuse' est un vrai boulet pour CGLM

...

CLGM paie une partie du stand de [Localité 3] pour la Maison Café [O] et [L] [S] bloque systématiquement une table pour lui seul (en y faisant son bureau), vu qu'il n'a jamais de rendez-vous.

Du fait de son enthousiasme à libérer cette table, mes commerciaux ont dû conduire plusieurs meetings avec des clients, tous debout devant un coin du bar pendant que [L] [S] tapotait gentiment sur son lap top, assis et seul.

...

Je n'aborderai pas la personne même de [L] [S]. Il ne dit pas bonjour. Son amabilité et son relationnel n'ont d'égal que son sens aiguisé du business.

Tu me disais le jeudi 24/10/2013 que le conseil de surveillance et le Groupe [O] avaient un droit de regard sur tes décisions. Certes.

La vérité est que tu détiens 100% du capital; je vois donc difficilement les cadres du Groupe [O] s'exprimer en toute liberté alors que dans le même temps tu les as gratifiés d'une hausse sensible de salaire et par là même d'une promotion.

Concernant le conseil de surveillance, je m'étonne toujours que Monsieur [F] continue à valider tes choix. Sait-il vraiment tout ce qu'il devrait savoir ' C'est juste une question.

A [Localité 2] nous sommes nombreux (même si je suis le seul à te l'écrire) à continuer à nous interroger sur la raison qui a poussé [Q] [E] à encourager l'expédition de dizaines de milliers de caisses à Yuanliu (2011-2012) alors qu'il effectuait de fréquents voyages en Chine sur la même période pour y auditer ta filiale. Pour rappel : 168 000 caisses de [O] expédiées à Yuanliu entre Mars 2011 et Juin 2012. Il est impossible en tant que' directeur financier de l'année 2012" qu'il n'ait pas détecté de graves anomalies dans les stocks Yuanliu ou les stocks distributeurs. Sans parler de la comptabilité et des suivis de dépenses A§P. Que doit-on réellement penser de tout ça. Bref.

...

Alors, avec tout le respect intact que j'ai toujours malgré tout pour toi, [U] je te demande franchement : à quoi sert ta charte éthique que tu as tant désirée et de qui te moques-tu' Tu ne peux pas tout te permettre et me traiter comme un moins que rien sous prétexte que tu es le patron. Pas en France en tout cas. Surtout que WEST n'est en rien la cause de tes déboires.

...

Le pire m'est quand même tombé dessus à la fin de la réunion : quand recherchant désespérément des volumes additionnels pour gonfler ton prévisionnel et voyant que je ne voulais pas ajouter de caisses fictives au budget WEST, tu as chargé ton compagnon de cordée ([Q] [E]) de voir ça avec moi en réunion séparée l'après midi.

...

Moi j'étais atterré d'entendre ça et j'ai compris que celui qui siffle toujours dans les couloirs, me prend pour un 'guignol' et m'apostrophe systématiquement d'un 'comment il va le garçon'' était aux abois, ne contrôlait plus rien mais était prêt ce jour à et pour la deuxième année consécutive à présenter un budget 'bidon' aux banques. La fuite en avant en somme.

...

De nos jours avec sa (i.e. [Q] [E]) promotion au sein du groupe [O], ses deux obsessions qui étaient l'argent et le pouvoir devraient être en partie comblées. Mais on ne change pas les rayures du zèbre et il a atterri chez [O] après un licenciement pour une raison que j'ignore et deux années au chômage.

...

moi, je sais qui est réellement [Q] [O].'

Ce courriel, adressé à Monsieur [O] alors en Chine et en copie à des reponsables, a déclenché une alerte dans l'entreprise. Monsieur [U], en tant que mandataire social et directeur général compliance a demandé, après consultation de l'avocat de la société, la réunion du conseil de surveillance. Il ne s'agissait en aucun cas d'associer désormais Monsieur [Z] à cette instance mais d'entendre ses explications sur les graves accusations qu'il avait préférées et qui demeurent toujours infondées. Le risque pénal pour la société avait en particulier été relevé.

Dans ce courriel, Monsieur [Z] met en cause, dans des termes outranciers, en utilisant des insinuations, la compétence et l'intégrité de son supérieur hiérarchique, de l'actionnaire , des membres du conseil de surveillance, du directeur financier et d'un partenaire commercial. A titre d'exemple, il est sous-entendu que la période de chômage traversée par Monsieur [E] a un caractère suspect et il est décrit comme avide de pouvoir et d'argent. Il s'agit de propos selon les cas injurieux ou diffamatoires et il en est de même pour Monsieur [S]. La société est accusée de présenter de faux bilans et les agissements de Monsieur [E] en Chine s'ils ne sont pas pénalement qualifiés sont clairement suspects. Il est possible d'évoquer, mais sans précision, des faits d'abus de biens sociaux, de faux et d'usage de faux, de présentation de faux bilan. Enfin, Monsieur [Z] s'adresse à son supérieur hiérarchique en mettant en cause sa compétence et son honnêteté dans des termes qui seraient tout aussi inacceptables s'ils étaient tenus à l'encontre d'un subordonné. Ses protestations mêmes de respect sont démenties par leur formulation En adressant son courriel en copie à d'autres salariés, il se comporte comme s'il était le véritable dirigeant et sape l'autorité de celui-ci.

Les griefs relevés dans la lettre de licenciement sont avérés et le jugement doit être confirmé.

Il serait inéquitable de laisser à la SA [O] la Grande Marque la charge de ses frais irrépétibles et il est fait droit à sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000€.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [E] [Z] à payer à la SA [O] la Grande Marque la somme de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [E] [Z] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Marc SAUVAGE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/07475
Date de la décision : 24/05/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/07475 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-24;15.07475 ?
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