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18/05/2017 | FRANCE | N°16/01306

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 mai 2017, 16/01306


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 18 MAI 2017



(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 16/01306

















Madame [O] [U]



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Association PÈRE LE BIDEAU - INSTITUT TOUS VENTS





















Nature de la décision : AU FOND

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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : j...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MAI 2017

(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 16/01306

Madame [O] [U]

c/

Association PÈRE LE BIDEAU - INSTITUT TOUS VENTS

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 février 2016 (R.G. n°F2015/162) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 23 février 2016,

APPELANTE :

Madame [O] [U]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anne LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE :

Association PÈRE LE BIDEAU - INSTITUT TOUS VENTS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentée par Me Frédéric BAUSSET, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2017 en audience publique, devant Monsieur Marc SAUVAGE, Président, Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sophie BRIEU, Vice-Présidente Placée,

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

L'Association Père le Bideau est une association destinée aux jeunes adultes en difficultés familiales et sociales. Madame [O] [U] a été engagée le 1er octobre 2014 à temps partiel, en tant que 'commis en économat' pour l'Institut Tous Vents qui est un des établissements éducatifs qu'il gère dans le département de la Charente.

À partir de 2006, elle travaille à temps complet.

En janvier 2012, elle est placée en arrêt maladie pendant presque 9 mois suite à une intervention chirurgicale.

Le 15 février 2013, elle est en arrêt maladie jusqu'au 13 mai 2014.

Le 19 mai 2014, elle est déclarée inapte en une seule visite par le médecin du travail, sans reclassement envisageable.

Le 22 mai 2014, elle est convoquée pour le 4 juin à un entretien préalable au licenciement, puis licenciée le 10 juin.

Elle saisit le conseil de prud'hommes d'Angoulême par requête du 14/04/2015, reçue au greffe le 24/04/2015.

Lors de l'audience du 17 décembre 2015, elle demande la condamnation de l'Institut à lui payer les sommes de :

'10 000€ à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'article L 1152-4 du code du travail (prévention contre le harcèlement moral),

'20 000€ à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'article L 1152-1 ( harcèlement moral ).

' 25 000€ à titre d'indemnité pour licenciement nul et, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' 3 654,56€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 364,57€ au titre des congés payés sur préavis,

' 2 256€ à titre d'indemnité de gestion,

' rectifier les documents sociaux sous astreinte,

' 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, l'Institut a demandé que Madame [U] soit déboutée de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 17 décembre 2015, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a débouté Madame [U] de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [U] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 26 février 2016.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 07 mars 2017, Madame [U] reprend l'intégralité de ses demandes.

Elle rappelle que l'Association gère huit établissements et services dans lesquels elle accueille des jeunes et des adultes en difficulté familiale et sociale. Elle emploie plus de onze salariés et fait application de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. L'Institut a pour mission la charge de jeunes en difficulté dans le cadre d'un ITEP (Institut thérapeutique éducatif et psychologique) et d'un SESAD.

Elle rappelle qu'à l'origine en 2004 elle travaillait en doublon avec Madame [H] dont le départ en retraite était prévu quatre ans plus tard et qu'elle n'avait reçu aucune aide de la comptable, Madame [X].

En 2005, l'arrivée d'un nouveau directeur a permis de normaliser ses conditions de travail mais en provoquant l'animosité de Madame [X], sans conséquences dans la mesure où elle-même était mutée au siège.

Suite au départ de ce directeur, fin 2008, Madame [X] revenait travailler sur le même site qu'elle et elle était conduite à alerter l'inspection du travail ce qui amenait une amélioration durant quelques mois.

Après son retour d'arrêt maladie, trois salariées se liguaient contre elle et elle était amenée à s'en ouvrir auprès du directeur à la fin de l'année 2012.

En décembre 2012 son médecin la mettait en arrêt de travail jusqu'au 08 janvier 2013 et dès son retour elle était contrainte de porter des charges lourdes contrairement aux préconisations du médecin du travail et malgré son statut de travailleur handicapé.

Le 15 février 2013, elle était placée en arrêt de travail pour dépression et dénonçait une nouvelle fois auprès de la direction les faits de harcèlement moral dont elle était l'objet, en saisissant également un syndicat, le CHSCT, les délégués du personnel, la médecine du travail.

Elle rappelle qu'au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait un salaire de 1 748,33€.

Elle fait état de pratiques relationnelles génératrices d'humiliations ( isolement, reproches, critiques, violence verbale...). Madame [X] en était à l'origine et elle en établit l'existence par les attestations de Madame [R] et de Monsieur [K]. Elle a été contrainte de travailler dans une ambiance générale délétère.

Elle reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité et de prévention, conteste le caractère probant des attestations qu'il produit et indique que les courriels communiqués ont été échangés durant son arrêt maladie. Elle s'étonne de ce que lors de la réunion du CHSCT du 25 mars 2013, il ait été proposé l'intervention d'un médiateur extérieur et que le directeur ait proposé de la recevoir toutes les semaines, s'il n'existait pas de difficulté particulière.

Elle énumère les pièces médicales qu'elle produit qui établissent l'existence de son mal être.

Concernant le licenciement, elle en soulève d'abord la nullité au motif que son inaptitude était due au harcèlement moral dont elle faisait l'objet.

Puis elle indique que seul le président de l'Association avait le pouvoir de signer la lettre de licenciement et que celle-ci a été signée par le directeur.

Concernant le reclassement, elle retient que les livres d'entrées et de sorties du personnel dans les différents établissements de l'Association établissent que des postes pouvaient lui être proposés. Les recherches dont il est argué sont de pure forme ainsi que l'établissent la promptitude des réponses. Le médecin du travail n'a pas été contacté.

L'indemnité de gestion concerne une prime à laquelle elle avait droit et qu'elle n'a jamais perçue.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 10 février 2017, l'Institut rappelle que Monsieur [K], l'ancien directeur, avait été accusé de harcèlement moral par Madame [H] et qu'il avait refusé de respecter les procédures indiquées par l'Association.

Il est rappelé les différentes prises au retour de Madame [U] en novembre 2012 : rencontres régulières avec le directeur, saisine du CHSCT, proposition d'intervention d'un médiateur extérieur.

L'Association a recherché une possibilité de reclassement dès le 19 mai 2014.

Madame [U] produit à l'appui de sa demande fondée sur la reconnaissance du harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet des pièces qui retranscrivent ses propres doléances. L'attestation de M. [K], l'ancien directeur, concerne des faits antérieurs au mois d'avril 2008. Ce directeur a été licencié et est le parrain de la fille de Madame [U]. Le témoignage de Madame [R] est partial et tronqué, étant rappelé qu'elle a quitté son emploi en mars 2011.

La DIRECCTE n'a donné aucune suite à la plainte et les échanges de courriels entre Madame [U] et Madame [X] établit la réalité de leurs relations.

L'Institut reprend les mesures qu'il a mises en place.

Le Directeur avait mandat pour procéder au licenciement.

Concernant l'obligation de reclassement, la rapidité des réponses des directeurs d'établissements n'est pas critiquable eu égard à la spécificité du poste occupé par Madame [U] et à la connaissance par les intéressés de leurs besoins en personnel.

Madame [U] n'avait pas droit à l'indemnité de gestion, dont la demande est au surplus prescrite et le calcul erroné.

L'Association demande en conséquence la confirmation du jugement et, à titre reconventionnel, la condamnation de Madame [U] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des moyens et prétentions respectifs des parties il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En ce qui concerne les faits de harcèlement moral, l'article L 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Concernant la charge de la preuve, l'article L 1154-1 précise que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, qu'au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

À l'appui de sa demande, Madame [I] produit en premier lieu les courriers qu'elle a adressés à son employeur le 20/02/2013 et à l'inspection du travail le 17/04/2013. Ces courriers font état du comportement qu'elle reproche à Madame [X] la comptable. Elle indique dans le courrier adressé à l'employeur :

'Dès le début Madame [X] a su dissimuler ses méfaits, évitant toujours la présence de personnes susceptibles de les répéter ou pouvant lui faire du tort, faisant bonne figure surtout devant vous, Monsieur le Directeur. Pire encore, elle tente d'inverser les rôles, me faisant passer pour l'agresseur.'

Dans le même courrier, elle indique cependant, de façon parfaitement contradictoire :

'Pour autant, Madame [X] racontait à qui voulait bien l'entendre dans son service que j'étais une incapable, que j'avais bénéficié de faveurs en occupant le poste de son ancienne collègue et amie Madame [H] aujourd'hui à la retraite. ...

Critiques, brimades, sont devenues mon lot quotidien, 'elle ne sait rien faire, elle fait toujours des conneries' toujours à me dénigrer devant Madame [V] et Madame [S].'

Dans le même courrier adressé à son employeur, elle affirme que les attitudes caractérisant le harcèlement à son encontre sont clandestines, puis qu'elles sont publiques.

Dans ses conclusions, elle indique que c'est surtout à son retour que la situation a dégénéré. Ce retour est celui après une intervention chirurgicale, le 01 octobre 2012. Elle travaillera ensuite jusqu'en février 2013 où elle sera en arrêt de travail et ne reprendra pas le travail jusqu'à son licenciement.

Dans son courrier à l'inspection du travail, elle décrit également une situation très dégradée depuis son arrivée dans l'institution :'Me [X] (la comptable) m'a pris en grippe dès le début.' Elle fait également état de propos récurrents, qui la déconsidèrent en précisant 'bien entendu ça se passe toujours quand il ya personne elle est très maligne.'

Elle décrit ensuite une situation à son retour de maladie en janvier 2011 ( en réalité janvier 2012). A son retour, elle décrit une coalition contre elle (Me [X], Me [S] et Me [V]) et même la directrice adjointe Me [P] en précisant à nouveau :

'Le pire d'en tout ça c'est qu'on fait en sorte d'être désagréable avec moi quand il ya personnes elles sont très maligne...'

Deux délégués du personnel, Monsieur [E] et Monsieur [A], ont écrit respectivement les 16 et 15 avril 2013 à l'inspection du travail en signalant, pour Monsieur [A], les doléances dont il a été saisi de la part de Madame [U] en précisant que l'état dépressif de cette dernière s'était dégradé au cours des dernières semaines. Il précise avoir rencontré les conseillers de l'inspection du travail en octobre 2012 afin de connaître la procédure pour constituer un dossier de harcèlement. Il précise également avoir, à plusieurs reprises, lors des réunions de délégués du personnel, interpellé la direction, sans pour cela nommer des personnes en particulier. Les procès-verbaux de ces réunions ne sont pas produits.

Monsieur [E] indique qu'il est interpellé par Madame [U] depuis cinq ans qui décrit les brimades et réflexions émanant notamment de 2 collègues, et encore plus particulièrement de Madame [X].

'Même si je n'ai jamais assisté directement à des actes ou des paroles envers Madame [U], le peu de temps passé dans les bureaux où elle travaille, permet de se rendre compte de l'ambiance délétère dans laquelle elle évolue, et le 'niveau' des conversation ne m'aménerait pas moi non plus, à chercher le lien avec les collègues concernés.

Les réflexions et le ton employés sont aussi souvent totalement déplacés, et le vivre au jour le jour doit être épuisant et déstabilisant, d'autant plus que Madame [U] a déjà alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises, sans effet semble-t-il'

Il n'indique pas quelles suites il a données à ces doléances.

Le psychiatre qui la suit, le Docteur [O] a établi, le 07/05/2014 un certificat dans lequel il relate suivre Madame [U] depuis le 16/04/2013 pour une symptomatologie dépressive survenue dans un contexte de difficultés au sein de son travail entraînant une incapacité pour laquelle une interruption de son activité professionnelle a été nécessaire : 'La mise à distance de son poste a amené une légère amélioration des troubles de l'humeur mais une recrudescence réapparaît à l'évocation d'une reprise ou d'une nouvelle immersion dans le milieu professionnel.

Une rechute est hautement probable dans ce contexte et il a lieu d'envisager une inaptitude totale et définitive à tout poste dans son établissement. Une reprise impliquerait une mise en danger de Madame [U].'

Une infirmière a attesté que Madame [U] s'était présenté aux urgences du centre médico-psychologique du centre hospitalier spécialisé [Q] [D] les 09, 16 et 23 décembre 2013.

Les 27 décembre 2013 et 27 avril 2014, son médecin traitant a écrit deux courriers, au médecin du travail d'après leur teneur aux termes desquels elle présentait 'une profonde souffrance au travail avec mise en danger de sa vie' et concluant à l'urgence d'un licenciement pour inaptitude totale et définitive à son travail dans cette association.

Elle a effectivement été déclarée inapte dans le cadre d'une seule visite par le médecin du travail le 19 mai 2014.

Madame [U] produit la copie d 'un courriel que Monsieur [K], ancien Directeur de l'Association, du 05 janvier 2005 au 28 avril 2009 a adressé, le 18/03/2013 à l'inspection du travail qui décrit la maltraitance de Madame [X] envers Madame [H] qui 'en a subi le harcèlement le plus terrible puisque le plus indirect'.et qui précise :

'Je suis prêt à apporter des témoignages précis des harcèlements répétitifs de Madame [X], eu égard de Madame [U].'

Aucune attestation de l'intéressé n'est produite.

Madame [Z] [R], ancienne éducatrice qui, en dernier lieu travaillait dans les services administratifs a établi deux attestations l'une le 04 avril 2015, et l'autre le 18 octobre 2016. Madame [R] a définitivement cessé de travailler pour l'Association en 2011 et précise, que lorsqu'elle venait porter des documents administratifs dans le cadre de son arrêt maladie qui s'est terminé par une inaptitude :

'... c'était au tour de Madame [U] de souffrir de harcèlement. Je voyais la situation se dégrader. Madame [U] avait perdu son sourire puis la porte de son bureau restée fermée et lorsque je frappai pour lui dire bonjour c'était pour la trouver en larmes.

J'entendais une partie des conversations tenues par ses collègues :

'elle ne sait pas faire, elle est nulle, c'est un poste qui coûte trop cher.'

Si l'on fait la synthèse de ces éléments, les faits ne reposent que sur les affirmations de Madame [U], étant relevé que le seul témoignage un peu précis, celui de Madame [R], qui n'est plus salariée de l'Association ne cite aucun nom. De plus, Madame [U] a émis des assertions contradictoires sur le fait que les agressions verbales qu'elle subissait aient pu être entendues et il est très surprenant que le seul témoignage direct qu'elle produise émane d'une salariée qui ne se présentait plus au siège de l'Association que pour y remettre des documents dans le cadre de son arrêt pour maladie.

De plus, ill ne peut qu'être relevé que les courriels échangés avec Madame [I] à l'occasion de sa reprise du travail en octobre 2012, ont une tonalité chaleureuse; Ainsi le 03 septembre 2012, Madame [X] envoie à 9:24 le courriel suivant à Madame [U] :

'Bonjour [O]

J'espère que tu vas mieux, pour nous la reprise est déjà loin,

Je te passerai un coup de fil, dans la semaine, car ce matin ça démarre sur les chapeaux de roue.

Bises A+

[N]'

Et Madame [U] lui répond à 11h07:

'je vais un peu mieux j'ai décidé de reprendre le 1er octobre car j'en ai trop marre de rester enfermé!! bon courage pour la rentrée!!

bises

[O]'

Pour expliquer la tonalité des ces échanges, elle fait état que la situation se serait réellement dégradée en octobre 2012, date de son retour après huit mois et demi de congé maladie et de sa volonté de se concilier les bonnes grâces de Madame [I] dont il faut observer qu'elle prenait l'initiative de prendre des nouvelles de Madame [U] sur un ton conforme à des relations de qualité normale entre des collègues qui travaillent ensemble depuis près de 10 ans.

Les assertions à certains égards contradictoires de Madame [U], étant relevé qu'il est difficile de déterminer la période exacte à laquelle débuté le harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi -dans ses conclusions, elle fait état d'une première saisine de l'inspection du travail bien antérieure sans en justifier et, au plus tôt en 2011, Madame [H] est frappée par la porte de son bureau fermée et le fait qu'elle ait perdu son sourire-; l'absence d'un témoignage direct identifiant l'auteur du harcèlement : il est beaucoup question de Madame [I] mais le seul témoignage direct, trop fragile pour être retenu, est celui de Madame [R] qui mentionne 'les collègues' de Madame [U], sans même citer un nom; les certificats médicaux qui font état d'un état dépressif sévère consécutif à des difficultés professionnelles et l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne permettent pas d'établir à eux seuls des faits matériels de harcèlement moral.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

En ce qui concerne l'absence de mise en place d'une politique de prévention du harcèlement moral de la part de l'employeur, aux termes de l'article L 1152-4 du contrat de travail l'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral. Il n'est justifié de l'existence d'aucune mesure de prévention de cet ordre, la seule qui, au vu des pièces produites, pourrait s'en rapprocher est celle de la mise en place, dans le cadre du CHSCT, en 2013, d'un travail sur les risques psycho-sociaux à partir du questionnaire Karasek qui est un instrument de mesure du stress au travail. Cette mise en place est trop tardive dans le cadre du présent litige et ne peut pas se confondre avec la mise en place d'une politique de prévention spécifique du harcèlement moral. En revanche, Madame [U], qui n'établit pas qu'elle a souffert de harcèlement moral, ne justifie pas du préjudice qui en résulte pour elle et, en conséquence, le jugement qui l'a déboutée de ce chef doit être confirmé.

La lettre de licenciement du 10 juin 2014 est signée par le directeur, Monsieur [V] [Z] qui agissait au nom de l'association et dès lors que la lettre de licenciement mentionnait un motif précis, il revient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif invoqué. De plus, le règlement intérieur de l'Association dispose que dès lors qu'un licenciement est envisagé, le directeur en informe le président et saisit la cellule juridique. L'ancien secrétaire général a, dans une attestation du 08/02/2017 -étant relevé que le moyen tiré du défaut de pouvoir du président n'a été soulevée par le conseil de Madame [U] que dans ses dernières conclusions devant la cour d'appel - qui n'est pas utilement critiquée, qu'il avait associé le président de l'association, dès l'avis d'inaptitude du médecin du travail, à la procédure de reclassement puis de licenciement.

En ce qui concerne la rapidité avec laquelle ont été reçues les réponses négatives quant au reclassement, s'agissant d'une structure départementale qui regroupe des établissements éducatifs sur un poste d'un commis en économat, elle n'appelle pas plus de critique: chaque directeur d'une telle structure est immédiatement en mesure de savoir s'il dispose ou non d'un tel poste. L'appelante a fait observer qu'un commis en économat avait été recruté en juin 2014 : c'était précisément sur son poste et le fait qu'une mutation soit intervenue quelques semaines plus tard est indifférent, sauf à prouver la fraude ce qui n'est pas allégué.

Pour le surplus, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, et qui n'ont pas été remis en cause en appel, que le conseil de prud'hommes a débouté Madame [U] de la demande de revalorisation indiciaire sollicitée.

Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et Madame [U], qui succombe, doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [O] [U] aux dépens.

Signé par Marc SAUVAGE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/01306
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/01306 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;16.01306 ?
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