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10/04/2017 | FRANCE | N°15/07725

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 10 avril 2017, 15/07725


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 10 AVRIL 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 15/07725









[W] [L] divorcée [M]



c/



[P] [U]

[G] [U]

























Nature de la décision : AU FOND

















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Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 novembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 12/10045) suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2015





APPELANTE :



[W] [L] divorcée [M]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

de nat...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 AVRIL 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 15/07725

[W] [L] divorcée [M]

c/

[P] [U]

[G] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 novembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 12/10045) suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2015

APPELANTE :

[W] [L] divorcée [M]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Représentée par Maître Myriam KERNEIS, avocat plaidant au barreau de DAX

INTIMÉS :

[P] [U]

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 2]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Maître Muriel MERCY, avocat au barreau de BORDEAUX

[G] [U]

née le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 2]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Maître Muriel MERCY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 mars 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine COUDY, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte du 18 octobre 2012, Mme [L] divorcée [M] (ci-après Mme [L]) a fait citer [G] et [P] [U] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins de les voir condamner à lui payer la somme principale de 78.300€, au titre d'une reconnaissance de dette du 23 juillet 2009 souscrite par leur père décédé [K] [U], cette somme devant subsidiairement lui revenir au titre de l'enrichissement sans cause, ainsi que 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.

Mme [L] a vécu en concubinage avec [K] [U], père des assignés, décédé le [Date décès 1] 2011 ; celui-ci a acquis un bien immobilier le 12 octobre 2009 pour le prix de 140 000 €, achat à l'occasion duquel elle lui a versé une somme de 78 500 €, ce qui a donné lieu à un écrit du 23 juillet 2009. Les héritiers de [K] [U] , ses deux enfants, ont engagé à l'encontre de Mme [W] [L] , demeurée dans le bien acquis après le décès de son compagnon, une procédure aux fins d'expulsion, validée par le juge des référés le 2 octobre 2012, et justifiée par une impossibilité de vendre l'immeuble dépendant de la succession du fait de son occupation.

Soutenant que le projet commun de Mme [W] [L] et [K] [U] était l'achat d'un bien immobilier en commun, et qu'à la suite de son propre divorce, qui était en cours lors de l'achat du bien immobilier, et n'a été prononcé que le 6 février 2011, sans que [K] [U], gravement malade, ait le temps de formaliser la cession, elle devait devenir propriétaire du bien avec lui par compensation avec la somme versée, elle a réclamé à ses héritiers le paiement de cette somme.

Par jugement du 17 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté Mme [L] de ses demandes,

- rejeté pour le surplus

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le tribunal a constaté que, si l'acte du 23 juillet 2009 reconnaît que l'acquisition de la maison a été financée par moitié par Mme [L] et comporte un engagement à régulariser un acte de cession de la moitié du bien après son divorce avec paiement par compensation, il ne peut pas correspondre à une reconnaissance de dette, ni à un contrat de prêt, mais plutôt à un engagement de vente ; que l'action de in rem verso ne peut pas non plus prospérer, tant en l'absence de contrat de prêt, que parce que la demanderesse a agi à ses risques et périls, sans pouvoir invoquer un paiement involontaire, visiblement du fait de sa procédure de divorce, et Mme [L] n'a pas démontré qu'il s'agissait de fonds propres et non détournés de la communauté.

Mme [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat le 9 décembre 2015, ce dans des conditions de régularité non contestées.

Par dernières conclusions récapitulatives n°2 signifiées par RPVA le 27 septembre 2016, Mme [L] demande à la cour de :

À titre principal,

- voir retenir l'existence d'un contrat synallagmatique passé entre elle et M. [U] au terme duquel il s'engageait à régulariser un acte de cession de la moitié de la valeur du bien en contrepartie du versement de la moitié du prix de cession auquel il l'a acquis,

- voir condamner M. [U] [P] et Mme [U] [G] au paiement de la somme de 95.000 € à titre de dommages-intérêts ;

À titre subsidiaire, vu les dispositions de l'article 1326 ancien du code civil,

- voir retenir l'existence d'une dette au profit de Mme [L] divorcée [M],

- voir condamner M. [U] [P] et Mme [U] [G] au paiement de la somme de 95.000 € au profit de Mme [L] divorcée [M] ;

À titre infiniment subsidiaire,

vu l'enrichissement sans cause,

- voir condamner les consorts [U] au paiement de la somme de 78.300€ avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2009, et capitalisation des intérêts au terme d'une année échue pour porter à leur tour intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- voir débouter les consorts [U] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions,

- voir condamner les mêmes au paiement de la somme de 4.500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir condamner les mêmes aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle allègue que contrairement à ce qu'a pu retenir le tribunal, l'acte signé le 23 juillet 2009 n'a manifestement pas pu constituer une promesse unilatérale de vente. En effet, aux termes de cet acte, M. [U] a reconnu que le bien qu'il allait acquérir serait financé par Mme [L] à hauteur de la moitié qu'elle avait versé sur son compte. Ainsi, il s'est engagé irrévocablement et définitivement à régulariser un acte de cession de la moitié du bien en l'état et ce au moyen d'un paiement par compensation avec les sommes payées. L'acte constitue donc une promesse synallagmatique.

Concernant la reconnaissance de dette, elle estime qu'aux termes de l'acte du 23 juillet 2009, M. [U] a reconnu devoir la valeur de la moitié du bien au moment de la réalisation de l'acte de cession en contrepartie de la remise réalisée par Mme [L] pour un montant de 78.300€.

Concernant l'enrichissement sans cause, le patrimoine de M. [U], et par conséquent celui de ses héritiers, s'étant enrichi au détriment de celui de l'appelante, l'action de in rem verso est bien fondée. Il ne peut lui être reproché une quelconque dissimulation, dont la preuve n'est pas rapportée, alors qu'elle a versé aux débats des pièces justifiant de ce qu'elle est bien détentrice de fonds lui appartenant.

Par conclusions signifiées par RPVA le 15 février 2017, M. [P] [U] et Mme [G] [U] demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [L] au paiement d'une somme de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens de l'instance.

Ils font valoir :

- concernant la prétendue convention synallagmatique, que la promesse unilatérale de vente n'ayant pas été constatée par acte authentique ou acte sous seing privé enregistré dans un délai de 10 jours à compter de son acceptation par Mme [L] est nulle de plein droit en application de l'article 1589-2 du code civil. Il ne peut non plus s'agir d'une convention synallagmatique puisque seul M. [U] a souscrit aux termes de cet acte d'engagement. De plus, les parties n'entendaient pas conclure une promesse synallagmatique de vente, et ce afin d'éviter que par ses effets, l'immeuble entre dans le cadre de l'actif commun du couple [M]/[L], encore en procédure de divorce, et afin de le détourner ainsi que du gage des époux et à tout le moins des créanciers de la communauté Mme [L] ne saurait donc invoquer sa propre turpitude et interpréter l'acte du 23 juillet 2009 au détriment des enfants de M. [U]

- concernant la prétendue reconnaissance de dette, que Mme [L] ne saurait suppléer l'absence de contrat de prêt entre les parties et mettre à leur charge une obligation de paiement, en raison des termes de la correspondance de maître [V] notaire du 25 mai 2011;

- et concernant l'enrichissement sans cause, que le financement effectué par Mme [L] a été réalisé pour acquérir un immeuble où Mme [L] projetait de résider avec son compagnon et ses trois enfants, et que cette acquisition s'est effectuée à ses risques et périls.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 février 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [W] [L] fait valoir trois fondements à sa demande : un acte synallagmatique de vente, une reconnaissance de dette et l'enrichissement sans cause des héritiers de [K] [U].

Lors du versement par Mme [W] [L] à [K] [U] de la somme de 78300 € préalablement à l'achat du bien immobilier au seul nom de celui-ci, il a été établi un document ainsi libellé :

'Je soussigné M. [U] [K] reconnais que le prix de l'acquisition de la maison située à [Adresse 3] ainsi que la commission d'agence ont été financés à concurrence de moitié par Madame [W] [L] [M], au moyen d'un versement qu'elle a effectué sur mon compte bancaire Crédit mutuel agence de Biganos, (copie des relevés de banque ci-joints).

Je m'engage irrévocablement et définitivement à régulariser un acte de cession de la moitié du bien dans l'état où il se trouvera, mais également dans la consistance où il se trouvera dès que la procédure de divorce entre les époux [L] [M] sera définitivement terminée, et ce au moyen d'un paiement par compensation avec les sommes qu'elle a déjà payées sus relatées.

Les frais de cet acte seront payés à concurrence de moitié chacun.

Fait à Pessac le 23 juillet 2009.

[K] [U] [W] [L] [M]

bon pour accord bon pour accord'

suivi de la signature de l'un et de l'autre et du tampon et de la signature du notaire maître [D], qui a reçu l'acte de vente du bien immobilier ; à ce document est jointe la copie du chèque de 78300 €.

Ce document signé devant et par le notaire doit s'analyser comme une promesse synallagmatique de vente, signée par les deux parties, avec une cause licite, un accord sur la chose et sur le prix, avec une condition suspensive, que le divorce de Mme [W] [L] devienne définitif.

Telle est bien l'analyse qui en avait été faite par le notaire chargé de la succession de [K] [U], puisque celui-ci écrivait le 2 mai 2011 à maître [R], avocat intervenu auprès de lui dans l'intérêt de Mme [W] [L] : 'je tiens à rassurer votre cliente sur le fait que les héritiers de monsieur [U] ont été informés de la reconnaissance qui avait été régularisée chez mon confrère, et, bien entendu, il devra être tenu compte de ce passif dans le cadre du règlement de la succession.', qui, s'il se réfère à une reconnaissance de dette et non à une promesse de vente, admet une créance de Mme [W] [L] sur la succession, que ses héritiers sont malvenus à contester.

Ce mécanisme évitait à Mme [W] [L] que sa part du bien immobilier rentre dans la communauté existant avec son mari, dont la liquidation devait suivre le prononcé définitif du divorce.

Les époux [L] [M] avaient procédé en 2006 à la vente d'un bien immobilier commun pour un solde de 183 000 € après remboursement du prêt, solde dont Mme [W] [L] avait touché sa part de moitié, de sorte qu'elle disposait en toute transparence à l'égard de son époux de la somme versée à [K] [U].

Le divorce a été prononcé par arrêt du 8 février 2011, étant précisé que l'appel de l'époux portait non sur le principe du divorce, prononcé sur demande acceptée, mais sur les conséquences de celui-ci , notamment en termes de prestation compensatoire, et ne pouvait devenir définitif qu'à l'issue du délai de pourvoi, et [K] [U] est décédé deux mois plus tard, sans que [K] [U] et Mme [W] [L] aient eu le temps dans le contexte de la grave maladie dont il est décédé de formaliser la vente projetée. Les opérations de liquidation de la communauté des époux [L] [M] n'ont quant à elle été ouvertes que le 2 février 2013.

La cession envisagée par le défunt au profit de sa compagne ne peut désormais avoir lieu, étant d'ailleurs précisé que le bien immobilier a été vendu par les héritiers de [K] [U] le 27 mai 2016, et la promesse se résout, du fait de cette inexécution, en paiement de dommages intérêts égaux à la part de Mme [W] [L] dans l'achat, soit la somme de 78300 €.

Le jugement sera réformé et il sera fait droit à hauteur de cette somme à la demande de Mme [W] [L] .

En revanche, il n'y pas lieu de condamner les héritiers au paiement de la somme de 95000 € qui représente selon l'appelante la valeur du bien, dans la mesure où [K] [U] avait vendu une partie du terrain, et où le fondement de la demande de Mme [W] [L] est l'inexécution de la promesse de vente, et non sa part de la valeur de l'immeuble, qui au demeurant est alléguée sur la base d'une unique estimation ; le prix de vente obtenu par les intimés, soit 120 000 € , n'a pas à être pris en compte, ce prix relevant de leur choix et de l'état de la maison inoccupée quatre ans après que Mme [W] [L] a été contrainte de la quitter.

Il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner les deux autres fondements invoqués par Mme [W] [L], au titre desquels cependant elle aurait pu surabondamment obtenir la réformation du jugement.

Les consorts [P] et [G] [U] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, déboutés de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés à payer à Mme [W] [L] une somme de 2500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau, condamne solidairement M. [P] [U] et Mme [G] [U] à payer à Mme [W] [L] la somme de 78300 € à titre de dommages intérêts à raison de l'inexécution de la promesse de vente à elle consentie le 23 juillet 2009 par [K] [U] , et la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [P] [U] et Mme [G] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, Président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/07725
Date de la décision : 10/04/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°15/07725 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-10;15.07725 ?
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