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10/04/2017 | FRANCE | N°15/05924

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 10 avril 2017, 15/05924


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 10 AVRIL 2017



(Rédacteur : Michèle ESARTE, président,)





N° de rôle : 15/05924









Association LES AMIS DE L'OEUVRE WALLERSTEIN CENTRE MEDICO CHIRURGICAL



c/



[Z] [K]

























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 15/01827) suivant déclaration d'appel du 28 septembre 2015.





APPELANTE :



Association LES AMIS DE L'OEUVRE WA...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 AVRIL 2017

(Rédacteur : Michèle ESARTE, président,)

N° de rôle : 15/05924

Association LES AMIS DE L'OEUVRE WALLERSTEIN CENTRE MEDICO CHIRURGICAL

c/

[Z] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 15/01827) suivant déclaration d'appel du 28 septembre 2015.

APPELANTE :

Association LES AMIS DE L'OEUVRE WALLERSTEIN CENTRE MEDICO CHIRURGICAL agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1]

Représentée par Maître ABDELNOUR loco Maître Antoine CHAMBOLLE de la SELARL CHAMBOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[Z] [K]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

de nationalité Française

Profession : médecin anesthésiste, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Représenté par Maître Isabelle LUCAS-BALOUP, avocat plaidant au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Michèle ESARTE, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

FAITS CONSTANTS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le Docteur [K], médecin anesthésiste réanimateur, exerçait son activité à titre libéral au sein du [Établissement 1] à [Localité 2] géré par l'association ' les amis de l'oeuvre Wallerstein' depuis le 12 novembre 2001, date à laquelle les parties avaient conclu un contrat d'exercice libéral. Ce contrat prévoyait dans son article 11 la faculté de résiliation unilatérale en cas de faute grave et renouvelée : « Il pourra néanmoins faire l'objet d'une résiliation de la part de l'une ou l'autre des parties conformément à l'article 1184 du Code civil, en cas de fautes graves et renouvelées et de contraventions aux termes du présent contrat ».

Par lettre recommandée en date du 16 mai 2014, signifiée également par voie d'huissier le 21 mai 2014, le CMC Wallerstein a informé Monsieur [K] de sa décision, validée par le conseil d'administration, de rompre le contrat d'exercice libéral le liant au médecin.

Dans son courrier, le CMC Wallerstein fait état d'une agression survenue le 30 avril 2014 dont M. [K] serait l'auteur envers le docteur [R] et de multiples incidents relatifs à des dysfonctionnements médicaux et administratifs de M. [K] entre 2002 et 2013.

Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:

- dit que la résiliation du contrat intervenue le 16 mai 2014 à l'initiative du [Établissement 1] est abusive,

- en conséquence, a condamné le CMC Wallerstein à payer à M. [K] les sommes suivantes :

* 145.522,50€ (cent quarante-cinq mille cinq cent vingt-deux euros et cinquante centimes) au titre de l'indemnité de préavis,

* 139.852 € (cent trente-neuf mille huit cent cinquante-deux euros) au titre de la perte de possibilité de présenter un successeur,

* 15.000 € (quinze mille euros) au titre du préjudice moral,

* 8.000 € (huit mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- débouté M. [K] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié du montant des condamnations,

- condamné le CMC Wallerstein aux dépens.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que M. [K] n'a pas commis de fautes suffisamment graves dans le cadre de son exercice au [Établissement 1] pour justifier la résiliation sans préavis de son contrat d'exercice libéral. En premier lieu, s'il est fait état d'une tentative de strangulation du docteur [R] par le docteur [K], aucun élément ne permet de vérifier de manière certaine cette altercation. En second lieu, le [Établissement 1] a reproché au docteur [K] d'avoir fait payer des dépassements d'honoraires interdits à ses patients ainsi que d'avoir abandonné son poste. Pour chacun de ces actes, le [Établissement 1] a affirmé avoir émis des rappels à l'ordre par voie postale à destination du docteur [K]. Cependant, le tribunal a relevé qu'aucun entretien n'a eu lieu avec le docteur [K] pour lui permettre de s'expliquer sur la faute lourde qui lui était reprochée. En conséquence, le tribunal a jugé que la résiliation du contrat à la demande du [Établissement 1] ne pouvait intervenir de manière soudaine et le docteur [K] était en droit de prétendre aux diverses indemnités prévues par le contrat.

Le [Établissement 1] a relevé appel de ce jugement. M. [K] a formé appel incident de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 16 décembre 2015, le [Établissement 1] demande à la cour d'infirmer dans son intégralité le jugement rendu et, statuant à nouveau, de :

à titre principal:

- dire et juger que les manquements reprochés au docteur [K] sont suffisamment graves et renouvelés pour justifier la résolution du contrat d'exercice libéral le liant à lui.

En conséquence,

- prononcer la résolution du contrat d'exercice libéral conclu le 12 novembre 2001 entre le docteur [K] et lui,

- débouter le docteur [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le docteur [K] n'a subi aucun préjudice au titre du préavis,

- dire et juger qu'il n'a pas subi de perte de droit de présentation de patientèle,

- dire et juger qu'il n'a subi aucun préjudice moral.

En conséquence,

- débouter le docteur [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

- le condamner à verser au [Établissement 1] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le docteur [K] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 12 février 2016, le docteur [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

* a débouté le [Établissement 1] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

* l'a déclaré recevable et bien-fondé en sa demande,

* a constaté la résiliation abusive du contrat à durée indéterminée intervenue le 16 mai 2014 à l'initiative du [Établissement 1],

* a condamné le [Établissement 1] au paiement de 139.852€ à titre de dommages et intérêts compensatoires de la perte de la possibilité de désigner un successeur.

Sur l'appel incident,

- condamner le [Établissement 1] à :

* 419.577€ de dommages et intérêts en réparation de la privation du respect d'un délai de préavis de 18 mois,

* 50.000€ à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice moral et professionnel subi par lui,

* 15.000€ HT au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) pour sa défense devant la cour s'ajoutant à ceux fixés en première instance,

* et en tous les dépens, dont distraction au profit de l'avocat postulant,

* dire et juger que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2015, date du prononcé du jugement de première instance et ordonner l'anatocisme prévu à l'article 1154 du code civil.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur la résiliation du contrat :

L'article 11 du contrat d'exercice libéral liant l'association « les amis de l''uvre Wallerstein », et le docteur [Z] [K] règle l'ensemble des dispositions relatives à la période d'essai, à la démission, à la rupture du contrat d'un commun accord et à la résiliation.

Relativement à ce dernier point , l'article 11 dispose : « il [le contrat] pourra néanmoins faire l'objet d'une résiliation de la part de l'une ou de l'autre des parties conformément à l'article 1184 du Code civil, en cas de faute graves et renouvelés et de contravention aux termes du présent contrat. »

Dans le cas soumis à la cour, c'est la clinique qui supporte le fardeau de la preuve de l'existence de fautes graves et renouvelées de la part du docteur [K].

La lettre de résiliation du contrat en date du 16 mai 2014, rédigée par la présidente de l'association gérant la clinique, évoque une tentative d'étranglement d'un confrère le Docteur [R] le 30 avril 2014.

Le courrier indique qu'il s'agit là d'une faute lourde dans l'exercice du contrat qui ne peut qu'entraîner sa rupture immédiate et sans préavis.

La lettre de résiliation rappelle que cet incident fait suite à 'de très nombreux incidents, de très nombreux rappels à l'ordre grave de toute nature et à de très nombreuses lettres simples recommandées auxquels vous n'avez jamais répondu, notamment'

' le 2 novembre 2013 un événement indésirable grave survenu au bloc opératoire le 23 octobre

' le 22 janvier 2013 la direction vous a rappelé une énième fois que les dépassements d'honoraires étaient interdits en secteur 1

' le 19 mars 2012 par lettre recommandée concernant une plainte déposée par une patiente auprès de l'ARS qui n'a pas amené de réponse de votre part

' en mai 2012 ou j'ai dû vous rappeler vos obligations à l'égard de la SCM

' en janvier 2012, par lettre recommandée de la présidente de l'association intervenant auprès de vous pour le problème des dépassements d'honoraires, sans réponse de votre part

' même situation le 23 septembre 2010

' le 19 juin 2009 la président de l'association adressait un avertissement pour un grave dysfonctionnement de votre part au niveau du bloc opératoire. »

À ce stade, la cour observe qu'il n'est pas possible, sauf à modifier les termes du litige d'imputer au médecin d'autres faits que ceux expressément visés dans cette lettre.

De même, le libellé de ce courrier permet de s'assurer que seul le fait du 30 avril 2014 constitue pour la clinique le motif de résiliation.

En effet, la référence aux dépassements d'honoraires et à des incidents du 2 novembre 2013, 19 mars 2012 et 19 juin 2009, par son caractère imprécis et non détaillé ne peut constituer qu'un rappel de difficultés passées mais non la faute grave et renouvelée exigée par l'article 11 du contrat liant les parties.

Force est de constater que la tentative de strangulation d'un confrère n'a pas eu de témoins directs.

Les témoignages recueillis et que le tribunal a minutieusement analysés sont de seconde main et ne permettent pas à la cour de s'assurer de l'existence de cette agression dans les termes décrits par la clinique ; au surplus, d'autres témoignages tels que celui de l'urologue présent au bloc opératoire ce jour-là, de deux infirmières, d'une stomatologue tous présents le 30 avril 2014, ne font état d'aucun incident particulier. En croisant l'ensemble des témoignages il apparaît qu'il y a eu effectivement une discussion sans témoin entre les deux praticiens dans une pièce fermée mais l'agression n'est pas suffisamment établie.

En conséquence, c'est à bon droit par des motifs exacts que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la carence probatoire de la clinique ne permettait pas de retenir l'existence de la faute lourde qui serait intervenue le 30 avril 2014. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, la résiliation étant abusive.

Sur les indemnités revenant à [Z] [K] :

La privation du délai de préavis :

C'est à juste titre que le docteur [Z] [K] qui avait une ancienneté de plus de treize années, rappelle que les usages constants de la profession prévoient un préavis de 18 mois pour une ancienneté de 11 à 15 ans.

La référence dans l'article 11 du contrat susvisé à un préavis de 6 mois seulement, ne concerne expressément que l'hypothèse de démission du praticien ou celle de rupture du contrat d'un commun accord.

S'agissant d'une rupture abusive imputable à la clinique, il n'est pas possible de considérer que le préavis de 6 mois trouve à s'appliquer. La cour réformera le jugement sur ce point et allouera à l'appelant incident la contre-valeur d'un préavis de 18 mois soit la somme de 419'577 € avec intérêts au taux légal du jour du jugement, le principe d'une indemnisation étant confirmé.

La perte de la possibilité de présenter un successeur :

Le contrat énonce dans son article 12 que le docteur [K] 'aura la faculté de présenter un successeur ou un associé pour l'exercice de son activité au sein du centres médicaux chirurgicale, l'activité hospitalière et l'activité de consultation externe étant indissociable'

Toutefois, il est constant que le docteur [K] est médecin anesthésiste réanimateur et ne justifie pas de l'existence de ce préjudice de présentation de successeur à raison de la spécificité de sa fonction.

En effet, il ne démontre pas qu'il est un médecin consulté de première intention car il dépend de l'activité des chirurgiens. Il n'a pas de clientèle propre qui lui permettrait de calculer le droit de présentation. Il échoue dans la preuve d'un préjudice spécifique sur ce point et n'apporte aucun élément sur un usage professionnel constant en la matière. Ainsi il n'établit pas qu'il a lui-même réglé un tel droit au profit d'un confrère auquel il succédait . En conséquence le jugement sera réformé sur ce point et le docteur [K] débouté de ce chef.

Le préjudice moral :

Le tribunal l'a considéré établi et l'a réparé par une indemnité de 15'000 €. S'agissant d'un médecin âgé de 57 ans au moment où il a quitté contre son gré la clinique qui est un établissement privé réputé et a été par conséquent amené à poursuivre sa carrière professionnelle dans un établissement de la région bordelaise moins côté, c'est à bon escient que le tribunal l'a fixé comme il l'a fait. En conséquence la cour confirmera le jugement sur le principe du préjudice moral et sur son montant d'indemnisation.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé sur les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du docteur [K] et sur la charge des dépens.

Les conditions de l'anatocisme sont remplies en considération de la demande figurant dans les conclusions du 12 février 2016 .

En appel, l'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile étant rappelé qu'il s'agit d'une indemnité de sorte qu'elle n'est pas prononcée hors taxes.

Les dépens d'appel seront supportés par l'association « les amis de l''uvre Wallerstein » qui échoue dans son recours.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sur le caractère abusif de la résiliation du contrat, sur le préjudice moral, sur l'indemnité au titre de l'article 700 et sur la charge des dépens.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

- Condamne l'association « les amis de l''uvre Wallerstein » à payer à [Z] [K] la somme de 419'577 € au titre de la privation du respect du délai de préavis de 18 mois avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Déboute [Z] [K] de sa demande au titre de la possibilité de présenter un successeur,

Y ajoutant

- dit qu'à compter du 16 février 2016 les intérêts échus depuis plus d'un an sur les sommes allouées à [Z] [K] produiront à leur tour intérêts au taux légal

- condamne l'association les amis de l''uvre Wallerstein à payer à [Z] [K] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en appel avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Condamne l'association les amis de l''uvre Wallerstein aux dépens d'appel avec distraction au profit de la selarl Lexavoué Bordeaux.

Le présent arrêt a été signé par Michèle ESARTE, Président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/05924
Date de la décision : 10/04/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°15/05924 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-10;15.05924 ?
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