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27/03/2017 | FRANCE | N°15/05344

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 27 mars 2017, 15/05344


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 15/05344









SAS CARROSSERIE PEINTURE SYSTEMES

SARL SOCIETE TOULOUSAINE D'INVESTISSEMENTS LEROUX



c/



[M] [B]

[Z] [X] épouse [B]

























Nature de la décision : AU

FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : décision rendue le 27 juillet 2015 par le Tribunal arbitral de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 août 2015.



APPELANTES :



SAS CARROSSERIE PEINTURE SYSTEMES (CPS) agissa...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 15/05344

SAS CARROSSERIE PEINTURE SYSTEMES

SARL SOCIETE TOULOUSAINE D'INVESTISSEMENTS LEROUX

c/

[M] [B]

[Z] [X] épouse [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : décision rendue le 27 juillet 2015 par le Tribunal arbitral de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 août 2015.

APPELANTES :

SAS CARROSSERIE PEINTURE SYSTEMES (CPS) agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

Représentée par Maître Bernard QUESNEL de la SELARL QUESNEL ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

SARL SOCIETE TOULOUSAINE D'INVESTISSEMENTS LEROUX (STIL) agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2]

Représentée par Maître Bernard QUESNEL de la SELARL QUESNEL ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[M] [B]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (87)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Représenté par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Représenté par Maître Béatrice DEL CORTE et Maître Anthony BABILLON, avocats plaidant au barreau de BORDEAUX

[Z] [X] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2] (95)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Maître Béatrice DEL CORTE et Maître Anthony BABILLON, avocats plaidant au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 février 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine COUDY, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant protocole d'accord du 9 février 2011, les époux [B] se sont engagés à vendre à la société toulousaine d'investissement Leroux (STIL) 100% des parts des droits qu'ils détenaient au sein de la SAS Carrosserie peinture systèmes (CPS ), dont M. [M] [B] était président, la vente devant intervenir au plus tard le 31 mars 2011, selon les conditions fixées dans le protocole d'accord. Celui-ci contenait une clause de non-concurrence du champ d'application de laquelle était exclue la société SOCODIP, dont M. [M] [B] était associé majoritaire et co-gérant. Il était également prévu le remboursement du compte courant de M. [M] [B] au 1er mars 2014 à l'issue du délai de garantie de deux ans, ce compte courant étant en tant que de besoin affecté à la garantie d'actif et de passif. Le prix prévu était de 712 036.80 €.

Ce protocole contenait une clause compromissoire.

Le 23 mars 2011, les parties ont signé un avenant au protocole d'accord aux termes duquel elles ont convenu de reporter la date de cession au 10 avril 2011 au plus tard, et de remplacer la clause de non concurrence stipulée au protocole d'accord par une nouvelle clause n'excluant plus la société SOCODIP.

A l'issue de la cession, la société CPS est devenue une filiale d'intégration de la holding animatrice STIL.

À l'issue du délai de garantie, M. [M] [B] a demandé à la société STIL le remboursement de son compte courant, puis procédé à cette fin à deux mises en demeure infructueuses en avril et juillet 2014, et a indiqué envisager un arbitrage.

La société STIL a de son côté fait valoir une violation de la clause de non-concurrence par M. [M] [B] au travers de la société SOCODIP .

Les parties ont décidé de recourir à un arbitrage selon les modalités prévues au protocole, lequel fait référence au règlement d'arbitrage du Barreau de Bordeaux :

- M. et Mme [B] ont désigné en qualité d'arbitre M. le bâtonnier [R],

- la société STIL a désigné M. [U], expert comptable,

- les arbitres désignés ont fait choix comme tiers arbitre président de M. le bâtonnier [K].

Le tribunal arbitral se trouvant ainsi constitué, il a été procédé le 27 février 2015 à l'établissement entre les parties et les arbitres d'un compromis d'arbitrage.

M. le bâtonnier [R] , désigné comme arbitre par les époux [B] , s'est retiré et les époux [B] ont désigné en remplacement maître Jean-Pierre Puybaraud, avocat au Barreau de Bordeaux.

Un avenant au compromis d'arbitrage a été signé par les parties et les trois arbitres le 23 mars 2015, portant exclusivement sur la modification de la composition du tribunal arbitral. Cet avenant indique que 'M. le bâtonnier [R] , arbitre précédemment désigné par M. et Mme [B], a fait connaître au président du tribunal arbitral l'historique de faits de nature à remettre en cause son impartialité ou son indépendance. Il demande en conséquence de prendre acte de son retrait.'.

Par sentence arbitrale en date du 27 juillet 2015, le tribunal arbitral, statuant en dernier ressort à l'unanimité des voix et en amiable composition, a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Carrosserie peinture systèmes (CPS),

- validé la clause de non-concurrence insérée au protocole d'accord du 9 février 2015 par son avenant du 23 mars 2015, que contestaient les époux [B] , et l'a déclarée opposable à M et Mme [B], et à la société SOCODIP,

- débouté en conséquence ces derniers de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de ladite cause,

- dit que la société toulousaine d'investissement Leroux (STIL) ne rapporte pas la preuve de ce que M et Mme [B] auraient directement ou par l'intermédiaire de la société SOCODIP, manqué à des obligations résultant pour eux de ladite clause, et l'a déboutée en conséquence de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société toulousaine d'investissement Leroux (STIL) à rembourser à M. [B] au titre de son compte courant la somme de 61.878€ assortie des intérêts au taux de 2% à compter du 28 février 2011,

- condamné ladite société à payer à M et Mme [B] une indemnité de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les frais de la présente instance arbitrale seront répartis à égalité entre les parties.

Par déclaration en date du 25 août 2015, la société CPS (Carrosserie peinture systèmes) et la société STIL (société toulousaine d'investissements Leroux) ont formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 27 juillet 2015. Les époux [B] ont formulé une requête en exequatur de la sentence arbitrale le 29 décembre 2015.

Par conclusions responsives sur recours en annulation signifiées par RPVA le 21 mars 2016, la société CPS (Carrosserie peinture systèmes) et la société STIL (société toulousaine d'investissements Leroux) demandent à la cour d'appel d'annuler la sentence arbitrale rendue le 27 juillet 2015 et,

A titre principal,

- de constater la violation des dispositions de l'article 1492 3° du code de procédure civile et dire que le tribunal arbitral n'a pas statué comme amiable compositeur ;

- d'annuler la sentence arbitrale rendue le 27 juillet 2015;

A titre subsidiaire,

- de constater la violation des dispositions de l'article 1492 2° du code de procédure civile ainsi que des articles 2.1, 2.5 et 2.6 du règlement du Centre d'arbitrage du barreau de Bordeaux,

- d'annuler la sentence arbitrale rendue le 27 juillet 2015;

En conséquence de quoi,

Vu l'article 1493 du code de procédure civile,

- de donner acte aux sociétés STIL et CPS de ce qu'elles sollicitent que la Cour statue sur le fond du litige dans les limites de la mission de l'arbitre ;

En conséquence,

- de dire recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la société CPS en première instance au visa des articles 352 et suivants du code de procédure civile, à défaut de dire l'intervention volontaire de la société CPS recevable au titre de l'article 554 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- de recevoir la société STIL et la société CPS en leurs moyens ;

A titre principal,

- de dire que les consorts [B] ont directement et indirectement, notamment par le vecteur de la société SOCODIP violé la clause de non concurrence insérée a l'article 7 de l'avenant au protocole d'accord en date du 23 mars 2011, en vertu des dispositions des articles 1134 et suivants du code civil ;

A titre subsidiaire,

- de dire que les consorts [B] ont directement et indirectement, notamment par le vecteur de la société Socodip violé l'obligation légale de non concurrence en vertu des dispositions combinées des articles 1134 et suivants et des articles 1625 et suivants du code civil ;

En toute hypothèse,

- de condamner les consorts [B] à indemniser la société STIL ainsi qu'il suit:

* dommages intérêts en réparation du préjudice économique subi par la société animatrice STIL pendant la période de garantie 324.000 €

* dommages intérêts en réparation des préjudices complémentaires et financiers subis par la holding animatrice STIL pendant la période de garantie 229.006 €

* dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par la holding animatrice STIL 125.000 €

- de dire que le compte courant de M. [B] tel qu'il apparaît dans les comptes de la société CPS au 1er avril 2011 est de 61.878 €,

- d'en prononcer la compensation légale en vertu des articles 1289 et suivants du code civil avec les diverses indemnités revenant aux concluantes,

- de condamner M et Mme [B] à verser une juste indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 15.000€ HT,

- de les condamner en tous les frais, dépens et accessoires tant de la procédure d'appel que de la procédure d'arbitrage en ce compris les honoraires de l'instance arbitrale ;

A titre infiniment subsidiaire,

- d'inviter les parties a saisir le Tribunal arbitral dans les conditions prévues au protocole d'accord signé entre elles et dire que celui ci ne pourra être composé d'aucun des quatre arbitres ayant participé à la procédure d'arbitrage dont la sentence a été rendue le 27 juillet 2015

- de condamner M. et Mme [B] à verser une juste indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 15.000 € HT.

- de les condamner en tous les frais, dépens et accessoires tant de la procédure d'appel que de la procédure d'arbitrage en ce compris les honoraires de l'instance arbitrale.

Les société STIL et CPS font valoir :

- à titre principal que le tribunal arbitral, s'il a justement jugé que la clause de non-concurrence était valable, a pour le surplus statué en droit et non comme amiable compositeur comme lui en faisaient obligation le protocole et le règlement d'arbitrage du Barreau de Bordeaux, dès lors qu'à la lecture de la motivation, il apparaît que celle-ci est exclusivement juridique et ne prend en rien en compte des considérations d'équité, alors que la clause de non-concurrence a à l'évidence été violé par M. [M] [B] au travers de la société SOCODIP ;

- à titre subsidiaire, que le tribunal arbitral était irrégulièrement composé, dès lors que le remplacement du M. le bâtonnier [R] est intervenu au visa de l'article 2.1alinéa 6 du règlement d'arbitrage du Barreau de Bordeaux , alors qu'il aurait dû intervenir au visa de l'article 2.1 alinéas 4 et 5 , dans la mesure où le M. le bâtonnier [R] a plaidé en référé le 3 février 2015 devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour le compte de M. [M] [B] et de la société SOCODIP , de sorte qu'à la date de la signature du compromis d'arbitrage, le 23 février 2015, il était parfaitement informé de son lien avec une des parties, et que nonobstant son retrait à la suite du courrier de leur avocat en date du 20 mars 2015, retrait qui n'a pas été formalisé auprès des parties, ni semble-t-il du président du tribunal arbitral, la désignation du président de ce tribunal est irrégulière au sens de l'article 2.6 du règlement, puisqu'il a été désigné par un arbitre qui a déclaré lors de la signature du compromis d'arbitrage 'n'avoir aucun lien avec les parties à l'arbitrage', ce qui induit un doute sur sa propre impartialité ; les demanderesses soutiennent par ailleurs qu'elles n'ont eu la connaissance exacte de la nature des liens de M. le bâtonnier [R] avec M. [M] [B] que lorsque leur a été communiquée, à sa demande du 25 février 2016 par l'adversaire de celui -ci et de la société SOCODIP, l'ordonnance de référé rendue le 6 février 2015 par le tribunal de commerce de Bordeaux , de sorte que les époux [B] ne peuvent utilement invoquer l'article 1466 du code de procédure civile ;

- qu'en conséquence, la sentence arbitrale étant annulée, en application de l'article 1493 du code de procédure civile , la cour doit statuer au fond, constater la violation de la clause de non-concurrence, notamment par le recrutement par la société SOCODIP d'un ancien salarié technico-commercial de la société CPS, M. [G], ce qui est à l'origine de la perte d'un client majeur, la société ACOS, et faire droit à ses demandes chiffrées qu'elle développe au titre du préjudice économique, des préjudices complémentaire et financier et du préjudice moral.

- que le montant du compte courant de M. [M] [B] est bien de 61878 €.

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 25 octobre 2016, les époux [B] demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Carrosserie peinture système,

- rejeter le recours en annulation présenté par la société toulousaine d'investissement Leroux et la société Carrosserie peinture système,

- ordonner l'exequatur de la sentence arbitrale rendue le 27 juillet 2015,

- condamner la société toulousaine d'investissement Leroux et la société Carrosserie peinture système à verser la somme de 10.000€ au profit de Mme [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par celle-ci devant la cour d'appel de Bordeaux et 15.000€ au profit de M. [B],

- leur donner acte qu'ils n'entendent pas voir appliquer les dispositions de l'article 1493 du code de procédure civile,

- à titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la cour d'appel de Bordeaux entendait néanmoins se saisir par la même décision du fond du litige,

- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Carrosserie Peinture système,

- déclarer recevable et bien fondée la demande en paiement que forme M. [B] visant à obtenir en application des dispositions de l'article 1134 du code civil, le paiement du compte rendu qu'il détenait au sein de la société CPS , assorti des intérêts contractuels, soit la somme principale de 61.878€ outre les intérêts au taux contractuels de 2% calculé à partir du 9 février 2011 jusqu'à parfait paiement,

- dire et juger que la clause de non concurrence rectifiée le 23 mars 2011 est nulle et de nul effet en raison de son caractère trop général, portant atteinte à la liberté du commerce,

- dire et juger en tout état de cause qu'elle est inopposable à la société SOCODIP non partie à l'acte de cession, et à la procédure d'arbitrage, en application des dispositions de l'article 1165 du code civil,

- dire et juger qu'il n'est pas établi par les sociétés STIL et CPS en application de l'article 1315 du code civil que Mme [B] et M. [B] aient violé la clause de non concurrence et encore moins qu'ils aient violé l'obligation légale de non concurrence,

- dire et juger que la société toulousaine d'investissement Leroux n'est pas fondée à réclamer une indemnisation pour des sociétés non parties à la procédure, et ne peut pas plus augmenter le montant de ses réclamations financières devant la cour d'appel,

- débouter par conséquent la société toulousaine d'investissements Leroux et la société Carrosserie peinture système de l'ensemble des réclamations financières qu'elles présentent,

- dire et juger n'y avoir lieu à compensation,

- condamner la société toulousaine d'investissements Leroux à régler la somme de 25.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [B] et aux entiers dépens au titre des frais et honoraires et accessoires de la procédure d'arbitrage exposés en première instance par les époux [B],

- rappeler le caractère exécutoire de la décision rendue.

Les époux [B] font valoir que :

- la société CPS n'est partie ni au protocole d'accord, ni au compromis d'arbitrage, de sorte que son recours est irrecevable,

- que la clause de non-concurrence n'est pas valable au regard de son extension géographique trop large et de l'imprécision de son champ d'application quant à la nature des activités protégées (vente de peintures pour carrosseries ou peinture industrielle et aéronautique)

- que le tribunal arbitral a statué en équité, et non seulement en droit, notamment en ce qu'il a ramené à 61 878 € le montant du compte courant de M. [M] [B], et a partagé par moitié les frais de la sentence arbitrale,

- que la société STIL n'a pas demandé la récusation de M. le bâtonnier [R], qui s'est retiré, ni de M. le bâtonnier [K], et que, en tout état de cause, en application de l'article 1466 du code de procédure civile, elle ne peut se prévaloir devant la cour de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral pour s'être abstenue de l'invoquer en temps utile, alors que son avocat est intervenu par lettre du 20 mars 2015 auprès des arbitres et des parties pour soulever une difficulté relative à M. le bâtonnier [R], et que celui-ci s'est ensuite retiré,

- que la clause de non-concurrence n'a en aucun cas été violée par M. [M] [B] ou la société SOCODIP, notamment par l'intermédiaire de M. [G], et que les clients de la société CPS attestent de ce qu'ils ont changé de fournisseurs de peintures pour carrosseries automobiles en raison de la dégradation de la qualité des prestations de cette société,

- que la société CPS n'a d'ailleurs pas engagé d'action en référé fondée sur la violation de la clause de non-concurrence, ni fait jouer la clause de garantie d'actif et de passif et que son action n'est que la conséquence de la demande de paiement par M. [M] [B] de son compte courant,

- qu'ils s'opposent à ce que la cour statue au fond, et font expressément usage de cette faculté ouverte par l'article 1493 du code de procédure civile,

- concluant néanmoins au fond, ils font valoir que la clause de non-concurrence n'a pas été violée et contestent les préjudices allégués par la société STIL et la société CPS.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2016.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action de la société CPS

Si la vente des parts de la société CPS est l'objet du protocole entre la société STIL et les époux [B], si les modalités de son exploitation sont une partie de l'objet du litige, s'il peut être avancé que la référence à la 'société' dans les dispositions du protocole relatives à la clause de non-concurrence peuvent éventuellement s'entendre de la société CPS , et si la société CPS est signataire 'par intervention' de l'avenant du 23 mars 2011 en la personne de M. [M] [B] en sa qualité de président, il demeure :

- que la société CPS n'est pas partie au protocole du 9 février 2011 qui seul prévoit l'arbitrage

- qu'elle n'est pas davantage signataire du compromis d'arbitrage du 23 février 2015 ou de l'avenant du 25 mars 2015

- que l'objet de l'instance arbitrale tel que fixé par le compromis d'arbitrage est limité à la demande de la société STIL de constatation de la violation de la clause de non-concurrence par les époux [B] et de dommages intérêts subséquente et au paiement par la société STIL du compte courant de M. [M] [B].

Il s'ensuit que l'intervention ne peut être déclarée recevable sur le fondement des articles 322 et suivants du code de procédure civile.

Ce recours ne peut davantage être déclaré recevable en application de l'article 554 du code de procédure civile qui est applicable à la procédure d'appel mais ne peut être appliqué par analogie à une procédure d'annulation de sentence arbitrale, alors que l'article 1495 détermine les dispositions applicables à la procédure d'annulation, au nombre desquels n'est pas visé cet article.

Il est observé que la procédure de tierce opposition est ouverte contre les sentences arbitrales.

Le recours de la société CPS en annulation de la sentence arbitrale sera en conséquence déclaré irrecevable.

Sur la demande d'annulation de la sentence arbitrale

La société STIL, seule retenue comme demanderesse à l'annulation aux termes des motifs qui précèdent, fonde sa demande à titre principal sur l'article 1492.3° et à titre subsidiaire sur l'article 1492.2° du code de procédure civile.

L'article 1492.3° dispose que le recours en annulation n'est ouvert que si :

...3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ...'.

L'article 1478 du code de procédure civile dispose que :

' Le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que les parties ne lui aient confié la mission de statuer en amiable composition.'

L'article 11 du protocole du 9 février 2011, intitulé 'litiges', prévoit que les litiges seront soumis à une procédure d'arbitrage, que chaque partie désignera un arbitre, que les arbitres ainsi désignés choisiront un troisième arbitre, et que

'Les arbitres statueront -en droit- comme amiables compositeurs.',

la typographie utilisée étant ici exactement reprise.

Le compromis d'arbitrage prévoit que le règlement de procédure auquel l'arbitrage est soumis est celui du Barreau de Bordeaux.

Le règlement d'arbitrage du Barreau de Bordeaux (pièce 27 de la société requérante) prévoit en son article 5.8 que les parties sont libres de choisir les règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige, qu'à défaut de choix par les parties des règles de droit applicables, le tribunal arbitral appliquera les règles de droit qu'il juge appropriées et que

'Le tribunal arbitral ne peut statuer en amiable compositeur que si les parties ont convenu de l'investir de tels pouvoirs.'.

Il doit être considéré au vu des dispositions combinées de l'article 11 du protocole du 9 février 2011, du compromis d'arbitrage et du règlement d'arbitrage du Barreau de Bordeaux que les parties, qui d'ailleurs ne le contestent pas, ont entendu investir le tribunal arbitral du pouvoir de statuer comme amiable compositeur, et le dispositif de la sentence arbitrale est ainsi libellé :

'Le tribunal arbitral, statuant en dernier ressort à l'unanimité des voix et en amiable composition'.

En conséquence, le tribunal arbitral auquel les parties ont confié la mission de statuer comme amiable compositeur doit faire ressortir dans la sentence arbitrale qu'il a pris en compte l'équité.

La seule mention de l'équité au dispositif de la sentence n'est pas suffisante à établir que l'arbitre a statué comme amiable compositeur.

Force est de constater que tel est le cas en l'espèce, la mention de l'équité n'apparaissant qu'en liminaire du dispositif, et la lecture attentive de la motivation développée sur l'ensemble des questions soulevées révélant, même en l'absence prudente d'une quelconque référence textuelle, que le tribunal arbitral a statué en droit que ce soit:

- sur la recevabilité de l'intervention à l'instance arbitrale de la société CPS (pages 13 et 14),

- sur la validité de la clause de non-concurrence (pages 15 et 16), analysée au regard de sa durée, de son périmètre géographique et de son champ d'application au regard des critères jurisprudentiels applicables en la matière, et des modalités de son élaboration (intervention de l'avenant n'excluant plus la société SOCODIP),

- sur les violations alléguées de la clause de non-concurrence, après élimination de faits imputables à titre personnel à Mme [B] d'une part (page 16) et à M. [M] [B] d'autre part (pages 16 et 17), le manquement allégué de celui-ci étant qualifié comme non constitutif d'une violation de la clause

- sur les violations alléguées de la clause de non-concurrence par la société SOCODIP par l'analyse des faits reprochés à celle-ci par référence aux pièces produites, notamment sur la démission du salarié M. [G] de la société CPS et la défection de clients (pages 17 à 21),

- sur l'exclusion de l'examen de la violation de l'obligation légale, et non contractuelle, de non concurrence (page21),

- et enfin, sur le compte courant de M. [M] [B], dont le montant, mentionné dans le protocole comme étant de 76878 €, a été fixé dans la sentence arbitrale à 61878 € non pour des considérations d'équité comme vainement soutenu, mais par déduction de la somme de 15 000 € versée à ce titre à M. [M] [B] postérieurement à la cession de parts (pages 22 et 23),

- et s'agissant du point accessoire et final du partage des frais de l'instance arbitrale à égalité entre les parties (page 24), en l'absence de règles gouvernant la matière, et pour prendre en considération la nullité vainement alléguée par les époux [B] de la clause de non-concurrence.

Le tribunal arbitral ayant statué en droit et non comme amiable compositeur, la sentence arbitrale doit être annulée sur le fondement de l'article 1492 3° du code de procédure civile.

La sentence arbitrale étant annulée sur le fondement soulevé à titre principal, la cour n'a pas à statuer sur le fondement de la constitution irrégulière du tribunal arbitral invoqué à titre subsidiaire.

Sur les conséquences de l'annulation de la sentence arbitrale

La sentence arbitrale étant annulée, il n'y a pas matière à faire droit à la demande d'exequatur formée par les époux [B], qui devient sans objet.

L'article 1493 du code de procédure civile dispose que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue au fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties.

En l'espèce, les époux [B] ont clairement manifesté une volonté contraire dans leurs conclusions, avant même le prononcé éventuel de l'annulation, quand bien même à titre subsidiaire ils ont conclu au fond.

En conséquence, la cour tenue par cette manifestation de volonté ne statuera pas au fond.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens du présent recours seront mis à la charge des époux [B] qui seront déboutés de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ; la société CPS sera également déboutée à ce titre ; en revanche, M. [M] [B] seul, son épouse n'étant intervenue que lors de la cession comme porteur de quelques parts de la société CPS, sera condamné à payer à la société STIL la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour ne statuera pas sur les frais de la procédure d'arbitrage, dès lors que la sentence arbitrale annulée ne peut produire d'effets.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare irrecevable le recours en annulation de la société CPS ;

Prononce l'annulation de la sentence arbitrale rendue le 27 juillet 2015 entre la société STIL et M. et Mme [B] ;

Dit en conséquence sans objet la demande d'exequatur ;

Dit n'y avoir lieu à statuer au fond et sur les dépens de la procédure d'arbitrage ;

Condamne M. [M] [B] à payer à la société STIL la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [B] aux dépens du présent recours.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, Président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/05344
Date de la décision : 27/03/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°15/05344 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-27;15.05344 ?
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