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08/03/2017 | FRANCE | N°15/01598

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 mars 2017, 15/01598


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 MARS 2017



(Rédacteur : Monsieur Jean-François SABARD, président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/01598







Monsieur [E] [E]



c/



SNC ALVEA















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parven

ue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 février 2015 (R....

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 MARS 2017

(Rédacteur : Monsieur Jean-François SABARD, président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/01598

Monsieur [E] [E]

c/

SNC ALVEA

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 février 2015 (R.G. n°F13/00178) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 mars 2015,

APPELANT :

Monsieur [E] [E]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric COIFFE, avocat au barreau de PÉRIGUEUX

INTIMÉE :

SNC Alvea, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social '[Adresse 2]

N° SIRET : 324 958 198

représentée par Me Jérôme FEUFEU substituant Me ANDRIEU de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 janvier 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, président

Madame Isabelle Lauqué, conseiller

Madame Annie Cautres, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [E] [E] a été engagé par la société DUGUET PANAZOL, rachetée en cours d'exécution du contrat par le groupe TOTAL, suivant contrat à durée indéterminée du 1er mars 1981 en qualité de commercial.

Il accède, à compter du 1er octobre 1992, au statut cadre, niveau 6, coefficient 340, en qualité de chef d'antenne puis de directeur d'antenne au sein des filiales du groupe TOTAL et pour le compte, en dernier état, de la SNC ALVEA à [Localité 1].

Par avenants du 24 juillet 2000 et du 13 décembre 2001, M. [E] et la SNC ALVEA concluent une convention de forfait en jours conformément aux accords d'entreprises applicables à la relation de travail.

Par courrier du 30 août 2012, la société ALVEA informe M. [E] de sa nomination, à effet du 1er octobre 2012, à un poste de responsable développement externe et énergie bois basé à [Localité 2].

M. [E] estimant qu'il s'agit d'une modification de son contrat de travail et que la clause de mobilité stipulée à son contrat de travail est entachée de nullité, refuse ce poste.

Par courrier en date du 19 octobre 2012, la société ALVEA le convoque à un entretien préalable à une mesure de licenciement. Par courrier du 6 novembre 2012, un licenciement pour faute grave lui est notifié.

M. [E] saisit le conseil de prud'hommes de Périgueux en contestation de son licenciement pour faute grave. Il demande également des rappels de salaire au titre de la prime variable 2012 ainsi qu'au titre des droits à congés payés.

Il sollicite, en outre, la nullité de la convention de forfait en jours, et réclame, en conséquence, le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 3 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Périgueux juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de versement de la prime variable 2012 et congés payés afférents fondée, et condamne la société AVEA à verser à M. [E] différentes sommes.

En outre, le conseil de prud'hommes se déclare en départage de voix sur les demandes de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et congés payés afférents ainsi que sur la demande de dommages et intérêts pour la contrepartie obligatoire en repos et les indemnités compensatrices y afférent. L'affaire est renvoyée sur ces demandes à une audience présidée par le juge départiteur.

Par jugement de départage du 16 février 2015, les demandes sus indiquées sont rejetées.

M. [E] interjette appel de cette dernière décision.

Par conclusions du 5 décembre 2016, développées oralement à l'audience, M. [E] demande à la cour la réformation du jugement de départage rendu le 16 février 2015 et demande que soient déclarés nuls les accords d'entreprise des 3 avril

2001 et 18 mai 2010 dans leurs dispositions relatives aux cadres autonomes et forfaits annuels jours, ainsi que les avenants au contrat de travail des 24 juillet 2000 et 13 décembre 2001 dans leurs dispositions relatives aux conventions de forfait en jours.

Il demande, en conséquence, que soient accueillies ses demandes au titre du paiement des heures supplémentaires et en dommages et intérêts pour privation de la contrepartie obligatoire en repos, et que la société ALVEA soit condamnée à lui verser les sommes suivantes, à majorer de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents et assorties du taux d'intérêt légal depuis la date de la saisine du conseil de prud'hommes :

22.858,33€ au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période 2009/2010,

23.925,94€ au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période 2010/2011,

23.912,63€ au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période 2011/2012,

12.675,21€ au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordée sur la période 2009/2010,

13.420,19€ au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordée sur la période 2010/2011,

13.257,75€ au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordée sur la période 2011/2012,

Il demande, en outre, la condamnation de la société ALVEA à lui verser la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d'exécution éventuels.

A cet effet, M. [E] fait valoir que le conseil de prud'hommes a jugé les dispositions des accords d'entreprise privées d'effet en ce qu'elles ne répondaient pas aux exigences légales et conventionnelles de protection de la sécurité et de la santé du salarié et que, dès lors, la stipulation contractuelle de forfait en jours était nulle, de sorte que des heures supplémentaires étaient compatibles avec sa durée de travail.

M. [E] soutient que son statut n'est pas celui de cadre dirigeant tel que définit par l'article L.3111-2 du code de travail et par la jurisprudence. En effet, ses fonctions ne l'amenaient pas à participer à la direction de l'entreprise mais seulement à mettre en oeuvre la politique de l'entreprise, de sorte qu'il avait le statut de cadre lui permettant de réclamer le paiement d'heures supplémentaires peu importe son niveau de rémunération.

Il soutient que la démonstration de son temps de travail s'apprécie eu égard à ses responsabilités, incompatibles avec un horaire de 35 heures hebdomadaires. Le dépassement régulier du forfait en jours annuel révèle l'existence d'heures supplémentaires qui ressort de la comparaison faite entre la reconstitution des trois journées types qu'il effectuait et du bordereau annuel de décompte des jours de travail.

M. [E] sollicite, en outre, une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos dès lors qu'il a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel fixé à 140 heures par la convention collective applicable.

Par conclusions du 12 juillet 2016, développées oralement à l'audience, la SNC ALVEA demande à la cour de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions, de dire que M. [E] revêt le statut de cadre autonome excluant le paiement d'heures supplémentaires que, par ailleurs, il n'établit pas, et de rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires à ce titre.

En outre, la SNC ALVEA demande la condamnation de M. [E] au paiement de la somme de 2.500,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, la SNC ALVEA fait valoir que l'invalidité des dispositions des accords d'entreprise ne peut se déduire de l'analogie avec celle prononcée à l'encontre des dispositions conventionnelles d'une autre convention collective.

Elle soutient que les éléments produits par M. [E] concernant l'existence d'heures supplémentaires, ne permettent pas de connaître le décompte journalier et hebdomadaire de ses heures de travail. En effet, ne sont produites que des journées types faisant état d'une moyenne des tâches effectuées sur ces journées de référence, à l'exclusion de tout autre document probant et précis des heures effectuées.

Par ailleurs, le salarié au vu de son statut lui conférant une totale liberté et autonomie dans l'organisation de son temps de travail, bénéficiait d'avantages en nature et d'une rémunération bien supérieure au minima conventionnel de sa classification et qu'il n'aurait subi aucun préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties et de leur argumentation, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées et oralement exposées.

DISCUSSION :

Sur la convention de forfait en jours

La conclusion d'une convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les dispositions doivent être de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. A défaut, la convention de forfait en jours est nulle.

Par ailleurs, le non respect par l'employeur des dispositions d'un accord collectif répondant à l'exigence d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du travailleur prive d'effet la convention de forfait en jours.

La convention de forfait en jours déclarée nulle ou dépourvue d'effet permet au salarié de prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge vérifie l'existence et le nombre.

En l'espèce, M. [E] a contractuellement le statut de cadre. Il ressort de sa fiche de poste qu'il exerçait des missions impliquant une grande responsabilité notamment par le biais des délégations de pouvoir confiées et un haut degré d'autonomie dans la gestion de son travail et l'organisation de son emploi du temps inhérentes à ses missions.

Cependant, sa mission consistait à la mise en oeuvre de la politique définie par la direction à laquelle il ne faisait éventuellement que des propositions, de sorte qu'il ne saurait être qualifié de cadre dirigeant.

Il est constaté que M. [E] exerce une activité dont la durée de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de ses fonctions, des responsabilités qu'il exerce et du degré d'autonomie dont il dispose pour l'organisation de son emploi du temps.

Dès lors, M. [E] relève de la catégorie des salariés qui peuvent conclure une convention de forfait en jours au vu des dispositions légales.

Il ressort des pièces que la SNC ALVEA et M. [E] ont signé deux avenants au contrat de travail, en 2000 et 2001, pour la mise en place d'une convention de forfait en jours fondée sur les accords d'entreprise la prévoyant.

Les accords d'entreprise signés en 2001 et 2010 révèlent que s'ils définissent la catégorie des cadres susceptibles de conclure une convention de forfait en jours, se bornent à indiquer, à l'exclusion de toutes autres dispositions, le nombre de jours travaillés et non travaillés dont le calendrier est établi en accord avec le supérieur hiérarchique, et dont il est fait un relevé mensuel par les soins du salarié pour validation par le supérieur hiérarchique.

Ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail du salarié sur la période de référence.

Dès lors, ces dispositions conventionnelles ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé de M. [E].

Par ailleurs, les stipulations des avenants au contrat de travail ne permettent pas de pallier à l'absence de dispositions conventionnelles relatives, au contrôle du temps de travail incombant à l'employeur, à la mise en oeuvre de mesures concrètes notamment afin d'évaluer la charge et l'organisation du travail, et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle.

En conséquence, les accords collectifs étant inopérants, et les avenants au contrat de travail ne palliant pas leur carence, la convention de forfait en jours est nulle.

M. [E] est donc soumis à la durée légale du travail et il est fondé à demander le paiement d'heures supplémentaires.

Sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en matière de preuve des heures supplémentaires, l'employeur doit fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et ce dernier doit apporter les éléments de nature à étayer sa demande.

Ainsi la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties. Cependant il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

M. [E] soutient qu'il a effectué des heures supplémentaires à hauteur de 541,75 heures sur 2009/2010, 559,25 heures sur 2010/2011 et 541,75 heures sur 2011/2012.

M. [E] produit les bordereaux annuels de décompte des jours de travail qui se présentent sous forme de calendrier, et qui, s'ils justifient des jours travaillés qui se trouvent être supérieurs à la convention de forfait en jours, déclarée nulle, ne permettent pas d'apprécier les heures réellement effectuées, ni l'amplitude réelle des journées de travail.

Il produit des tableaux de synthèse qu'il a élaboré, dans lesquels il répartit les jours travaillés selon ses tâches, exprimées en pourcentage, pour en déduire le nombre d'heures supplémentaires. Ces tableaux ne fournissent aucune information sur les horaires de travail réellement effectués ni sur l'amplitude de ses horaires.

Aucun des éléments produits par M. [E] ne permet d'étayer de manière suffisamment précise sa demande et de vérifier l'existence d'heures supplémentaires et leur nombre, et, par suite, le droit éventuel à un repos compensateur. La SNC ALVEA se trouve dès lors dans l'impossibilité d'y répondre en fournissant ses propres éléments relatifs aux horaires effectivement effectués par le salarié.

En conséquence, la demande en paiement d'heures supplémentaires est rejetée, et par conséquent celle relative au repos compensateur.

La décision déférée est donc confirmée.

Sur les autres demandes

L'équité commande de condamner M. [E] à verser à la SNC ALVEA la somme de 2.500,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens et frais éventuels d'exécution.

PAR CES MOTIFS :

Déclare l'appel régulier et recevablemais mal fondé.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

Condamne M. [E] à verser à la SNC ALVEA la somme de 2.500,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens et frais éventuels d'exécution.

Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président et par Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 15/01598
Date de la décision : 08/03/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°15/01598 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-08;15.01598 ?
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