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17/11/2016 | FRANCE | N°15/06094

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 17 novembre 2016, 15/06094


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2016



(Rédacteur : Madame Sophie Brieu, Conseillère)



BAUX RURAUX



N° de rôle : 15/06094









Monsieur [O] [Q]-[O]

GFA [Adresse 1]





c/



Monsieur [X] [O]

SASU [Adresse 1]















Nature de la décision : AU FOND



























Notifié par LETTRE SIMPLE le :



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 septembre 2015 (R.G. n°13-000010) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2015,



APPELANTS :



M...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2016

(Rédacteur : Madame Sophie Brieu, Conseillère)

BAUX RURAUX

N° de rôle : 15/06094

Monsieur [O] [Q]-[O]

GFA [Adresse 1]

c/

Monsieur [X] [O]

SASU [Adresse 1]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LETTRE SIMPLE le :

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 septembre 2015 (R.G. n°13-000010) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2015,

APPELANTS :

Monsieur [O] [Q]-[O], Es-qualités de représentant légal du GFA [Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (USA)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

GFA [Adresse 1], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentés par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Hubert SEILLAN, avocat au barreau de PARIS et Me Sandrine MAS-BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [X] [O], agissant en son nom personnel et Es-qualités de représentant légal de ses enfants,

né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Française

Viticulteur, demeurant [Adresse 3]T (SUISSE)

représenté par Me Philippe OLHAGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX

SASU [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me Christine JAIS-MELOT de la SELARL LEXYMORE, Me Caroline PRUNIERES-LE MOIGNE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 septembre 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseiller,

Madame Sophie BRIEU, Vice-Présidente-Placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS, PROCÉDURE :

Par acte du 2 février 1972, le [Adresse 1] a donné à bail à ferme à la société anonyme d'exploitation [Adresse 1] une propriété agricole de 216 hectares 39 ares 36 centiares située communes de [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5] (Gironde), ce pour une durée de vingt-cinq ans à compter du 1er janvier 1972.

En raison de la modification de l'assiette de l'exploitation, un nouveau bail a été reçu les 13 et 20 mars 1991 par maître [V], notaire à [Localité 6], conclu pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er janvier 1997.

Le Groupement foncier agricole (ci-après GFA) a fait délivrer plusieurs congés à la société par actions simplifiée dénommée [Adresse 1] (ci-après [Adresse 1]) - qui vient aux droits de la société anonyme d'exploitation [Adresse 1], singulièrement deux congés du 25 et du 27 juin 2013 fondés sur les dispositions des articles L.411-59 et L.411-60 du code rural.

Saisi par la [Adresse 1] en nullité de ce congé, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux a, par jugement du 20 mai 2014, sursis à statuer afin de permettre au bailleur de modifier le cas échéant ses statuts aux fins de mise en conformité avec la condition de fond du congé, laquelle s'apprécie à la date d'effet de ce congé, soit le 31 décembre 201.

L'affaire a été radiée puis inscrite de nouveau à la demande de la [Adresse 1] qui, à l'audience, a demandé au tribunal de déclarer nuls les congés délivrés les 25 et 27 juin 2013, de juger que le bail conclu les 13 et 20 mars 1991 ayant pris effet le 1er juin 1997 se renouvellerait à son échéance, pour une nouvelle période de neuf ans, de condamner le GFA à lui verser 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

Le GFA a demandé reconventionnellement au tribunal de constater qu'à défaut de justification par la [Adresse 1] d'autorisations administratives de cumul à la date d'effet du congé le 31 décembre 2014, elle ne pouvait prétendre au renouvellement du bail, de prononcer la nullité du contrat de bail renouvelé en raison du non-respect de la réglementation du contrôle des structures, de faire application de l'article L331-10 du code rural et de la pêche maritime au profit de [O] [Q]-[O], de valider le congé délivré par le GFA pour reprise de biens familiaux, de prononcer l'expulsion de la [Adresse 1] à la fin de l'année culturale en cours, d'ordonner une expertise destinée à évaluer l'indemnité due au preneur sortant, de condamner la [Adresse 1] à lui verser 10.000 euros en indemnité de procédure et à payer les dépens.

Monsieur [X] [O], intervenant volontaire, agissant en personne et en qualité de représentant légal de l'indivision [X] [O], a demandé au tribunal de lui donner acte de ce que l'indivision avait voté contre la délivrance d'un congé et n'entendait pas voter la modification de l'article 2 alinéa 4 des statuts du GFA.

Par jugement prononcé 21 septembre 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux a :

- écarté des débats les pièces communiquées en cours de délibéré par chaque partie,

- débouté la société anonyme de Château Giscours de la fin de non-recevoir invoquée,

- déclaré nuls les congés pour reprise délivrés les 25 et 27 juin 2013 par le GFA [Adresse 1],

- débouté le GFA [Adresse 1] de l'intégralité de ses demandes,

- dit que le bail conclu les 13 et 20 mars 1991 entre le GFA [Adresse 1] et la société anonyme d'exploitation de Château Giscours s'est renouvelé, à son échéance, pour une nouvelle période de neuf ans,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le GFA [Adresse 1] à régler, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société anonyme de Château Giscours la somme de 800 euros,

- débouté le GFA [Adresse 1] de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le GFA [Adresse 1] au paiement des dépens.

Le GFA a formé appel de cette décision le 5 octobre 2015.

-oOo-

Par dernières conclusions communiquées le 17 mai 2016, soutenues à l'audience, le GFA demande à la cour de :

'- réformer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 15 septembre 2015 ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- constater que la [Adresse 1] ne disposait pas, à l'échéance du bail, des autorisations d'exploiter requises par l'article L331-2 du code rural ;

En conséquence,

- constater et juger la nullité du renouvellement du bail rural prononcé par le tribunal paritaire des baux ruraux ;

- ordonner l'expulsion de la [Adresse 1] ;

- désigner tel expert choisi hors de la place de [Localité 6] afin d'évaluer les droits du bailleur depuis le 31 décembre 2014 ;

A titre subsidiaire,

- constater la validité du congé pour reprise de biens familiaux délivré par le GFA [Adresse 1] le 27 juin 2013 ;

- ordonner l'expulsion de la [Adresse 1] à la fin de l'année culturale en cours ;

- ordonner le cas échéant une expertise judiciaire afin d'évaluer le montant de l'indemnité due au preneur sortant ;

En tout état de cause,

- condamner la société anonyme d'exploitation [Adresse 1] à verser au GFA [Adresse 1] la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

Le GFA fait valoir les moyens suivants :

- A défaut de justification des autorisations administratives de cumul, telles qu'imposées par l'article L.331-2 du code rural, à l'échéance du bail du 31 décembre 2014, la [Adresse 1] ne peut prétendre au renouvellement du bail.

- Le congé délivré par le GFA au profit d'un associé familial ([O] [Q]-[O]) relève des dispositions applicables aux bien familiaux. L'application du régime dérogatoire des biens de famille est ici fondée, de sorte qu'il y a lieu de valider le congé délivré par le GFA dans le cadre d'une reprise de biens familiaux, dont les conditions de validité de forme et de fond sont réunies.

-oOo-

Par dernières écritures communiquées le 1er septembre 2016 et développées à l'audience, monsieur [X] [O] demande à la cour de :

'- lui donner acte, tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentant de l'indivision [X] [O] :

* que l'indivision [X] [O] a voté contre la délivrance d'un congé ;

* qu'ils n'entendent pas voter la modification de l'article 2 alinéa 4 des statuts du GFA de Château Giscours ;

* qu'ils s'opposent à toute reprise de l'exploitation [Adresse 1] formulée tant par le GFA de Château Giscours que par monsieur [O] [Q] [O] ;

En conséquence,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- rejeter toute demande formulée tant par le GFA de Château Giscours que par monsieur [O] [Q] [O] ;

Y ajoutant,

- condamner le GFA de Château Giscours et monsieur [O] [Q] [O], in solidum au paiement d'une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner en tous les dépens.'

Monsieur [X] [O] soutient que :

- L'actuel propriétaire de la société fermière, étranger à la famille [O], a permis d'éviter la liquidation de cette société qui s'était, lorsqu'elle était encore familiale, trouvée dans une situation financière très critique.

- Le GFA est passé outre le désaccord de monsieur [X] [O] et de l'indivision [X] [O] pour délivrer congé. Ces derniers ont refusé et refusent toujours de voter une modification des statuts du GFA qui aurait permis de délivrer valablement un tel congé.

- Les appelants soutiennent mensongèrement que la famille [O] souhaite désormais reprendre l'exploitation du [Localité 7] Giscours ; la branche familiale de [O] [Q] [O] envisage en réalité de vendre la propriété.

- Au demeurant, le montant des prélèvements réalisés par monsieur [O] [Q] [O] au détriment de la trésorerie du GFA, ce en infraction aux interdictions judiciaires à cet égard, démontre suffisamment que l'exploitation de la propriété ne serait pas en bonnes mains si elle revenait à la branche [Q] [O].

-oOo-

Par dernières conclusions communiquées le 2 septembre 2016 et soutenues à l'audience, la société par actions simplifiée dénommée [Adresse 1], demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 21 septembre 2015, sauf en ce qu'il a débouté la [Adresse 1] de sa fin de non-recevoir,

- dire et juger qu'en l'absence de congé valable le bail conclu les 13 et 20 mars 1991 à effet du 1er janvier 1997 s'est renouvelé, à son échéance, pour une nouvelle période de 9 ans, conformément à l'article L411-54 du code rural,

- débouter en conséquence le GFA de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner le GFA à verser à la [Adresse 1] la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi pour abus de procédure,

- condamner le GFA à verser à la [Adresse 1] une indemnité de procédure de 30.000 euros,

- condamner le GFA au paiement des dépens.

La [Adresse 1] explique que :

- Le congé ne mentionne pas l'identité de la personne morale au profit de laquelle il a nécessairement été délivré. Le congé est donc entaché d'une nullité radicale.

- Si le congé a été délivré pour le compte de monsieur [O] [Q]-[O], comme soutenu désormais par le GFA, celui-ci est entaché, non plus d'une nullité de forme mais d'une nullité substantielle de fond, comme portant atteinte aux dispositions des articles L. 411-58 et L.411-60 du Code Rural qui rappellent que la personne morale ne peut exercer la reprise que pour son propre compte.

- Au demeurant, le GFA ne peut exercer une reprise aux fins d'exploiter personnellement, puisque ses statuts le lui interdisent expressément et stipulent, au contraire, que les biens dépendant du GFA ne peuvent être exploités que par l'intermédiaire d'un bail à long terme.

- Le régime des biens de famille concerne exclusivement la nécessité d'obtenir ou non une autorisation administrative d'exploiter et la durée de détention des biens objet de la reprise mais ne dispense pas la société de mettre en conformité ses statuts afin de pouvoir exploiter, condition de fond de la reprise comme l'a rappelé le Tribunal dans son jugement de sursis à statuer. Le régime des biens de famille est donc inapplicable à l'espèce.

-oOo-

Par dernières écritures communiquées le 23 août 2016 et développées à l'audience, monsieur [O] [Q]-[O] demande à la cour de :

- Dire recevable et bien fondée son intervention volontaire ;

- Dire qu'il réunit les conditions fixées à l'article L331-2 du code rural ;

En conséquence, compte tenu de la nullité du bail renouvelé au profit de la [Adresse 1] :

- Lui accorder le droit d'exploiter le domaine de Giscours.

Monsieur [O] [Q]-[O] expose que :

- il réunit les conditions posées à l'article L.331-2 II du code rural fixant le régime de la reprise des biens par un associé familial telles qu'en vigueur à l'échéance du bail,

- il a, de plus, déposé le 8 janvier 2015 une déclaration préalable à la mise en valeur de biens familiaux, conformément à l'article L.331-2 du code rural,

- il est en mesure de réunir les moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la fin de non recevoir

Attendu que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que l'existence de prétentions contradictoires prive leur auteur de son intérêt à agir, à la condition que soit démontrée une confiance ou une croyance légitime, suscitée par l'attitude antérieure et déçue par l'attitude présente de celui qui se contredit ;

Attendu que la [Adresse 1] (ci-après [Adresse 1]) oppose à l'appelant une fin de non recevoir fondée sur l'application de ce principe en rappelant que le GFA avait d'abord soutenu devant le premier juge que le congé délivré pour reprise bénéficiait au GFA lui-même, puis avait excipé d'une reprise au bénéfice de monsieur [Q]-[O] ;

Que cette modification de l'argumentation du GFA n'est pas constitutive d'une contradiction au sens du principe de l'Estoppel rappelé ci-dessus mais doit être regardée comme une évolution de la position du bailleur en réponse aux moyens qui lui étaient alors opposés, ce qu'a jugé le tribunal paritaire des baux ruraux, qui sera confirmé de ce chef ;

2. Sur l'autorisation administrative d'exploiter

Attendu que l'article L.411-46 alinéa 1 du code rural dispose : « Le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L. 411-31 ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L. 411-57 à L. 411-63, L. 411-66 et L. 411-67 » ;

Que l'article L.411-47 du même code impose au propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement du bail de notifier congé au preneur dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire ; que le congé, condition du non renouvellement, doit, à peine de nullité, mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;

Que, enfin, l'article L.411-54 alinéa 2 du code rural dispose : « Le tribunal apprécie les motifs allégués par le propriétaire lors de la notification du congé. S'il constate que le congé n'est pas justifié par l'un des motifs mentionnés à l'article L.411-31, il ordonne le maintien du preneur dans l'exploitation pour un bail d'une nouvelle durée de 9 ans » ;

Attendu que le GFA développe, au soutien de son appel, le moyen principal tiré du défaut d'une autorisation d'exploiter consentie par l'administration à la [Adresse 1], ce qui priverait la société fermière de son droit au renouvellement du bail litigieux en application de l'article L.331-6 du code rural ;

Que, toutefois, il est constant que le congé délivré les 25 et 27 juin 2013 au preneur ne vise pas ce défaut d'autorisation administrative ; que ce moyen est donc inopérant ; que le premier juge sera confirmé de ce chef ;

3. Sur le congé aux fins de reprise

Attendu que le GFA a fait délivrer à la [Adresse 1] par maître [X], huissier à [Localité 8], le 27 juin 2013 un 'congé pour reprise afin d'exploiter' qui mentionne expressément qu'il annule et remplace un précédent acte signifié le 25 juin 2013 ;

Que ce 'congé pour reprise afin d'exploiter', donné au visa des articles L.411-59 et L.411-60 du code rural, est ainsi libellé :

'Le GFA [Adresse 1] donne à la [Adresse 1] congé pour reprise de l'exploitation pour la date du 31 décembre 2014, date d'expiration du bail, concernant l'intégralité des parcelles et des biens donnés à bail, sauf à parfaire ou venant en remplacement ou en substitution, soit : (...)

L'associé devant assurer l'exploitation du bien est : Monsieur [O] [Q]-[O], né le [Date naissance 1] 1971 à Dayton (Etats-Unis), demeurant, jusqu'à la reprise de l'exploitation, à [Adresse 2], exerçant la profession de viticulteur, et tout associé réunissant les conditions requises par la loi' ;

Attendu que l'article L.411-60 du code rural permet à une personne morale, si elle a un objet agricole, d'exercer le droit de reprise sur les biens qui lui ont été apportés en propriété ou en jouissance neuf ans au moins avant la date du congé ; que l'exploitation doit être assurée par un ou plusieurs membres de cette société ;

Attendu que l'article 2 des statuts du GFA [Adresse 1], qui définit l'objet de cette personne morale, précise à son dernier paragraphe : « Le groupement foncier agricole ne peut procéder à l'exploitation en faire-valoir direct des biens constituant son patrimoine. Ceux-ci doivent être donnés à bail à long terme conformément à la loi n° 70-1298 du 31 décembre 1970 » ;

Que l'appelant s'est donc interdit statutairement d'exploiter ; que le tribunal paritaire des baux ruraux a, par un premier jugement du 20 mai 2014, rappelé que les conditions de fond de la reprise s'appréciaient à la date d'échéance du congé -soit ici le 31 décembre 2014- et a, en conséquence, sursis à statuer afin de permettre au bailleur de modifier ses statuts ;

Qu'il est constant que l'article 2 des statuts du GFA n'a pas été modifié depuis lors ; que le GFA ne remplit donc pas les conditions de la reprise exigées aux articles L.411-59 et L.411-60 qu'il visait pourtant dans le congé litigieux ;

Attendu que l'appelant excipe de ce que le congé a en réalité été délivré au bénéfice de monsieur [O] [Q] [O] en sa qualité d'associé et non à celui de la personne morale ;

Que, à cet égard, le congé obéit en effet aux prescriptions des articles L.411-59 et suivants du code rural puisque la personne morale doit désigner expressément lequel de ses associés exploitera les terres reprises ; que l'acte de maître [X] mentionne ainsi très clairement : 'L'associé devant assurer l'exploitation du bien est : Monsieur [O] [Q]-[O] (...)' ;

Qu'il en résulte que monsieur [Q] [O] est ici désigné en qualité d'associé du GFA chargé d'assurer l'exploitation des biens pour le compte de cette personne morale ; que, puisque ce GFA n'a pas la capacité d'exploiter, les conditions de la reprise ne sont pas remplies, de sorte que le congé des 25 et 27 juin 2013 est nul ; que le tribunal paritaire des baux ruraux sera confirmé de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité du congé tels que soutenus par la [Adresse 1] ;

Attendu que monsieur [Q] [O] explique par ailleurs qu'il réunit, à titre personnel, les conditions posées à l'article L.331-2 II du code rural fixant le régime de la reprise des biens par un associé familial telles qu'en vigueur à l'échéance du bail ;

Que, toutefois, la personne morale bailleresse ayant un objet agricole est nécessairement, en sa qualité de propriétaire et sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les prévisions statutaires relatives aux modalités de faire-valoir, l'unique bénéficiaire admissible de la reprise exercée ;

Que le premier juge, en ce qu'il a écarté les moyens développés au titre du régime des biens familiaux, sera confirmé ;

Que sera dès lors également confirmée la consécration par le tribunal paritaire des baux ruraux du renouvellement, pour une période de neuf ans, du bail conclu les 13 et 20 mars 1991 entre le GFA [Adresse 1] et la société anonyme d'exploitation de Château Giscours ;

4. Sur la demande en dommages et intérêts

Attendu que la société intimée présente une demande en allocation de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de l'abus de procédure ;

Que, cependant, les moyens développés à cet égard portent non pas sur le caractère abusif de l'appel mais sur le préjudice qui résulterait des déclarations péremptoires du GFA à la presse professionnelle relativement au non renouvellement du bail ;

Que la demande sera rejetée ;

Attendu que l'équité commande de condamner le groupement foncier agricole à payer à la société par actions simplifiée une somme de 6.000 euros et à monsieur [X] [O] tant es qualités qu'en son nom personnel, une somme de 2.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles respectifs ;

Que le GFA, partie succombante, sera condamné au paiement des dépens de l'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 21 septembre 2015 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux.

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société par actions simplifiée dénommée [Adresse 1] de sa demande en dommages et intérêts.

CONDAMNE le [Adresse 1] à payer à la société par actions simplifiée dénommée [Adresse 1] la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE le [Adresse 1] à payer à monsieur [X] [O] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant de l'indivision [X] [O], la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE le [Adresse 1] à payer les dépens de l'appel.

Signé par Marc SAUVAGE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Gwenaël TRIDON DE REY Marc SAUVAGE

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/06094
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/06094 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;15.06094 ?
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