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20/10/2016 | FRANCE | N°14/06364

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 20 octobre 2016, 14/06364


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2016



(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/06364















Madame [D] [H]

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ND INTER PULVE SAS



c/



Madame [D] [H]

UNION DÉPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA

SOCIÉTÉ ND INTER PULVE SAS

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

Syndicat SYNDICAT DÉPARTEMENTAL DES TANSPORTS CGT [Localité 1]





Nature de la décision : AU FOND





Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adre...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2016

(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/06364

Madame [D] [H]

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ND INTER PULVE SAS

c/

Madame [D] [H]

UNION DÉPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ ND INTER PULVE SAS

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

Syndicat SYNDICAT DÉPARTEMENTAL DES TANSPORTS CGT [Localité 1]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 octobre 2014 (R.G. n°F114/00871) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 30 octobre 2014,

APPELANTES ET INTIMES :

Madame [D] [H]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

comparante

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ND INTER PULVE SAS

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 352 619 845

représentée par Me Alain GUERIN de la SELARL A. GUERIN & J. DELAS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Madame [D] [H]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

UNION DÉPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

XPO VRAC FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ ND INTER PULVE SAS

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET :352 619 845

représentée par Me Alain GUERIN de la SELARL A. GUERIN & J. DELAS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTES :

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT [Localité 1]

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

Syndicat SYNDICAT DÉPARTEMENTAL DES TANSPORTS CGT [Localité 1]

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

représentés par Monsieur [P] [P] membre de la CGT muni d'un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 juin 2016 en audience publique, devant Monsieur Marc SAUVAGE, Président chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

Greffier lors des débats : Florence Chanvrit Adjoint Administrative faisant fonction de Greffière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*

***

Madame [D] [H] a été embauchée en qualité d'agent d'entretien auprès de la SA Transports Celdis, filiale du groupe Norbert Dentressangle le 24 octobre 1989.

Elle est élue CGT au comité d'entreprise à compter de 1992 puis désignée déléguée syndicale le 24 septembre 1993, mandat qu'elle a abandonné suite à son élection en 2003 au conseil de prud'hommes de Libourne.

Le 1er novembre 1993, elle devient employée administrative, groupe 6 coefficient 125.

Le 28 mai 1999 son licenciement économique est refusé par l'administration.

Le 23 juillet 1999, le recours gracieux contre le refus de licencier est rejeté.

En septembre 1999 Madame [H] signe un nouveau contrat de travail avec reprise de son ancienneté avec la société ND Inter Pulve.

Le 18 juin 2002, elle saisit une première fois le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui lui alloue la somme de 72,80€ à titre de paiement d'heures de délégation, la déboute au titre du 13ème mois et de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Le 4 octobre 2007, la cour de Bordeaux confirme la décision.

Après pourvoi en cassation, l'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Toulouse. Par arrêt de cette cour du 12 mai 2010 la Société est condamnée à payer à Madame [H] la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts, outre 2 000€ de dommages et intérêts pour le syndicat CGT.

La Société forme un pourvoi en cassation dont elle se désiste le 7 octobre 2010.

Le 03 décembre 2013, Madame [H] est à nouveau concernée par une procédure de licenciement économique pour laquelle l'inspection du travail refuse son autorisation le 17 avril 2014.

Une nouvelle procédure est initiée par l'employeur le 4 juin 2014, qui fait l'objet d'un nouveau refus le 26 août 2014.

Le 08 septembre 2011, Madame [H] saisi le conseil de prud'hommes en demandant :

-son repositionnement en agent de maîtrise groupe 3, à compter de septembre 2006,

-la condamnation de la société à lui payer les sommes de :

- 21 729,28€ à titre de rappel de salaires,

- 2 172,93 au titre de congés payés sur rappel de salaire,

- 1 547,93€ à titre de prime de 13ème mois en raison de la revalorisation de son salaire,

- 34,11€ à titre de salaire indûment retenu en août 2013,

- 3,41€ à titre de congés payés sur retenue de salaire,

- 103 352,85€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage en date du 14 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

-constaté le désistement de Madame [H] concernant sa demande au titre de la retenue de salaires et de congés payés afférents du 12 juillet 2013.

-condamné la Société à lui payer les sommes de 25 000€ à titre de dommages et intérêts du chef du préjudice subi pour discrimination syndicale à compter de mai 2010 à septembre 2014 et pour manque à gagner lors de sa mise en retraite, outre celle de 1 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Madame [H] de ses demandes de repositionnement en agent de maîtrise groupe 3 et de rappels de salaires, de congés payés et de primes de fin d'année,

-rejeté les fins de non recevoir soulevées par la Société à l'encontre de l'union départementale et le syndicat départemental des transports de la CGT [Localité 1], et condamné la Société à leur payer les sommes de 400€ à titre de dommages et intérêts et 100€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société a relevé appel de cette décision le 30 octobre 2014 et Madame [H] a formé appel incident le 20 novembre 2014.

Par conclusions déposées au greffe le 21 juin 2016, la SAS XPO VRAC FRANCE ( la Société), venant aux droits de de la SAS ND INTERPULVE demande de :

-confirmer le jugement du 14 octobre 2014 en ce qu'il a débouté Madame [H] de sa demande de reclassement et, en conséquence, en rappels de salaires et en congés payés afférents de mai 2010 à septembre 2014 ainsi que des primes de fins d'année,

-le réformer sur le surplus et, statuant à nouveau :

-déclarer irrecevables les interventions volontaires de L'UD et du syndicat départemental des transports de la CGTT et les débouter de leurs demandes respectives,

-les condamner chacun à lui payer la somme de 1 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter Madame [H] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 28 avril 2016, la société indique qu'elle exerce une activité de transport de produits pulvérulents. Elle compte plus de cinquante salariés, essentiellement des chauffeurs routiers et cinq personnels administratifs, dont Madame [H].

Elle indique qu'il est vain, pour Madame [H] d'arguer des différences de traitement qui ont été purgées par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse. Elle souligne qu'elle perçoit une rémunération brute de 1 718€ par mois et que sa fiche de poste détaille ses compétences. Au cours de l'année 2013, L'UES Vrac Pulve à laquelle appartient ND Inter Pulve a engagé une procédure de licenciement collectif, concernant deux de ses établissements et affectant 76 salariés, dont Madame [H]. Des postes de reclassement lui ont été proposés par courriers en dates des 3 et 23 décembre 2013 et, faute d'accord de sa part, une procédure de licenciement collectif a été engagée, l'inspection du travail refusant l'autorisation de licenciement le 17 avril 1014.

Suite au rachat du Groupe Norbert Dentressangle par le groupe américain XPO, Madame [H], si elle demeure rémunérée par la société XPO Vrac France travaille désormais en réalité pour deux sociétés non concernées par le litige.

La Société demande que les syndicats qui ne démontrent aucun préjudice qui lui serait imputable, soient déboutés de leurs demandes. Elle indique que Madame [H] ne pouvait prétendre à un poste d'agent de maîtrise et qu'elle a connu une évolution salariale normale eu égard à sa classification. Madame [H], bien que régulièrement conviée à y participer, n'a jamais assisté au repas de fin d'année et disposait de moyens de travail normaux. Elle retient que la procédure de licenciement était motivée par des éléments objectifs dont elle démontre la réalité et que la contestation du PSE mis en place a été rejetée par le TA de Grenoble.

Des propositions de reclassement lui ont été soumises à plusieurs reprises.

Elle fait état des demandes disproportionnées présentées par Madame [H].

Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire et de prime de fin d'année et souligne qu'elle ne chiffre plus ses demandes de ce chef. Elle indique qu'elle est classée à un coefficient 132 qui n'est pas le moins élevé de la convention collective et que le taux horaire brut qui lui est applicable est plus élevé que celui applicable. Elle conteste que le panel de référence que Madame [H] propose soit adapté et souligne que la rémunération de la salariée a évolué positivement non seulement du fait de l'évolution de sa classification mais aussi du taux horaire relevant qu'entre 2005 et 2014 sa rémunération a augmenté de 11,97% et que cette progression ne permet pas de caractériser une discrimination par rapport à d'autres membres du personnel au statut équivalent ou même supérieur d'agent de maîtrise.

Elle conteste que la classification de Madame [H] puisse être revalorisée au groupe 3 mais indique que, si tel était le cas, son salaire horaire actuel serait en réalité supérieur.

Elle demande également que le jugement soit confirmé en ce qu'il l'a déboutée sur le fondement du rappel de primes annuelles.

Par conclusions reçues au greffe le 28 avril 2016, Madame [H] demande à la cour d'appel :

-d'ordonner sous astreinte sa classification en agent de maîtrise groupe 3 à compter du 08 septembre 2011,

-fixer à 1 549€ sa prime de fin d'année,

-condamner la Société à lui payer les sommes de :

-6 194€ au titre de rappel de primes de fin d'année de 2010 à 2015 ainsi que les congés payés afférents,

-171 870€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

-30 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que, suite à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 9 juillet 2010, l'inspection du travail avait saisi l'entreprise afin qu'elle précise les mesures qu'elle avait prises afin de faire cesser la situation.

Elle ajoute que le coefficient 132 groupe 7 lui était reconnu en février 2011 mais qu'il s'agissait d'un des coefficients les plus bas de l'entreprise, deux autres salariées ayant été embauchées au coefficient 148,5 et une autre employée, bénéficiant de moins d'ancienneté, se voyant reconnaître le statut d'agent de maîtrise. Elle reprend la liste des engagements pris par l'entreprise le 22 mars 2011 et énumérés par l'inspection du travail dans son compte rendu du 07 avril 2011 et retient que seuls les points matériels ont été respectés, l'entreprise ne répondant même pas aux courriers de l'inspection du travail.

Elle reprend le courrier de l'inspection du travail du 17 avril 2014 ayant refusé son licenciement. Elle souligne que le recours hiérarchique diligenté par l'entreprise a été rejeté par le ministre qui a retenu que le motif économique n'était pas démontré.

Madame [H] souligne qu'elle n'a connu aucune évolution de carrière et que suite aux restructurations intervenues, elle occupe désormais une fonction d'agent de maîtrise, statut qui ne lui est toujours pas reconnu. Elle relève que son évolution de carrière a été bloquée pendant plus de 24 ans et qu'aucune décision n'est intervenue depuis l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse et les initiatives ultérieures de l'inspection du travail.

En comparant la situation de Madame [H] avec celle d'autres salariées dans des situations similaires, elle fait état d'une différence mensuelle en sa défaveur de 385,33€ par mois et d'une perte de salaire de 49 577,11€ de 2010 au 1er mars 2017, date à laquelle elle pourra faire valoir son droit à retraite, avec une retraite de base de 835,64€ bruts. Elle souligne que, durant sa carrière, le SMIC a évolué de 116% alors que son salaire n'a été augmenté que de 30% ; Elle porte sa demande d'indemnisation à 171 870€.

Elle demande également la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie par l'article1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par une but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Par ailleurs, l'article L 2141-5 du code du travail dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article 6111-1 1°) dernier alinéa pose le principe que toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l'exercice de responsabilités syndicales.

L'alinéa 2 de ce texte, résultant de la loi 20 août 2008 dispose qu'un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice des mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.

L'arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 12 mai 2010, passé en force de chose jugée, a retenu la discrimination syndicale dont avait été victime Madame [H] notamment pour :

'l'absence de plan de formation :

'Par lettre du 31 mai 2000 [D] [H] demandait son inscription au plan de formation 2000/2001 pour bénéficier d'un perfectionnement dans les nouvelles technologies informatiques, ce qui ne sera suivi d'aucun effet.

Elle produit le plan de formation édité au mois de juillet 2005 sur lequel elle ne figure pas, contrairement aux autres salariés .

Au mois de septembre 2006 elle n'a pas été expressément invitée à une formation « approfondie et support » et il fallu que sa collègue [J] [X] interroge le directeur du site Monsieur [N] pour vérifier qu'elle pouvait y participer.

Ce n'est qu'en 2008 ( c'est à dire après l'introduction de sa demande fondée sur la discrimination syndicale) qu'elle a pu bénéficier de quatre jours de formation sur EXCEL ( les 17 et 20 octobre) et sur WORD (les 3 et 4 novembre 2008) .

Les autres formations suivies, dont se prévaut l'employeur , n'ont pas été mises en place par lui mais il s'est borné à autoriser [D] [H] à s'absenter pour assister à diverses formations de représentante syndicale puis de conseiller prud'homme'.

' l'organisation de son isolement :

'[D] [H] est la seule salariée de l'entreprise dont le nom ne figure pas sur le répertoire téléphonique interne.

Elle est la seule à ne pas disposer d'un poste téléphonique fixe , d'un téléphone portable , d'accès à internet (cf courriers de l'inspecteur du travail de 2001 et 2009).

L'employeur s'est ouvertement moqué de l'inspecteur du travail en lui affirmant que [D] [H] disposait d'une ligne directe dont le numéro correspond en réalité uniquement à un fax non muni d'un combiné téléphonique.

A l'occasion de travaux, son bureau qui donne sur l'atelier s'est retrouvé coupé des autres locaux administratifs de l'entreprise ( et des toilettes) par une porte dont elle n'avait pas la clé l'obligeant à passer par l'extérieur, jusqu'à l'intervention de l'inspecteur du travail (cf courrier du 24 septembre 2001).

Son bureau est le seul de l'entreprise à ne pas être climatisé. ( courrier de l'inspecteur du travail du 29 octobre 2009) .

Contrairement aux autres salariés elle est la seule à ne pas avoir été conviée par Monsieur [N] au repas de Noël organisé au sein de l'entreprise ( mail du 20 décembre 2006). '

'l'évolution de carrière

'Dans son courrier du 29 octobre 2009 faisant suite à une visite dans l'entreprise au cours de laquelle il s'est fait communiquer les dossiers des salariés dont la situation était comparable à celle de [D] [H], l'inspecteur du travail fait le constat que l'appelante a le deuxième coefficient le plus bas alors qu'elle est la plus ancienne.

Par ailleurs il est constant que d'autres salariés embauchés après [D] [H] en qualité d'employés ont obtenu des promotions, certains ayant même accédé au statut d'agent de maîtrise.

La SA ND INTERPULVE se contente d'affirmer que l'appelante accomplit toujours les mêmes fonctions et qu'elle n'a pas demandé à utiliser son DIF.

Outre que ces explications sont irrecevables au regard de ce qui précède sur le plan de formation, la SA ND INTERPULVE ne justifie pas des éléments objectifs sur la base desquels les autres employés ont été promus.

Ainsi ces éléments de faits laissent bien supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte liée aux activités syndicales de [D] [H] et force est de constater que la SA ND INTERPULVE ne démontre pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination , étant rappelé que les mesures d'instruction n'ont pas pour objet de suppléer la carence d'une partie'

Une réunion de conciliation s'est tenue le 22 mars 2011, en présence de l'inspecteur du travail, dans les locaux de l'établissement dont l'objet était intitulé comme suit :

'examen des situations individuelles de mesdames [X] [J] et de [D] [H] en vue de trouver une issue aux difficultés qu'elles rencontrent au sein de leur établissement ND INTERPULVE'

Cette réunion a fait l'objet d'un procès-verbal de l'inspection du travail qui a été adressé au directeur de l'entreprise le 7 avril 2011 qui n'a fait l'objet d'aucune observation de la part de l'employeur.

Il faut observer que le premier point à l'ordre du jour de cette réunion, ne concernait pas la situation personnelle des intéressées mais démontrait une difficulté pour l'employeur de prendre en compte la représentativité du syndicat auquel elles appartenaient :

'' Représentativité syndicale

La Direction prend acte du résultat des dernières élections professionnelles et reconnaît ainsi la représentativité de l'organisation syndicale CGT au sein de l'établissement.

En outre, Monsieur [K] [L] s'engage à répondre avec diligence aux diverses demandes de transmission de documents faites par la déléguée syndicale CGT, Madame [J] [X].

Enfin, Monsieur [K] [L] s'engage à transmettre la liste des membres désignés au CCE de L'UES ND SILO/ND INTERPULVE à Madame [J] [X].'

''Déroulement de carrière de Mesdames [J] [X] et [D][H]

Mesdames A.[X] et [D] [H] n'ont cessé de faire état d'inégalités de traitement voire de discriminations de la part de leur employeur depuis de nombreuses années.

Elles demandent aujourd'hui une réparation des préjudices subis et souhaitent à ce titre que leurs salaires ainsi que leurs coefficients soient revalorisés.

La Direction s'engage à examiner leurs dossiers et à leur faire des propositions concrètes pour le 30 avril 2011 au plus tard.

Les parties font part de leur volonté de mettre un terme définitif à ces contentieux;'

''Conditions de travail de Madame [H]

La Direction s'engage à installer une climatisation ainsi qu'un store dans le bureau de Madame [D][H] pour le 15 juin 2011

La Direction s'engage à mettre un écran plat à disposition de l'intéressée dans les plus brefs délais.'

'Formation de Madame [H]

La Direction examinera avec attention les besoins et les demandes de formation de Madame [D] [H]'

Par courriers demeurés sans réponse des 6 juin et 17 août 2011, l'inspection du travail a vainement demandé à l'employeur de justifier de la mise en oeuvre du relevé de conclusions du 7 avril 2011.

Madame [H] a été indemnisée des préjudices causés par les faits de discrimination dont elle a été victime avant le 12 mai 2010 par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse. Mais les faits de discrimination retenus par cet arrêt ne pouvaient que perdurer s'il n'y était pas mis un terme par l'employeur, ce que celui-ci a admis lors de la réunion avec l'inspection du travail du 22 mars 2011.

Il n'est pas contesté que, depuis cette date, à l'exception de quelques avancées matérielles (écran plat), la situation de Madame [H] n'a en rien évolué :

- le bureau qu'elle occupe est le seul à ne pas être équipé d'un climatiseur. L'employeur prétend que le collègue qui le partage est allergique mais il n'en justifie pas, ni ne donne la moindre explication sur l'impossibilité d'installer ce salarié dans un bureau indépendant, pas plus qu'il n'énonce les critères du choix qui ont conduit à décider que c'est ce salarié qui partagerait le bureau de Madame [H].

-l'employeur continue à affirmer, sans en justifier, que Madame [H], tout comme sa collègue Madame [X], ne souhaitent pas participer au repas de fin d'année et que c'est l'unique raison pour laquelle elles ne reçoivent pas d'invitation. S'agissant d'un fait qui peut paraître secondaire mais qui avait été retenu par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, et auquel il était aisé de remédier, il caractérise ce qui ne peut être analysé que comme la volonté d'immobilisme de l'employeur et de ne pas permettre à la situation d'évoluer.

- Il n'est pas justifié d'une quelconque formation proposée depuis 2010 à Madame [H] qui indique, sans être contredite, que les seules formations dont elle a bénéficié sont liées à son mandat de conseiller prud'homal. Il faut d'ailleurs relever que l'employeur ne produit aucun compte rendu d'entretien annuel. A partir de ce constat, l'employeur ne justifie pas avoir plus sérieusement pris en compte l'évolution de carrière de Madame [H] qu'il ne l'avait fait antérieurement.

Il faut de nouveau rappeler qu'à l'issue de la réunion du 22 mars 2011, concernant Mesdames [X] et [H] l'employeur s'était engagé :

' La Direction s'engage à examiner leurs dossiers et à leur faire des propositions concrètes pour le 30 avril 2011 au plus tard.'

Aucune proposition concrète n'a été formulée depuis maintenant cinq années.

Au cours de la réunion du Comité d'entreprise de juin 2011, une information a été donnée concernant l'évolution de carrière des salariés du site de [Localité 2] :

'11) en janvier 2011 y a-t-il eu des salariés qui ont changé de catégorie professionnelle ' Si oui quelle évolution de catégories professionnelles ' Quel groupe ' Quel coefficient '

Il y a eu des salariés qui ont évolué début 2011 avec : trois évolutions de coefficient, une évolution agent de maîtrise et une évolution cadre. M. [B] refuse de donner les noms des personnes qui ont eu cette évolution.

12) Quels sont les critères d'évolution pour changer de catégorie professionnelle, de groupe ou de coefficient '

Ces évolutions sont dues à l'acquisition de nouvelles compétences, un changement de fonction et surtout une prise en compte de l'ancienneté.'

Au vu de l'organigramme 2011 en dehors des cadres et des agents de maîtrise dont la situation ne peut être comparée à Madame [H] s'agissant de Madame [K], responsable administrative et facturation qui avait quatre agents sous son autorité, dont Madames [X] et [H], il y avait en tout sept employés ou agents de maîtrise sur le site, trois rattachés à l'exploitation et quatre à l'administration et à la facturation. L'une de ces quatre employées, Madame [X] [F], était agent de maîtrise.

Madame [F] si l'on s'en tient à l'organigramme présenté, et non à ses fonctions décrites dans les conclusions qui reprennent les 'entretiens professionnels' avec les conducteurs exerçait les fonctions suivantes :

'Administratif Paye +Frais de route +discan Trie factures fournisseurs'

Aux termes de son contrat de travail en date du 26 avril 2006, Madame [X] [F] a été embauchée pour exercer les fonctions 'd'assistante administrative. Ces attributions seront exercées par Madame [X] [F] sous l'autorité et dans le cadre des instructions et orientations données par son supérieur hiérarchique Monsieur [M] [N] ou toute autre personne qui pourra lui être substituée.'

Cette dernière mention figure dans le contrat de travail de Madame [H] du 1er septembre 1999 qui ne comporte aucune précision sur les fonctions effectivement exercées.

Madame [F] était classée en qualité d'employée, Groupe 9, Coefficient 148.50 Annexe 2 de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

À cette même date, Madame [H], qui était dans l'entreprise depuis 1989 et employée groupe 6 coefficient 125 depuis 1993. Elle est passée groupe 7 coefficient 132 en janvier 2011, soit avant la réunion avec l'inspection du travail, et est toujours à ce

même coefficient en 2014.

En décembre 2011, Madame [F] était agent de maîtrise, groupe 1, coefficient 150.

Étant parmi les salariés ayant le moins d'ancienneté, c'est elle qui s'est vue reconnaître la qualité d'agent de maîtrise alors même que l'employeur avait indiqué en comité d'entreprise que la 'prise en compte de l'ancienneté' était le critère qui avait 'surtout' été pris en compte pour les avancements.

Si l'on prend les autres employés, Madame [W] était employé GR9 coefficient 148 en décembre 2011 et la quatrième employée du service, Madame [X], qui est la seconde salariée qui est concernée par l'instance identique, était, en décembre 2011, employée GR6 coefficient 125.

La comparaison des rémunérations, en relevant que l'ancienneté joue marginalement puisque la convention collective prévoit une majoration maximale de 8% pour 15 années d'ancienneté, donne les résultats suivants :

- en décembre 2011, Madame [W] avait un revenu brut annuel de 14 590€, Madame [F] de 19 458€ et Madame [H] de 19 652€,

- en janvier 2014, Madame [H] avait un revenu brut de 2117€, Madame [F] de 1 745€ et Madame [W] de 1 300€.

Il n'est donc établi l'existence d'aucune discrimination salariale à l'encontre de Madame [H] qui doit être déboutée sur la partie d'indemnisation financière de son préjudice. Cela étant, l'employeur est en faute de ne s'être jamais précisément expliqué sur ce point avant la présente instance, ni n'avoir ouvert de négociation quelles qu'en eussent été les conclusions. Les deux chefs de demandes devant la cour sont donc regroupés sous ce seul intitulé s'agissant de l'indemnisation intégrale du dommage subi du fait de la discrimination.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice reprise sous l'intitulé 'préjudice moral', après trois ans de procédure, Madame [H] avait obtenu la condamnation de son employeur par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse. La situation a, pour l'essentiel, perduré, alors même que l'employeur s'était engagé à y remédier. Ces éléments ont aggravé le préjudice subi par la salariée et il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Pour la prime de fin d'année, Madame [H] opère une comparaison avec celle perçue par Madame [K], qui était agent de maîtrise et à laquelle les quatre employés du service administratif étaient effectivement rattachées. Dès lors, cette comparaison ne peut être retenue comme pertinente et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Le livre III du titre I du code du travail est consacré aux discriminations. L'article L 1134-2 du code du travail dispose que les organisations syndicales représentatives au niveau national, départemental ou de la collectivité ou de l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l'application des dispositions du chapitre II consacré au 'principe de non-discrimination'. Dès lors c'est à juste titre que le jugement a déclaré recevable l'action de l'Union départementale des Syndicats CGT [Localité 1] et du syndicat départemental des Transports CGT [Localité 1] et il a fait une juste appréciation du préjudice subi. Il doit donc être confirmé.

Il serait inéquitable de laisser à Madame [H] la charge de ses frais irrépétibles et il est fait droit à sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à préciser que la somme de 25 000€ allouée à titre de dommages et intérêts à Madame [H] l'est uniquement à raison du préjudice subi du fait de discrimination syndicale,

Y ajoutant,

Condamne la SAS XPO VRAC FRANCE à payer à Madame [D] [H] la somme de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS XPO VRAC FRANCE aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Marc SAUVAGE, Président et par Florence Chanvrit Adjoint Administrative faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/06364
Date de la décision : 20/10/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/06364 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-20;14.06364 ?
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