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15/09/2016 | FRANCE | N°16/03501

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 15 septembre 2016, 16/03501


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2016



(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)



BAUX RURAUX



N° de rôle : 16/03501

















Monsieur [L] [Z]

EARL VIGNOBLES [Z]



c/



Monsieur [M] [S]

SELARL [E] [V] Es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [U] [Z]





















Nature de la décision : AU FOND















Notifié par LETTRE SIMPLE le :



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mai 2016 (R.G. n°15-000017) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaratio...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2016

(Rédacteur : Monsieur Marc SAUVAGE, Président)

BAUX RURAUX

N° de rôle : 16/03501

Monsieur [L] [Z]

EARL VIGNOBLES [Z]

c/

Monsieur [M] [S]

SELARL [E] [V] Es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [U] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LETTRE SIMPLE le :

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mai 2016 (R.G. n°15-000017) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 27 mai 2016,

APPELANTS :

Monsieur [L] [Z]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant Château des Tuquets - 33540 SAINT [Localité 2]

EARL VIGNOBLES [Z], en liquidation judiciaire,

représentés par Me Jean-David BOERNER de la SCP H. BOERNER J.D. BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

SELARL [E] [V], es-qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

représentée par Me Arnaud FLEURY, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [M] [S]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alexis GAUCHER-PIOLA, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 août 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sophie BRIEU, Vice Présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M [U] [Z] était propriétaire d'une exploitation viticole dénommée 'Château des Tuquets' sise à Saint [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4], dans le département de la Gironde, d'une surface totale de près de 54 hectares.

Par acte sous-seing privé du 20 juillet 1998, M [Z] aurait consenti à [L] [Z], son fils, un bail d'une durée de neuf ans portant sur une parcelle de vignes située à [Localité 5], cadastrée section A n°[Cadastre 1], d'une contenance de 8 626a moyennant un fermage annuel représentant la valeur de 7,77 hectolitres de Bordeaux à 837,50, soit 6 507,37 francs.

Il est stipulé que ce bail produit effet à compter du mois de juillet 1998. Il est établi que le contrat intitulé 'bail à ferme' conclu entre M [Z] et [L] [Z] n'a pas été enregistré aux impôts et n'a pas été porté à la connaissance du service des douanes.

M [U] [Z] a été placé en redressement judiciaire par jugement en date du 5 juillet 2005 du tribunal de grande instance de Bordeaux puis en liquidation judiciaire par jugement en date du 16 mai 2008 du tribunal de grande instance de Bordeaux, qui a désigné la SELARL [V], en qualité de mandataire liquidateur. La propriété viticole dénommée 'Château des Tuquets' dépend de la liquidation de M [Z].

Après une tentative infructueuse de reprise de l'exploitation par L'EARL Vignobles [Z], en cours de formation et représentée par Monsieur [L] [Z], le tribunal de commerce, saisi sur opposition d'une ordonnance rendue par le juge-commissaire, la confirmait et ordonnait la mise en vente sur adjudication sur une mise à prix de 450 000€.

Monsieur [N] [S] [X] était déclaré adjudicataire par jugement du 19 février 2014 sur le prix de 734 000€ mais ne réglait pas le prix de vente.

Par ordonnance du 02 novembre 2015, le juge de l'exécution autorisait la réitération des enchères. Le bien était adjugé à Monsieur [M] [S], frère de [N] [S], pour le prix de 551 000€ dont Monsieur [M] [S] s'acquittait ainsi que des frais de vente.

Arguant du bénéfice du statut du fermage, Monsieur [L] [Z] et l'EURL Vignobles [Z] ont fait signifier une déclaration de substitution en exécution du droit de préemption dont ils se prévalent mais ils ont été déboutés par jugement du juge de l'exécution du 30 juin 2016qui a retenu que le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux avait rejeté leur demande et que, si Monsieur [M] [S] avait payé le prix et les frais, tel n'était pas leur cas et ils étaient dès lors déchus de leur droit de préemption.

Différentes ordonnances de référé intervenaient à la demande du liquidateur pour faire intervenir un expert oenologue, Monsieur [U] et autoriser le liquidateur à faire intervenir une société pour l'entretien des vignes. Saisie d'un recours par les consorts [Z] et la société éponyme, la cour d'appel de Bordeaux les déclarait irrecevables.

Le liquidateur saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux d'une demande de notification à Monsieur [L] [Z], L'EARL Vignobles [Z] qui avaient crée le GFA Château des Tuquets d'une demande d'interdiction, sous astreinte, de continuer à exploiter la propriété. Par ordonnance du 25 juillet 2015, le juge des référés faisait droit à leur demande, sauf en ce qui concerne la parcelle A [Cadastre 1] devenue A [Cadastre 2] en retenant, sur ce point, son incompétence au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de la Gironde.

Un appel diligenté contre cette ordonnance par Monsieur [L] [Z] et L'EARL est pendant devant cette cour.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juillet 2015, l'EARL Les Bordes a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux aux fins de voir ordonner la communication par la SELARL [V], ès qualités de mandataire liquidateur de M [Z], du rapport établi à sa demande par M [U] en 2013, de déclarer M [L] [Z] pour la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] et l'EARL Vignobles [Z] titulaires de baux à ferme sur ladite propriété 'Château des Tuquets', et les condamner à leur verser la somme de 2 000,00 € au titre des frais irrépétibles.

À défaut de conciliation, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi en audience de jugement pour le 7 mars 2016.

Par jugement en date du 2 mai 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux a :

écarté des débats les pièces et écritures des conseils respectifs de M [S], de l'EARL Vignobles [Z] et de [L] [Z],

rejeté la demande de réouverture des débats formulés par l'EARL Vignobles [Z] et [L] [Z],

débouté l'EARL Vignobles [Z] et [L] [Z] de leur demande de remise de l'audience à une date ultérieure, de leur demande d'audition de M [Y], Notaire, de leur demande de communication du rapport de M [U],

déclaré recevable l'intervention volontaire de M [M] [S] en sa qualité d'adjudicataire

dit que l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1998 existant entre M [Z] et [Z] n'a pas de date certaine,

dit que l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1998 existant entre M [Z] et [L] [Z] n'est pas un bail rural,

déclaré inopposable à la SELARL M [V], ès-qualités de mandataire liquidateur de M [Z], et à M [S] l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1998,

dit que ni l'EARL Vignobles [Z] ni [L] [Z] n'a la qualité de fermier sur les parcelles constituant la propriété viticole dénommée 'Château des Tuquets' sise à [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4],

débouté l'EARL Vignobles [Z] et [L] [Z] de leur demande d'expertise,

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

condamné l'EARL Vignobles [Z] à verser la somme de 1 500,00 € à la SELARL

condamné Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] à payer diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens..

Le tribunal a considéré que l'EARL Vignobles [Z] et [L] [Z] ont bénéficié d'une mise à disposition de la propriété viticole de M [U] [Z] par décision du juge commissaire et ce jusqu'à la vente de l'immeuble litigieux, à l'exclusion de la parcelle sise à [Localité 2], cadastrée section A n°[Cadastre 2] e qu'ils n'ont donc pas la qualité de fermiers, cette décisions n'ayant qu'un caractère provisoire.

Concernant cette parcelle, ni l'EARL Vignobles [Z] ni [L] [Z] ne rapporte la preuve d'aucune contrepartie onéreuse à la mise à disposition de cette parcelle sous une forme quelconque. Faute d'avoir enregistré la convention, les requérants ne sont pas à même de rapporter la preuve de l'exploitation du bien litigieux depuis au moins trois ans et de leur qualité de fermier, que l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1998 n'a pas de date certaine et dès lors inopposable à la SELARL [V], es-qualité de mandataire liquidateur de M [Z] et à M [S].

Selon déclaration de leur avocat au greffe de la Cour 27 mai 2016, M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] agissant en la personne de son représentant légal, ont régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées au greffe le 28 juillet 2016 et développées oralement à l'audience, M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z], agissant en la personne de son représentant légal, sollicitent de la Cour qu'elle :

à titre principal, infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 2 mai 2016 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

dise et juge que la contrepartie due au bailleur Maître [V] és qualités est prouvée par le paiement par [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] des taxes foncières, des assurances, des travaux effectués, et de l'entretien, et ce, depuis 1998 pour la parcelle A [Cadastre 2] et depuis 2009 pour le surplus des parcelles jusqu'à ce jour,

dise et juge que M [L] [Z], et l'EARL Vignobles [Z] ont la qualité de fermiers notamment sur la parcelle A [Cadastre 2] sur la propriété du 'Château des Tuquets' sise sur les communes de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4] (Gironde),

en conséquence, déclare M [L] [Z], pour la parcelle A [Cadastre 2], et l'EARL Vignobles [Z] pour le surplus des parcelles, titulaires de baux à ferme sur la propriété du 'Château des Tuquets' sise sur les communes de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4] (Gironde),

déboute la SELARL [V] es qualité de liquidateur de [U] [Z] et M [M] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

dise et juge que la SELARL [V] es qualité et M [M] [S] devront in solidum supporter la charge de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5 000,00 € et les y condamner in solidum en tant que de besoin,

à titre subsidiaire, ordonne un délai de 24 mois pour permettre à l'EARL Vignobles [Z] et M [L] [Z] de vider les lieux, en prenant en considération les éléments meubles et immeubles dont ils sont propriétaires,

ordonne une mesure d'expertise, l'expert recevant notamment pour mission de chiffrer le montant de sommes dépensées (investissement, frais, assurances, taxes, etc) sur la propriété par M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] au bénéfice de la liquidation judiciaire de M [U] [Z] depuis 2009 dans le cadre de l'exploitation et du fermage du Château des Tuquets, ainsi que tous les préjudices subis.

M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] font valoir les moyens suivants :

* M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] soutiennent avoir la qualité de fermiers à l'égard de Maître [V], liquidateur de M [U] [Z] : depuis le 20 juillet 1998, date de la signature du bail à ferme, pour la parcelle A [Cadastre 2] et depuis la liquidation judiciaire de Monsieur [U] [Z], le 16 mai 2008, pour le surplus, la propriété étant exploitée par eux au vu et au su du Liquidateur qui estimait qu'ils étaient débiteurs du fermage. Ils relatent les différents accords par lesquels, entre 2010 et 2013, en vue de leur faciliter l'acquisition des vignes, ils sont devenus propriétaires des matériels d'exploitation, de la cuverie et d'un stock important de vin et indiquent ne pas avoir compris les conditions dans lesquelles le juge commissaire, avait, le 5 juillet 2013, rétracté son ordonnance du15 janvier 2010 et ordonné la vente aux enchères publiques.

Ils prétendent que le retard dans l'acquisition de gré à gré, est venu du retrait d'un associé de Monsieur [L] [Z] dans le GFA des Tuquets, Monsieur [Z] s'assurant cependant un financement accordé par le Crédit Agricole.Ils assurent seuls la continuité de l'exploitation, l'entretien et la gestion de la propriété. Ils indiquent avoir formé des pourvois en cassation à l'encontre des arrêts de la cour d'appel de Bordeaux. Concernant le contrat de bail à ferme sur la parcelle, ils affirment que son existence est confirmée par de multiples documents administratif et qu'il a été automatiquement renouvelé à sa date anniversaire, le 30 juin 2007.

Pour les autres terres le courrier que leur a adressé le Liquidateur le 19 décembre 2014 aux termes duquel ils les avaient exploité de 2009 à 2014 sans régler le moindre fermage vaut à leurs yeux reconnaissance de leur qualité. Ils soulignent avoir pris en charge non seulement l'intégralité des dépenses d'exploitation mais des investissements incombant normalement au bailleur. Ces dépenses pour un total de 209 149,90€ ht pour l'arrachage et la replantation, et de 60 765,45€ pour les assurances, les taxes foncières et les travaux divers constituent la contrepartie onéreuse au fermage qui leur était consenti.

Par ces motifs, et au vu des différents justificatifs fournis, la Cour devra infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées au greffe le 23 août 2016 et développées oralement à

l'audience, la SELARL [E] [V], agissant ès qualités de liquidateur de M [Z], sollicite de la Cour qu'elle :

confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 2 mai 2016,

déboute M [Z] et l'EARL Vignobles [Z] de leurs demandes, fins et conclusions,

y ajoutant, condamne M [Z] et l'EARL Vignobles [Z] chacun à payer à la SELARL [E] [V] es qualité la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SELARL [E] [V], agissant en qualité de liquidateur de M [Z] fait valoir les moyens suivants :

*Maître [V] n'a jamais eu connaissance du moindre bail ou fermage sur les parcelles appartenant à la liquidation judiciaire de [U] [Z]. Il y a donc lieu de faire toutes réserves sur le bail à ferme bien tardivement produit par Messieurs [Z] qui serait daté du 20 juillet 1998. Il n'a aucune date certaine, faute d'enregistrement.

Dans ces conditions, la SELARL [V] est fondée en ses plus expresses réserves quant aux droits de M [Z] sur la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 2].

*Les éléments invoqués par l'EARL Vignobles [Z] pour prétendre à des droits sur l'ensemble des parcelles de M [Z] [U] sont inopérants. M [L] [Z] disposait d'une autorisation judiciaire temporaire qui avait pour objectif de permettre la sauvegarde de la propriété viticole, jusqu'à la vente de celle-ci. Il n'y a toutefois jamais eu de bail ou de fermage autorisé par le juge commissaire. Concernant le bail allégué sur la parcelle, le Liquidateur en conteste la force probante. Pour les autres parcelles aucune preuve de mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter dans les conditions requises par le code rural n'est apportée. De plus, Maître [V] déplore le fait de n'avoir jamais perçu le moindre fermage.

Il convient de retenir que ni M [L] [Z], ni l'EARL Vignobles [Z] ne justifient d'un quelconque titre les autorisant à exploiter le Château des Tuquets.

La Cour devra confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 2 mai 2016.

Par conclusions déposées au greffe le 16 août 2016 et développés oralement à l'audience, M [S] sollicite de la Cour qu'elle :

confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

déclare recevable l'intervention volontaire de M [M][S], en suite de l'adjudication sur réitération du 21 février 2016,

dise et juge que M [Z] et l'EARL Vignobles [Z] n'ont pas la qualité de fermiers sur aucune des parcelles de la propriété 'Château des Tuquets' sise sur les communes de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4],

en conséquence, les déboute de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions relatives à la propriété 'Château des Tuquets' sise sur les communes de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4],

au surplus, dise et juge que M [Z] et l'EARL Vignobles [Z] ne sont pas titulaires d'un droit de préemption rural, et en conséquence, déclare nulles et de nul effet les déclarations de substitution dans le cadre du droit de préemption signifiés par M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z],

condamne M [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] chacun à payer la somme de

6 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

Monsieur [S] fait valoir les moyens suivants :

* L'ordonnance du 15 mai 2009 avait autorisé la continuation de l'exploitation par la société en formation à titre conservatoire.

* Les déclarations de récoltes et déclarations d'arrachage ont été établies mais cela ne constitue pas un élément de preuve de l'existence d'un fermage, puisqu'il s'agit d'un acte déclaratif émanant d'une partie qui ne peut se constituer de preuve à elle-même.

* Les casiers viticoles informatisés du 1er décembre 2014, qui relatent, parcelle par parcelle, les modalités d'exploitation, mois par mois, par un exploitant viticole, ne font pas mention de l'existence d'un fermage sur cette parcelle. Les appelants ne rapportent aucunement la preuve d'une contrepartie onéreuse à la mise à disposition de cette parcelle sous une forme quelconque. La preuve de l'occupation des lieux ne suffit pas à établir la preuve du bail. Ni M [L] [Z], ni l'EARL Vignobles [Z] ne justifient d'un quelconque titre les autorisant à exploiter le Château des Tuquets.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

* La nouvelle demande, en cause d'appel, d'un délai de vingt quatre mois, à titre subsidiaire, pour leur permettre de quitter les lieux est irrecevable, car non formulée en première instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur [M] [S] n'a fait l'objet d'aucune critique devant la cour d'appel et le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Aux termes de l'article L 411-1 du code rural, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L 411-2. Cette disposition est d'ordre public.

L'article L 411-2 de ce code précise notamment que les dispositions de l'article L 411-1 ne sont pas applicables aux conventions conclues en application de dispositions législatives particulières. Tel est le cas lorsque, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, le juge-commissaire autorise une reprise d'exploitation temporaire puisque, du fait de la procédure de liquidation judiciaire en cours, la mise à disposition des parcelles ne peut être que provisoire, excluant l'application des dispositions du statut du fermage et du métayage. Les parties se sont d'ailleurs, toutes, très clairement placées dans cette hypothèse.

En effet, par courrier en date du 29 avril 2009, Monsieur [L] [Z], au nom de L'EARL Vignobles [Z] sollicitait le mandataire judiciaire en ces termes :

'Etant viticulteur et suite à la mise en liquidation judiciaire de Monsieur [Z] [U] par le TGI, je me propose de reprendre la gestion et l'exploitation des vignobles dépendant de la liquidation de Mr [Z] EARL en cours de constitution et dont je suis l'actionnaire.

A cette fin, je souhaiterais transférer les contrats de travail de tous les salariés sur cette société à partir du 15/09/2009.

A terme je me propose d'acheter les biens faisant partie de la liquidation judiciaire; auquel cas nous en resterons la.

Si l'achat n'était pas possible il sera calculé un prorata des frais de cultures et d'entretien engagé.'

Il était, au regard de ce courrier, évident que Monsieur [L] [Z] savait que l'acte qu'il sollicitait n'était pas susceptible de conférer à la société en cours de formation pour laquelle il intervenait, le bénéfice du statut du fermage

Le dispositif de l'ordonnance du juge-commissaire du 31 juillet 2009 était tout aussi dépourvue d'ambiguïté :

'Autorisons la SOCIETE VIGNOBLES [Z] EARL société en cours de constitution représentée par Monsieur [L] [Z] à reprendre l'exploitation de la propriété dans l'attente des propositions et de la cession afin de pouvoir continuer les contrats de travail et autres et de poursuivre l'entretien des vignes.'

Il faut observer que le Liquidateur, dans sa requête, relevait que 'le fils du débiteur, dans la mesure où il travaille également sur l'exploitation va faire une offre de reprise qui sera transmise à Monsieur le Procureur de la République pour requête.'

Parallèlement, le juge-commissaire avait autorisé par ordonnance du 15 janvier 2010, le liquidateur à vendre de gré à gré l'exploitation au GFA des Tuquets en cours de constitution et cette ordonnance a été rétractée le 05 juillet 2013 au motif que l'ordonnance autorisant la vente de gré à gré plus de trois années auparavant n'avait toujours pas été suivie d'effet, le GFA n'ayant été constitué qu'en 2012 et n'ayant jamais justifié de sa solvabilité.

Enfin le courrier du 19 décembre 2014 adressé par le Liquidateur au GFA des Tuquets et à Monsieur [L] [Z] est, contrairement à ce qui a été prétendu, dépourvu D4ambiguïté puisque, si dans un premier temps il évoque à tort l'absence de règlement du moindre fermage de 2009 à 2014, il ajoute :

'Compte tenu de l'évolution de ce dossier, il convient maintenant de déterminer une indemnité d'occupation selon les critères habituels.'

Dès lors que le cadre juridique excluait clairement l'application du statut du fermage, la contrepartie financière alléguée par Monsieur [L] [Z], à la supposer effective, est sans objet sur la solution du litige.

En ce qui concerne la parcelle A N°[Cadastre 1] sur laquelle il est prétendu que, par acte sous seing privé en date du 20 juillet 1998, Monsieur [U] [Z] avait consenti à son fils [L], un bail d'une durée de neuf ans, c'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que cet acte sous seing privé n'avait pas de date certaine, qu'il n'était pas un bail rural et qu'il était inopposable au mandataire-liquidateur, étant au surplus relevé que sont produites de nombreuses photocopies, difficilement lisibles, et dont pour certaines déclarations de récolte il est mentionné qu'elles ont été modifiées le 09 janvier 2010, le 02 février ou le 16 décembre 2011 à la demande du viticulteur

( pièce 47).

Pour ce qui est de la demande de délais, la demande nouvelle en cause d'appel n'est pas soumise à la tentative préalable de conciliation et doit dès lors être déclarée recevable au regard de cette exigence. En revanche, une partie ne peut, dans le cadre d'une demande de reconnaissance d'un bail rural, présenter en appel une demande de délais dans le cadre de ce qu'elle présente comme une expulsion qui a été ordonnée par ordonnance du juge des référés. Il s'agit d'une demande nouvelle qui n 'entrepas dans les exceptions des articles 564 à 567 du code de procédure civile. En l'espèce, le juge des référés de Bordeaux, par ordonnance en date du 24 juillet 2015 a, sous astreinte, fait interdiction au GFA Château des Tuquets de maintenir son siège social dans un immeuble dépendant de la liquidation judiciaire de Monsieur Hubert [Z] et fait interdiction à Monsieur [L] [Z] et à L'EARL Vignobles [Z],d'intervenir sur les parcelles de vignes et plus généralement de pénétrer sur la propriété et les immeubles à l'exception de la parcelle A 633, désormais cadastrée A [Cadastre 2]. Il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie de l'existence d'un bail rural sur ces terres, d'accorder des délais, qui d'ailleurs ne peuvent pas s'analyser comme tels, puisque ce n'est pas l'expulsion des intéressés qui est ordonnée mais une interdiction qui leur est notifiée de pénétrer sur la propriété. Rien ne permet à la cour d'appel saisie sur le jugement au fond du tribunal paritaire des baux ruraux, d'ordonner la suspension de l'exécution d'une ordonnance exécutoire du juge des référés du tribunal de grande instance.

En ce qui concerne l'expertise, elle est également sans lien avec la demande de reconnaissance d'un bail rural dont était saisie le tribunal paritaire des baux ruraux par les consorts [Z]. Il s'agirait pour le bénéficiaire d'une autorisation temporaire d'exploiter, dans le contexte qui a été rappelé ci-dessus, qui s'est au surplus maintenu dans les lieux, de faire reconnaître son éventuel droit à indemnisation et le cas échéant à en chiffrer le montant. Une telle demande ne peut être présentée en cause d'appel dans le cadre du présent litige et doit également être déclarée irrecevable.

En première instance, Monsieur [S] avait demandé au tribunal de juger que Monsieur [Z] et l'EARL n'étaient pas titulaires d'un droit de préemption. En cause d'appel, il demande de déclarer nulles et de nul effet les déclarations de substitution. Dès lors que les appelants ont été déboutés de leur demande tendant à reconnaître à leur profit l'application du statut du fermage, il s'en déduit nécessairement qu'ils n'étaient pas titulaires d'un droit de préemption, sans que ce point ait à être précisé. Cela étant, il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie dans ce cadre, de faire droit sur ce point aux conclusions de l'intervenant volontaire qui présente cette demande en première fois en cause d'appel dans une instance distincte des multiples instances qui ont concerné la vente du domaine viticole par adjudication, étant au surplus relevé que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux a d'ores et déjà fait droit à cette demande par jugement du 30 juin 2016. Cette demande doit être déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée.

Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] doivent être condamnés aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles et il est fait droit à leurs demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 1 500€ à l'encontre de chacun des appelants pour Monsieur [M] [S].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de délai et d'expertise présentées par Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z],

Déclare irrecevable la demande d'annulation des déclarations de substitution dans le cadre du droit de préemption signifiées par Monsieur Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z],

Condamne Monsieur Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] à payer à Monsieur [M] [S], chacun, la somme de 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la SELARL [E] [V], ès qualités de liquidateur de Monsieur [U] [Z], la somme totale de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Monsieur [L] [Z] et l'EARL Vignobles [Z] aux dépens.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/03501
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/03501 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;16.03501 ?
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