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07/04/2016 | FRANCE | N°15/03045

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 07 avril 2016, 15/03045


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 07 AVRIL 2016



(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/03045

















SA DS SMITH PACKAGING PRENIUM



c/



Monsieur [M] [D]

SA OTOR (DS SMITH PACKAGING FRANCE)

SARL DS SMITH

















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Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 07 AVRIL 2016

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/03045

SA DS SMITH PACKAGING PRENIUM

c/

Monsieur [M] [D]

SA OTOR (DS SMITH PACKAGING FRANCE)

SARL DS SMITH

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 avril 2015 (R.G. n° F 2014/211) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 13 mai 2015,

APPELANTE :

SA DS SMITH PACKAGING PRENIUM

agissant en la personne de son représentant Président Directeur Général, Monsieur [K] [P] domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 7]

N° SIRET : 333 867 463

représentée par Me DUPEYRE loco Me Sophie UETTWILLER, avocates au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [M] [D]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me MERY loco Me Emmanuel GIROIRE REVALIER, avocats au barreau de POITIERS

SA OTOR (DS SMITH PACKAGING FRANCE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

SARL DS SMITH prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

représentées par Me DUPEYRE loco Me Sophie UETTWILLER, avocates au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 février 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [D] a été engagé par la société Etuis-Cognac (devenue SA DS Smith Packaging Premium) à compter du 10 septembre 2007 en qualité d aidee conducteur offset avec la qualification d ouvrier, classification II, coefficient 150.

Le 1er juillet 2012, le groupe DS Smith a annoncé l acquisition de la SCA Packaging, exerçant la même activité que la société DS Smith Packaging Premium (la société DSSP Premium).

En juillet 2012, la SA DS Smith Packaging Premium a installé dans ses nouveaux locaux un nouvel équipement de production, d un montant de 6,5 millions d euros.

Le 6 décembre 2012, la direction de la SA DS Smith Packaging Premium a présenté un plan de réorganisation impliquant l arrêt total des activités de la société.

A compter du mois d avril 2013, au terme de la procédure d information - consultation du comité d établissement et du comité central d entreprise et de préparation du PSE, la SA DS Smith Packaging Premium a notifié à ses divers salariés, dont M. [D], leur licenciement pour motif économique.

M. [D] a refusé le poste de reclassement en interne qui lui avait été proposé. Son licenciement pour motif économique lui a été notifié le 24 avril 2013, il a adhéré au dispositif de congé de reclassement d'une durée de 9 mois qui lui était proposé.

Le 13 juin 2014, M. [D] a saisi le conseil de Prud hommes d Angoulême (section industrie) aux fins d obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant compte de sa situation particulière.

Par jugement en date du 3 avril 2015, le conseil de Prud hommes d Angoulême a :

mis hors de cause la SA Otor (DS Smith Packaging France) et la SARL de droit luxembourgeois DS Smith,

condamné la SA DS Smith Packaging Premium à verser à M. [D] :

19.800 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.000 € nets au titre de l article 700 du code de procédure civile,

dit qu il n y a pas lieu à exécution provisoire,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

condamné la SA DS Smith Packaging Premium aux entiers dépens.

La SA DS Smith Packaging Premium a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 mai 2015. M. [D] forme un appel incident sur le quantum des sommes accordées.

Par conclusions déposées au greffe le 5 novembre 2015 et développées oralement à l audience, la SA DS Smith Packaging Premium sollicite de la Cour qu elle :

confirme que les sociétés Otor SA et DS Smith (Luxembourg) SARL sont mises hors de cause du présent litige,

dise que le licenciement de M. [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

infirme le jugement du conseil de Prud hommes d Angoulême,

condamne M. [D] à verser à la DSSP Premium la somme de 2.000 € sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe le 17 février 2016 et développées oralement à l audience, M. [D] forme un appel incident et sollicite de la Cour qu elle :

juge la société DS Smith mal fondée en son appel,

déboute la société DS Smith de l ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

confirme le jugement en ce qu il a jugé son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,

le déclare bien fondé en son appel incident,

infirme le jugement en ce qui concerne le montant de l indemnisation allouée,

condamne la société DSSP Premium au paiement d une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 61.119,30 €,

condamne la société DSSP Premium à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l article 700 du code de procédure civile,

condamne la société DSSP Premium aux entiers dépens.

* Sur le licenciement économique :

SA DS Smith Packaging Premium fait valoir que le licenciement pour motif économique a été accepté par l inspection du travail qui a constaté la régularité de la procédure et la réalité du motif économique par arrêt total et définitif de l'activité à la suite d'une enquête préalable et que le CHSCT a bien été consulté. Elle précise que la société connaissait depuis plusieurs années une situation très fortement déficitaire qui s'est aggravée en 2012, que la fermeture ou la cession de la société ont même été envisagées mais que d'ultimes efforts ont été faits pour tenter de redresser la société, que toutefois, malgré une réorganisation du secteur d activité et des investissements productifs, la situation n'a cessé de se dégrader sans perspective de redressement, menaçant de surcroit les résultats du secteur d'activité du groupe du packaging de luxe pour vins et spiritueux qui est très concurrentiel, les difficultés économiques devant s'apprécier à ce seul niveau de secteur d'activité du groupe compte tenu de sa spécificité, et la société a été contrainte de cesser totalement et définitivement son activité et de supprimer l'ensemble des postes de l'entreprise. Elle expose qu'elle a ainsi procédé au licenciement du salarié, en respectant la procédure de reclassement interne et en recherchant un poste sur l ensemble des entreprises du groupe auquel l entreprise appartient, que le salarié a refusé les postes qui lui étaient proposés, a accepté le congé de reclassement et a retrouvé rapidement un autre emploi, qu'il y aura donc lieu de considérer le licenciement pour motif économique comme justifié et de réformer le jugement.

M. [D] expose préalablement qu'il abandonne ses prétentions à l'encontre des sociétés Otor et DS Smith qui ont été mis hors de cause en première instance. Il fait ensuite valoir que la société DSSP Premium n a pas consulté le CHSCT avant de procéder au licenciement économique et que ce dernier est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il conteste la réalité des motifs économiques invoqués et expose à cet égard que la société DSSP Premium ne justifie pas avoir subi un arrêt total et définitif de ses activités, car celles-ci ont été simplement transférées à d'autres entreprises du groupe, et ne justifie aucunement avoir subi de réelles difficultés économiques, ces difficultés devant s apprécier au niveau de l activité du secteur packaging du groupe et non de celle de l'une de ses filiales, qui de plus ne développait pas d'activité spécifique, et qu'elle n a pas procédé à une réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité, qu'enfin, la société a manqué à son obligation de reclassement en choisissant les candidats pour pourvoir les postes disponibles et en n effectuant aucune recherche personnalisée selon les compétences de chacun des salariés, que dès lors, il y a lieu de considérer le licenciement pour motif économique comme dénué de cause réelle et sérieuse et de réformer le jugement quant au quantum de la somme accordée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [D] renonce en cause d'appel à formuler des demandes à l'encontre de la SA Otor (DS Smith Packaging France) et la SARL de droit luxembourgeois DS Smith de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause ces deux sociétés.

Par ailleurs selon l'article L 4612-8-1 du code du travail le comité d'hygiène, de sécurité des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liée ou non à la rémunération du travail. Il est admis que le CHSCT doit être ainsi consulté dans le cadre d'un licenciement pour motif économique. En l'espèce la société DSSP Premium justifie que le CHSCT a été réuni, et que son avis a été recueilli le 17 janvier et le 20 février 2013, sur ''les conséquences en matière de santé, de sécurité et sur les conditions de travail du projet de réorganisation de la société DSSP Premium'', de sorte que le moyen tiré de l'absence de consultation du CHSCT développé par le salarié est inopérant.

L article L1233-3 du Code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement économique effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d une suppression ou d une transformation d emploi ou d une modification refusée par le salarié d un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 24 avril 2013 par la société DSSP Premium à M. [D] est ainsi libellée : « (..) la société DSSP Premium est confrontée depuis plusieurs années à de graves difficultés économiques. Son résultat opérationnel subit en effet des pertes très importantes, qui se sont encore récemment aggravées en raison notamment de : la diminution alarmante de son chiffre d'affaires (-17,1 % depuis 2007), notamment du fait de la perte de position sur le cognac et sur le champagne ; la perte de compétitivité du segment BiB du fait d'un dispositif industriel insuffisamment adapté et de la baisse des prix de vente, d'une part, et de la perte d'un client majeur, d'autre part ; la dégradation des marges liées à la difficulté croissante à répondre aux exigences qualitatives toujours plus élevées sur les marchés du luxe et l'augmentation importante des coûts de non qualité.

Compte tenu du cumul de pertes enregistrées par la société, le groupe DS Smith Packaging a entrepris, à compter de 2009, de nombreuses actions visant à tenter d'assurer la pérennité de l'entreprise (évolution des compétences, développement commercial notamment sur le champagne, maîtrise industrielle, etc.) ponctuées par un investissement de 6,5 M€ en septembre 2011.

Malgré ces efforts significatifs, la situation économique de la société n'a cessé de se dégrader. Le résultat opérationnel de DSSP Premium est en effet resté fortement négatif en 2010 : -2,4 M€. Il était encore en perte en 2011/2012 : -2,3 M€. Les perspectives pour 2012/2013 restent tout aussi déficitaire (moins -2,1 M€ avec une chute de 11 % du chiffre d'affaires) et les prévisions pour 2013/2014 sont encore plus alarmantes (-2,9 M€).

DSSP Premium relève, avec la société DSSP Consumer sur son site de [Adresse 6], du secteur d'activité spécifique ''packaging de luxe pour vins et spiritueux'' du groupe DS Smith Packaging. Le groupe a, en effet, rachetée en juillet 2012 la branche packaging du groupe SCA packaging, ce qui, grâce à l'intégration des activités ''consumer'' de SCA packaging, a permis d'élargir l'offre au-delà de l'emballage dit ''conventionnel''et de se positionner sur les emballages à plus forte valeur ajoutée. Le nouvel ensemble issu de l'acquisition des entités SCA packaging et DSSP Premium devient un acteur majeur du secteur d'activité packaging de luxe pour vins spiritueux, secteur très spécifique au sein de l'industrie de l'emballage (marchés, clientèle, produit procédé de fabrication très particulier).

Ce secteur d'activité est néanmoins très concurrentiel et composé d'acteurs ayant l'organisation et la compétence nécessaire à la satisfaction des demandes des clients. Les exigences majeures sont aujourd'hui les suivantes : une capacité d'innovation dans le design et la conception d'emballages pour répondre aux demandes de forte valeur ajoutée de la clientèle, la maîtrise de la qualité et de la durée et la maîtrise des coûts et la compétitivité de l'activité avec des produits innovants de plus en plus complexes.

Or dans ce contexte, les pertes cumulées les pertes prévisionnelles de la société DSSP Premium sont désormais telles qu'elles sont de nature à mettre sérieusement en cause la pérennité même de la société ainsi que la compétitivité du secteur d'activité ''packaging de luxe pour vins et spiritueux'' du groupe. En effet, le résultat opérationnel positif des activités de packaging pour vins et spiritueux de DSSP Consumer à [Adresse 6] est largement insuffisant pour compenser les pertes de DSSP Premium. Les prévisions pour 2013/2014 au niveau du secteur du packaging de luxe pour vins spiritueux du groupe font apparaître une poursuite de la dégradation des résultats négatifs.

Ces difficultés ont ainsi rendu indispensable la réorganisation du secteur d'activité packaging de luxe pour vins et spiritueux du groupe pour sauvegarder sa compétitivité. Par ailleurs, la surcapacité de l'outil industriel existant au sein des entités du groupe dédié à ce secteur au regard du volume d'activité du marché des très faibles perspectives de croissance appuie la nécessité d'une réorganisation industrielle. Ces réorganisations impliquent l'arrêt des activités de DSSP Premium et la localisation de l'ensemble des activités packaging de luxe pour vins et spiritueux sur leur site de [Adresse 6], qui bénéficie d'atouts multiples lui permettant d'être un acteur durable du secteur d'activité du packaging de luxe pour vins et spiritueux.

Faute de viabilité économique, les projets de maintien d'une activité partielle ou totale au sein de DSSP Premium étudiés en amont et durant la procédure d'information/consultation du comité d'entreprise sur le projet d'arrêt des activités de la société n'ont pas permis de définir de solutions alternatives.

Du fait de l'arrêt total et définitif des activités de la société DSSP Premium, votre poste d'aide de conducteur se trouve supprimé, comme l'ensemble des autres postes de la société.(...) ».

La cessation d'activité de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement, à la condition qu'elle soit totale et complète, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur, sachant qu'elle cesse d'être un motif autonome lorsque le salarié licencié a pour coemployeurs des entités faisant partie d'un même groupe.

En l'espèce, la lettre de licenciement énonce que le licenciement de M. [D] a été prononcé en raison d'un arrêt total et définitif des activités de la société DSSP Premium, lequel était indispensable pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité packaging de luxe pour vins et spiritueux du groupe. Force est de constater que M. [D] ne soutient plus l'existence d'un coemploi puisqu'il abandonne ses demandes à l'égard de la SA Otor (DS Smith Packaging France) et la SARL de droit luxembourgeois DS Smith et qu'il ne soutient pas davantage que la cessation d'activité est consécutive à une faute ou une légèreté blâmable de son employeur ou de la société mère.

Il s'ensuit que la question litigieuse soumise à la cour est circonscrite à la réalité de la cessation d'activité de la société DSSP Premium, laquelle est contestée par le salarié, sans qu'il soit besoin d'en analyser les causes, les moyens développés sur ce point étant par conséquent inopérants.

A cet égard, il ressort de la note d'information en vu de la consultation du comité d'entreprise sur le projet d'arrêt des activités de la société DSSP Premium du 6 décembre 2012 :

qu'au sein du groupe DS Smith, à compter de 2012, deux entités, la société DSSP Premium et la société DSSP Consumer, assuraient la production pour le secteur d'activité du packaging de luxe vins et spiritueux, la première sur les sites de [Localité 1] et de [Adresse 5], la deuxième sur le site de [Adresse 6], chacune dotée de leurs propres outils de production ;

que compte tenu des résultats opérationnels négatifs récurrents de la société DSSP Premium menaçant sa pérennité, de la taille insuffisante de sa plate-forme industrielle lui interdisant d'absorber un volume supérieur de production et d'accueillir des lignes de production spécifique dont elle n'était pas équipée, les productions de packaging de luxe pour vins et spiritueux devaient être regroupées sur le site de [Adresse 6] qui disposait d'un outil industriel lui conférant une autonomie totale pour satisfaire aux besoins des marchés de luxe, celle de DSSP Premium étant arrêtée ;

que les productions assurées par la société DSSP Premium et son outil industriel de DSSP Premium devaient être répartis et transférés au sein du dispositif industriel de DSSP France, sur les sites de DSSP [Adresse 6], deDSSP [Localité 2] et de DSSP Sud-Ouest, trois machines devant faire l'objet d'une étude pour leur transfert d'unité au sein du groupe ou mises en vente, sept machines devant être mises en vente après avoir été proposées aux autres usines du groupe hors France et une devait être réformée ;

que les surfaces de production et de stockage et les surfaces de bureaux et locaux sociaux du site de [Adresse 4] devaient être utilisées en totalité pour assurer le développement de DSSP Sud-Ouest, la plate-forme industrielle de cognac se recentrant sur la conception et la fabrication d'emballages en carton ondulé conventionnel, et qu'après déménagement des équipements industriels les surfaces du site de [Adresse 5] avaient vocation à être vendues et dans l'attente à être utilisées comme surface de stockage temporaire par DSSP Sud-Ouest ;

que l'arrêt des activités de la société DSSP Premium devait intervenir au plus tôt dans un délai de deux mois à l'issue de la procédure d'information'consultation des instances représentatives du personnel.

Il n'est pas contesté que l'ensemble des mesures énoncées dans cette note ont été mises en place. Il en résulte un démantèlement complet des lignes de production de la société DSSP Premium, une dissémination des outils industriels, une réaffectation des surfaces de production et de locaux administratifs à une autre unité du groupe, de sorte qu'il ne peut être considéré que la concentration de l'intégralité de l'activité de packaging de luxe vins et spiritueux sur un seul site de production établit l'existence d'un transfert d'une entité économique autonome au sens de l'article L1224-1 du code du travail qui dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Par ailleurs, le maintien non contesté d'une activité résiduelle de type administratif, qui est justifié par la liquidation des derniers actifs, la mise en 'uvre du PSE qui impose notamment le financement des dépenses inhérentes au congé de reclassement et la nécessité que la personne morale puisse ester en justice, et qui nécessite le maintien de son immatriculation au RCS d'Angoulême, ne caractérise pas une poursuite d'activité alors qu'il n'est pas contesté que toute activité de production par l'entité DSSP Premium a cessé.

Enfin, il ressort des autorisations de procéder au licenciement pour motif économique délivrées en juillet et septembre 2013 puis en avril et mai 2014 par l'inspecteur du travail, auquel il appartenait de vérifier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur, que celui-ci a procédé à une enquête contradictoire le 24 septembre 2013 dans les locaux de l'entreprise et a constaté l'arrêt total de l'activité de la société telle que présentée dans la note du 6 décembre 2012, l'arrêt total et définitif de l'activité de la société DSSP Premium ayant de plus été confirmé par le jugement du tribunal administratif eu 12 juillet 2015.

Dans ces conditions, il convient de considérer que le motif économique tiré de la cessation d'activité totale et définitive de la société DSSP Premium est établi.

Selon l'article L1233-4 du code du travail le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il ressort des pièces produites aux débats par la société DSSP Premium, notamment le plan de sauvegarde des emplois, le courrier adressé au salarié le 6 mars 2013, la note d'information et consultation sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de 73 personnes et sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi du 22 février 2013 remise au comité d'entreprise, les procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise, les courriels échangés entre la société DSSP Premium et les différents établissements du groupe du mois de décembre 2012 au mois de janvier 2014, la liste des emplois disponibles internes au groupe DS Smith au début du mois de décembre 2012, les comptes-rendus des réunions de la commission de suivi du reclassement des salariés entre le mois d'avril 2013 et le mois de septembre 2015, la synthèse des travaux de la commission de suivi des 18 novembre 2014 et 26 mars 2015 et les pièces relatives au reclassement du salarié :

que le plan de sauvegarde de l'emploi, dont la DIRECCTE a contrôlé l'élaboration et dont la validité n'est pas contestée, prévoyait des mesures précises et concrètes tendant à maintenir les emplois en proposant des mesures de reclassement interne aux salariés de la société DSSP Premium pour les maintenir dans le groupe, qu'une liste exhaustive des postes disponibles dans le groupe en France a été portée à la connaissance de tous les salariés avec les caractéristiques précises des postes disponibles (lieu de travail, catégories professionnelles, nature du contrat, répartition du temps de travail, classification et coefficient),

que la société DSSP Premium a ainsi effectué une recherche effective auprès des sociétés du groupe DS Smith en France dont il est résulté une liste de 110 postes disponibles et a offert une possibilité de reclassement au sein des implantations du groupe DS Smith à l'étranger pour les salariés répondant positivement au questionnaire qui leur a été adressé,

que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit une période de volontariat au reclassement interne sur une brève période du 5 au 22 mars 2013, avant toute offre individuelle de reclassement, afin de favoriser une mobilité interne et ce faisant, les conseils et l'orientation des salariés dans le choix des possibilités de reclassement et des postes auxquels ils pourraient se porter candidats,

que le 28 mars 2013 il a été proposé à M. [D], la description du poste joint à la proposition de reclassement étant complète et précise, un contrat de travail à durée indéterminée pour un poste d'aide de conducteur offset dans le Bas-Rhin avec, une période d'adaptation de six mois lui permettant de revenir sur son choix, un complément de salaire de 300 € pendant trois ans, un accompagnement soutenu à la mobilité géographique (prime à la mobilité de 20 000 € bruts, aide financière à l'hébergement et au déménagement, aide financière au conjoint et à la scolarisation des enfants, prise en charge du surcoût du loyer),

que le 15 avril 2013 le salarié, qui n'avait pas répondu au questionnaire de mobilité à l'étranger, a refusé cette proposition de reclassement en précisant en outre ''rentrant en formation je refuse tout autre poste'', que M. [D] a fait le choix d'adhérer au congé de reclassement pour suivre une formation qu'il n'a pas menée à son terme, qu'il a ensuite eu la possibilité d'être suivi par une antenne de reclassement afin de favoriser ses démarches de retour à l'emploi dont il n'a pas honoré tous les rendez-vous, et qu'il a été pris en charge par la cellule de reclassement de la société, qui lui a fait plusieurs offres valables d'emploi qu'il a refusées.

Il se déduit de ces circonstances et considérations que la société DSSP Premium a procédé à des recherches loyales, sérieuses et effectives pour un reclassement individualisé du salarié et que ce faisant elle a respecté son obligation de reclassement.

Dans ces conditions il convient de considérer que le licenciement pour motif économique prononcé par la société DSSP Premium est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la cour statuera à nouveau en ce sens et déboutera le salarié de l'intégralité de ses demandes.

Il convient de mettre à la charge de M. [D] qui succombe au principal les dépens et de le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Nonobstant l issue de l appel, l équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire droit à la demande formée par l employeur sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SA Otor (DS Smith Packaging France) et la SARL de droit luxembourgeois DS Smith,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour motif économique de M. [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

Déboute la société DSSP Premium de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] aux dépens.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/03045
Date de la décision : 07/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-07;15.03045 ?
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