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07/04/2016 | FRANCE | N°14/03653

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 07 avril 2016, 14/03653


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 07 AVRIL 2016



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/03653

















Madame [L] [Y] [U] divorcée [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/14561 du 19/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



SARL

RESTAURANT YVETTE





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 07 AVRIL 2016

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/03653

Madame [L] [Y] [U] divorcée [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/14561 du 19/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SARL RESTAURANT YVETTE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 mai 2014 (R.G. n° F12/00049) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 23 juin 2014,

APPELANTE :

Madame [L] [Y] [U] divorcée [R]

née le [Date naissance 1] 1981

de nationalité Française

Profession : Aide à domicile,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sophie PARRENO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL RESTAURANT YVETTE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 382 721 264 00010

représentée par Me Valérie RIZZOTTO, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 février 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [R] a été engagée par la SARL Restaurant Yvette

suivant contrat de travail à durée déterminée de trois mois en date du 18 octobre 2005 en qualité de plongeuse, emploi de catégorie 1 au coefficient 1.

Son contrat a été renouvelé jusqu'au 1er février 2006 et elle a été embauchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2006.

À compter du 1er janvier 2008, Mme [R] est devenue plongeuse, niveau 1, échelon 2 et est passée à l'échelon 3 au mois de juillet 2008.

Début avril 2009, le restaurant a subi un incendie, entraînant la fermeture jusqu'au 4 mai 2009.

À compter du mois de juillet 2010, Mme [R] a régulièrement été placée en arrêt maladie.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 mai 2011, l'employeur a demandé à Mme [R] de justifier son absence ou de préciser ses intentions en l'absence de reprise du travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2011, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 mai 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 mai 2011, Mme [R] a été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant une absence injustifiée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise.

Contestant cette décision, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 9 janvier 2012 aux fins d'obtenir un rappel de salaire au titre du temps de pause non pris (ainsi que les congés payés afférents), le non-paiement de l'avantage en nature, les jours de repos hebdomadaires non pris (ainsi que les congés payés afférents), le paiement de ses heures supplémentaires (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité pour licenciement abusif et une indemnité de préavis (ainsi que les congés payés afférents).

Par jugement en date du 22 mai 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

jugé que le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

condamné la SARL Restaurant Yvette à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

145,64 € au titre des rappels de salaire sur l'avantage en nature de nourriture,

3.897,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

389,78 € au titre des congés payés sur préavis,

800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,

débouté la SARL Restaurant Yvette de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux entiers dépens.

Mme [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 23 juin 2014.

Par conclusions déposées au greffe le 1er octobre 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [R] sollicite de la Cour qu'elle :

condamne la SARL Restaurant Yvette au paiement des sommes suivantes à titre de rappel de salaires :

4.256,91 € au titre des temps de pause non pris,

425,69 € au titre des congés payés afférents,

145,64 € au titre du non paiement de l'avantage en nature,

974,46 € au titre des jours de repos hebdomadaires non pris,

97,45 € au titre des congés payés afférents,

11.394,61 € au titre des heures supplémentaires,

1.139,46 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

juge que la SARL Restaurant Yvette a commis un manquement à son obligation de sécurité en ne lui faisant pas passer une visite de reprise après son arrêt maladie supérieur à 21 jours,

juge que la SARL Restaurant Yvette a commis des actes de harcèlement moral à son encontre,

déclare son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamne la SARL Restaurant Yvette à lui payer les sommes suivantes :

25.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

3.897,82 € à titre d'indemnité de préavis,

389,78 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la SARL Restaurant Yvette aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 13 janvier 2016 et développées oralement à l'audience, la SARL Restaurant Yvette sollicite de la Cour qu'elle :

confirme le jugement entrepris, à l'exception des condamnations pour avantage en nature, indemnité de préavis et congés payés sur préavis, points sur lesquels le jugement sera réformé,

juge la salariée irrecevable et mal fondée dans l'intégralité de ses demandes,

l'en déboute,

condamne Mme [R] au versement d'une somme de 3.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* Sur les temps de pause :

Mme [R] soutient qu'elle n'a bénéficié que d'un temps de pause de 30 minutes au lieu de 45 minutes par service en sorte qu'elle doit bénéficier d'une rémunération pour ces temps de service non rémunérés de 15 minutes supplémentaires par service. Elle verse aux débats la copie de l'affichage des horaires de travail dans l'entreprise, mentionnant une pause de 30 minutes par service deux fois par jour et des attestations d'anciens salariés pour justifier de la durée de cette pause et elle estime que le document produit par l'employeur intitulé feuille individuelle de décompte ne peut être assimilé à un document d'enregistrement des horaires individuels de chaque salarié car il s'agit de tableaux pré-remplis informatiquement qui font état d'horaires toujours identiques quelle que soit la période de l'année, seul le nombre d'heures travaillées était précisé manuellement. Elle applique une majoration de 20% pour les heures effectuées au-delà de 169 heures hebdomadaires.

La société Restaurant Yvette fait valoir que Mme [R] disposait bien de 45 minutes de pause et qu'elle a signé les relevés d'horaires correspondants. De plus, les attestations produites ne sont pas probantes et ne justifient pas qu'elle n'aurait disposé que de 30 minutes de pause et il y aura donc lieu de la débouter de sa demande à ce titre.

* Sur l'avantage en nature de nourriture :

Mme [R] fait valoir qu'elle a travaillé pendant la période de chômage partiel durant la fermeture de l'établissement et qu'elle n'a pas été payée de son avantage en nature de nourriture auquel elle avait pourtant droit chaque mois. Dès lors, il y a bien lieu de procéder à un rappel de salaire sur avantage en nature.

La société Restaurant Yvette fait valoir qu'en raison de l'état du restaurant, la salariée ne pouvait déjeuner au restaurant et donc bénéficier de l'avantage en nature. Dès lors, en raison du règlement intégral de son salaire malgré l'absence de travail, il n'y a pas lieu à lui accorder un quelconque avantage en nature et il faudra réformer le jugement sur ce point.

* Sur le repos hebdomadaire :

Mme [R] fait valoir qu'au cours de la relation de travail, son employeur a imputé à plusieurs reprises ses jours de repos hebdomadaires sur ses congés payés et elle sollicite une rémunération pour ses jours de repos hebdomadaire non pris que l'employeur a comptabilisé dans les congés payés.

La société Restaurant Yvette fait valoir que Mme [R] fait une confusion entre les repos hebdomadaires et les congés payés et il y a lieu de la débouter de sa demande à ce titre.

* Sur les heures supplémentaires :

Mme [R] fait valoir qu'elle a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées et que la société ne possède aucun élément fiable de contrôle du temps de travail à produire.

Elle soutient que la modulation du temps de travail appliquée dans l'entreprise ne lui est pas opposable à défaut pour l'employeur de l'avoir informée, conformément aux dispositions de la convention collective nationale, en lui remettant un programme indicatif des horaires, en lui communiquant un bilan de modulation une fois par an et en portant à sa connaissance la programmation indicative par tous moyens. Elle lui reproche également de ne pas avoir organisé l'activité individuelle des salariés selon un calendrier individualisé définissant les périodes de haute/moyenne et basse activité.

La société Restaurant Yvette fait valoir qu'elle appliquait de manière directe l'accord collectif du 5 février 2007 étendu et qu'elle l'a respecté : en l'absence d'institutions représentatives du personnel, elle n'avait pas à soumettre à une quelconque instance un programme indicatif annuel de la répartition des horaires et elle a réalisé l'information par voie d'affichage du programme indicatif annuel, révélant que l'activité était soumise à une forte saisonnalité ; elle n'avait pas l'obligation de transmettre un calendrier individualisé pour chaque salarié et les tableaux fournis par la salariée ne concordent pas avec les heures réellement effectuées notées sur le planning, ce dernier étant signé.

* Sur le licenciement :

Mme [R] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en alléguant que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en la licenciant dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de visite de reprise et que seule la visite médicale de reprise pouvait mettre fin à la suspension. Ce faisant le fait qu'elle ne se soit pas présentée sur son lieu de travail à l'issue de son dernier arrêt de travail n'est pas constitutif d'une faute grave.

Elle soutient par ailleurs que son état de santé résulte du harcèlement moral de l'employeur, qui la forçait à effectuer de nombreuses tâches, ainsi que des heures supplémentaires sans lui payer son entier salaire.

La société Restaurant Yvette fait valoir que jamais Mme [R] n'a manifesté sa volonté de reprendre son travail, en sorte qu'elle n'a pu organiser de visite médicale de reprise et que s'agissant d'un arrêt de travail qui n'était pas d'origine professionnelle, la période de suspension prenait fin à l'expiration de l'arrêt et non à la visite médicale de reprise. De plus, Mme [R] n'a jamais fait état d'un quelconque harcèlement de l'employeur au cours de la relation de travail et les faits évoqués ne sont pas vérifiés.

Dès lors, en raison de son absence de réponse suite au courrier lui demandant ce qu'il advenait de sa volonté de reprendre le travail, il y a lieu de constater qu'elle a porté atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise et il y aura lieu de dire que le licenciement pour faute grave est justifié.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1/ Sur les temps de pause

Mme [R] soutient avoir bénéficié pendant toute la durée de son contrat de travail d'un temps de pause de 30 minutes au lieu de 45 minutes.

À titre liminaire, il est noté que le litige sur les temps de pause porte uniquement sur la durée réelle de la pause et non sur le respect des seuils et plafonds prévus par le droit européen ou prévus par les articles L.3121-34 et L.3121-3 relatifs à la durée quotidienne et hebdomadaire maximale du temps de travail.

En application des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Selon les dispositions de la convention collective nationale des Hôtels, cafés, restaurants (HCR) à laquelle est soumis le contrat de travail, en cas d'horaire non collectif, les dispositions de l'article D.212-21 et D.212-22 du code du travail ( D.3171-8) s'appliquent comme suit :

lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe au sens de l'article D.212-20 ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché :

la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :

- quotidiennement, par enregistrement selon tous moyens des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail effectuées ;

- chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié. Ce document est émargé par le salarié et tenu à la disposition de l'inspection du travail.

Mme [R] verse aux débats des relevés journaliers de ses horaires de travail avec un horaire d'embauche et de débauche pour chacun des services effectués, que ce soit de journée ou de soir mais sans mention de ses temps de pause. Néanmoins, elle produit une photographie des horaires de travail du personnel précisant pour le service du midi : embauche 9H30, repas 11H30, service 12H et pour le service du soir : embauche 18H30, repas 19H et service 19h30 étant précisé qu'il est constant que ce document était affiché au sein de l'entreprise laissant apparaître un temps de repas de 30 minutes. Elle produit également des attestations de salariés qui ont travaillé avec elle, même pendant de courtes durées aux termes desquelles la pause n'était que de trente minutes de sorte qu'elle étaye sa demande par des éléments suffisamment précis.

L'employeur produit des tableaux journaliers signés de la salariée mentionnant les horaires d'embauche et de débauche en fonction des jours de la semaine, avec une pause de 45 minutes pour chacun des services outre le nombre d'heures de travail par journée. Si les horaires mentionnés sont très réguliers en fonction des jours de la semaine (fin du service du soir le lundi à 22H30, les mardi, mercredi et jeudi à 23H00 et les vendredi et samedi à 23H30 et le dimanche à 22H30) il n'en demeure pas moins qu'ils ne sont pas toujours identiques. Ainsi les dimanches 29 juillet et 30 septembre 2007, l'horaire de débauche était à 23H, le dimanche 31 août 2008, à 23H30. Il est noté aussi une fin de service à 23H pour les vendredis et samedis 28 et 29 mars 2008 au lieu de 23H30 habituellement.

Ainsi le relevé horaire de travail de Mme [R] mentionnant quotidiennement, les heures de début et de fin de chaque période de travail, outre le relevé du nombre d'heures de travail effectuées est conforme aux dispositions conventionnelles. Il a été signé par la salariée qui n'apporte pas les éléments suffisants pour venir établir qu'il s'agit de relevés faux qui lui ont été imposés. En effet, l'affiche des horaires qu'elle produit laissant apparaître l'heure de repas et de service n'exclut pas un temps de pause préalable ou postérieur au repas. Par ailleurs les attestations versées aux débats, établies par des salariés étant restés une saison à peine, soit de l'ordre de trois mois, fin 2010, sont très générales et insuffisamment précises et circonstanciées pour venir contredire les relevés signés par la salariée pendant toutes ces années sans interruption.

Ainsi la demande de paiement d'un reliquat d'une demi-heure par jour au titre d'un temps de pause décompté et non pris sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de paiement de rappel de salaire à ce titre.

2/ Sur les heures supplémentaires

Mme [R] verse aux débats des relevés journaliers de ses horaires de travail avec un horaire d'embauche et de débauche pour chacun des services effectués, que ce soit de journée ou de soir pendant toute la durée d'emploi, suffisamment précis pour venir étayer sa demande d'heures supplémentaires.

Néanmoins, le relevé horaire de l'employeur signé par la salariée pendant l'intégralité de la relation contractuelle vient contredire les éléments versés par celle-ci. Par ailleurs, les attestations versées aux débats de salariés qui ne sont restés que quelques mois fin 2010 début 2011 sont insuffisamment précises et circonstanciées en ce qui concerne les horaires effectués. Par ailleurs M. [O] qui a travaillé comme pâtissier en 2009 indique que 'pendant cette période passée dans ce restaurant, j'ai pu constater que tous les dimanches, nous devions signer des feuilles avec des heures fausses qui étaient écrites au crayon à papier'. Il en est de même des attestations de Melle [G] et M. [J] qui font mention d'heures écrites au crayon à papier. Or les relevés horaires de Mme [R] versés aux débats qui sont dactylographiés sauf en ce qui concerne la durée journalière de travail et la durée hebdomadaire, et pour la plus part produits en original ne portent pas trace d'inscription au crayon à papier qui aurait laissé un gaufrage au verso ou des traces de gomme au recto. Ainsi les attestations versées aux débats ne sont pas de nature à établir que les relevés signés par la salariée pendant toute la durée de la relation contractuelle ne correspondent pas à la durée de travail qu'elle a réalisée pendant cette période, pas plus que Mme [R] n'était contrainte de les signer.

Ce sont donc les relevés horaires de l'employeur qui seront pris en considération pour la détermination de la durée du travail.

L'employeur argue de l'application directe en son sein de l'accord collectif du 5 février 2007 étendu annexé à la convention collective nationale HCR relatif à la modulation du temps de travail et la salariée excipe de l'inopposabilité de l'application de cet accord à son égard.

Aux termes de cet accord, le régime de modulation prévu est réputé suffisamment adapté pour permettre une application directe dans les entreprises sous réserve de la consultation préalable des représentants du personnel s'ils existent. Il est constant qu'il n'existe pas de représentants du personnel au sein de la SARL Restaurant Yvette, en sorte que l'employeur était en droit de mettre directement en oeuvre sans cette formalité préalable l'accord de modulation conventionnel dans l'entreprise.

La durée de travail peut varier sur tout ou partie de l'année dans la limite du plafond annuel de 1607 heures avec en tout état de cause, une durée de travail qui ne peut excéder quotidiennement 11H30 (pour les autres personnels dont ressort Mme [R]) et hebdomadairement, 48 heures de manière absolue et 46 heures en moyenne sur 12 semaines.

Il est prévu que la programmation indicative de la répartition des horaires sera portée à la connaissance des salariés par tout moyen (affichage, circulaire...) Et qu'en cas de modification de la programmation, les salariés soient avisés au moins sept jours ouvrés à l'avance de cette modification et en cas de circonstances exceptionnelles au plus tard 48 heures à l'avance.

En l'espèce, la SARL Restaurant Yvette ne justifie aucunement d'un affichage, d'une diffusion par voie de circulaire de la programmation indicative telle qu'indiquée dans ses calendriers prévisionnels pour les années 2010 et 2011 produits en pièces 54 et 55, lesquels ne comportent aucune date certaine de remise à la salariée ou d'affichage. Il s'ensuit que la modulation du temps de travail mise en oeuvre au sein de la SARL Restaurant Yvette est inopposable à Mme [R] et que le décompte de ses heures de travail doit être effectué de manière hebdomadaire.

En considération des relevés horaires de l'employeur, la salariée a effectué sur une base hebdomadaire,

en 2007, 193,75 heures supplémentaires dont 3,5 heures supplémentaires majorées à 150%,

en 2008, 148,5 heures supplémentaires dont 15,5 heures supplémentaires majorées à 150%,

en 2009, 120,25 heures supplémentaires dont 13,75 heures supplémentaires majorées à 150%

en 2010, 334,5 heures supplémentaires dont 9 heures supplémentaires majorées à 150%,

en 2011, 58,25 heures supplémentaires dont 2,25 heures supplémentaires majorées à 150%

En fonction du salaire de base applicable selon les périodes, des majorations applicables et des paiements effectués au titre des heures supplémentaires, la SARL Restaurant Yvette reste devoir à SARL Restaurant Yvette :

548,04 euros au titre de l'année 2007,

76,8 euros au titre de l'année 2008,

555,22 euros au titre de l'année 2009,

1.864,03 euros au titre de l'année 2010 et

149,62 euros au titre de l'année 2011

soit un total de 3.193,71 euros.

En conséquence, la SARL Restaurant Yvette sera condamnée à verser à Mme [R] la somme de 3.193,71 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 319,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

3/ Sur la prise des jours de repos hebdomadaires

Faute pour la salariée de préciser les dates et semaines pendant lesquelles elle n'aurait pas bénéficié du repos hebdomadaire alors qu'elle demande une rémunération pour les jours de repos non pris et qu'elle ne détaille pas son calcul, la salariée met la cour dans l'impossibilité de vérifier le bien fondé de ses prétentions et sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

4/ Sur l'avantage en nature

Les contrats de saison prévoient que Mme [R] percevra une rémunération mensuelle forfaitaire brute de 1.493,91 euros nourriture comprise.

Aux termes du contrat à durée indéterminée du 1er décembre 2006, il est prévu que Mme [R] bénéficiera d'une rémunération mensuelle brute de 1.642,76 € et des avantages en nature prévus par la législation propre à ce secteur d'activité. Les bulletins de salaire versés aux débats permettent d'établir que le montant du salaire brut de 1.642,76 € comprend l'avantage en nature et que cet avantage fait donc partie intégrante du salaire de Mme [R].

Il ressort des bulletins de salaire, que Mme [R] a bénéficié de 11 avantages en nature repas en avril 2009 et de 34 avantages en nature repas en mai 2009, correspondant à la période de fermeture de l'établissement, à raison d'un incendie du 6 avril au 6 mai 2009. Ces bulletins de salaire font mention de chômage partiel, même si la demande de chômage partielle faite par la SARL Restaurant Yvette auprès de l'inspection du travail a été rejetée en date du 2 juin 2009.

Il ressort de l'attestation de M. [X] qui a travaillé au sein de l'établissement pendant plusieurs saisons que, du 6 avril au 6 mai 2009 inclus, pendant la période de fermeture du restaurant, il a été envoyé avec Mme [R] par l'employeur pour travailler sur le marché de La teste de Buch le matin de 7H30 jusqu'à 14H-14H30 et qu'ensuite ils allaient à l'[Localité 1] de 15H à 18H pour faire du nettoyage, coller les étiquettes sur les pots de soupe, frotter les casseroles et la vaisselle qui avaient pris le fumée et que pendant cette période, ils n'avaient pas de repas au restaurant (sic). Cette attestation est de nature à établir que Mme [R] a continué à travailler pour le compte de la SARL Restaurant Yvette pendant la durée de la fermeture du restaurant, en sorte que l'avantage en nature continuait d'être dû et que Mme [R] est donc bien fondée à solliciter la somme de 129,97 euros à ce titre outre 12,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente, soit un total de 142,96 €.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a accordé une somme de 145,64 euros ne correspondant pas aux décomptes détaillés de la salariée, non contestés dans leurs modalités.

Sur la rupture du contrat de travail

1/ Sur les motifs du licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement du 24 mai 2011, qui fixe les limites du litige, il est reproché à Mme [R] les faits suivants :

'Vous n'avez pas repris votre travail le 2 mai 2011, date de fin de votre arrêt maladie du 7 avril au 1er mai 2011vous n'avez donné aucune nouvelle et n'avez pas répondu à mon courrier du 6 mai 2011 recommandé avec AR vous demandant de reprendre votre poste ou de fournir des explications.

Je vous précisais que votre absence prolongée perturbait gravement le fonctionnement de la cuisine ainsi que les jours de repos hebdomadaires de vos collègues...

Vous ne vous êtes pas présentée à ce rendez-vous, j'ai donc le regret de vous signifier votre licenciement pour absence injustifiée perturbant le fonctionnement de l'entreprise, ce qui constitue une faute grave...'

Seul l'examen pratiqué par le médecin du travail dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail en application des articles R.4624-21 du code du travail met fin à la période de suspension, que la maladie ou l'accident soient ou non d'origine professionnelle.

En application des dispositions des articles R.4624-21 et suivants applicables au litige, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel.

L'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une ou l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours.

Mme [R] a été en arrêt pour maladie non professionnelle du 7 avril au 1er mai 2012 soit pendant au moins 21 jours, de sorte que les dispositions de l'article R.4624-21 s'appliquent et qu'elle devait passer une visite médicale de reprise pour mettre fin à la suspension du contrat de travail.

En conséquence, le fait de ne pas avoir repris le travail à l'issue de l'expiration de l'arrêt de travail et à la demande de l'employeur ne saurait caractériser une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] reposait sur une cause réelle et sérieuse.

2/ Sur les conséquences du licenciement

Mme [R] qui avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employant au moins 11 salariés est en droit de percevoir de la part de son employeur, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [R] avait une ancienneté de près de cinq ans et demi au moment du licenciement et un salaire de 1948,91 euros brut par mois soit 2.104 euros en y réintégrant les heures supplémentaires. A défaut de justifier de sa situation postérieure au licenciement, elle bénéficiera d'une indemnité de 12.624 € que la SARL Restaurant Yvette sera condamnée à lui verser.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.

Mme [R] qui n'a pas exécuté le préavis a droit dès lors qu'elle n'a pas commis de faute grave à une indemnité compensatrice de préavis selon les dispositions de l'article L.1234-5 du Code du Travail. La somme retenue par le tribunal n'est pas contestée par les parties dans ses modalités de calcul en sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Restaurant Yvette à verser à Mme [R] 3.897,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 389,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de toutes les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SARL Restaurant Yvette succombant sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier Mme [R] de ces dispositions et de condamner en conséquence la SARL Restaurant Yvette à lui verser une indemnité complémentaire de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse, condamné la SARL Restaurant Yvette à lui verser 145,64 € au titre des rappels de salaire sur l'avantage en nature de nourriture, débouté Mme [R] ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement de Mme [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Restaurant Yvette à verser à Mme [R] :

12.624 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

129,97 euros bruts au titre de l'avantage en nature outre 12,99 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

3.193,71 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre la somme de 319,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus,

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de toutes les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Condamne la SARL Restaurant Yvette à verser à Mme [R] une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Restaurant Yvette aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/03653
Date de la décision : 07/04/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/03653 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-07;14.03653 ?
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