La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2016 | FRANCE | N°13/04652

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 février 2016, 13/04652


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 FÉVRIER 2016



(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/04652









SAS Proman 057



c/



Madame [E] [I]



SAS Intérim



SAS JPI Holding















Nature de la décision : AU FOND










>

Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 FÉVRIER 2016

(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/04652

SAS Proman 057

c/

Madame [E] [I]

SAS Intérim

SAS JPI Holding

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 juillet 2013 (RG n° F 12/02578) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2013,

APPELANTE :

SAS Proman 057, siret n° 502 390 537, prise en la personne de son

représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Jean-Claude Sassatelli, avocat au barreau de Marseille,

INTIMÉES :

Madame [E] [I], née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1],

de nationalité française, demeurant [Adresse 3],

Représentée par Maître Frédéric Lalliard, avocat au barreau de Lyon,

SAS Intérim, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

SAS JPI Holding, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Non comparantes,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 7 décembre 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Maud Vignau, Président, chargé d'instruire l'affaire, et Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Le magistrat chargé d'instruire l'affaire a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Grandemange, Conseiller,

Madame Véronique Lebreton, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

En présence de Madame [G] [P], avocate stagiaire.

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

*

Madame [E] [I] a été engagée par la SAS Proman 057, le 15 novembre 2010, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'assistante d'agence, pour une rémunération mensuelle brute de 1.800 €.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 septembre 2012, Madame [I] démissionne de ses fonctions. En retour, la SAS Proman 057 indique maintenir sa clause de non-concurrence, assortie d'une contre partie financière.

Madame [I] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 29 octobre 2012 pour voir :

' constater la nullité de la clause de non-concurrence,

' condamner son employeur à lui verser des dommages et intérêts au titre de

cette nullité.

Par jugement en date du 5 juillet 2013, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Activités diverses,

' juge illicite la clause de non-concurrence liant les parties,

' condamne, en conséquence, la SAS Proman 057 à verser à Madame [I] les sommes de :

- 382,56 € à titre de dommages et intérêts,

- 382,56 € à titre de remboursement de la contrepartie de la clause de non-concurrence,

' dit n'y avoir lieu à compensation entre ces deux sommes,

' déboute les parties du surplus de leurs demandes,

' laisse à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés,

' condamne la SAS Proman 057 aux dépens d'instance.

La SAS Proman 057 a interjeté appel de cette décision le 19 juillet 2013.

Par conclusions du 24 août 2015 développées oralement à l'audience, la SAS Proman 057 sollicite de la Cour de :

' la recevoir en ses demandes et de les dires bien fondées,

' infirmer le jugement entrepris,

' constater la validité de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail,

' débouter la salariée de sa demande relative à la prétendue nullité de ladite clause,

' constater que Madame [I] a violé la clause de non-concurrence à laquelle elle était tenue à son égard,

' constater la parfaite validité du constat d'huissier, du rapport [W] et des pièces saisies par l'huissier sur place en vertu de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 juin 2015,

' constater que Madame [I] s'est rendue coupable de concurrence déloyale envers elle, notamment par détournement frauduleux de documents, démar-chage systématique de clients, débauchage des intérimaires, ainsi que par la violation de la clause de non-concurrence la liant à son précédent employeur,

' interdire à Madame [I] de contacter, directement ou par personne interposée, les clients et intérimaires de Proman 057 listés sur le fichier client et intérimaires de celle-ci, sous astreinte de 10.000 € par infraction, passé le délai d'un jour suivant la signification de la décision à intervenir,

' condamner Madame [I] à lui verser la somme de 21.600 € au titre des dispositions de la clause pénale insérée au contrat et accepté sans réserve par elle,

' condamner Madame [I] à lui rembourser la somme de 494,06 € à titre d'indemnité de non-concurrence perçue au titre de la répétition de l'indu,

' réserver à la Cour la liquidation des astreintes prononcées,

' ordonner une mesure d'expertise comptable et désigner à cet effet tel expert qu'il plaira, avec pour mission de :

réexaminer en tant que de besoin les fichiers et documents saisis par l'huissier [N],

se faire communiquer tous documents contractuels, comptables et autres de nature à attester du chiffre d'affaires réalisés directement ou indirectement par la Société 33 Intérim depuis sa création et son implantation sur le secteur Sud-Ouest,

évaluer le chiffre d'affaire réalisé,

déterminer la marge brute en résultant,

étudier et évaluer les préjudices financiers et économiques subis par la requérante notamment en terme de perte de clientèle, de perte de fonds de commerce, de perte de marge brute, et tout autre préjudice économique, commercial, d'image,

condamner Madame [I] à lui verser les sommes de :

- 15.000 € à titre de provision ad-litem,

- 17.400 € à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation des préjudices

subis,

- 21.750 € au titre du chiffre d'affaires détourné, somme arrêtée au 1er juillet 2013,

- 21.750 € au titre de la perte de clientèle subie, à savoir sa valeur de cession fixée

au chiffre d'affaire annuel réalisé avec elle par Intérim 33,

- 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de fidélité,

dire que la décision est commune et exécutoire envers les sociétés 33 Intérim et JPI Holding,

condamner Madame [I] à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier de Maître [N] du 24 octobre 2012 avec sapiteur sur ordonnance, dont ceux distraits au profit de Maître Guitard, avocat près la Cour d'Appel de Bordeaux.

Par conclusions du 7 décembre 2015 développées oralement à l'audience, Madame [I] sollicite de la Cour de :

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé illicite la clause de non concurrence liant les parties, débouter la société Proman 057 de toutes ses demandes,

' condamner la Société Proman 057 à payer à Madame [I] 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non concurrence,

' condamner la société Proman 057 à payer à Madame [I] 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE, LA COUR

Sur la validité de la clause de non-concurrence

L'article 7 du contrat de travail signé par les parties dispose que : la clause de non concurrence est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et du groupe Proman.

En conséquence il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pour quelque raison que ce soit, y compris pendant la période d'essai, le salarié s'interdit d'entrer directement ou indirectement au service d'une entreprise de travail temporaire dans le secteur géographique suivant : départements 33 et limitrophes et tous les départements où le collaborateur a, durant les trois années qui ont précédé la rupture du contrat de travail, exercé son activité. Cette interdiction est limitée à deux ans à compter de la date de la cessation du contrat. En contrepartie de cette obligation de non concurrence, le salarié percevra à compter de la cessation définitive de son contrat de travail et pendant la durée d'application de la clause, une indemnité mensuelle brute de sa rémunération au cours des trois derniers mois de présence dans l'entreprise, 20% pour la première année et à 15 % pour la deuxième année.

Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que 'prorata temporis'. Cette indemnité sera versée dans les conditions suivantes : les demandes de paiement et les attestations seront adressées tous les mois au siège de la société. A défaut aucun paiement ni rétroactivité n'auront lieu. L'employeur se réserve également la possibilité de réduire unilatéralement l'étendue géographique de l'interdiction ou de la durée d'application de la clause, sous la seule réserve de prévenir le salarié dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 7-4 de la convention collective pour lever la clause de non concurrence. Le non respect de la clause de non concurrence l'exposerait au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses douze derniers mois d'activité par infraction commise, d'une astreinte (clause pénale à) égale à 305 € par jour de retard jusqu'à la cessation de l'infraction à compter de la mise en demeure qui lui aura été signifiée par tout moyen ; de dommages et intérêts, au remboursement de la contrepartie financière éventuellement versée.

Pour être licite la clause de non concurrence doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et comporter une contrepartie pécuniaire versée au salarié, le tout tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié, ces conditions étant cumulatives.

En l'espèce, l'article 7 précité dispose que la clause de non concurrence 'est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et du groupe Proman'

Or, il est constant que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail ne peut concerner que la société avec laquelle le salarié a contracté. La clause de non-concurrence ne pouvait donc concerner que la société Proman 057 et non les cent quatre vingt autres sociétés dudit groupe.

Il s'ensuit que c'est à bon droit donc, que le premier juge a dit que cette clause de non concurrence était illicite, et en a prononcé la nullité.

Il s'ensuit que cette clause est donc inopposable à la salariée, contrairement à ce qu'a retenu le Conseil.

Au vu des éléments produits par les parties, Madame [I] a exercé un travail interdit par la clause de non concurrence, atteinte de nullité, il s'ensuit qu'elle ne justifie en l'espèce d'aucun préjudice, aussi la déboute de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la concurrence déloyale reprochée à la salariée

S'il est constant que la nullité de la clause de non concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ex salarié dont il est démontré qu'il s'est livré à des actes de concurrence déloyales.

Il y a toutefois lieu d'observer, en l'espèce, que les sociétés du groupe Proman ont déjà saisi le Tribunal de Commerce de Bordeaux en désignation d'un huissier de justice, avec pour mission d'effectuer une saisie dans les locaux de la société 33 Intérim, afin de mettre en lumière l'étendue de la violation de la clause de non- concurrence par les anciens salariés.

Par acte du 5 novembre 2012, les cinq sociétés requérantes ont saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce, afin de voir autoriser l'huissier de justice à leur communiquer les documents saisis dans les locaux de 33 Intérim et séquestrés en son étude. Le tribunal a fait droit à cette requête par ordonnance du 27 novembre 2012.

Ces sociétés ont ensuite saisi le Tribunal de Commerce de Bordeaux d'une action en concurrence déloyale et en complicité de violation de clause de non-concurrence, dirigée contre diverses sociétés dont Intérim 33.

Les sociétés Proman 057, 061 et 062 ont également fait assigner en référé Madame [Z] [O], Madame [E] [I], Monsieurr [B] [M], Monsieur [Q] devant le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de faire cesser l'activité concurrentielle illicite. Ces demandes ont été rejetées par arrêt confirmatif du 11 avril 2013.

Par ailleurs, régulièrement autorisées par ordonnance du 4 décembre 2012, les sociétés Proman Performance, Proman 057, Proman 061, Proman 062, Proman 090 ont, par acte du 13 décembre 2012, fait assigner Madame [Z] [O], Madame [E] [I], Monsieur [B] [M], Monsieur [Q], la société 33 Intérim, la société JPI Holding et la société Groupe JTI devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, afin notamment de voir reconnaître la responsabilité délictuelle des anciens salaries en leur reprochant des actes de concurrence déloyale et de violation de clause de non-concurrence.

Ces procédures sont toujours en cours devant la première chambre de la Cour d'Appel de Bordeaux.

Il s'ensuit que les demandes présentées par la SAS Proman 057 tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de Madame [I] en lui reprochant des actes de concurrence déloyale ne sont pas recevables dans la mesure où la première chambre de la Cour est déjà saisie de ces mêmes demandes.

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

La SAS Proman 057, succombant en cause d'appel, l'équité et les circons-

tances de la cause commandent de la condamner à verser à Madame [I] la somme 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réforme partiellement la décision attaquée.

' Dit que la clause de non-concurrence figurant à l'article 7 du contrat de travail est illicite.

' Prononce la nullité de ladite clause.

' Dit que la clause est inopposable à la salariée.

' Déboute Madame [I] de sa demande de dommages et intérêts dont elle ne justifie pas.

' Déclare irrecevables les autres demandes de la société Proman 057 tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de Madame [I] en lui reprochant des actes de concurrence déloyale, dans la mesure où la Première Chambre de la Cour est déjà saisie de ces mêmes demandes.

' Condamne la SAS Proman 057 à verser à Madame [I] la somme

1.500 € (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/04652
Date de la décision : 17/02/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/04652 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-17;13.04652 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award