COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 07 OCTOBRE 2015
(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 14/05501
Madame [I] [T]
c/
Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN)
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 septembre 2014 (RG n° F 13/02473) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de [Localité 1], section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 23 septembre 2014,
APPELANTE :
Madame [I] [T], née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]
(47180), de nationalité française, demeurant [Adresse 2],
Représentée par Maître Fabienne Guillebot-Pourquier, avocat au barreau de Bordeaux,
INTIMÉE :
Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN), siret n° 775 685 399, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],
Représentée par Maître Dominique Trey, avocat au barreau de Paris,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 juin 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Mme [I] [T], qui exerce le métier de professeur des écoles, a répondu à un appel d'offre concernant un poste de délégué auprès de la section départementale de la Gironde de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale.
Par arrêté du 17 juin 2011 le Ministère de l'Education Nationale a détaché Mme [T] auprès de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale pour exercer ledit poste pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010.
Par arrêté du 9 septembre 2011, le Ministère de l'Education Nationale a renouvelé la période de détachement de Mme [T] jusqu'au 31 août 2014.
Par courrier en date du 27 mai 2013, la Mutuelle Générale de l'Education Nationale a notifié à Mme [T] que sa réintégration dans l'Education Nationale allait être demandée à compter du 1er septembre 2013.
Contestant les motifs de la fin de son détachement Mme [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de [Localité 1], le 25 Juillet 2013, aux fins de voir qualifier le terme de celui-ci de licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités.
Par jugement en date du 8 septembre 2014, le Conseil de Prud'hommes de [Localité 1], section Encadrement, a dit que Mme [T] avait conservé son statut de fonctionnaire de l'Etat pendant toute la durée de son détachement au sein de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale, que la Mutuelle Générale de l'Education Nationale n'a, de fait, jamais été l'employeur de Mme [T], cette dernière ayant été détachée auprès de cette structure après autorisation, intervenue par arrêté minis-tériel, dit que Mme [T] ne rapporte aucune preuve de l'existence de faits répétés qui pourraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre pas davantage qu'elle ne démontre que la Mutuelle Générale de l'Education Nationale aurait manqué à une obligation de sécurité à son égard, débouté, en conséquence, Mme [T] de l'intégralité de ses demandes et condamné aux entiers dépens.
Mme [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 2 février 2015 développées oralement à l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément, Mme [T] sollicite de la Cour de :
- dire qu'elle était liée par un contrat de travail de droit privé avec la Mutuelle Générale de l'Education Nationale,
- qu'elle était placée sous un lien de subordination avec la Mutuelle Générale de
l'Education Nationale,
- dire abusif son licenciement, notifié le 27 mai 2013,
- constater le manquement de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale à son
obligation de sécurité,
- condamner la Mutuelle Générale de l'Education Nationale à lui verser les sommes suivantes :
- 48.918 € à titre de rupture abusive du contrat de travail avec la perte de 12 mois
de salaire (soit 4.076,50 € par mois),
- 24.459 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de résultat dû par la Mutuelle Générale de l'Education Nationale,
- 24.459 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait de la perte de salaire significative,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions du 18 mars 2015 développées oralement à l'audience, la Mutuelle Générale de l'Education Nationale sollicite de la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE, LA COUR
Sur les conséquences de la fin du détachement de Mme [T] auprès de la MGEN, intervenue le 27 mai 2013, avant le terme fixé par arrêté le 31 août 2014, à l'initiative de l'organisme d'accueil
Mme [T] demande à la Cour de faire application de la juris-prudence constante de la chambre sociale de la Cour de Cassation, contrairement à ce qu'a retenu la décision attaquée. La MGEN demande la confirmation de la décision attaquée.
En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que la MGEN est un
organisme de droit privé, ni que Mme [T], professeur des écoles, fonctionnaire de l'Education Nationale, y a été placée par un premier arrêté à compter du 1er septembre 2009 en position de détachement jusqu'au 31 août 2010, puis jusqu'au 31août 2011 par un deuxième arrêté puis enfin jusqu'au 31 août 2014 par un troisième arrêté, pour y exercer les fonctions de déléguée de la section MGEN de la Gironde.
Mme [T] établit avoir effectué une prestation de travail contre
rémunération au profit de la MGEN et avoir dû rendre compte de l'exécution de ses missions au comité de section et à la commission permanente. Elle justifie avoir été évaluée par la MGEN durant son détachement, et établit ainsi qu'elle exerçait ses missions dans un rapport de subordination à l'égard de la MGEN.
Ce qui ne peut être sérieusement contesté par la MGEN qui reproche principalement à Mme [T] dans ses conclusions, son insubordination, son refus de suivre les procédures en matière financière et d'avoir engagé la MGEN sans avoir de délégation.
Le 18 janvier 2013 Mme [T] a été convoquée à un entretien par le président de section et par courrier du 27 mai 2013 le secrétaire général de la MGEN l'a informée que sa réintégration à l'Education Nationale allait être demandée à compter du 1er septembre 2013, avant le terme de son détachement.
Il n'est pas contestable donc que c'est bien la MGEN qui a pris l'initiative
de la rupture.
Par arrêté du 6 août 2013 il a été mis fin au détachement de Mme [T], qui a été réintégrée immédiatement dans son corps d'origine.
Contrairement à ce que soutient la MGEN la situation de Mme [T] ne peut nullement être comparée à celle d'un maître de l'enseignement privé sous contrat avec l'ETAT dont le statut est régi par la loi n° 2005-5 du 5 janvier qui exclut expressément l'existence d'un contrat de travail avec l'établissement privé
au sein duquel l'enseignement leur est confié.
Il est constant au contraire que le fonctionnaire détaché auprès d'un organisme de droit privé et qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail de droit privé.
L'article L.1411-2 du code du travail dispose que le Conseil de Prud'homme est compétent pour régler les différents et les litiges des personnels des services publics, lorsqu'ils sont employés dans les conditions du droit privé.
Dès lors, la Cour constate que si Madame [T] a été convoquée le 18 janvier 2013 à un entretien par le président de section qui peut être assimilé à un entretien préalable, en revanche le courrier, qui lui a été adressé le 27 mai 2013 par le secrétaire général de la MGEN l'informant que sa réintégration à l'Education Nationale allait être demandée à compter du 1er septembre 2013, avant le terme de son détachement, ne contient aucun motif précis, aucun grief susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
A défaut de lettre énonçant les motifs du licenciement conformément aux dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, le licenciement de Mme [T] est dénué de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, Mme [T], ayant plus de deux ans d'ancienneté au sein de la MGEN organisme de droit privé qui emploie plus de onze salariés, a droit aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaires.
Il s'ensuit que réformant la décision attaquée la Cour dit que Mme [T] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne, en conséquence, la MGEN à lui verser la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur le manquemant à l'obligation de Sécurité et de résultats
Mme [T] reproche principalement à son employeur de lui avoir fait connaître dès décembre 2012 qu'il entendait mettre fin à son détachement à compter de septembre 2013 et pour l'avoir l'invitée à prendre attache avec l'Education Nationale ou d'autres sections de la MGEN pour trouver une solution de remplacement. Elle même précise dans ses conclusions avoir fait deux malaises et subi une hospitalisation pour une opération d'un fibrome qui n'a manifestement pas de lien avec son activité profes-sionnelle.
Le fait pour l'employeur d'avoir prévenu Mme [T] qu'il entendait mettre fin à son détachement de manière anticipée, quatre mois avant d'engager cette procédure et d'avoir essayé de trouver une solution amiable, pour éviter cette rupture ne constitue pas un manquement à l'obligation de sécurité de résultat et, dès lors, déboute Mme [T] de cette demande infondée.
Sur le préjudice moral invoqué
Mme [T] invoque pour seul préjudice les conséquences financières de la rupture de son détachement qui ont déjà été indemnisées au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, le préjudice invoqué ne peut être indemnisé deux fois, en conséquencen déboute Mme [T] de cette demande infondée.
L'équité et les circonstances de la cause commandent de condamner la
MGEN à verser à Mme [T] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' Réforme partiellement la décision attaquée.
Statuant à nouveau :
' Dit que Mme [T] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
' Condamne, en conséquence, la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) à lui verser la somme de 30.000 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
'
Déboute Mme [T] de ses demandes pour manquement à l'obligation de sécurité et de résultat et de préjudice moral.
Y ajoutant :
' Condamne la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) à verser à Mme [T] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau