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24/09/2015 | FRANCE | N°14/03857

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 24 septembre 2015, 14/03857


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 24 SEPTEMBRE 2015



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/03857

















SA PEI



c/



Madame [D] [L]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRA

R le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juin 2014 (R.G. n°...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 24 SEPTEMBRE 2015

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/03857

SA PEI

c/

Madame [D] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juin 2014 (R.G. n° F 13/1351) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2014,

APPELANTE :

SA PEI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [D] [L]

née le [Date naissance 1] 1972 à , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 juillet 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES Conseiller

Madame Véronique LEBRETON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Nathalie BELINGHERI,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La SA PEI a pour objet social une activité de nettoyage industriel.

Mme [D] [L] a été engagé par la société PEI suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 24 avril 1994 en qualité d'AS1 A.

Aux termes de son nouveau contrat de travail signé le 16 mai 2006, elle s'est engagée à accepter toute mutation sur un ou plusieurs sites de la société à [Localité 1] et sa région en cas de perte ou, en fonction des impératifs du client, de modification des prestations, pour faire face à des absences d'autres salariés de la société, en cas de fermeture momentanée du client, cette modification d'affectation devant être notifiée avec un délai de présence de 7 jours.

Le salarie mensuel brut de Mme [L] était fixé à 611,46 € et, au dernier état de sa rémunération, elle percevait 728,73 € bruts pour 75,83 heures de travail.

Le 28 juin 2012, la société PEI a informé la société Hôtel de France qu'elle résiliait le contrat de nettoyage liant les deux entreprises avec un préavis devant arriver à expiration le 29 septembre 2012.

Par courrier en date du 17 septembre 2012, l'employeur a adressé une première proposition d'affectation à Mme [L] à effet au plus tard du 1er octobre 2012 et précisait qu'à défaut de présentation sur les lieux, des mesures pouvant aller jusqu'au licenciement étaient envisagées.

Mme [L] a refusé cette proposition, ne disposant d'aucun moyen de transport personnel.

Par courrier en date du 30 octobre 2012, Mme [L] a décliné la deuxième proposition de l'employeur, pour motif personnel.

Dès lors, l'employeur n'a plus fourni de travail à Mme [L] et a cessé de lui régler son salaire à compter du mois d'octobre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 novembre 2012, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 6 décembre 2012

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 décembre 2012, Mme [L] a été licenciée pour avoir refusé les deux propositions d'affectation.

Mme [L] a alors saisi la formation de référé du conseil de Prud'hommes le 22 novembre 2012 pour obtenir le paiement de ses salaires depuis le mois d'octobre mais le conseil de Prud'hommes s'est déclaré incompétent.

Mme [L] a alors saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 10 mai 2013 aux fins d'obtenir la reclassification au coefficient AS3A et de voir juger le licenciement dénué de cause réelle sérieuse et obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 3 juin 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

jugé que Mme [L] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein et procédé à sa reclassification,

condamné la SA Pei à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

172,71 € à titre de rappel de salaire pour reclassification au niveau AS2A,

17,27 € à titre de congés payés afférents,

100 € à titre de prime de fidélité,

10 € à titre de congés payés afférents,

39.588,76 € à titre de requalification du contrat de travail à temps plein,

3.958,87 € à titre de congés payés afférents,

3.176,41 € à titre de rappel de salaire du 1er octobre 2012 au 13 décembre 2012,

317,64 € à titre de congés payés afférents,

2.927,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

292,72 € à titre de congés payés afférents,

6.092,73 € à titre d'indemnité de licenciement,

150 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,

1.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

18.000 € à titre de dommages et intérêts selon l'article L.1235-3 du code du travail,

800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la SA PEI de sa demande reconventionnelle,

ordonné d'office le remboursement par la SA PEI à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [L] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et ce, en application de l'article L.1235-4 du code du travail,

condamné la SA PEI aux entiers dépens.

La société PEI a régulièrement interjeté appel de cette décision le 1er juillet 2014.

Mme [L] forme appel incident.

Par conclusions n°2 déposées au greffe le 5 décembre 2014 et développées oralement à l'audience, la société PEI sollicite de la Cour qu'elle :

réforme le jugement dont appel,

déboute Mme [L] de ses demandes,

condamne Mme [L] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions responsives déposées au greffe le 30 mars 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [L] sollicite de la Cour qu'elle :

déboute la société PEI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

réforme le jugement dont appel

1) Sur l'exécution du contrat de travail :

a) sur la reclassification de la salariée :

* A titre principal,

juge qu'il y a lieu de la reclasser au coefficient AS3A,

condamne la société PEI à lui payer :

396,71 euros bruts à titre de rappel de salaire,

39,67 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire,

* A titre subsidiaire,

juge qu'il y a lieu de la reclasser au coefficient AS2A,

confirme le jugement dont appel et condamne la société PEI au paiement des sommes suivantes :

172,71 euros bruts à titre de rappel de salaire,

17,27 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire

b) Sur la prime de fidélité :

* A titre principal,

condamne la société PEI à lui verser :

1 000,00 euros bruts à titre de prime de fidélité,

100,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la prime de fidélité

* A titre subsidiaire,

condamne la société PEI à lui verser :

100,00 euros bruts à titre de prime de fidélité,

10,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la prime de fidélité

c) Sur le solde de prime de remplacement

condamne la société PEI à lui verser 100,00 euros bruts au titre du solde de la prime de remplacement d'août 2012,

d) Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet

juge qu'il y a lieu de requalifier le contrat à travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet,

* A titre principal, sur la base de la classification AS3A

condamne la société PEI à lui verser :

40 033,42 euros bruts à titre de rappel de salaire,

4 003,34 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire,

* A titre subsidiaire, sur la base de la classification AS2A

confirme le jugement dont appel et condamne la société PEI à lui verser :

39 588,76 euros bruts à titre de rappel de salaire,

3 958,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

afférente au rappel de salaire

e) Sur les salaires d'octobre à la notification du licenciement

condamne la société PEI à lui verser :

3 176,41 euros bruts au titre des salaires d'octobre 2012 à la notification du licenciement,

317,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux salaires d'octobre 2012 à la notification du licenciement,

f) Sur le manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité de la salariée

condamne la société PEI à lui verser 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver sa santé et sa sécurité,

g) Sur le manquement à l'exécution loyale du contrat de travail,

condamne la société PEI à lui verser :

2 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (absence de paiement des salaires d'octobre 2012 à la notification du licenciement, retard dans la remise des documents de fin de contrat)

ordonne que l'employeur justifie du reversement des charges sociales aux organismes sociaux

2°) Sur la rupture du contrat de travail :

juge que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

condamne la société PEI à lui verser :

a) Sur la base d'un temps complet :

* A titre principal, sur la base d'une classification AS3A,

2 942,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

294,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

6 130,22 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,

* A titre subsidiaire, sur la base d'une classification AS2A,

2 927,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

292,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

6 092,73 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement

* En tout état de cause,

60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail,

b) Sur la base d'un temps partiel :

* A titre principal, sur la base d'une classification AS3A

1 471,10 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

147,11 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

2 492,84 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,

* A titre subsidiaire, sur la base d'une classification AS2A,

1 463,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

146,35 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

2 474,10 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,

* En tout état de cause,

30 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail

3°) Sur les autres demandes

ordonne la remise, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir :

une attestation ASSEDIC rectifiée,

des bulletins de paie rectifiés d'octobre à février 2013 tenant compte des condamnations prononcées,

condamne la société PEI à lui payer 2.500 € supplémentaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société PEI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

confirme le jugement pour le surplus.

Sur la rupture du contrat de travail :

La société PEI fait valoir le moyen selon lequel elle a toujours mis à disposition de Mme [L] un travail et cette dernière a refusé d'exécuter le travail qui lui était proposé, sans aucune raison. En effet, la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail était valable et la prestation qui lui était proposée n'était pas sensiblement éloignée de son domicile, Mme [L] devant effectuer 1,2 kms en plus par rapport à son lieu de travail initial. Dès lors, en raison du respect du délai de prévenance et du refus de Mme [L] d'effectuer le travail qui lui était proposé, il y a lieu de considérer que le licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Mme [L] fait valoir que c'est l'employeur lui-même qui a pris l'initiative de stopper la relation de travail avec le client et qu'il ne se trouvait donc pas dans une des hypothèses lui permettant de se prévaloir de la clause de mobilité. Dès lors, l'employeur n'a pas pris en compte les obligations familiales de sa salariée et le fait qu'elle n'avait pas de moyen de locomotion personnel et le licenciement prononcé à son encontre est donc dénué de cause réelle et sérieuse, l'employeur n'ayant pas non plus remplacé le poste vacant suite au licenciement.

Sur la reclassification du contrat de travail :

La société PEI fait valoir que pour bénéficier de la reclassification de son contrat de travail, Mme [L] devant en faire la demande auprès de l'employeur et cette demande n'a jamais été effectuée ; dès lors, il n'y a pas lieu de procéder à la requalification de son contrat de travail.

Mme [L] fait valoir que l'accord de négociation annuelle d'entreprise avait prévu une reclassification en fonction de l'ancienneté qui ne lui a jamais été appliquée et elle n'avait pas à en faire la demande ; dès lors, il y aura lieu de procéder à sa reclassification soit au coefficient AS3A, soit au coefficient AS2A et de lui octroyer les rappels de salaire afférents.

Sur les différentes primes :

La société PEI fait valoir que Mme [L] ne saurait bénéficier de la prime de fidélité en raison d'une erreur de lecture de l'accord de négociation et il ne lui est pas dû de prime de remplacement en août 2012 car elle ne travaillait pas durant ce mois.

Mme [L] fait valoir que l'employeur ne conteste pas que la prime est due mais que celle-ci, selon l'accord d'entreprise, est mensuelle et non annuelle et il y a lieu de procéder à son entier paiement. De plus, concernant la prime de remplacement, l'employeur a effectué une proratisation qui n'avait pas lieu d'être sur son bulletin de salaire de septembre 2012 et il y aura lieu de procéder au paiement intégral de la prime de remplacement.

Sur la requalification en contrat de travail à temps complet :

La société PEI fait valoir que le contrat de travail prévoit la possibilité d'un nombre d'heures complémentaires de 10% ; de plus, Mme [L] pouvait refuser d'effectuer des heures supplémentaires et elle n'a jamais vu son temps de travail atteindre les 151,67 heures ; dès lors, en raison de son accord pour effectuer des heures supplémentaires, des avenants consentis et du second travail effectué par Mme [L] dans une autre société, il ne peut être raisonnablement prononcé de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps complet.

Mme [L] fait valoir que les durées de travail étaient variables et qu'elle a travaillé certaines semaines à temps plein, l'employeur ne démontrant pas la signature d'un avenant à chaque dépassement du nombre d'heures complémentaires maximum pour le surplus. Dès lors, elle était dans l'incapacité de prévoir à quel rythme elle allait travailler et elle devait se tenir à la disposition de l'employeur en permanence et il y a lieu de procéder à la requalification de son contrat de travail en un contrat de travail à temps complet.

Sur le paiement des salaires d'octobre au licenciement :

La société PEI fait valoir que Mme [L] a refusé de travailler à compter du 1er octobre 2012 et qu'elle pouvait se déplacer sur le site de Mériadeck, considérant la proximité avec son ancien emploi ; dès lors, il ne lui est dû aucun salaire pour la période d'octobre 2012 au licenciement.

Mme [L] fait valoir qu'elle a toujours été à la disposition de l'employeur à compter d'octobre 2012 et que l'employeur l'affectait à des sites situés en dehors de [Localité 1] où elle ne pouvait aller et il y a lieu de condamner l'employeur au paiement des salaires d'octobre 2012 jusqu'au jour du licenciement en raison de son refus de lui fournir du travail.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

La société PEI fait valoir qu'elle était en droit de ne pas payer le salaire de Mme [L] au mois d'octobre 2012 et n'a donc pas exécuté déloyalement le contrat de travail.

Mme [L] fait valoir qu'en raison du retard de l'employeur dans le paiement des salaires et la remise des documents de fin de contrat, il n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail et il y a lieu de le condamner au paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur l'obligation de sécurité de résultat :

La société PEI fait valoir qu'elle a toujours veillé à la sécurité de ses salariés et qu'il n'y a pas lieu au paiement d'une quelconque indemnité à ce titre.

Mme [L] fait valoir que l'employeur ne démontre pas avoir procédé à une visite médicale d'embauche et il a donc manqué à son obligation de sécurité de résultat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la requalification indiciaire

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que Mme [L] devait bénéficier d'un reclassement à la catégorie AS2A mais non AS3A.

C'est à tort que l'employeur objecte que Mme [L] n'a pas réclamé ce reclassement, dès lors que celui-ci, étant prévu par l'accord de négociation annuelle d'entreprise 2011 2012, doit être mis en application de façon automatique sans demande ni appréciation par l'employeur lorsque l'ancienneté requise est atteinte.

Par ailleurs, l'ancienneté donnant droit à reclassement s'apprécie par référence à la date de l'accord prévoyant ce reclassement, de sorte que la condition pour passer de AS1A à AS2A étant avoir 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise en 2010 et de AS2A à AS3A 3 ans d'ancienneté en 2009, ce qui induit qu'il faut passer par AS2A pour devenir AS3A ; Mme [L] avait bien trois ans d'ancienneté en 2010 et peut donc bénéficier de AS2, mais non de AS3A.

Le jugement sera également confirmé s'agissant du rappel de salaire subséquent de 172.71 € outre congés payés afférents.

Sur la prime de fidélité

L'accord d'entreprise 2011 2012 précité prévoit une prime de fidélité unique de 100 € après six ans de présence dans l'entreprise. Mme [L] est fondée à obtenir cette prime, mais s'agissant d'une prime unique, et non d'une prime mensuelle comme soutenu par la salariée, le jugement sera confirmé sans qu'il y ait lieu de faire droit à l'appel incident et de la fixer à 1000 € (100 € X 10 mois de mai 2012 à février 2013)

Sur la prime de remplacement

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a débouté Mme [L] de cette demande dès lors que les éléments qui l'avaient fait en bénéficier les années précédentes n'étaient pas identiques, Mme [L] n'ayant pas remplacé Mme [V] pendant tout le mois d'août.

Sur les visites médicales

Il est constant que l'employeur a manqué à l'obligation de sécurité de résultat dès lors qu'il ne justifie pas, la charge de la preuve lui en incombant, que Mme [L] a bénéficié d'une visite médicale d'embauche et de visites médicales périodiques au cours de ses années d'emploi.

Ce manquement cause nécessairement un préjudice au salarié et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de dommages intérêts de ce chef, que la cour estime devoir porter à la somme de 1000 € compte tenu de l'importance particulière de s'assurer de l'aptitude du salarié dans une activité impliquant des efforts physiques et de la durée du manquement.

Sur la requalification temps partiel temps complet

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a ordonné cette requalification et le paiement du rappel de salaire subséquent sur la base d'une requalification AS2A et non AS3A.

En effet, alors que le contrat de travail de Mme [L] prévoyait une durée du travail de 75,77 h par mois, il est avéré que ce temps a régulièrement été dépassé au delà des 10 % d'heures complémentaires légalement possibles soit 7 h57 soit un total de 83 h 34, jusqu'à 104 h, sans signature systématique d'avenants, que le délai de prévenance de sept jours n'était pas respecté, que l'amplitude prévue était de 6 h à 21 h ce qui obligeait Mme [L] à se tenir à la disposition permanente de l'employeur, sans lui permettre de rechercher un autre emploi; ce n'est qu'à compter d'octobre 2012 , quand la société PEI a cessé de lui fournir du travail et de la payer, que Mme [L] a été salariée d'une autre entreprise.

Il est sans incidence que la salariée n'ait jamais protesté contre cet état de fait ni que la formation de référé du conseil de prud'hommes ait rejeté ses demandes de ce chef.

Le rappel de salaire de 39588.76 € outre congés payés afférents pour la période mai 2008 février 2013, dont le décompte précis figure aux conclusions de Mme [L], n'est pas contesté même à titre subsidiaire en son quantum par l'employeur.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le paiement des salaires d'octobre 2012 à la notification du licenciement

C'est là encore par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a condamné la société PEI au paiement de ces salaires dès lors que l'employeur a l'obligation de fournir du travail et que la salariée était fondée à refuser les deux affectations proposées par l'employeur alors en outre que la clause de mobilité ne pouvait trouver à s'appliquer dans la mesure où la perte du chantier auquel était affectée Mme [L] résultait du choix de l'employeur et non d'une résiliation par le client.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions des articles L1231-1 et L1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et qu'en cas de litige relatif au licenciement , le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le licenciement doit être fondé sur des faits précis et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Mme [L] a été licenciée pour avoir refusé les affectations proposées par l'employeur en application de la clause de mobilité prévue par l' avenant à son contrat de travail, que l'employeur invoque au motif qu'il aurait perdu le chantier sur lequel était affectée Mme [L] , celui de «Hôtel de France».

Nonobstant la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail, il appartient à l'employeur d'exécuter loyalement le contrat de travail notamment dans le cadre de l'usage de cette clause.

Or, la mise en oeuvre de cette clause était contractuellement limitée à cinq hypothèses:

- perte de chantier

- impératifs du client

- modification des prestations

- faire face à des absences d'autres salariés de la société

- fermeture momentanée du client.

Force est de constater qu'aucune de ces hypothèses ne s'est présentée en l'espèce; en effet, si l'employeur invoque la perte du chantier, cette perte doit s'entendre de la résiliation ou du non renouvellement du contrat par le client, et non de la résiliation unilatérale par l'entreprise de propreté, comme il n'est pas contesté que tel est le cas en l'espèce ; il est en effet constant que la société PEI a décidé de mettre un terme à son contrat avec la société Hôtel de France par lettre du 28 juin 2012 à effet au 29 septembre 2012. La circonstance que cette rupture soit selon elle fondée sur le fait que la société Hôtel de France voulait réduire le prix des services de la société PEI est indifférente au sort des contrats de travail des salariés affectés sur ce site.

Considérer que les conséquences du choix de l'employeur de mettre fin à un contrat sont opposables au salarié, qui dans cette hypothèse ne peut bénéficier des dispositions protectrices de l'annexe à la convention collective organisant les modalités de transfert du salarié de l'entreprise sortante vers l'entreprise entrante, permettrait à l'employeur faire abstraction de son obligation de fournir un travail aux salariés ou de respecter la procédure de licenciement économique.

La société PEI a demandé à la société Hôtel de France qui reprenait le contrat de nettoyage, mais ne produit pas de réponse et pour cause , l'annexe 7 à la convention collective des entreprises de propreté organisant sous conditions le transfert des salariés de l'entreprise sortante vers l'entreprise entrante ne s'appliquant qu'en cas de perte de marché.

En tout état de cause, Mme [L] était fondée à refuser les deux affectations qui lui ont été proposées, la première en date du 17 septembre 2012 à compter du 1er octobre 2012 sur [Localité 2] ( 30 km de [Localité 1]) de 9 h à 11 h et [Localité 3] de 14 h à 15 h30, alors que la salariée est domiciliée à [Localité 1] et dépourvue de moyens de transport, ce que l'employeur savait, était impraticable ; Mme [L] a refusé ce poste par lettre reçue par l'employeur le 20 septembre 2012 et ce n'est que le 23 octobre 2012 que l'employeur lui a proposé une autre affectation sur [Localité 1] certes mais de 16 h 30 à 20 h alors que Mme [L] est mère d'une enfant handicapée placée en IMP qu'elle doit récupérer à 16 h , de sorte que cet emploi était incompatible avec des nécessités impérieuses de sa vie familiale. En outre cette affectation était à effet au 24 novembre 2012 , de sorte que Mme [L] demeurait dans l'attente sans emploi et sans salaire.

La société PEI ne justifie par ailleurs pas avoir remplacé Mme [L].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société PEI au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, calculée sur la base de deux mois de salaire à temps complet, dès lors que celui n'a pu être exécuté du fait de l'employeur qui n'a pas fourni de travail à la salariée dans des condition acceptables, lui ayant proposé d'effectuer le victime sur le premier poste refusé, d'un solde d'indemnité de licenciement sur la base d'un emploi à temps complet et à la catégorie AS2 (et non AS3).

Le conseil de prud'hommes a par ailleurs fait des dommages intérêts accordés sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail une juste appréciation et l'appel incident ne sera pas accueilli de ce chef.

Le jugement sera complété en ordonnant la délivrance de documents de rupture du contrat de travail rectifiés, et ce sous astreinte comme indiqué au dispositif.

Il en va de même de la condamnation au remboursement à Pôle -emploi des indemnités de chômage versées à Mme [L] en application de l'article L1235-4 du code du travail.

Sur la demande de dommages intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts sur ce fondement, dans la mesure où les propositions de réaffectation formulées par l'employeur révèlent sa mauvaise foi, et se sont accompagnées d'une absence de paiement du salaire, comportement réitéré puisqu'il a été proposé à Mme [L] d'exécuter son préavis sur le poste objet de la première proposition refusée ([Localité 2] et [Localité 3]) , où l'employeur a tardé à délivrer les documents de rupture du contrat de travail le 11 mars 2013 pour une rupture à effet au 13 février 2013 soit avec quatre semaines de retard.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société PEI dont les prétentions sont pour partie rejetées, supportera la charge des dépens, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à Mme [L] , à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une somme de 1500 € en application de même article.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société PEI à payer à Mme [L] la somme de 150 € à titre de dommages intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ;

Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société PEI à payer à Mme [L] la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Ordonne à la société PEI de délivrer à Mme [L] des documents de rupture du contrat de travail rectifiés conformément au présent arrêt ( bulletins de salaire, attestation Pôle -emploi , certificat de travail), et ce sous astreinte provisoire de 30 € par jour courant pendant deux mois et commençant quinze jours après la notification du présent arrêt ;

Condamne la société PEI à payer à Mme [L] une somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PEI aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/03857
Date de la décision : 24/09/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/03857 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-24;14.03857 ?
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