La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2015 | FRANCE | N°14/02708

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 24 septembre 2015, 14/02708


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 24 SEPTEMBRE 2015



(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/02708



















SOCIETE SERVIER FRANCE venant aux droits de la Société THERVAL MEDICAL



c/



Mademoiselle [C] [D]

SAS SOFIP














r>





Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 24 SEPTEMBRE 2015

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/02708

SOCIETE SERVIER FRANCE venant aux droits de la Société THERVAL MEDICAL

c/

Mademoiselle [C] [D]

SAS SOFIP

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 avril 2014 (R.G. n° F12/3066) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 07 mai 2014,

APPELANTES :

SOCIETE SERVIER FRANCE venant aux droits de la Société THERVAL

MEDICAL

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

N° SIRET : 402 232 169

représentée par Me Guillaume BREDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Mademoiselle [C] [D]

née le [Date naissance 1] 1970

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Doriane DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS SOFIP

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

représentée par Me Jean-François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 juillet 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL Présidente

Madame Véronique LEBRETON Conseillère

Madame Catherine MAILHES Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Nathalie BELINGHERI,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [D] a été engagée par la SA SOFIP suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 17 juillet 2000 en qualité d'attachée médicale d'information. A compter du 1er mars 2001, elle a été maintenue en poste dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

A compter du 1er octobre 2002, Mme [D] a intégré les effectifs de la SARL Therval Médical, les parties régularisant un contrat de travail le 2 septembre 2002.

Le 16 novembre 2010 et le 10 janvier 2011, la SARL Therval Médical a avisé sa délégation unique du personnel de l'intention du groupe Servier de mettre en place sur le territoire national un projet d'amélioration du fonctionnement de la visite médicale du groupe France via 'le projet Harmonie'.

Par lettre en date du 20 janvier 2011, la SARL Therval Médical a adressé à Mme [D] un projet d'avenant à son contrat de travail, aux termes duquel elle lui a proposé de transférer son contrat de travail au sein d'une autre entité du groupe, la SARL Ardix Médical, à compter du 1er avril 2011.

Mme [D] disposait d'un délai d'un mois à compter de la présentation de ce courrier pour informer l'employeur de son acceptation ou de son refus. Par courrier en date du 15 février 2011, Mme [D] a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail.

Par courrier en date du 15 mars 2011, la société Therval Médical a pris acte du refus de Mme [D] et lui a communiqué la liste des postes vacants du réseau visite médicale ainsi que la liste des postes vacants au sein du groupe hors réseaux visite médicale, lui a demandé par retour de faire connaître le poste de reclassement souhaité ou, en cas de refus de ces postes, son choix entre les options 1 et 2 offertes par le projet Harmonie.

Par bulletin réponse en date du 27 mars 2011, Mme [D] a opté pour l'option numéro 1, soit le dispositif de portage, qui induisait son maintien dans les effectifs pendant une période de 9 mois, consacré à rechercher une possibilité de reclassement professionnel avec l'aide d'un cabinet de management extérieur.

Un avenant contractuel a été signé par la salariée le 27 mars 2011, dispensant Mme [D] de l'exécution de sa prestation de travail pendant la durée du portage.

Par courrier en date du 30 novembre 2011, la société Therval Médical a proposé à Mme [D] 32 postes de visiteurs médicaux. Par bulletin-réponse en date du 3 décembre 2011, Mme [D] a refusé toutes les propositions de reclassement qui lui étaient soumises.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 décembre 2011, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 janvier 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2012, Mme [D] a été licenciée pour motif économique.

Contestant cette décision, Mme [D] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 27 décembre 2012 aux fins d'obtenir des dommages et intérêts, le complément d'une indemnité conventionnelle de licenciement et la réfection du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi avec la régularisation de l'ancienneté.

La SAS SOFIP, mise en cause par la salariée, a formé une demande reconventionnelle aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement en date du 17 avril 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

mis hors de cause la SAS SOFIP,

jugé que le licenciement de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

jugé que l'ancienneté de Mme [D] au sein du groupe Servier est fixée au 17 juillet 2000,

condamné la SARL Therval Médical à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

4.389,85 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2012,

60.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné d'office le remboursement par la SARL Therval Médical à Pôle Emploi des indemnités de chômages éventuellement versées à Mme [D] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et ce en application de l'article L.1235-4 du code du travail,

débouté la SAS SOFIP de ses demandes reconventionnelles,

débouté la SARL Therval Médical de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux entiers dépens.

La SARL Therval Médical a régulièrement interjeté appel de cette décision le 9 mai 2014.

La SARL Therval Médical a été radiée le 16 avril 2015 après avoir été absorbée par la SARL Biopharma qui a pris la dénomination Servier France.

La SARL Servier France a alors été convoquée à l'audience du 1er juillet 2015.

Par conclusions déposées au greffe le 8 juin 2015 et développées oralement à l'audience, la société Therval Médical au nom de la SARL Servier France sollicite de la Cour qu'elle :

infirme le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de Bordeaux sauf en ce qu'il a dit que l'établissement d'un PSE n'est pas requis en l'espèce,

constate le bien fondé du licenciement de Mme [D],

déboute Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

condamne Mme [D] à verser à la société Therval Médical la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe le 12 juin 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [D] sollicite de la Cour qu'elle :

juge que le débat est lié par les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, à savoir le refus d'accepter une modification du contrat de travail dans le cadre d'une réorganisation du réseau Visite Médicale France, visant à sauvegarder la compétitivité du groupe Servier,

juge que le cadre de l'appréciation de la cause économique s'agissant d'une société appartenant à un groupe est exclusivement le secteur spécifique d'activité du groupe auquel est rattachée la société qui licencie ou à défaut d'existence de secteurs spécifiques d'activité au sein du groupe Servier, le groupe dans son ensemble,

juge qu'il appartient à la société appelante de produire les éléments permettant d'identifier le secteur d'activité concerné par le projet, d'en déterminer l'étendue et de justifier de la situation comptable et de la santé financière et économique dudit secteur,

juge qu'à défaut de satisfaire à cette obligation, son licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse,

juge que la SARL Servier France qui vient aux droits de la SARL Therval Médical ne justifie nullement d'une nécessité économique susceptible de légitimer la réorganisation mise en place, et partant la proposition de «modification du contrat», dont le refus a motivé son licenciement,

juge que la réorganisation du réseau de la visite médicale en France n'était pas destinée à prévenir des difficultés économiques prévisibles ni une menace avérée ou à venir mettant en péril la compétitivité du groupe Servier,

juge qu'en réalité le « Projet Harmonie » mis en 'uvre sur le seul territoire français par le Groupe Servier, ne répond à aucune nécessité économique, mais vise exclusivement à privilégier la rentabilité du groupe, au détriment de la stabilité de l'emploi, ce constat exclut toute cause économique de licenciement,

juge au surplus que la SARL Servier France qui vient aux droits de la SARL Therval Médical ne lui a pas proposé une modification économique de son contrat de travail, dans le respect de l'article L1222-6 du Code du Travail, mais une « rupture d'un commun accord » du contrat de travail par transfert du contrat au sein de la SARL Ardix Médical, hors accord tripartite et sans respecter le formalisme attaché à la rupture conventionnelle,

juge à titre surabondant que la SARL Servier France qui vient aux droits de la SARL Therval Médical ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, eu égard à l'importance du groupe Servier auquel appartient la société,

juge que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

juge que son ancienneté doit être fixée au 17 juillet 2000, date de son entrée dans le groupe Servier,

déboute la SARL Servier France qui vient aux droits de la SARL Therval Médical de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du conseil de Prud'hommes et la déboute de toutes ses demandes, fins et conclusions,

confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et y ajoutant, condamne la société Servier France à lui verser une indemnité complémentaire de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

laisse les dépens à la charges de la SARL Servier France.

Par conclusions déposées au greffe le 24 juin 2015 et développées oralement à l'audience, la société SOFIP sollicite de la Cour qu'elle :

confirme le jugement du conseil de Prud'hommes en ce qu'il a ordonné sa mise hors de cause,

condamne Mme [D] au paiement de la somme de 2.500 € pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [D] aux entiers dépens.

Sur le licenciement économique :

La société Therval Médical fait valoir que la réorganisation de la visite médicale dans le cadre du projet Harmonie était nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité du groupe Servier dont elle fait partie depuis 1980 en maintenant son niveau d'investissement en recherche et développement, que la nouvelle organisation supposait de réaffecter certains collaborateurs dont Mme [D], que cette réaffectation a fait l'objet d'une réflexion notamment sur les critères retenus et a été soumise à la consultation des représentants du personnel et des membres du CHSCT, que la salariée a refusé les différentes propositions qui lui ont été soumises soit la modification de son contrat de travail et les postes de reclassement proposés, y compris après l'accompagnement d'un cabinet d'outplacement durant 9 mois, que la nature de la réorganisation et son ampleur sont des choix de gestion économique qui peuvent anticiper des difficultés économiques qui relèvent des pouvoirs et de la liberté de l'employeur auquel le juge ne peut se substituer, qu'en l'espèce la menace sur la compétitivité était réelle et justifiait une réorganisation au cours de laquelle toutes les dispositions légales ont été respectées, la société n'ayant pas l'obligation d'établir un plan de sauvegarde des emplois, puisqu'aucun licenciement n'était envisagé et que seuls 4 salariés ont refusé les modifications de leur contrat de travail, et n'ayant à consulter que les représentants de l'entreprise, que les propositions de reclassement étaient de plus sérieuses la salariée ayant fait connaître son désintérêt pour les postes à l'international, que dès lors, le licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse et il y a lieu de réformer le jugement sur ce point. Elle rajoute subsidiairement sur les dommages-intérêts qu'elle a bénéficié de formations et d'une aide à sa création d'entreprise payées par son employeur qui doivent être prises en compte pour l'évaluation de son préjudice.

Mme [D] fait valoir qu'aucun des deux éléments cumulatifs composant le motif économique ne sont concrètement démontrés en l'espèce, puisque le projet d'amélioration du réseau ne répond à aucune nécessité économique lequel soit s'apprécier dans le secteur d'activité du groupe Servier auquel est rattachée la SARL Therval médical et ne peut légitimer une réorganisation qui n'est motivée que par la volonté du groupe d'accroître sa rentabilité au détriment de la stabilité de l'emploi en rationalisant les structures du réseau de visite médicale en France, et que la proposition qui lui a été faite le 20 janvier 2011 ne peut s'analyser en une proposition de modification du contrat car elle nécessitait un changement d'employeur et une rupture d'un commun accord en dehors de tout accord tripartite. Elle ajoute que la SARL Therval Médical n'a pas satisfait à son obligation de reclassement car la société n'énumère que des offres dans l'application du plan d'accompagnement et non pas dans l'intégralité du groupe, l'employeur se contentant de diffuser les listes des postes figurant sur la bourse des emplois du réseau et ne lui proposant aucune offre personnalisée et précise n'accédant pas à ses diverses demandes de formation, que dès lors, son licenciement est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse et génère un préjudice important puisqu'elle se trouve actuellement sans emploi et bénéficie du RSA.

Sur le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement :

La société Therval Médical fait valoir que le groupe Servier et la société SOFIP n'ont aucun lien juridique ou capitalistique et qu'il s'agit de deux entités juridiques distinctes de telle sorte que l'ancienneté de Mme [D] ne pouvait être reprise pour donner lieu à une augmentation de son indemnité conventionnelle de licenciement.

Mme [D] fait valoir qu'elle a rejoint les effectifs du groupe Servier le 17 juillet 2000 et elle a assuré la promotion du groupe à compter de cette période, présentant les mêmes produits par la suite lors de son entrée au sein du groupe Therval sous la subordination duquel elle se trouve depuis 2000.

Sur la mise hors de cause de la société SOFIP :

La société SOFIP fait valoir le moyen selon lequel il n'existe aucun lien capitalistique, financier ou d'actionnariat entre la société SOFIP et le groupe Servier ; dès lors, elle a été attraite à la cause sans qu'aucune demande ne lui soit adressée et il y a lieu de condamner Mme [D] à ce titre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

L'article L1233-3 du Code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement économique effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Aux termes de l'article L1222-6 du code du travail lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L1233-3 du même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

En l'espèce la letttre de licenciement économique adressée le 27 janvier 2012 par la SARL Therval Médical à Mme [D] est ainsi libellée s'agissant des motifs du licenciement : « (...) Dans le but de sauvegarder la compétitivité du groupe, les laboratoires Servier s'efforcent de maintenir son niveau d'investissement dans la recherche et le développement un niveau élevé. Pour ce faire, le développement du chiffre d'affaires du groupe doit suivre a minima l'évolution de ses coûts. Dans cette perspective, la direction du groupe a souhaité s'assurer que le lancement des nouveaux médicaments devant suppléer les produits plus anciens et désormais concurrencés par des génériques soit effectué dans les meilleures conditions possibles tant en France qu'à l'international. L'organisation avant la mise en 'uvre du projet Harmonie des réseaux France ayant été jugée perfectible et la direction du groupe étant convaincue de l'impérieuse nécessité de conserver la promotion de ses produits par le biais d'un contact humain avec les praticiens, il a été envisagé de revoir cette organisation. C'est ainsi qu'en application du projet Harmonie nous vous avons proposé une modification de votre contrat de travail que vous avez refusée. Suite à ce refus et dans le but de vous proposer toutes les possibilités de reclassement disponibles, la société vous a adressé par courrier recommandé avec accusé de réception la liste de l'ensemble des postes disponibles dans le groupe compatibles avec votre expérience professionnelle. Vous n'avez pas souhaité donner une suite favorable à ces propositions pas plus que vous n'avez souhaité être destinataire de propositions de poste à l'international ou à des catégories d'emplois inférieurs. En revanche, vous avez accepté de bénéficier du dispositif de portage qui vous a permis de demeurer au sein des effectifs de notre société pendant une durée de neuf mois. Pendant cette période, nous vous avons régulièrement proposé les postes compatibles avec votre profil qui se sont libérés ou sont devenus disponibles à titre de reclassement interne. Vous avez également bénéficié, en parallèle, de l'accompagnement du cabinet d'outplacement Cursus management. Néanmoins, vous n'avez pas répondu favorablement propositions de reclassement interne qui vous ont été envoyés, en dernier lieu le 30 novembre 2011, que ce soit en France ou à l'international. Vous n'avez pas non plus trouvé de solution externe correspondant à votre aspiration professionnelle. Contraints dans ces conditions d'envisager votre licenciement pour motif économique, nous vous avons alors convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 16 janvier 2012, entretien au cours duquel nous vous avons appelé la possibilité d'adhérer à un congé de reclassement de sept mois. (...) »

La lettre de licenciement fixant les limites du litige, il est admis d'une part que le contrôle du juge porte sur l'existence de la nécessité économique rendant indispensable la réorganisation générant la supression des postes ou la modification du contrat de travail et sur l'adéquation entre la situation financière du secteur d'activité concerné par la réorganisation et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail, et d'autre part que la sauvegarde de la compétitivité implique une menace concrète qui, si elle se réalisait, pourrait entraîner des difficultés économiques en l'absence de réorganisation.

En l'espèce la SARL Servier France ne produit aucun document permettant de contrôler la situation comptable du groupe Servier ou du secteur d'activité spécifique du groupe auquel appartenait le cas échéant la SARL Therval Médical à la date du licenciement.

Elle se contente en effet de produire le document initial d'information remis aux représentants du personnel dont le contenu est à cet égard insuffisant car il énonce, sans documents extérieurs venant les étayer, des données chiffrées dans deux tableaux figurant sur une page. Le premier concerne le groupe et contient les chiffres d'affaires consolidés et les dépenses d'exploitation pour 2008-2009 et 2006-2007, le second concerne les sociétés du groupe en France et contient des valeurs comparées de chiffres d'affaires et de dépenses en recherches et développement pour les exercices de 2005 à 2009, estimées pour l'exercice 2009-2010 et prévisionnelles pour l'exercice 2010-2011.

Or s'agissant du secteur ''France'' il n'est pas établi par les débats et les pièces du dossier que cette désignation recouvre, du fait notamment d'une activité et d'une clientèle spécialisées au sein du groupe, un secteur d'activité spécifique, intégrant la SARL Therval Médical, dont l'analyse de la situation économique serait détachable de l'analyse de celle du groupe dans sa globalité, qui demeure par voie de conséquence le niveau auquel doit se situer le contrôle par la cour de la menace économique caractérisant la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la structure par la réorganisation litigieuse.

À cet égard, s'agissant du groupe Servier, le document d'information produit en pièce 3 par la SARL Servier France développe que sur les deux exercices 2006-2007 et 2008-2009 les dépenses du groupe ont augmenté à un rythme supérieur à celui des ventes et que du fait d'une baisse de son chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2008-2009, le groupe Servier a dû marquer une pause dans la croissance de ses investissements de recherche et développement sur lesquels la direction du groupe assoit pour une grande partie sa stratégie pour rester concurrentielle. Pour autant, le seul énoncé de cette baisse de chiffre d'affaires ne justifie pas à lui seul l'existence d'une menace économique pesant sur un groupe qui affiche dans ce document pour l'exercice 2008-2009 un chiffre d'affaire consolidé de 3, 525 milliards d'euros et des dépenses d'exploitation de 3, 178 milliards d'euros. Il ne justifie donc a fortiori pas davantage que cette menace imposait une réorganisation de la visite médicale en France pour sauvegarder la compétitivité du groupe Servier dans son ensemble, une augmentation du chiffre d'affaires du groupe Servier pour les exercices postérieurs, à considérer qu'elle soit établie, n'étant pas de nature à prouver à postériori ces deux éléments de fait.

De plus la lettre de licenciement elle même mentionne que la mise en 'uvre du ''projet Harmonie'' est motivée par la nécessité d'améliorer l'organisation du réseau de visite médicale en France, estimée perfectible, et non par la nécessité d'en adapter le coût au contexte économique, le projet étant du reste présenté dans son intitulé et dans le dossier d'information proposé à la consultation des représentants du personnel comme un projet ''d'amélioration du fonctionnement de la visite médicale du groupe en France'' par la réorganisation homothétique de la sectorisation et un rééquilibrage des plans de charge et quotas marché entre secteurs pour en développer l'efficacité. Enfin le courrier du 20 janvier 2011 adressé à Mme [D] par la SARL Servier France reprend ces notions en mentionnant au paragraphe des motivations du projet Harmonie qu'il ''est impératif que l'efficacité des réseaux de visite médicale soit optimale''et qu'à cette fin ''l'organisation des réseaux étant perfectible'' il était ''envisagé de la revoir''.

Dans ces conditions il convient de déduire de ces considérations que la SARL Servier France ne démontre pas que le projet Harmonie qui impliquait la réorganisation du réseau de la visite médicale en France était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du groupe Servier dans son ensemble, ni même de celle du secteur d'activité spécifique auquel appartenait la SARL Therval Médical et dont l'existence n'est pas démontrée, alors que les pièces et écritures établissent que cette réorganisation poursuivait en réalité un objectif de rentabilité en favorisant le lancement de nouveaux produits censés suppléer des produits anciens plus concurrencés.

En outre, par courrier du 20 janvier 2011 la SARL Therval Médical a proposé à Mme [D] son transfert au sein de la société Ardix Medical au poste d'attaché médical d'information groupe 5 niveau C, à compter du 1er avril 2011, pour un salaire mensuel brut temps plein de 2740 €, la salariée disposant d'un délai d'un mois à compter de la première présentation de la lettre pour faire connaître son acceptation ou son refus concernant le poste proposé, le défaut de réponse dans le délai valant acceptation de la modification proposée, et l'employeur précisant que dans l'hypothèse d'une acceptation il adresserait la salariée une lettre de transfert en indiquant :''votre contrat de travail avec notre société se trouvera rompu d'un commun accord à la date du 31 mars 2011. La société Ardix Medical vous adressera en parallèle un contrat de travail organisant votre nouvelle situation à compter du 1er avril 2011.''.

Ce courrier qui propose un changement d'employeur après rupture d'un commun accord du contrat de travail, et alors que ce document ne s'inscrit pas dans un accord tripartite, ne peut être analysé comme une proposition de modification d'un élément essentiel du contrat de travail au sens des dispositions de l'article L1222-6 du code du travail puisque in fine le seul effet de l'acceptation dans les rapports entre Mme [D] et la SARL Therval Médical aurait été la rupture d'un commun accord du contrat de travail les liant en dehors du cadre légal entourant la rupture conventionnelle. Il s'ensuit que le refus de Mme [D] formalisé le 15 février 2011 était légitime.

Par voie de conséquence, la nécessité économique rendant indispensable la réorganisation litigieuse n'étant pas établie et la proposition faite à Mme [D] ne constituant pas une modification de son contrat de travail, les conditions de l'article L1233-3 du Code du travail ne sont pas réunies, de sorte que le licenciement de Mme [D] doit être considéré comme n'étant pas fondé sur une cause réelle et sérieuse pour ces seuls motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner les argumentations surabondantes des parties relatives au reclassement et à l'application des dispositions de l'article L1233-4 du code du travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef ainsi que sur les conséquences indemnitaires que le conseil des prud'hommes en a tiré, faisant une juste analyse des circonstances de l'espèce, Mme [D] se trouvant encore sans emploi et bénéfiçiant du RSA au jour de l'audience.

Sur l'ancienneté de Mme [D] et la mise hors de cause de la société SOFIP

Il ressort des pièces produites aux débats que Mme [D] a été recrutée le 17 juillet 2000 par Mme [V] et Mme [L] dont il n'est pas contesté qu'elles sont respectivement, conseillère en ressources humaines et directrice de la visite médicale de la SARL Therval Médical puis de la SARL Servier France, qu'elle a ensuite été formée à la visite médicale par l'institut pour la formation technologique Ifora qui a le même siège social que la SAS Servier, qu'elle a travaillé dès l'année 2000 sous l'autorité de Mme [L], et qu'il n'est pas davantage contesté que son activité professionnelle était dès son embauche consacrée à la distribution des produits pharmaceutiques du groupe Servier sur le même secteur ainsi que cela résulte des deux contrats de travail, de sorte que son ancienneté dans le groupe et plus particulièrement au sein de la SARL Therval Médical est effective à compter du 17 juillet 2000.

Le jugement déféré sera donc également confirmé de ce chef ainsi que sur les conséquences que le conseil des prud'hommes en a tiré sur l'octroi d'un complément d'indemnité de licenciement et sur la mise hors de cause de la société SOFIP.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La SARL Servier France qui succombe au principal sera condamnée aux dépens d et à payer à Mme [D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa propre demande sur le même fondement. Il n'apparait pas inéquitable que la société SOFIP, à l'encontre de laquelle aucune demande n'est formulée en cause d'appel, supporte la charge de ses frais irrépétibles, elle sera également déboutée de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SARL Servier France à payer à Mme [D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL Servier France et la société SOFIP de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Servier France aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/02708
Date de la décision : 24/09/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/02708 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-24;14.02708 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award