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23/09/2015 | FRANCE | N°11/07218

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 23 septembre 2015, 11/07218


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 23 SEPTEMBRE 2015



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/07218











Monsieur [Q] [N]



c/



SARL Ambulance Arésienne

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié

par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 23 SEPTEMBRE 2015

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/07218

Monsieur [Q] [N]

c/

SARL Ambulance Arésienne

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2011 (RG n° F 09/01283) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 28 novembre 2011,

APPELANT :

Monsieur [Q] [N], né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1], de

nationalité française, profession ambulancier, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Véronique Lasserre, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SARL Ambulance Arésienne, siret n° 444 797 153 00012, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Nadia Hantali substituant Maître Christophe Biais de la SELARL Christophe Biais & Associés, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 juin 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Annie Cautres, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

En présence de Messieurs Blaise, Lafouge et Cohadon, conseillers prud'hommes et de Madame [S], assistante de justice.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par arrêt avant-dire droit en date du 24 septembre 2013, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la cour a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 4 novembre 2011 en ce qui concerne la condamnation de la SARL Ambulance Arésienne à payer à M. [N] la somme de 525 € à titre d'indemnité de lavage, l'a réformé en ce qui concerne le montant de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en ce qu'il a écarté l'application de l'accord-cadre du 4 mai

2000. Il a condamné la SARL Ambulance Arésienne à payer à M. [N] la somme de 1.900 € à titre d'indemnité de requalification, a dit que l'accord-cadre du 4 mai 2000 devrait s'appliquer au contrat de travail de M. [N], et avant-dire droit sur les autres demandes a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert judiciaire, M. [R], a déposé son rapport le 26 août 2014.

Par conclusions déposées le 22 mai 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [N] modifie ses demandes au titre de l'exécution du contrat, il demande à la cour de requalifier sa démission en prise d'acte de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande la condamnation de la SARL Ambulance Arésienne à lui payer les sommes suivantes :

- 21.561,96 € à titre de rappel de salaires,

- 2.156,00 € au titre des congés payés afférents,

- 15.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale

hebdomadaire de travail,

- 24'000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

- 1.494,60 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3.736,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 373,00 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 14.946,00 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 5 juin 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Ambulance Arésienne conclut à la compensation entre la créance de M. [N] telle que fixée par l'expert et les sommes déjà versées par elle au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris et au débouté de M. [N] de toutes ses autres demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail :

Les parties concluent à l'homologation du rapport de l'expert judiciaire, sous une réserve concernant le montant de l'indemnité de déplacement de l'amplitude journalière (IDAJ).

Sur ce dernier point M. [N] fait valoir que l'expert judiciaire a oublié dans ses calculs la journée du 8 mai 2005.

Effectivement, il apparaît que M. [N] était bien de permanence les samedi 7 et dimanche 8 mai 2005, l'expert a omis de retenir que la durée de la garde du dimanche étant de 24 heures, excédant donc l'amplitude journalière de 12 heures, il est dû au salarié 1 heure d'IDAJ à 75 % (de la douzième à la treizième heure) et 11 heures à 100 % (au-delà de 13 heures).

En conséquence, la SARL Ambulance Arésienne est débitrice envers M. [N] de la somme de 7.509,52 € au titre des heures supplémentaires, de 432,16 € au titre du repos compensateur, de 9.485,54 € au titre des IDAJ, de 3.950,28 € au titre des indemnités de repas, 284,46 € au titre des indemnités de dimanches et jours fériés. Elle sera donc condamnée à lui payer la somme totale de 21.561,96 €, sous réserve de la déduction des sommes versées à M. [N] au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, outre la somme de 1.717,95 € au titre des congés payés afférents, dont la base de calcul exclut les indemnités de repas qui correspondent à des frais réels du salarié même s'ils sont indemnisés forfaitairement, ainsi que l'indemnité compen-satrice versée au titre des repos compensateurs.

* Sur la demande en paiement de dommages intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire de la durée de travail :

Il est constant que ce dépassement résulte de l'application de l'accord-cadre du 4 mai 2000 à la relation de travail, les heures de coupure, de pause et de garde étant de ce fait considérées comme heures de travail effectif, même si cette qualification conduit à appliquer un coefficient d'équivalence de 75 %.

Toutefois, ce dépassement cause nécessairement un préjudice au salarié lequel sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 2.000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil.

* Sur la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé :

En application des dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant des faits de travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

C'est en application de l'accord-cadre sus-visé que des heures de pause, de coupure, non rémunérées jusque-là par l'employeur, et que des heures de garde rémunérées au titre d'astreinte et des primes de nuit, hors interventions payées comme heures de travail effectif, ont été qualifiées d'heures supplémentaires ouvrant droit à rémunération après application du coefficient de 75 %.

Cependant, il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de plusieurs attestations de salariés, que l'application de cet accord faisait débat entre les salariés de l'entreprise, l'usage pratiqué jusque-là conduisant à une telle organisation du temps de travail que les salariés n'étaient de garde qu'une fin de semaine par mois et que chaque heure travaillée était une heure payée, sans coefficient d'équivalence mais avec déduction des temps de coupure, ce qui a été remis en cause par l'application de l'accord-cadre. Désormais, les salariés travaillent plusieurs fins de semaine par mois, sur des durées plus courtes afin de limiter le nombre de dépassements d'amplitude journalière.

En tout état de cause, il est clairement établi que le paiement des salariés selon l'ancien usage d'entreprise, ne relevait d'aucune volonté de dissimulation d'heures de travail par l'employeur et que les horaires des salariés n'ont jamais été dissimulés.

Dès lors, les conditions légales d'une indemnisation au titre du travail dissimulé ne sont pas réunies et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de ce chef de demande.

* Sur la rupture du contrat de travail :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque de sa volonté de mettre fin au contrat de travail. En l'espèce, la lettre de démission de M. [N] en date du 17 septembre 2007 ne comporte aucune réserve, ne fait état d'aucun manquement de l'employeur à ses obligations, ne formule aucun reproche.

Cependant, le caractère équivoque de la démission peut résulter de circonstances contemporaines ou antérieures à la démission ce qui conduit alors à l'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Ainsi que l'a relevé le premier juge les pièces du dossier démontrent que des négociations étaient en cours au sein de l'entreprise depuis le mois de juillet 2007 afin de mettre en place l'accord-cadre du 4 mai 2000, l'intervention de l'inspection du travail ayant été sollicitée par les salariés pour les faire progresser.

Il se déduit de ce contexte que la démission de M. [N] présente un caractère équivoque et doit être considérée comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués rendait impossible la poursuite du contrat de travail soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, suite à la reconnaissance du droit à l'application de l'accord cadre, par la présente juridiction du second degré, il apparaît que l'employeur n'a pas payé à M. [N] tous les éléments de rémunération auxquels il était en droit de prétendre.

M. [N], qui travaillait depuis plus de deux ans et dix mois dans cette entreprise, savait depuis l'origine qu'il n'était pas fait application de l'accord du 4 mai 2000 mais d'un usage d'entreprise.

Cependant, il a choisi de prendre acte de la rupture de son contrat de travail au moment où des négociations s'ouvraient en vue de la mise en oeuvre du dit accord et de son adaptation à l'entreprise avec un éventuel maintien de certains des avantages prévus par l'usage précédent.

En effet, pour mémoire ce dernier, garantissait pour chaque heure travaillée une heure rémunérée, à la différence de l'accord qui prévoit un coefficient d'équivalence de 75 %, et les négociations menées qui, comme le rappellent le premier juge, ont nécessité une dizaine de réunions qui ont abouti en décembre 2007, ont largement donné satisfaction aux réclamations des salariés avec proposition d'un avenant contractuel applicable à compter du 17 décembre 2007 résultant de la mise en oeuvre d'un nouvel accord plus favorable aux salariés que l'accord collectif du 4 mai 2000.

Ainsi, il est démontré, d'une part, que le non-respect par l'employeur de l'accord-cadre du 4 mai 2000 n'a pas empêché l'exécution du contrat de travail pendant deux ans et 10 mois et que, d'autre part, l'ouverture des négociations collectives au mois de juillet 2007 devait permettre son application prochaine dans l'entreprise, étant par ailleurs observé qu'avant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail M. [N] n'a formulé aucune demande en paiement d'un rappel de salaires auprès de son employeur et, qu'enfin, il est établi que dès le lendemain du terme de son préavis il était embauché par une entreprise concurrente.

En conséquence, le manquement de l'employeur à ses obligations n'em-pêchait pas la poursuite de l'exécution du contrat de travail et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [N] devait produire les effets d'une démission et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes à ce titre.

* Sur les autres demandes :

La SARL Ambulance Arésienne qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure en ceux compris les frais d'expertise.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [N] qui se verra allouer la somme de 1.500 € à ce titre en supplément de celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [N] le 17 septembre 2007 doit produire les effets d'une démission et a débouté M. [N] de ses demandes subséquentes ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il a condamné la SARL Ambulance Arésienne à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Réforme le jugement déféré en ce qui concerne le montant des sommes dues au titre des heures supplémentaires, des indemnités de dimanches et jours fériés et des indemnités de repas, en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes au titre des indemnités pour dépassement de l'amplitude journalière et repos compensateur légaux.

Et, statuant à nouveau :

' Condamne la SARL Ambulance Arésienne à payer à M. [N] la somme de 21.561,96 € (vingt et un mille cinq cent soixante et un euros et quatre vingt seize centimes), sous réserve de la déduction des sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, outre la somme de 1.717,95 € (mille sept cent dix sept euros et quatre vingt quinze centimes) au titre des congés payés avec intérêts courant au taux légal à compter du 17 avril 2009.

' Condamne la SARL Ambulance Arésienne à verser à M. [N] la somme de 2.000 € (deux mille euros) à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

Y ajoutant :

' Condamne la SARL Ambulance Arésienne à verser à M. [N] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SARL Ambulance Arésienne aux dépens de la procédure en ceux compris les frais d'expertise.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/07218
Date de la décision : 23/09/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/07218 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-23;11.07218 ?
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