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02/07/2015 | FRANCE | N°15/01414

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 02 juillet 2015, 15/01414


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/01414



jonction sous le numéro RG 15/01414 des dossiers enregistrés sous les numéros RG 15/01414 et RG 15/01602 ;













Madame [E] [X]



c/



SCM [F] [G] [T]

Maître [S] [T]

Maître [H

] [F]















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/01414

jonction sous le numéro RG 15/01414 des dossiers enregistrés sous les numéros RG 15/01414 et RG 15/01602 ;

Madame [E] [X]

c/

SCM [F] [G] [T]

Maître [S] [T]

Maître [H] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2015 (R.G. n° F14/170) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 04 mars 2015,

APPELANTE :

Madame [E] [X]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1] (ALGERIE)

de nationalité Française

Intérimaire, demeurant [Adresse 2]

assistée de Me Xavier BOREL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉS :

SCM [F] [G] [T], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

N° SIRET : 530 969 294 00012

représentée par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES

Maître [S] [T]

Avocat, demeurant [Adresse 1]

non comparant ni représenté bien que régulièrement convoqué

Maître [H] [F]

Avocat, demeurant [Adresse 1]

comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [E] [X] a été engagée par maître [G] suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 7 janvier 2008 en qualité de sténo-dactylographe.

Mme [X] travaillait alors pour maître [G] et maître [T], avocats au barreau de Limoges.

Une SCM a ensuite été créée entre maître [G], maître [T] et maître [F].

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 décembre 2008, la relation de travail s'est poursuivie dans les mêmes termes avec maître [T] et Mme [X] a été engagée par Maître [F] par contrat de travail du 9 février 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

À la suite d'avenants à chacun des contrats de travail à effet au 1er février 2011, l'horaire de travail de Mme [X] pour le compte de maître [T] et de maître [F] est passé de 10 heures à 18 heures hebdomadaires et il en a été de même pour le contrat de travail conclu entre Mme [X] et maître [F].

À compter du 23 septembre 2011, Mme [X] a été placée en arrêt maladie qui a été prolongé jusqu'au 30 janvier 2012.

Lors de la seconde visite médicale de reprise en date du 31 janvier 2012, Mme [X] a été déclarée inapte définitive à reprendre tout poste dans l'entreprise.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 février 2012, maître [T] et maître [F] ont chacun convoqué Mme [X] à un entretien préalable au licenciement fixé au 2 mars 2012.

Par deux lettres recommandées avec accusé de réception en date du 6 mars 2012, Mme [X] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, tant par maître [T] que par maître [F].

Contestant son licenciement, Mme [X] a saisi dans un premier temps le conseil de Prud'hommes de Limoges qui par jugement du 15 avril 2014 a pris acte de l'accord des parties pour poursuivre la procédure devant le conseil de Prud'hommes d'Angoulême en application de l'article 47 du code de procédure civile. Le conseil de prud'hommes de Limoges a transmis le dossier à celui d'Angoulême le 5 mai 2014. Ce jugement vise en qualité de défendeur non maître [T] et maître [F] contre qui était formée la demande mais la SCM [F]-[T], qui n'existe pas et n'est pas l'employeur de Mme [X], seule existant la SCM [G] [T] [F].

Mme [X] demandait au conseil de prud'hommes de juger que son inaptitude est la conséquence du comportement fautif des co-employeurs et juger que son licenciement est nul pour harcèlement moral et d'obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), des dommages et intérêts pour licenciement abusif et des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par jugement en date du 12 février 2015, le conseil de Prud'hommes d'Angoulême a :

constaté que la SCM [F] [G] [T], prise en la personne de son représentant légal, n'est pas l'employeur de Mme [X] ,

constaté l'incompétence d'attribution du conseil de Prud'hommes,

invité Mme [X], si elle le souhaite, à mieux se pourvoir en appelant chacun de ses employeurs, en l'espèce Maître [F] et Maître [T], à la cause, par requêtes distinctes,

débouté la SCM [F] [G] [T], prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

mis hors de cause la SCM [F] [G] [T], prise en la personne de son représentant légal,

condamné Mme [X] aux dépens.

Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 5 mars 2015. Cet appel est enregistré sous le numéro RG15/01414.

Mme [X] a également formé un contredit aux motifs qu'elle a formé sa demande au préalable contre Maître [T] et Maître [F] individuellement et jamais la SCM en elle-même et il n'est jamais question de deux employeurs associés dans le développement de ses arguments et il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement en ce que le conseil de Prud'hommes s'est déclaré incompétent. Ce contredit est enregistré sous le numéro RG15/01602.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 26 mai 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [X] sollicite de la Cour qu'elle :

* A titre principal,

prononce la nullité du jugement du conseil de Prud'hommes pour violation du principe du contradictoire,

juge l'appel formé contre cette décision recevable et bien fondé,

* A titre subsidiaire,

juge qu'en ce qu'il a mis hors de cause la SCM [F] - [G] - [T] et l'a invité à mieux se pourvoir en engageant, le cas échéant, une instance directe à l'encontre de Maître [F] et de Maître [T], le jugement du conseil de Prud'hommes d'Angoulême ne peut être regardé comme une décision s'étant limitée à statuer sur la compétence,

* En tout état de cause,

juge que la Cour est saisie de l'entier litige,

dise y avoir lieu, en application de l'article 568 du code de procédure civile, à évocation des points non jugés,

constate selon les termes de l'acte de saisine originel que l'instance l'oppose à Maître [F] et Maître [T], seules parties en cause et non à la SCM [F] - [G] - [T], jamais mise en cause,

juge que la juridiction prud'homale d'Angoulême était compétente rationae materiae pour connaître ce différend né de la rupture du contrat de travail,

infirme le jugement en ce qu'il a d'office retenu l'incompétence d'attribution du conseil de Prud'hommes et en ce qu'il a mis hors de cause la SCM [F] - [G] - [T],

juge que Maître [F] et Maître [T] ont la qualité d'employeurs conjoints à son égard,

juge que son inaptitude est la conséquence directe du comportement causal fautif de l'employeur, constitutif de faits de harcèlement moral,

juge que les licenciements prononcés par Maître [F] et Maître [T] à son encontre sont nuls,

condamne solidairement Maître [F] et Maître [T] à lui verser les sommes suivantes :

1.826,56 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 182,60€ au titre des congés payés afférents pour le contrat de travail conclu avec Maître [F],

1.702,32 € de ce chef, outre la somme de 170,20 € au titre des congés payés afférents pour le contrat de travail conclu avec Maître [T],

30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

3.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne solidairement Maître [F] et Maître [T] aux entiers dépens.

Par conclusions en défense au contredit distinctes déposées au greffe le 11 avril 2015 et développées oralement à l'audience, Maître [T] et Maître [F] sollicitent de la Cour qu'elle :

confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de Prud'hommes,

déboute Mme [X] de son contredit,

condamne Mme [X] à 3.000 € d'amende civile au titre de l'article 88 du code de procédure civile,

condamne Mme [X] à verser à la SCM [F] - [T] - [G] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts eu égard au caractère abusif de son contredit,

condamne Mme [X] à verser à la SCM [F] - [T] - [G] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [X] aux entiers dépens,

dise qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcés et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intimé déposées au greffe le 11 avril 2015 et développées oralement à l'audience, la SCM [F] - [T] - [G] et Maître [F] et Maître [F] sollicitent de la Cour qu'elle :

déboute Mme [X] de son appel en nullité comme étant mal fondé,

déboute Mme [X] de son appel comme étant aussi bien irrecevable que mal fondé à l'encontre de Maître [T] et Maître [F], personnes physiques,

déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

juge que la SCM [F] - [T] [G] n'a jamais été l'employeur de Mme [X],

subsidiairement, juge que ni Maître [F], ni Maître [T] n'ont commis la moindre faute à l'encontre de la salariée ayant un lien de causalité avec l'inaptitude de Mme [X],

constate que Mme [X] n'a produit aucune preuve, pièce justificative à l'appui du harcèlement moral qu'elle invoque,

condamne Mme [X] à verser à Maître [F] et Maître [T] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusif et la somme de 4.000€ en première instance et cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [X] aux entiers dépens.

Sur le contredit :

Mme [X] fait valoir le moyen selon lequel elle a formé sa demande initiale à l'encontre de Maître [T] et Maître [F] et non à l'encontre de la SCM qui n'a jamais été son employeur. Dès lors, le conseil de Prud'hommes a commis une erreur en constatant que la demande était adressée à l'encontre de la SCM et en prononçant son incompétence.

Maître [F] et Maître [T] font valoir qu'ils n'ont jamais été convoqués individuellement par le conseil de Prud'hommes qui a convoqué la SCM et il est constant qu'aucun contrat n'a été signé entre la SCM et Mme [X]. De plus, Mme [X] forme son contredit contre la SCM et appel à l'encontre de maître [T] et maître [F], persistant dans son erreur. Dès lors, il y a lieu de la débouter de ses demandes et la condamner au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article 88 du code de procédure civile.

Sur le licenciement :

Mme [X] fait valoir que les conditions de travail se sont dégradées et que ses employeurs ne lui ont aménagé aucun espace au sein du Cabinet pour pouvoir prendre ses repas, devant se contenter de la salle où se situaient les toilettes et le harcèlement moral s'est poursuivi durant la période de suspension de son contrat de travail, devant réclamer le paiement de ses salaires à ses employeurs. Ainsi, son état dépressif ayant conduit à son inaptitude est directement lié au comportement de ses employeurs et il y aura lieu de prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude et de lui octroyer les indemnités équivalentes à un tel licenciement.

Maître [T] et maître [F] font valoir qu'ils n'ont jamais eu la qualité de co-employeurs, cette appellation ne concernant que les sociétés commerciales et Mme [X] a travaillé indépendamment pour eux. De plus, Mme [X] n'a nullement était contrainte de prendre ses repas dans les toilettes, une salle étant en cours d'aménagement à l'étage et équipée pour qu'elle puisse manger à sa convenance le midi. Enfin, Mme [X] ne démontre aucun agissement répété et fait constitutif de harcèlement moral et il y a lieu de la débouter de sa demande et des indemnités afférentes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction

Il y a lieu d'ordonner la jonction, sous le numéro RG15/01414 des deux dossiers enregistrés sous les numéros RG 15/0414 (appel) et RG 15/01602 (contredit), qui tendent 2010 contestation d'une même décision.

Sur la nullité du jugement

Mme [X] fait valoir que le jugement est nul en ce que le conseil de prud'hommes a soulevé d'office son incompétence d'attribution, sans avoir au préalable ordonné la réouverture des débats dans le respect du principe du contradictoire en application de l'article 16 du code de procédure civile.

La SCM [T] [G] [F] et maître [T] et maître [F] objectent pour voir rejeter cette demande que les conclusions de la SCM devant le conseil de prud'hommes tendaient à voir déclarer cette incompétence.

Il sera fait droit à la demande de nullité du jugement, sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes ayant en effet manqué à son obligation de procéder à la réouverture des débats dès lors qu'il soulevait d'office son incompétence d'attribution.

D'une part le conseil de prud'hommes vise expressément l'article 92 du code de procédure civile pour considérer qu'il soulève d'office son incompétence, d'autre part les conclusions déposées le 4 décembre 2014 à l'audience du conseil de prud'hommes par la SCM [F]-[T]-[G] demandent au conseil de prud'hommes :

'- de débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes

- de juger que la SCM [F]-[T]-[G] n'a jamais été l'employeur de Mme [X]

- de condamner Mme [X] à verser à la SCM [F]-[T]-[G] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la même aux dépens.'

De ce libellé comme du corps des conclusions est absente toute référence à une incompétence d'attribution du conseil de prud'hommes, et pour cause, car le fait, exact, que la SCM n'ait jamais été l'employeur de Mme [X] pouvait avoir éventuellement pour conséquence une irrecevabilité des demandes formées contre celle-ci par Mme [X] , mais en aucun cas, dès lors que l'existence de contrats de travail avec maître [T] d'une part et maître [F] d'autre part n'est pas contestée, une incompétence d'attribution du conseil de prud'hommes.

Il est indifférent, pour cette nullité d'ordre public, que maître [T] et maître [F] n'aient pas été convoqués à l'audience du conseil de prud'hommes, dès lors que la SCM était convoquée et avait conclu, étant rappelé que la procédure devant le conseil de prud'hommes de Limoges avait bien été engagée contre maître [T] et maître [F] et non contre la SCM et que ce n'est qu'à la faveur d'une erreur de ce conseil de prud'hommes, reprise à tort par le conseil de prud'hommes d'Angoulême et non expressément relevée par Mme [X], qui formait néanmoins ses demandes contre maître [T] et maître [F], que le conseil de prud'hommes d'Angoulême a cru pouvoir statuer comme il l'a fait, les deux employeurs de Mme [X] s'étant engouffrés de mauvaise foi dans cette erreur au détriment de leur salariée et de leur déontologie qui eût voulu qu'ils interviennent volontairement devant le conseil de prud'hommes d'Angoulême.

Il y a lieu à évocation au fond du litige par la cour, dès lors que tant maître [T] que maître [F] ont été appelés à la procédure devant la cour y ayant été convoqués par le greffe et ayant conclu au fond.

Il ne peut être considéré que maître [T] et maître [F] ne sont intervenants, comme ils le soutiennent, que pour la fin de non recevoir de l'exception de nullité du jugement.

Sur le fond

Il est constant que Mme [X] a signé deux contrats de travail similaires avec maître [T] et maître [F] d'autre part, et a été licenciée en termes identiques par chacun d'eux pour inaptitude par lettres du 6 mars 2012.

Il y a lieu en conséquence de prononcer la mise hors de cause de la SCM [F]-[T]-[G], qui n'a jamais été l'employeur de Mme [X] .

Mme [X] soutient que maître [T] et maître [F] sont co-employeurs et demande leur condamnation solidaire.

Il ne sera pas fait droit à cette demande ; la circonstance que Mme [X] , qui était titulaire de deux contrats de travail distincts quoique similaires exerçât son activité au sein des mêmes locaux étant sans incidence, alors en outre que la SCM occupant les locaux est composée d'un troisième avocat, maître [G], qui était l'employeur initial de Mme [X], et que les contrats de travail prévoyaient chacun un temps de travail de travail ne se chevauchant en théorie pas, que Mme [X] était rémunérée de façon distincte par chacun ders ses employeurs, la SCM n'impliquant pas une confusion d'intérêts et de gestion des deux cabinets, qui n'ont pas un profit et des résultats communs.

Mme [X] qui a été licenciée pour inaptitude le 6 mars 2012 par deux procédures distinctes par maître [T] d'une part et maître [F] d'autre part après s'être trouvée en arrêt de travail depuis le 23 septembre 2011 et avoir été déclarée inapte par le médecin du travail le 31 janvier 2012, impute son inaptitude au harcèlement moral dont elle dit avoir été victime de la part de l'un comme de l'autre de ses employeurs.

L'article L1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L' article L1154-1 détermine les règles de preuve en la matière en disposant que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article L1152-3 du code du travail dispose que toute rupture d'un contrat de travail résultant d'un harcèlement moral est nulle.

À l'appui de sa demande, Mme [X] allègue qu'elle travaillait dans des conditions de confusion entre les deux avocats, que lors du passage d'un temps de travail de 10 h pour chacun à 18 h par avenant du 1er février pour maître [T] et du 21 février pour maître [F], augmentation qu'elle ne souhaitait pas, elle a obtenu l'engagement de ses employeurs qu'elle puisse déjeuner sur place avec aménagement d'un local ad hoc, et que de fait, ce local a été aménagé dans les toilettes, ce qui était indigne. Elle expose par ailleurs qu'à l'occasion de son arrêt de travail , ses employeurs ne lui ont pas versé le complément de salaire dû. Elle produit des photographies de la pièce litigieuse et ses courriers à maître [T] et maître [F]. Ces éléments peuvent le cas échéant laisser présumer l'existence d'un harcèlement

Sur le premier point, il est observé que chacun des deux contrats de travail prévoyait un horaire de travail précis, pour maître [T] du lundi au jeudi de 13 h 30 à 17 h 30 et le vendredi de 10 h à 12 h et pour maître [F] du lundi au jeudi de 8 h 30 à 12 h 30 et le vendredi de 8 à 10 h, que Mme [X] ne prouve pas autrement que par ses allégations que cette répartition horaire n'aurait pas été respectée dans des conditions lui faisant grief, et qu'il doit être admis que de nécessités d'urgences pouvaient amener l'un des deux avocats à lui demander une diligence sur le temps de travail de l'autre, dès lors que cela ne donnait pas lieu à incident entre maître [T] et maître [F], ce qu'elle n'avance pas. Par ailleurs, si la SCM était dotée d'une unique ligne téléphonique, cette ligne était pourvue d'un standard automatique renvoyant vers le cabinet d'un des trois avocats.

Sur le second point, il sera observé que Mme [X] ne produit aucune preuve de l'engagement de maître [T] et maître [F] à lui fournir un local pour déjeuner, obligation qui ne résulte d'aucun texte contractuel ou conventionnel, son temps de pause de 1 h lui permettant de déjeuner à l'extérieur. En outre, il est établi que dans l'attente de l'arrivée d'un quatrième avocat dans les locaux du dernier étage, Mme [X] a pu bénéficier d'un local avec frigo et micro-ondes, et que lors de l'arrivée de celui-ci, ces appareils ont été redescendus au premier étage. Pour autant, la pièce dans laquelle ils se trouvaient était une pièce de 11m² et non un réduit, et si les toilettes et un lavabo y étaient installés, il y avait un paravent, et ce local servait également au serveur informatique et aux archives ; il était loisible à Mme [X], qui avait récemment déménagé à l'extérieur de Limoges, si elle souhaitait déjeuner au cabinet, d'utiliser les appareils et de déjeuner dans son bureau.

Il est par ailleurs justifié de ce que des travaux étaient prévus au dernier étage pour cloisonner une grande pièce et y mettre en place un lieu de convivialité destiné à tous les occupants des lieux, qui a été réalisé après l' arrêt de travail de Mme [X].

S'agissant du troisième point, si Mme [X] a en effet réclamé le paiement d'un complément de salaire en sus des indemnités journalières lors de son arrêt de travail, sa demande était fondée sur le calcul d'une ancienneté supérieure à celle qui était effectivement la sienne en application de la convention collective, sa période d'emploi initiale par maître [G] par contrat de travail du 2 janvier 2008 n'ayant pas été reprise lors de son embauche par maître [T] par contrat de travail du 31 décembre 2008, de sorte que sa demande n'était pas fondée, ce que lui ont répondu ses employeurs, étant d'ailleurs observé qu'elle ne forme aucune demande de paiement de solde de rémunération.

Il résulte de ces considérations que les deux employeurs apportent la preuve que les agissements dénoncés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que leurs décisions sont justifiées par des objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, les licenciements pour inaptitude sont fondés, et Mme [X] sera déboutée de ses demandes relatives à un licenciement nul pour harcèlement moral et à un licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'encontre de maître [T] et de maître [F].

Sur la demande de dommages intérêts de la SCM [F]-[T]-[G], de maître [T] et de maître [F]

Au vu du résultat de l'appel et du contredit, ces voies de recours n'ont rien d'abusif et les intimés et défendeurs au contredit seront déboutés de leur demande à ce titre.

Il est rappelé que le prononcé d'une amende civile est à la seule appréciation de la juridiction.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Nonobstant l'issue du litige, la Cour estime devoir mettre les dépens tant de première instance que de contredit et d'appel à la charge solidaire de maître [T] et maître [F], avocats, qui se sont emparés d'une erreur matérielle rectifiable du conseil de prud'hommes de Limoges reprise par le conseil de prud'hommes d'Angoulême pour retarder l'issue du litige qui les opposait à leur ancienne salariée ; maître [T] et maître [F] seront pour les même raisons condamnés à verser chacun à Mme [X] une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et seront déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Ordonne la jonction sous le numéro RG 15/01414 des dossiers enregistrés sous les numéros RG 15/01414 et RG 15/01602 ;

Prononce la nullité du jugement rendu le 12 février 2015 par le conseil de prud'hommes d'Angoulême ;

Evoquant :

Met hors de cause la SCM [F]-[T]-[G] ;

Déboute Mme [X] de ses demandes à l'encontre de ses employeurs maître [T] et maître [F] ;

Déboute la SCM [F]-[T]-[G], maître [T] et maître [F] de leur demande de dommages intérêts ;

Condamne maître [T] et maître [F] à payer chacun à Mme [X] une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement maître [T] et maître [F] aux dépens de première instance, de contredit et d'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/01414
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/01414 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;15.01414 ?
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