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02/07/2015 | FRANCE | N°14/06591

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 02 juillet 2015, 14/06591


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/06591

















SAS PERGUILHEM



c/



Monsieur [F] [B]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/06591

SAS PERGUILHEM

c/

Monsieur [F] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2014 (R.G. n° F13/2762) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2014,

APPELANTE :

SAS PERGUILHEM, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 307 422 154

représentée par Me Jean-Marc CHONNIER, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉ :

Monsieur [F] [B]

né le [Date naissance 1] 1962

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assisté de Me LAFAYE Loco Me Doriane DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [B] a été engagé par la SAS Perguilhem suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 novembre 2004 en qualité de chauffeur livreur au coefficient 150 de la convention collective nationale des transports routiers avec reprise d'ancienneté au 1er mai 2002.

M. [B] était rattaché à l'établissement d'[Localité 1].

Le 28 décembre 2010, M. [B] a été victime d'un accident du travail à l'occasion d'une opération de remplissage de la citerne de son camion alors qu'il se trouvait sur le site de Total.

Il a été évacué par les pompiers, son contrat étant suspendu en application de l'article L.1226-7 du code du travail jusqu'au 30 juin 2013.

Il a subi une intervention chirurgicale le 13 mai 2011 en lien direct avec son accident du travail.

Par décision en date du 21 mars 2012, la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue à effet au 1er mars 2012.

Après avoir rencontré le médecin du travail dans le cadre de l'article L.1226-10 du code du travail et obtenu un avis favorable de sa part, M. [B], accompagné par la SAMETH 33, a suivi, à compter du 24 septembre 2012 et jusqu'au 28 juin 2013, selon dispositif du CIF, une formation de 'Technicien supérieur en méthodes et exploitation logistique' dans le cadre d'un projet de reconversion interne à l'entreprise.

Le 1er juillet 2013, le médecin conseil de la sécurité sociale a déclaré consolidé l'état de santé de M. [B] en rapport avec l'accident du 28 décembre 2010.

Le 1er juillet 2013, il a passé une visite médicale de reprise au terme de laquelle le médecin du travail a conclu qu'il était inapte au poste précédent, contre-indication à la conduite de poids lourds prolongée et possibilité d'occuper un poste de type administratif.

Lors de la seconde visite de reprise en date du 19 juillet 2013, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de chauffeur poids lourds avec contre-indication à la conduite routière prolongée et à la manutention et port de charge, le déclarant apte à conduire occasionnellement un poids lourds, ainsi qu'aux tâches administratives.

Le 30 juillet 2013, l'employeur a convoqué les délégués du personnel qui n'ont pas émis d'avis.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er août 2013, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 12 août 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 août 2013, M. [B] a été licencié pour inaptitude.

Contestant cette décision, M. [B] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 9 septembre 2013 aux fins d'obtenir une indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail.

Par jugement en date du 16 octobre 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

jugé que les délégués du personnel n'ont pas été régulièrement consultés sur le fondement de l'article L.1226-10 du code du travail,

jugé que la SAS Perguilhem ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement au niveau du groupe,

jugé que le licenciement de M. [B] est intervenu en violation de l'article L.1226-10 du code du travail,

condamné la SAS Perguilhem à verser à M. [B] les sommes suivantes :

25.000 € nets sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail,

800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

débouté la SAS Perguilhem de sa demande reconventionnelle,

condamné la SAS Perguilhem aux entiers dépens.

La SAS Perguilhem a régulièrement interjeté appel de cette décision le 6 novembre 2014. M. [B] forme un appel incident sur le montant des dommages et intérêts accordés.

Par conclusions déposées au greffe le 13 avril 2015 et développées oralement à l'audience, la SAS Perguilhem sollicite de la Cour qu'elle :

réforme en intégralité le jugement du conseil de Prud'hommes de Bordeaux,

déboute M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

condamne M. [B] à verser à la SAS Perguilhem la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [B] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 20 avril 2015 et développées oralement à l'audience, M. [B] sollicite de la Cour qu'elle :

débute la SAS Perguilhem de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

déclare recevable et bien fondé son appel incident,

confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf à porter le montant des dommages et intérêts alloués sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail à la somme nette de 55.000 € et à lui allouer une indemnité complémentaire de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

laisse les dépens à la charge de la SAS Perguilhem.

Sur la consultation des délégués du personnel et le reclassement :

La SAS Perguilhem fait valoir que les délégués du personnel élus en application d'un protocole d'accord du 17mai 2010 ont été convoqués après les deux déclarations d'inaptitude et que ceux-ci ont juste reproché à l'employeur de n'avoir pas fait de propositions écrites de reclassement, et en réalité de refuser de signer un accord transactionnel attribuant au salarié deux ans de salaire, sans que cela ne soit un motif de non-respect de la procédure et qu'il y aura dès lors lieu de réformer le jugement, l'employeur ayant également procédé aux recherches de reclassement, aucun poste administratif n'étant disponible pour M. [B] dans l'entreprise et l'aménagement du poste de chauffeur étant impossible.

M. [B] fait valoir que la SAS Perguilhem ne rapporte nullement la preuve de la consultation des sept délégués du personnel titulaires élus au niveau de l'Unité Economique et Sociale constituée entre la SAS Perguilhem et la SAS OC Développement et que les informations données, qui ne comportaient aucune proposition de reclassement et aucun compte rendu des démarches effectives réalisées, aux représentants du personnel présents le 30 juillet 2013 ne leur permettaient pas de pouvoir émettre un avis en pleine connaissance de cause. Il expose de plus que la société ne justifiant pas avoir satisfait à son obligation de reclassement au sein du groupe malgré les efforts de reconversion de son salarié et n'ayant pas fait connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement, cela ouvre droit au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail au delà du minimum légal compte tenu de son ancienneté, de son âge et de son handicap qui rendent sa réinscription dans le marché de l'emploi difficile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités; cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise; l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En application de l'article L 1226-12 du code du travail lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement, l'employeur ne pouvant rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions de l'article L 1226-12 soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

En l'espèce, M. [B], qui a été consolidé des suites de son accident de travail le 1er juillet 2013 et s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé à compter du 1er mars 2012 jusqu'au 28 février 2017, justifie avoir suivi d'une part, dans le cadre d'un congé individuel de formation une formation de technicien supérieur en métal et exploitation logistique, d'une durée de 1295 heures, la fiche de liaison de la SAMETH du 18 juin 2012 mentionne que cette formation s'inscrivait dans le cadre d'un projet de reconversion interne à l'entreprise, et d'autre part au titre du DIF une formation de remise à niveau et optimisation des connaissances en anglais d'une durée de 40 heures.

À l'issue de la visite de reprise du 1er juillet 2013 le médecin du travail a déclaré M. [B] « inapte au poste précédent,contre-indications à conduite PL prolongée. Étude de poste+ seconde visite à 15 jours+ contacter SAMETH. Peu occuper un poste de type administratif », et à l'issue de la seconde visite de 19 juillet 2013 le médecin indiquait « seconde visite selon l'article 4624'31 du code du travail. Étude de poste réalisé le 11 juillet 2013. Inapte au poste de chauffeur PL contre-indications à la conduite routière prolongée et à la manutention et port de charges. Conduite PL occasionnelle + tâches de type administratif ».

Dès le 30 juillet 2013 la SAS Perguilhem a organisé, pour la consultation sur le reclassement du salarié, une réunion extraordinaire des délégués du personnel dont le procès-verbal de présence est signé par deux délégués titulaires (Ms. [L] et [X]) et deux délégués suppléants (Ms. [K] et [T]), non compté le délégué syndical présent mais non élu. La SAS Perguilhem établit par ailleurs avoir convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception un autre délégué titulaire (M. [H]) et un autre délégué suppléant (M. [V]), mais pas davantage car le message électronique du 26 juillet 2013 ne constitue pas une convocation en bonne et dûe forme des autres délégués élus que ce soit en qualité de titulaire ou de suppléant.

Il s'ensuit que la SAS Perguilhem justifie donc avoir convoqué six délégués du personnel (4 présents et 2 absents convoqués) sur sept, et qu'à défaut de prouver que les autres délégués, quelle que soit leur qualité, ont bien été convoqués à la réunion extraordinaire du 30 juillet 2013, il convient de considérer que celle-ci est irrégulière et équivaut à une absence de consultation.

Il convient de déduire de ces circonstances que la SAS Perguilhem n'a pas respecté son obligation de recueillir l'avis des délégués du personnel sur le reclassement de son salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail.

Par ailleurs la SAS Perguilhem a convoqué le salarié le 1er août 2013 pour un entretien qui s'est déroulé le 12 août 2013, la lettre de licenciement datant du 16 août 2013. Entre-temps elle ne démontre par aucune des pièces qu'elle produit aux débats avoir réalisé des démarches actives et effectives au sein des entreprises de l'unité économique composée de la SAS Perguilhem, Transervice SUD et OC Developpement, tendant à rechercher l'affectation de son salarié à un poste administratif, disponible ou aménagé, et adapté aux capacités et compétences de M. [B] qui avait pris l'initiative de suivre une formation de reconversion, ce dont elle ne peut s'affranchir par la seule production des états préparatoires à la déclaration des mouvements de main-d''uvre pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2013 qui établissent certes que les sorties sur cette période concernent essentiellement des chauffeurs et des employés de bureau contrat à durée déterminée, mais qui ne peuvent tenir lieu de justification de la réalité du processus de recherche de reclassement.

Enfin elle ne démontre pas davantage d'autre part avoir adressé au salarié un courrier l'informant des motifs s'opposant à son reclassement conformément aux dispositions légales suscitées qu'elle n'a donc pas respectées.

Dans ces conditions il convient de considérer que l'employeur, en ne convoquant pas les délégués du personnel pour recueillir leur avis et en ne satisfaisant pas à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, n'a pas respecté les dispositions de l'article L 1226'10 du code du travail de sorte que le licenciement pour inaptitude de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Par conséquent M. [B] peut prétendre à recevoir une indemnisation sur le fondement de l'article L 1226'15 du code du travail dont le montant ne peut être inférieur à 12 mois de salaire. Il était âgé de 50 ans et avait 9 ans d'ancienneté au moment de son licenciement, il n'a toujours pas retrouvé de travail, sachant que compte tenu de son handicap il est nécessairement limité dans ses recherches d'emploi, il convient donc d'évaluer la réparation de son préjudice découlant de la rupture du contrat de travail à la somme de 40000 €. Le jugement déféré sera donc réformé sur le montant des dommages-intérêts et statuant à nouveau, la cour condamnera la SAS Perguilhem à payer cette somme à M. [B].

La SAS Perguilhem qui succombe au principal sera condamnée aux dépens et à payer à M. [B] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa propre demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS Perguilhem à payer à M. [B] la somme de 25 000 € au titre de l'article L 1226'15 du code du travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Perguilhem à payer à M. [B] la somme de 40000 € au titre de l'article L 1226'15 du code du travail,

Condamne la SAS Perguilhem à payer à M. [B] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Perguilhem aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/06591
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/06591 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;14.06591 ?
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