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02/07/2015 | FRANCE | N°14/00856

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 02 juillet 2015, 14/00856


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/00856

















SAS ARCANDE



c/



Monsieur [L] [P]





















Nature de la décision : AU FOND







N

otifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 jan...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 02 JUILLET 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/00856

SAS ARCANDE

c/

Monsieur [L] [P]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 janvier 2014 (R.G. n° F12/02874) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 13 février 2014,

APPELANTE :

SAS ARCANDE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Carole MORET de l'ASSOCIATION JACQUES BARTHELEMY ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1965

de nationalité Française

Sans profession, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 mai 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [P] a été engagé par la société Arcande, qui exploite un supermarché à l'enseigne Intermarché à [Localité 1], suivant contrats à durée déterminée en juillet et août 1987 et 1988 pour travailler au sein de différents rayons.

À compter du 1er juin 1989, la relation de travail s'est poursuivie avec la qualification de manager de rayon, classification agent de maîtrise niveau V, rattaché au rayon charcuterie libre-service et volailles.

Au dernier état de la relation de travail, M. [P] percevait une rémunération brute mensuelle de 1.662,57 €.

À compter du 16 octobre 2009, le contrat de travail de M. [P] a été suspendu dans le cadre d'un arrêt maladie d'origine non professionnelle.

Lors de la visite médicale de reprise du 6 avril 2012, M. [P] a été déclaré inapte dans les termes suivants : 'inapte à tous les postes de l'entreprise. Inaptitude en un seul examen. Risque grave et immédiat'.

Par courrier en date du 2 mai 2012, la SAS Arcande a adressé à M. [P] une proposition de reclassement sur un poste d'agent de sécurité sur le site, exigeant une réponse sous huitaine.

Par courrier en date du 7 mai 2012, M. [P] a refusé cette proposition de reclassement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mai 2012, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement pour inaptitude physique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2012, M. [P] a été licencié pour inaptitude physique, sans possibilité de reclassement.

Contestant les motifs de son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 7 décembre 2012 aux fins d'obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour travail dissimulé et le solde de l'indemnité légale de licenciement.

Par jugement en date du 30 janvier 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

dit que le licenciement dont a fait l'objet M. [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la SA Arcande à verser à M. [P] les sommes suivantes :

3.325,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

332,51 € au titre des congés payés afférents,

41.500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

débouté la SA Arcande de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux entiers dépens.

La SAS Arcande a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 février 2014. M. [P] forme un appel incident pour l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé et d'un solde d'indemnité légale de licenciement.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 29 avril 2015 et développées oralement à l'audience, la SAS Arcande sollicite de la Cour qu'elle :

réforme le jugement du conseil de Prud'hommes,

déboute M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

condamne M. [P] à payer à la société Arcande la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [P] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 14 avril 2015 et développées oralement à l'audience, M. [P] sollicite de la Cour qu'elle :

dise recevable mais mal fondé l'appel formé par la SAS Arcande à l'encontre du jugement du conseil de Prud'hommes,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Arcande au versement d'une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

réforme le jugement pour le surplus,

dise que le travail dissimulé est constitué,

dise que son ancienneté doit remonter au 1er juin 1986,

condamne la SAS Arcande à lui verser les sommes suivantes :

9.960 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

1.091,82 € au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement,

2.000 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

déboute la SAS Arcande de ses demandes,

condamne la SAS Arcande aux entiers dépens.

Sur le travail dissimulé :

La SAS Arcande fait valoir le moyen selon lequel la tardiveté des demandes de M. [P] ne pourrait donner lieu à une quelconque condamnation, se prévalant d'une prétendue période de travail entre 1986 et 1989 alors qu'il ne s'agissait que d'un travail saisonnier, régulièrement déclaré par la société.

M. [P] fait valoir qu'il a travaillé à partir du 1er juin 1986 en n'étant déclaré que durant les mois de juillet et août, la société Arcande étant coupable de travail dissimulé entre le 1er juin 1986 et le 1er juin 1989. Dès lors, son ancienneté doit être établie à compter du 1er juin 1986 et le solde de son indemnité de licenciement doit être revalorisé.

Sur le licenciement pour inaptitude :

La SAS Arcande fait valoir le moyen selon lequel le certificat médical ne fait état que des dires de M. [P] et qu'il ne justifie pas la réalité des faits invoqués par le salarié. De plus, la société a bel et bien procédé à des recherches réelles et sérieuses de reclassement, allant même au-delà du nécessaire en recherchant des postes en externe auprès d'autres Intermarché et n'étant donc pas tenue de rechercher des postes chez les autres distributeurs. Dès lors, la procédure de licenciement pour inaptitude a été respectée et il y aura lieu de débouter M. [P] de ses demandes en ce sens.

M. [P] fait valoir que la proposition de reclassement qui a été formulée ne précisait pas la rémunération, les horaires de travail et la classification proposée. De plus, la société n'a pas pris en compte les recommandations du médecin du travail et lui a proposé un poste au sein du même magasin, ne recherchant pas les autres postes disponibles au sein des autres magasins Intermarché. En agissant ainsi, la société Arcande a violé son obligation de reclassement et il sollicite dès lors la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite l'octroi des indemnités afférentes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8223-1 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

- soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue par l'article L1221-10 de déclaration préalable à l'embauche

- soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue par l'article L3243-2 de délivrance d'un bulletin de salaire ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures effectués inférieur à celui réellement réalisé

- soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou cotisations sociales.

L'article L8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur aurait eu recours en violation des dispositions de l'article L8221-3 ou en commettant des faits visés à l'article L 8821-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [P] de cette demande portant sur la période à partir du 1er juillet 1986, plus de vingt cinq ans auparavant, considérant que le seul élément produit, une attestation de son propre frère, qui a été salarié de la société Arcande, cette attestation très imprécise sur les tâches exercées était insuffisant. M. [P], qui n'a formulé aucune réclamation de paiement de salaire depuis son embauche, quand bien même l'indemnité pour travail dissimulé ne peut être sollicitée qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail, produit en appel une attestation établie le 13 octobre 2013 par Mme [N], qui était également salariée de la société Arcande, qui indique que M. [P] a bien travaillé à Intermarché de juin 1986 à juin 1989. Cette attestation dépourvue de tout élément précis sur le travail exercé par M. [P] au cours de cette période, étant rappelé qu'il a bien travaillé les étés 1987 et 1988, puis à compter de juillet 1989, n'est pas suffisamment probante d'un travail clandestin exercé par M. [P]; au demeurant, la société Arcandea délivré à M. [P] des bulletins de salaire avec paiement des congés payés à l'issue de ses périodes d'emploi saisonnier, ce qui induisait la fin de ces emplois.

Sur le solde d'indemnité de licenciement

Le solde sollicité résulte d'une différence d'ancienneté tenant à la prise en compte de la période d'emploi alléguée de juin 1986 à juillet 1989 , qui aurait été consacrée par la reconnaissance du travail dissimulé.

M. [P] étant débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur le licenciement

L'article L1226-2 du code du travail dispose que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, et l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, bien que le médecin du travail ait mentionné qu'aucun reclassement n'était possible en interne, la société Arcande a fait connaître à M. [P], par lettre du 2 mai 2012, qu'elle avait 'pensé à un reclassement comme agent de sécurité pour le gardiennage et la surveillance du point de vente' en lui demandant d'exprimer son avis sous huit jours.

Force est de constater qu'il ne s'agit pas en termes stricts d'une proposition, d'une part, d'autre part que, à supposer qu'il s'agisse d'une proposition , elle ne répond pas aux exigences de proposition d'un poste mentionnant les caractéristiques du contrat de travail, et notamment qu'aucune indication n'est porté sur la rémunération, ces horaires et les conditions de travail, alors qu'il s'agit d'un poste sensiblement différent pouvant impliquer des horaires de nuit, le silence de la lettre ne signifiant pas que la rémunération et les horaires de travail étaient identiques. Enfin, la lettre de licenciement indique qu'il a été proposé à M. [P] un poste de responsable de sécurité, alors qu'il n'a été proposé qu'un poste de niveau inférieur d'agent de sécurité, et que le salarié engagé postérieurement l'a été sur un poste de responsable de sécurité, de niveau supérieur à celui d'agent, ce qui ne peut résulter d'une simple erreur de plume comme allégué par l'employeur. Il s'ensuit que l'employeur, qui a fait le choix en dépit de la position du médecin du travail de proposer un reclassement en interne au salarié alors qu'il n'était pas tenu de le faire, ne l'a pas fait de façon précise et loyale.

S'agissant du reclassement en externe, le reclassement doit être recherché sur les entreprises du groupement dont fait partie l'employeur.

Quand bien même la société Arcande est une entreprise juridiquement indépendante, il est constant qu'elle est intégrée au groupement 'Les Mousquetaires' qui rassemble les sociétés franchisées des enseignes Intermarché, Bricomarché, Roady, Netto, Vêtimarché,Poivre rouge (restaurants) ; or au sein de ce groupement dont les adhérents sont cooptés, et qui n'est d'ailleurs pas exempt de liens capitalistiques, puisque les adhérents au groupement peuvent être associés de la 'Société civile des Mousquetaires', les entreprises sont étroitement liées par des intérêts communs, des politiques communes d'approvisionnement et de prix, une communauté d'organisation, qui permettent une permutabilité des postes entre elles, la circonstance que les entreprises franchisées soient juridiquement indépendantes n'impliquant pas l'absence de permutabilité. Il est par ailleurs significatif que les bulletins de salaire délivrés au salarié portent le logo des 'Mousquetaires' et que les courriers de l'employeur soient à en-tête 'société Arcande Intermarché'.

La société Arcande ne saurait d'ailleurs sans quelque contradiction apparente se prévaloir des recherches, dont elle justifie, accompagnées de réponses négatives, qu'elle a faites auprès de supermarchés Intermarché proches géographiquement d'[Localité 1], qu'elle considère comme lui étant étrangers, alors qu'elle n'a pas procédé à des recherches similaires auprès d'autres supermarchés voisins d'autres enseignes.

C'est en conséquence à bon droit que le conseil de prud'hommes a considéré que la société Arcanden avait manqué à son obligation de recherche de reclassement au sein du groupement 'Les Mousquetaires' .

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé, tant en ce qui concerne le licenciement que les dommages intérêts, dont le conseil de prud'hommes a fait une appréciation pertinente au regard de l'ancienneté de M. [P] (23 ans), de son âge, de sa rémunération (1662 €), et des pièces justifiant de ce qu'il n'a pas retrouvé d'emploi.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Arcande, dont les prétentions sont rejetées, supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à M. [P] , à qui il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles, mais dont parti des prétentions sont rejetées, une somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant, condamne la société Arcande à payer à M. [P] une somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Arcandeaux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/00856
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/00856 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;14.00856 ?
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