CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 01 juillet 2015
(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)
No de rôle : 13/ 6344
Madame Yolande X...
c/
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL de CHARENTE PÉRIGORD SA PREDICA
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME (Chambre 1, RG 11/ 02712) suivant déclaration d'appel du 30 octobre 2013,
APPELANTE :
Madame Yolande X..., née le 08 Février 1959 à GIBOURNE (17160), de nationalité Française, demeurant ...-16720 SAINT MEME LES CARRIERES,
représentée par Maître Marie-josé MALO de la SELARL DUCOS-ADER/ OLHAGARAY et ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉES :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHARENTE PÉRIGORD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Rue d'Espagnac BP 21-16800 SOYAUX,
représentée par Maître Aude LACLOTTE substituant Maître Stéphane DESPAUX de la SELARL MILLESIME, avocat au barreau de BORDEAUX,
SA PREDICA-Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole, dont le siège administratif est 16-18, Boulevard Vaugirard-75015 PARIS 15- prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 50-56, rue de la Procession-75015 PARIS
représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Stéphanie COUILBAULT-DI-TOMMASO de la SELARL MESSAGER et COUILBAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2015, en audience publique, devant Mme Henriette FILHOUSE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, et Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Présidente, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Sylvie HAYET ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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Jean Y...a souscrit auprès de la société PREDICA deux contrats d'assurances vie le 1er mars 1989 (contrat PREDIGE/ prime de 59. 455, 12 ¿) et le 15 juin 1995 (contrat CONFLUENCE/ prime de 762, 25 ¿). Il a été placé sous tutelle le 12 novembre 2002, madame X...étant désignée gérante de tutelle.
Madame X...a été autorisée sur sa demande par le juge des tutelles-le 10 janvier 2003 de clôturer les placements financiers souscrits auprès de la Caisse d'Epargne, de regrouper tous les comptes au crédit agricole puis de placer le tout (228. 673 ¿) en fonds communs de placements auprès de la société INVEST CONSEIL,- le 4 mai 2004, de clôturer deux comptes « assurances Epargne » ouverts au crédit agricole, ces comptes étant les deux assurances vie sus visées.
Monsieur Y...est décédé le 13 février 2006.
Sur assignation du bénéficiaire des deux contrats d'assurance vie, monsieur Z..., le tribunal de grande instance d'Angoulême le 25 juin 2009 puis la Cour d'appel, le 16 mars 2011, a condamné madame X...à verser au bénéficiaire la somme de 30. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par sa faute, à savoir n'avoir pas informé précisément le juge des tutelles et de ne pas s'être informée auprès de la banque de la nature exacte des contrats.
Sur assignation de madame X...de la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE CHARENTE PERIGORD et de la société PREDICA, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, le tribunal de grande instance d'Angoulême, par jugement du 10 octobre 2013 a-dit que l'action n'était pas prescrite,- dit que madame X...ne démontrait pas d'action fautive de la part de la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE et de la société PREDICA,- débouté en conséquence, madame X...de ses demandes-débouté les défenderesses de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile-condamné madame X...aux entiers dépens.
Le 30 octobre 2013, madame X...a relevé appel de cette décision,
Le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 16 mai 2014 a déclaré irrecevables les écritures déposées et notifiées hors délai par la CRCAM CHARENTE PERIGORD, laquelle a régulièrement constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2015.
En ses dernières écritures du 11 décembre 2013 auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé des motifs, madame X...poursuit l'infirmation de la décision déférée et a conclu, au visa de l'article 1382 du code civil,- au dire que les intimées n'ont pas rempli leurs obligations contractuelles d'information et de mise en garde, à son égard agissant ès-qualité-au dire que ce manquement, a causé un préjudice dont elle est bien fondée à rechercher l'indemnisation sur un fondement délictuel,- en condamnation solidaire à lui payer une indemnité * de 30. 000 ¿ correspondant à celle à laquelle elle a été condamnée envers monsieur Z..., * les intérêts qu'elle a dû verser au titre des deux prêts qu'elle a dû souscrire pour s'acquitter de sa condamnation * la somme de 10. 000 ¿ correspondant aux frais de procédure dont elle a dû s'acquitter envers monsieur Z...avec les intérêts de l'emprunt qu'elle a souscrit pour acquitter cette somme, * la somme de 10. 000 ¿ au titre du préjudice moral * la somme de 5. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
Elle invoque sa qualité de tiers aux contrats pour justifier du fondement quasi délictuel de son action.
Elle fait valoir qu'elle n'était pas en possession des contrats litigieux, qu'elle n'a eu en sa possession qu'une synthèse des différents comptes émise par les banques, que la synthèse émise par la CRCAM ne portait mention que de deux contrats « d'assurance épargne » qui ne lui permettait pas de savoir qu'il s'agissait d'assurances vie et que ces contrats avaient un bénéficiaire désigné.
Elle reproche à la banque de ne lui avoir pas fourni une information exacte sur la nature des contrats et de ne l'avoir pas mise en garde, qu'en se référant à la dénomination d'assurance épargne au lieu d'assurance vie la banque a commis une erreur de dénomination et a manqué à son obligation de conseil dès lors qu'elle était informée de la volonté de clôturer les comptes.
La société PREDICA, en ses dernières écritures du 3 février 2014 auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé des motifs poursuit la confirmation de la décision et demande de constater-que la décision du tribunal de grande instance confirmée par la Cour d'Appel ayant autorité de la chose jugée qui a condamné madame X...sur le fondement de sa faute ne lui est pas opposable-qu'elle n'a commis aucune faute dès lors qu'elle n'avait pas d'autre option que d'exécuter la décision du juge des tutelles,- que madame X...ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'elle invoque.
Elle demande la condamnation de madame X...au paiement de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société PREDICA observe-que les contrats sont des contrats garantissant la vie et le décès, que les contrats peuvent faire l'objet d'un rachat à tout moment sans pénalité même en cas de bénéficiaire,- que le rachat a été autorisé par le juge des tutelles-qu'elle n'a pas été sollicitée préalablement à la saisine du juge des tutelles,- que rien ne permettait de savoir que madame X...n'était pas informée de la nature des contrats, que le rachat qui emporte récupération de l'épargne ne comporte aucune conséquence grave nécessitant la mise en ¿ uvre d'une obligation d'information et ce d'autant plus que monsieur Z...n'avait pas fait acte d'acceptation et ne pouvait pas s'opposer au rachat,- que l'article 503 du code civil autorisait madame X...à demander communication des renseignements nécessaires et donc de solliciter copie des contrats à la CRCAM ou à l'assureur-qu'il appartenait à madame X...de procéder à un audit des actifs avant d'en demander la clôture,
SUR QUOI
Devant la cour le fondement quasi délictuel de l'action de madame X...ne fait plus l'objet de discussion, madame X...étant en effet tiers aux deux contrats d'assurance vie souscrits par monsieur Y....
La possibilité de se faire communiquer tous renseignements ou documents nécessaires à l'inventaire de l'actif de la personne sous tutelle sans que l'on puisse opposer le secret professionnel n'a été donnée par l'article 503 du code civil évoqué par la société PREDICA que postérieurement à l'affaire en litige.
Cependant, rien n'interdit à un tuteur, faute de retrouver les contrats passés par son protégé de se renseigner auprès des banques et sociétés d'assurance afin de se faire préciser la nature de ces contrats.
Or madame X...n'apporte pas la preuve-de ce qu'elle a sollicité la CRCAM ou PREDICA à cette fin pour obtenir plus de renseignements sur la note de synthèse intitulée « vue globale » mentionnant l'existence de deux placements intitulés « épargne PREDICA + 88. 422, 98 ¿ » la référence à PREDICA devant l'alerter sur la très probable nature d'assurance vie des deux contrats,- de ce que, confrontée à la non exécution de l'ordre de clôture, elle ne s'est pas plus renseignée quand la CRCAM lui a notifié que ces contrats n'étaient pas assimilables à des placements financiers et qu'elle devait obtenir du juge des tutelles une nouvelle ordonnance autorisant la clôture.
Elle ne saurait dès lors, pour s'absoudre de sa propre négligence, reprocher à ces deux sociétés un manquement à une obligation de renseignement,- la note de synthèse étant au demeurant suffisamment précise pour attirer son attention sur la particularité des deux contrats,- devant, en sa qualité de professionnelle, connaître le régime des assurances vie notamment quant à la possibilité d'un bénéficiaire désigné
Quant au devoir de mise en garde, il est constant-que les deux contrats, n'ont fait l'objet d'une part d'aucune acceptation par le bénéficiaire, d'autre part pouvaient faire l'objet d'un rachat si bon semblait au souscripteur, sans aucun risque de sa part,- que l'ordre de rachat, pour lequel les deux sociétés n'ont pas été sollicitées pour renseignement avant de saisir le juge des tutelles, a été autorisé par ce même juge sur la foi des indications données par la tutrice et ne présentait aucun risque pour la personne protégée.
Ainsi madame X...ne fait la preuve d'aucune faute, que ce soit de la CRCAM ou de la société PREDICA.
La décision déférée qui a rejeté ses demandes par de justes motifs sera donc confirmée.
Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la S. A PREDICA
Les dépens doivent être mis à la charge de madame X....
PAR CES MOTIFS la cour
Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée
Y ajoutant
Condamne madame X...à payer à la S. A PREDICA la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne madame X...aux entiers dépens dont distraction suivant article 699 du code de procédure civile à maître Philippe Leconte avocat aux offres de droit.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. Hayet H. Filhouse