COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 juin 2015
(Rédacteur : Monsieur Bernard ORS, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 3395
Madame Nathalie X...MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES
c/
Monsieur Jean Apolinaire Z... C. P. A. M. de la GIRONDE-Caisse Primaire d'Assurance Maladie-
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mai 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 11/ 12002) suivant déclaration d'appel du 30 mai 2013,
APPELANTES :
Madame Nathalie X..., née le 03 Novembre 1970 à NANCY (54), de nationalité Française, demeurant...-33000 BORDEAUX,
MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Lieu dit Bois du Fief Clairet-86240 LIGUGE,
représentées par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant, et assistées de Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER-SAMMARCELLI, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS :
Monsieur Jean Apolinaire Z..., né le 22 Juillet 1987 à BORDEAUX (33), de nationalité Française, demeurant...-33000 BORDEAUX
représenté par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant, et assisté de Maître Marie MESCAM, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX,
C. P. A. M. de la GIRONDE-Caisse Primaire d'Assurance Maladie-prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Place de l'Europe-33085 BORDEAUX CEDEX,
assignée à personne habilitée, n'ayant pas constitué avocat,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 avril 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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Le 4 mars 2009 dans un accident de la circulation mettant en cause le véhicule automobile conduit par Mme X..., M Z... qui conduisait un scooter était blessé. Par jugement du 6 juin 2011, le Tribunal Correctionnel de Bordeaux a relaxé Mme X... des fins de la poursuite pour blessures involontaires.
Par décision du 10 octobre 2011, cette même juridiction a constaté le désistement de M Z... partie civile.
Les Docteurs A... et B... ont examiné dans le cadre d'une procédure amiable M Z...
Par assignations des 2 et 12 décembre 2011, M Z... a saisi les juges du fonds du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux aux fins d'indemnisation de son préjudice par Mme X... et son assureur les Mutuelles de Poitiers.
Les défendeurs ne se sont pas opposés à l'indemnisation de M Z... mais ont conclu à la réduction des demandes.
Par jugement du 23 mai 2013, le Tribunal a constaté que Mme X... et son assureur ne contestaient pas le droit à indemnisation intégrale de M Z... et a fixé le préjudice à 130. 735 ¿ soit 40. 686 ¿ au titre des DSA, 890 ¿ au titre des frais divers, PGPA : 3. 704 ¿, DFT : 4. 535 ¿, DFP 19. 920 ¿, souffrances endurées : 8. 000 ¿, préjudice d'agrément 10. 000 ¿, préjudice sexuel 5. 000 ¿.
Il a accordé après déduction de la créance de la CPAM et de la provision la somme totale de 62. 106 ¿.
Le 30 mai 2013, Mme X... et son assureur ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 16 décembre 2013, ils exposent que les docteurs A... et B... indiquent que la consolidation a été acquise de 13 janvier 2010, que l'arrêt de travail a duré du 4 mars 2009 au 2 juin 2009, que la gêne temporaire totale s'est étendue du 4 mars au 2 juin 2009, que la gêne temporaire partielle s'est entendue du 3 juin 2009 au 13 janvier 2010, cette gêne étant plus marquée durant les trois premiers mois, que les souffrances endurées ont été de 3. 5/ 7, que le préjudice esthétique est de 2/ 7 et le déficit fonctionnel permanent est de 12 %. Ils indiquent, de même, que lors du dépôt de leur rapport M Z... avait repris sa formation de comptabilité qu'il suivait avant l'accident et qu'en ce qui concerne le préjudice d'agrément, les séquelles présentées par M Z... constituent une inaptitude à reprendre la boxe, celle ci ayant été remplacée par la natation. Il n'existe selon eux aucun frais futur. Ils précisent que pendant les week end au domicile durant le premier mois M Z... était en fauteuil roulant, il avait besoin de l'aide de sa famille durant 2 heures par jour.
En ce qui concerne les dépenses de santé actuelle, les appelants malgré les énonciations de leur acte d'appel sollicitent la confirmation de la décision entreprise. Il en est de même pour les frais divers : honoraires du médecin et préjudice vestimentaire.
En ce qui concerne l ¿ aide que lui ont apportée ses parents pendant un mois durant la week end, ils proposent 10, 142 ¿ par heure soit un total de 162, 27 ¿. Pour le PGPA ils sollicitent que la décision soit confirmée. Ils s'opposent à l'allocation de toute somme au titre de l'incidence professionnelle. En effet lors de l'accident M Z... avait obtenu en mai 2008 un BEP de comptabilité mais ne trouvant pas d'emploi correspondant à sa formation, il était livreur de sushis. Il avait repris ses études de comptabilité. Les appelants indiquent qu'ils n'ont pas à supporter les conséquences de l'échec de M Z... à trouver un emploi correspondant à sa formation. Ils sollicitent donc que la décision soit reformée en ce qu'elle a accordé de ce chef la somme de 35. 000 ¿. Ils concluent à la confirmation de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire
Au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel partiel, le Tribunal a retenu un taux de 75 et de 50 % non chiffré par les experts. Ils offrent de ce chef une somme de 2. 250 ¿ au lieu de celle de 3. 000 ¿ retenue par le Tribunal. En ce qui concerne les souffrances endurées au taux de 3, 5/ 7 ils offrent 6. 000 ¿ au lieu des 8. 000 ¿ accordés par les premiers juges. En ce qui concerne l'indemnisation du DFP évalué à 12 % par les techniciens ils offrent une somme de 16. 320 ¿ Ils sollicitent la confirmation de la décision entreprise en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice esthétique et s'opposent faute de production d'attestation à l'indemnisation de ce préjudice. Ils indiquent que les médecins choisis ont écarté toute notion de préjudice sexuel. Ils sollicitent que les provisions allouées à la victime soit 11. 500 ¿ et 6. 500 ¿ soient déduites.
M Z... a répliqué le 29 octobre 2013. En ce qui concerne les DSA il sollicite que la franchise restée à sa charge lui soit remboursée. Il désire que les frais du médecin chargé de l'assister soient pris en charge soit 500 ¿ ainsi que les frais de remplacement des vêtements détruits lors de l'accident. En ce qui concerne l'indemnisation de l'ATP temporaire il sollicite sur la base de 15 ¿ de l'heure pendant 16 heures soit 240 ¿. Il demande que la décision déférée en ce qui concerne l'indemnisation de son PGPA soit confirmée. Il désire l'allocation de la somme de 35 350, 53 ¿ au titre de l'indemnisation de l'incidence professionnelle. Il sollicite l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire de 91 jours et partiel du 3 juin 2009 au 13 janvier 2010 par l'allocation de la somme de 4. 820 ¿.
En ce qui concerne l'indemnisation des souffrances endurées au taux de 3, 5/ 7 il sollicite conforment à la jurisprudence citée la somme de 8. 000 ¿. En ce qui concerne le DFP il désire 30. 600 ¿ soit 24. 600 ¿ au titre de l'incapacité psychologique et 6. 000 ¿ au titre de la perte de qualité de vie. En ce qui concerne le préjudice d'agrément il n'a pu reprendre la boxe thai qu'il pratiquait depuis une dizaine d'années Il sollicite de ce chef l'allocation de la somme de 12. 000 ¿. Il demande la confirmation en ce qui concerne l'indemnisation de son préjudice esthétique soit 3. 000 ¿, ainsi que pour son préjudice sexuel évalué à 10. 000 ¿. Il sollicite donc l'allocation après recours de la CPAM compte tenu de la provision déjà versée la somme de 93. 333, 83 ¿ outre celle de 2. 000 ¿ au titre de l'article " 475-1 du code de procédure pénale ".
Les appelants ont signifié leurs ecritures à la CPAM de la Gironde qui n'a pas constitué avocat.
L'affaire devait être plaidée le 10 décembre 2014 mais aucun des avocats en la cause ne souhaitant plaider, l'examen de ce dossier a été renvoyé.
La CPAM bien que régulièrement assignée à personne se déclarant habilitée n'a pas constitué avocat.
SUR QUOI LA COUR
M Z... est né le 22 juillet 1987. L'accident s'est produit le 4 mars 2009 et d'après les techniciens la victime a été consolidée le 13 janvier 2010 (après un passage en hôpital et à la Tour de Gassie).
M Z... avait donc 22 ans lors de sa consolidation. La responsabilité de l'accident n'est pas contestée.
En ce qui concerne l'aide à la personne, les parties sont tombées d'accord pour une indemnisation sur 16 heures. Cette aide étant en l'espèce fournie par la famille, il est d'usage de la chiffrer à 11 ¿ de l'heure soit pour 16 heures : 176 ¿
En ce qui concerne l'incidence professionnelle, le Tribunal a accordé une somme de 35. 000 ¿. M Z... sollicite la somme de 53. 261, 84 ¿ sous déduction de la somme versée par la Caisse soit un total de 35. 350, 53 ¿. Au moment de l'accident M Z... exerçait la profession de livreur de sushis. Il avait obtenu un 2008 un BEP de compatibilité. Il n'avait pu trouver d ¿ emploi dans cette branche. Au moment de l'accident il avait repris sa formation en comptabilité pour obtenir un diplôme supérieur. A ce jour l'activité de M Z... n'est pas connue et s'il ne peut porter des charges lourdes, il est rare que dans l'exercice de la profession de comptable pour laquelle il a une formation, il soit amené à porter de telles charges. De ce fait c ¿ est une somme de 25. 588, 31 ¿ qui doit lui être accordée sous déduction de la créance de la CPAM.
Au titre des souffrances endurées évaluées à 3, 5/ 7 t pour lesquelles le Tribunal a accordé la somme de 8. 000 ¿ : Les intimés proposent la somme de 6. 000 ¿ et M Z... sollicite la confirmation de ce chef de la somme accordée. La somme accordée par les premiers juges doit être confirmée compte tenu des circonstances de l'espèce.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, les intimées proposent la somme de 2. 250 ¿. Le Tribunal a accordé la somme de 4. 535 ¿. Cette appréciation doit être confirmée.
Pour le déficit fonctionnel permanent, les techniciens ont chiffré les séquelles présentées à 12 %. M Z... avait 22 ans lors de la consolidation il convient donc de lui allouer la somme de 27. 600 ¿.
En ce qui concerne le préjudice d'agrément. Le Tribunal a accordé la somme de 10. 000 ¿. Les appelants soutiennent qu'il n'est pas démontré qu'avant l'accident M. Z... a pratiqué à raison de plusieurs fois par semaine la boxe thai. M Z... ne produit aucune licence, ni attestations émanant de tiers établissant la réalité de cette pratique. De ce fait la décision doit être reformée et l'indemnisation de ce préjudice non établi doit être rejetée.
En ce qui concerne le préjudice sexuel, le tribunal a accordé la somme de 5. 000 ¿ alors que les techniciens choisis n'ont pas retenu ce préjudice. Les gênes dont fait état M Z... sont prises en charge dans le cadre du DFP. Il convient donc d'accorder aucune somme à ce titre de préjudice.
Compte tenu de la créance de la caisse qui se monte à 62. 128, 42 ¿ qui s'impute poste par poste sur les sommes accordées à M Z... ce dernier est donc créancier d'une somme de 25 ¿ au titre du DSA 826 ¿ au titre des FD, 148, 30 ¿ au titre des PGPA, 7. 677, 39 au titre de l'IP, 4. 535 ¿ au titre du DFT, au titre du DFP 27. 600 ¿, au titre des SE la somme de 8. 000 ¿, au titre du préjudice esthétique la somme de 3. 000 ¿, il convient d'accorder à M Z... une somme totale de 51. 811, 69 ¿ sous déduction des provisions déjà servies.
Il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... et son assureur la Compagnie Mutuelle de Poitiers assurances supporteront les dépens exposés en première instance et chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Infirme la décision entreprise et statuant à nouveau
Constate que Mme X... et son assureur ne contestent pas le droit à indemnisation intégrale du préjudice de M Z....
Fixe le préjudice subi par M Z... à la suite de l'accident du 4 mars 2011 à la somme de 40. 686, 07 ¿ au titre des DSA, 826 ¿ au titre des frais divers, 3. 704, 34 ¿ au titre des DGPA, 25. 588, 31 ¿ au titre de l'incidence professionnelle, 4. 535 ¿ au titre du DFT, 27. 600 ¿ au titre du DFP, 8. 000 ¿ au titre des souffrances endurées et 3. 000 ¿ au titre du préjudice esthétique soit un total de 113. 939, 72 ¿
Condamne in solidum Mme X... et la compagnie Mutuelle de Poitiers assurances à payer à M Jean Z... la somme de 51. 811, 69 ¿ sous déduction de la créance de la CPAM et des provisions versées.
Dit qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum Mme X... et la compagnie Mutuelle du Poitiers assurances aux dépens de première instance et dit que les dépens d'appel seront supportés par ceux qui les ont exposés.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. Hayet H. Filhouse