COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 juin 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 5979
Monsieur Karim X...bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 18329 du 05/ 12/ 2013
c/
Monsieur Ayadi Y...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mai 2013 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (RG 11-12-2230) suivant déclaration d'appel du 10 octobre 2013
APPELANT :
Monsieur Karim X..., né le 29 Juillet 1970 à PARIS (75000), de nationalité Française, demeurant ...-33600 PESSAC
représenté par Maître Christian DUBARRY, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉ :
Monsieur Ayadi Y..., de nationalité Française, demeurant ...33000 BORDEAUX
représenté par Maître Jean-jacques ROORYCK de la SELARL AEQUO, avocat au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 avril 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
Au début de l'année 2010, Monsieur Karim X...a fait état à son médecin traitant le docteur Z..., de lombalgies aigües invalidantes et persistantes depuis plusieurs mois, ce dernier l'a dirigé vers un rhumatologue, le docteur A.... Estimant trop long le délai pour obtenir un rendez-vous avec ce praticien, Monsieur Karim X...s'est adressé au docteur Y..., médecin généraliste, et l'a choisi comme médecin référent.
Lors de la consultation du 1er avril 2010, ce praticien a procédé à un examen clinique détaillé et précis du patient, et a constaté l'existence d'une contracture paravertébrale.
Compte-tenu de ces données cliniques, le Dr Y...a prescrit une radiographie de la colonne vertébrale et un traitement antalgique, anti-inflammatoire et myorelaxant.
La radiographie n'a pas révélé d'anomalies. Devant la persistance des douleurs, le Dr Y...a prescrit le 6 avril 2010, un nouveau traitement antalgique contenant des opiacés palier II et le 19 avril suivant, il a prescrit à Monsieur X...une IRM lombaire, des bilans biologiques et a sollicité une consultation pour avis auprès du Dr B..., chirurgien du rachis.
L'IRM, réalisée le 21 avril 2010, n'a pas révélé d'anomalie du rachis lombaire. Une radiographie du bassin de face et des hanches, destinée à rechercher une anomalie de la statique du bassin ou une pathologie dégénérative des hanches, ainsi qu'une radiographie thoracique, prescrites en suivant par le docteur Y...n'ont pas permis de trouver les causes des douleurs de Monsieur X....
Alerté par l'épouse de ce dernier qui lui a signalé une perte de poids importante de son mari les 5 derniers mois, le docteur Y...a demandé l'admission de son patient au service des urgences de l'hôpital Saint-André, à Bordeaux, le 22 mai 2010. Les mêmes observations cliniques que celles du Dr Y...y ont été faites, un bilan infectieux a été prévu dans un délai de 3 semaines, le patient étant autorisé à regagner son domicile.
Le 29 mai 2010 lors d'une consultation le Dr Y..., a rédigé un courrier à l'intention du Dr B...en vue de la consultation fixée au 31 mai. A cette date celui-ci a prescrit une scintigraphie osseuse, et a préconisé la réalisation d'une IRM dorsale en fonction des résultats ainsi qu'une échographie rénale.
Au début du mois de juin 2010, M. X...a été hospitalisé au service d'urologie de l'hôpital Saint-André où après réalisation de différents examens, une fibrose rétropéritonéale a finalement été diagnostiquée.
Par acte d'huissier du 14 septembre 2010, M. X...a assigné le Dr Y...devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire, une provision de 2. 000 ¿ et une indemnité de 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 11 octobre 2010, le docteur Dr Bernard C...a été désigné en qualité d'expert, le juge des référés ne faisant pas droit aux demandes de provision et d'indemnité de procédure.
L'expert commis a déposé son rapport le 25 janvier 2012, concluant à l'absence de retard fautif de diagnostic imputable au Dr Y....
Par acte d'huissier du 20 juin 2012, M. X...a assigné le Dr Y...devant le tribunal d'instance de Bordeaux afin d'obtenir la condamnation du Dr Y...au paiement de la somme de 7. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts et de celle de 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 13 mai 2013, le tribunal d'instance de Bordeaux a :- Débouté Monsieur Karim X...de l'ensemble de ses demandes,- Condamné Monsieur Karim X...à payer au docteur Y...la somme de 1. 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 10 octobre 2013, Monsieur Karim X...a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 décembre 2013 il demande à la cour de :- Réformer la décision entreprise.- Déclarer le docteur Y...responsable du préjudice qu'il a subi-Condamner le docteur Y...à lui payer : * la somme de 7. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts. * la somme de 1. 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Au soutien de son appel Monsieur X...fait valoir que subissant depuis le début de l'année 2010 de violentes douleurs dans le dos, il a consulté le Docteur Y...le 1er Avril 2010 pour obtenir le diagnostic de ses douleurs. Il reproche au médecin d'avoir considéré qu'il n'avait aucun trouble d'ordre physique mais que ces douleurs avaient une origine psychosomatique et de lui avoir prescrit seulement des médicaments devant calmer ces troubles. Il ajoute que ne voyant pas sa situation s'améliorer il a été hospitalisé en urgence début juin 2010 au service d'Urologie qui a diagnostiqué une insuffisance rénale aigüe avec une anomalie testiculaire, une altération de son état général avec une perte importante de ` poids. Il estime que le docteur Y...a fait une faute en posant un diagnostic erroné sans s'entourer des avis de spécialistes et sans tirer les conclusions s'imposant au vu des résultats des différents examens qu'il a subi. Il demande l'indemnisation forfaitaire du préjudice résultant de cette faute. Il estime que l'expert et le tribunal à sa suite ont fait une mauvaise appréciation des éléments qui leurs ont été soumis.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 février 2014, le docteur Y...demande à la cour de :- Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,- Condamner Monsieur X...à lui payer une indemnité complémentaire de 2. 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Le docteur Y...s'appuyant sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, demande la confirmation du jugement faisant valoir que M. X...n'est pas fondé à se prévaloir d'un retard fautif ou d'une erreur fautive de diagnostic, qui lui serait imputable alors qu'invoquant un diagnostic tardif ou erroné, il lui appartient de prouver l'existence d'une faute de technique médicale dans la réalisation du diagnostic. Il estime rapporter quant à lui la preuve de ce qu'il a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour établir un diagnostic, que la prise en charge de Monsieur X...à compter du 1er avril 2010 s'est traduite par de nombreuses consultations et visites effectuées sur une période courte de 2 mois, du 1er avril au 29 mai 2010 et qu'il a pris le soin de prescrire rapidement des examens complémentaires et solliciter un avis de spécialiste, conformément aux prescriptions de l'article R. 4127-33 du code de la santé publique. Il ajoute qu'à supposer que la preuve d'une faute, en l'espèce un retard de diagnostic, non retenu par l'expert, soit rapportée par l'appelant, sa responsabilité n'en serait pas pour autant engagée puisqu'elle est subordonnée à l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et la faute. Il ressort clairement du rapport d'expertise que compte-tenu de l'histoire de la maladie, un retard, qui ne serait en toute hypothèse que d'un mois, ne peut avoir eu aucune conséquence préjudiciable sur l'évolution de la maladie diagnostiquée pas davantage que sur les traitements ultérieurs, il n'y a donc aucun préjudice.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les conclusions de l'expertise
Le diagnostic porté en Juin 2010 de fibrose rétropéritonéale est un diagnostic difficile. Le 22 mai 2010 le service des urgences de l'hôpital St André relève les mêmes éléments d'analyse que ceux retrouvés dans le dossier médical du Dr Y...et va orienter le patient vers des investigations en relation avec une pathologie infectieuse.
Si l'expert mentionne que le diagnostic aurait pu être évoqué dès l'apparition de signes de gravité, notamment l'amaigrissement, le retard éventuellement imputable de ce fait au Dr Y...est au plus d'un mois (entre le 19 avril 2010 et l'admission au service des urgences le 22 mai). Cependant l'expert observe qu'un mois supplémentaire sera nécessaire pour que le diagnostic soit finalement établi, bien que Mr X...soit pris en charge en milieu hospitalier spécialisé ayant accès à l'ensemble des moyens d'investigation radiologique.
L'expert souligne que le docteur Y...n'a suivi Mr X...que deux mois et que le diagnostic était difficile à faire, les pièces objectives du dossier sont en faveur d'une démarche clinique cohérente avec recherche constante des moyens de soulager Mr X...et de connaître l'origine de ses douleurs.
L'expert conclut : " On ne peut pas retenir de retard fautif au diagnostic " et ajoute que " la prise en charge par le docteur Y...n'a généré pour Monsieur X...aucun préjudice ".
Il est signalé que Monsieur X...a contesté les éléments du dossier médical écrit du médecin, disant n'avoir pas été examiné réellement et que le médecin s'est servi de lui pour surfacturer à la CPAM. Il a d'ailleurs dénoncé ces faits à la CPAM qui a fait une enquête à l'issue de laquelle tous les actes facturés par le dr Y...ont été validés aucun remboursement ne lui a été demandé et il n'a eu aucune sanction.
Sur les manquements reprochés au docteur Y...
Sur ce débat qualifié de relationnel par l'expert, les accusations de X...contre son médecin résultent des simples allégations de l'appelant qui ne reposent sur aucun élément objectif et traduisent son caractère revendicatif. Le dossier médical de Monsieur X... contient le relevé de la CPAM qui porte la mention de toutes les consultations, médicaments et examens prescrits par le docteur Y....
Le fondement évoqué dans l'assignation de Monsieur X...est l'article 1383 du code civil.
L'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, non évoqué par l'appelant mais applicable dispose " hors le cas où sa responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, un professionnel de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soin qu'en cas de faute. "
Ainsi, le professionnel de la santé est soumis à une obligation de moyens lui imposant de dispenser des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Il n'est en revanche pas tenu d'atteindre un résultat, de parvenir à la guérison du patient, et seule une faute dans l'exécution des soins médicaux, rapportée par le patient demandeur, est donc de nature à déclencher sa responsabilité. La preuve d'une faute ne suffit toutefois pas à engager la responsabilité du praticien encore faut-il démontrer l'existence d'un dommage source d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute commise et le préjudice invoqué, ce sont des conditions cumulatives.
Le docteur Y...est en sa qualité de professionnel de la santé tenu d'une obligation de moyens et sa responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute caractérisée de sa part dans la prise en charge de son patient à la suite de son diagnostic.
L'erreur de diagnostique est fautive si elle procède d'une mauvaise application des principes cliniques d'élaboration du diagnostique, d'une mauvaise utilisation des moyens diagnostiques complémentaires, ou d'une erreur grossière dans l'interprétation de leurs résultats.
En l'espèce rien de tout cela n'apparaît des éléments objectifs du dossier et de leur analyse par l'expert Monsieur X...ne rapporte donc, à l'encontre du docteur Y...la preuve d'aucune faute, d'aucun préjudice.
Il s'ensuit que c'est à juste titre que la décision déférée a débouté Monsieur X...de l'intégralité de ses demandes. Elle sera confirmée dans toutes ses dispositions.
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du docteur Y....
Monsieur X...qui succombe totalement en son appel sera condamné à en supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS la cour
-Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions
-Y ajoutant
-Condamne Monsieur X...à payer au docteur Y...la somme de 2. 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamne Monsieur X...à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. Hayet H. Filhouse