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21/05/2015 | FRANCE | N°14/05544

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 21 mai 2015, 14/05544


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 21 MAI 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/05544









Monsieur [D] [H]





c/



CAISSE AGRICOLE MUTUEL DE CHARENTE-MARITIME ET DEUX-SEVRES

















Nature de la décision : AU FOND - SUR RENVOI DE CASSATION









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,











Grosse déliv...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 21 MAI 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/05544

Monsieur [D] [H]

c/

CAISSE AGRICOLE MUTUEL DE CHARENTE-MARITIME ET DEUX-SEVRES

Nature de la décision : AU FOND - SUR RENVOI DE CASSATION

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de SAINTES section agriculture, suivant déclaration de saisine en date du 22 septembre 2014, suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 23 mai 2012 cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS du 30 mars 2010, et suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 9 juillet 2014 après un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a statué sur une question préjudicielle de constitutionnalité en date du 12 décembre 2013

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [D] [H]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel NAVION, avocat au barreau de PARIS, et par Me LANARA, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

CAISSE AGRICOLE MUTUEL DE CHARENTE-MARITIME ET DEUX-SEVRES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me Jean MOULINEAU, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui ont délibéré

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [H] travaille au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel

Charente-Maritime Deux-Sèvres depuis le 1er octobre 1998.

Le 11 juillet 2007, M. [H] a conclu un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe.

Le 27 juillet 2007, M. [H] a informé son employeur de la conclusion du PACS et a demandé à bénéficier des articles 20 et 34 de la convention collective relative aux congés spéciaux et primes et indemnités en cas de mariage.

Le 11 septembre 2007, la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel a répondu que, la loi ne conférant pas les mêmes droits aux personnes mariées et à celles ayant conclu un PACS, ces articles ne lui étaient pas applicables, mais que des négociations nationales étaient en cours en vue d'une éventuelle modification de la convention collective.

M. [H] avait préalablement à la conclusion du PACS saisi la HALDE soutenant avoir été victime d'une discrimination en raison de sa situation de famille ou de son orientation sexuelle.

Le 11 février 2008, la HALDE a pris une délibération recommandant à la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA) d'étendre, dans un délai de 3 mois, le bénéfice des avantages rémunérés pour événements familiaux aux salariés unis par un PACS. Elle a recommandé en outre au Ministère du Travail de faire procéder dans un délai de 6 mois à l'amendement de l'article L.226-1 du code du travail (devenu article L.3142-1). Cette délibération a été adressée à la FNCA le 15 février 2008.

Le 14 mars 2008, l'inspection du travail, saisie par le syndicat SUD dont M. [H] est délégué, a adressé une demande similaire à la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel Charente Maritime Deux Sèvres.

M. [H] a saisi le conseil de Prud'hommes de Saintes le 17 mars 2008 qui, par jugement en date du 13 octobre 2008, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

M. [H] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 30 mars 2010, la Cour d'appel de Poitiers a confirmé le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes, sauf en ce que M. [H] avait été condamné à payer 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et condamné M. [H] aux dépens.

M. [H] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Par arrêt en date du 23 mai 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question de savoir si l'article 2 § 2, b, de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000 doit être interprété en ce sens que le choix du législateur national de réserver la conclusion d'un mariage aux personnes de sexe différent peut constituer un objectif légitime, approprié et nécessaire justifiant la discrimination indirecte résultant du fait qu'une convention collective, en réservant un avantage en matière de rémunération et de conditions de travail aux salariés contractant un mariage, exclut nécessairement du bénéfice de cet avantage les partenaires de même sexe ayant conclu un pacte civil de solidarité.

La Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de Justice de l'Union européenne.

Par arrêt en date du 12 décembre 2013, la cinquième chambre de la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 2 paragraphe 2, sous a) de la directive 200/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition d'un convention collective, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe est exclu du droit d'obtenir des avantages, tels que des jours de congés spéciaux et une prime salariale, octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage, lorsque la réglementation nationale de l'État membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier, dans la mesure où, compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, il se trouve dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie.

Par arrêt en date du 9 juillet 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses disposition l'arrêt rendu le 30 mars 2010 au motif que les salariés qui concluaient un pacte civil de solidarité avec un partenaire du même sexe se trouvaient, avant l'entrée en vigueur de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage et que les dispositions de la convention collective nationale litigieuse instauraient dès lors une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être écartée.

La Cour de cassation a condamné la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour d'appel de Bordeaux, désignée comme juridiction de renvoi a été saisie de l'affaire par déclaration 22 septembre 2014.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 12 mars 2015 et développées oralement à l'audience, M. [H] sollicite de la Cour qu'elle :

infirme en totalité le jugement du conseil de Prud'hommes de Saintes,

dise qu'il a subi, de par la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres une discrimination directe sur le critère de l'orientation sexuelle,

dise qu'il a subi, de par la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres une discrimination directe sur le critère de la situation de famille,

dise que cette discrimination lui a causé un préjudice matériel et moral,

condamne la Caisse régionale du Crédit Agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres à lui payer la somme de 3.970,38 € à titre d'indemnisation du préjudice matériel subi,

condamne la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres aux intérêts au taux légal sur les sommes de nature salariale, soit un montant de 2.869,38 € à compter du 27 juillet 2007,

condamne la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres à lui payer la somme de 20.000 € à titre d'indemnisation du préjudice moral subi,

condamne la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres à lui payer la somme de 50.000 € pour résistance abusive,

condamne la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 17 mars 2015 et développées oralement à l'audience, la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres sollicite de la Cour qu'elle :

infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de Prud'hommes de Saintes,

déboute M. [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

juge irrecevable sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50.000 € sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile,

condamne M. [H] à verser à la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Charente Maritime et des Deux Sèvres, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 8.000 € en remboursement des frais qu'il l'a contrainte à engager.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la discrimination

M. [D] [H] invoque une discrimination de deux ordres : au regard de son orientation sexuelle d'une part et au regard de sa situation familiale d'autre part.

La saisine par la cour de cassation de la CJUE ne portait que sur le premier motif de discrimination.

Sur la discrimination à raison de l'orientation sexuelle, l'article L122-45 du code du travail en vigueur en 2007, devenu l'article L1132-1, disposait que nul ne peut faire l'objet d'une discrimination notamment à raison de son orientation sexuelle.

Or, les salariés qui concluaient un pacte civil de solidarité avec un partenaire du même sexe se trouvaient, avant l'entrée en vigueur de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage et les dispositions de la convention collective nationale litigieuse instauraient dès lors une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être écartée.

C'est vainement que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres soutient désormais devant la cour de renvoi que la directive n°2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, n'aurait pas été transposée en droit français de sorte qu'il ne saurait être reproché à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres de ne pas avoir en conséquence de cette transposition modifié la convention collective nationale dont elle admet qu'elle est sur ce point contraire à cette directive.

En effet, d'une part, l'article L122-45 du code du travail précité constituait la transposition en droit français de la directive et résulte dans sa rédaction applicable en 2007 notamment des lois n°2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, peu important qu'une loi postérieure à la naissance du litige, la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations soit venue renforcer le dispositif existant, sur le fondement duquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres devait accorder à M. [D] [H] les avantages applicables aux salariés contractant mariage. Et ce principe de non discrimination a été maintenu dans l'article L1132-1 du code du travail remplaçant l'article L122-45, de sorte que le fondement textuel interne existait à la date de la demande en 2007.

D'autre part, si la CJUE a statué dans les limites de sa compétence et de sa saisine sur la conformité de la convention collective avec la directive, d'autres fondements juridiques étaient à juste titre invoqués à l'appui de la discrimination alléguée, et notamment la convention n° 111 de l'OIT, l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

En conséquence M. [D] [H] est fondé à invoquer une discrimination à raison de son orientation sexuelle.

S'agissant de la discrimination fondée sur la situation de famille, qui résulte selon M. [D] [H] de ce que les personnes pacsées ne sont pas assimilées aux personnes mariées, il sera observé d'une part que M. [D] [H] n'en tire à titre personnel aucune conséquence juridique ou indemnitaire complémentaire, et d'autre part que ni la loi ni les instruments internationaux ne prohibent une différence de traitement fondée sur la différence de régime juridique entre le mariage et le PACS, a fortiori dans le contexte de la loi 2013/404 du 27 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, comme relevé par la CJUE dans son arrêt du 12 décembre 2013, qui a posé son interprétation par référence à l'impossibilité résultant de la réglementation de l'Etat membre en ce qu'elle en permet pas aux personnes de même sexe de se marier, de même que par la cour de cassation dans son arrêt du 9 juillet 2014.

S'il ne saurait être tiré de l'adoption de la loi du 27 mai 2013 une quelconque obligation pour les couples composés de personnes de même sexe de contracter mariage, en revanche, le choix de ne pas le faire peut comporter des conséquences juridiques, ces deux régimes ayant en diverses matières des conséquences différentes, et étant notamment précisé qu'en droit du travail la loi n° 2014 /873 du 4 août 2014 étendant le bénéfice de certains congés pour événements familiaux aux salariés pacsés et modifiant l'article L 3142-1 du code du travail n'a pas étendu la totalité de ces avantages, et notamment pas l'autorisation d'absence pour le mariage d'un enfant. Il est à cet égard incidemment observé que les dispositions de la convention collective nationale des caisses de crédit agricole, qui octroie un congé de dix jours, sont largement plus favorables que la loi qui prévoit un congé de quatre jours.

La discrimination dont M. [D] [H] a fait l'objet à l'occasion de son PACS résulte de son orientation sexuelle mais non de sa situation de famille, qui à la date de la discrimination, se confondait, en l'état de la loi, avec la discrimination résultant de son orientation sexuelle.

M. [D] [H] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les demandes indemnitaires de M. [D] [H]

Sur les demandes au titre du préjudice matériel

Elles sont de deux ordres : le bénéfice des articles 20 et 34 de la convention collective et l'incidence sur la retraite du refus des prestations prévues par ces textes.

* Sur la prime article 34, M. [D] [H] est fondé à obtenir une prime équivalente à un mois de salaire, ce qu'admet à titre subsidiaire l'employeur ; en l'état des dernières conclusions, M. [D] [H] ramène sa demande à la somme de 1826,89 €, outre congés payés afférents 182,69 € , soit 2009,58 €.

Il sera fait droit à cette demande à hauteur de 1826,89 € , cette somme n'ayant pas à être assortie des congés payés afférents dès lors qu'il ne s'agit pas de la rémunération d'un travail accompli mais d'une prime exceptionnelle.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2007, date de la demande à l'employeur.

* Sur le congé pour mariage prévu par l'article 20, qui est de dix jours, dès lors qu'il n'a pas été obtenu, M. [D] [H] est fondé à obtenir des dommages intérêts en compensation, soit la somme de 859,80 € sur laquelle les parties marquent leur accord.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compte du 27 juillet 2007, date de la demande à l'employeur

* Sur l'incidence sur la retraite, M. [D] [H] décompose ce chef de demande en trois postes, la retraite de base, la retraite complémentaire et la retraite supplémentaire.

La perception de la somme susvisée accordée à titre de prime égale à un mois de salaire a certes une incidence sur le montant de la retraite de M. [D] [H], mais qu'il convient de relativiser au regard du montant en cause. Il n'y a pas lieu de prendre en compte l'indemnité compensatrice de congés payés accordée, dès lors que si les congés payés avaient été accordés comme demandé lors de la conclusion du PACS, ils n'auraient pas donné lieu à rémunération.

Il est constant que ce préjudice ne peut être en l'état qu'évalué de façon très incertaine et imprécise, l'âge de la retraite de M. [D] [H], sa longévité et la législation applicable à cette date à cet événement étant inconnus, étant précisé que M. [D] [H] est né en 1971 et est donc âgé à ce jour de 44 ans et était âgé de 37 ans en 2007.

S'agissant de la retraite de base, M. [D] [H] demande à titre forfaitaire la somme de 1 €, demande à laquelle il sera fait droit.

S'agissant de la retraite complémentaire CAMARCA pour laquelle M. [D] [H] cotise à hauteur de 8,07 % du salaire brut fiscal, pour laquelle M. [D] [H] demande à titre forfaitaire une somme de 1000 € sur la base d'une durée de perception de sa retraite de trente années, il sera accordé une somme de 200 €.

S'agissant de la retraite supplémentaire CCPMA PERP, pour laquelle M. [D] [H] cotise à hauteur de 1,24 % du brut fiscal, l'évaluation sur la base d'une capitalisation et d'un taux d'intérêt n'est pas pertinente au regard du niveau d'incertitude et il sera accordé une somme forfaitaire de 50 €.

Ces trois sommes, soit au total 251 €, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la demande de dommages intérêts au titre du préjudice moral

Il est constant que le refus de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres de reconnaître à M. [D] [H] un droit, et ce à raison de son orientation sexuelle, a généré pour celui-ci, au delà du préjudice matériel, un préjudice moral, et qu'une procédure judiciaire complexe a été nécessaire pour aboutir à la reconnaissance de ses droits; il sera fait droit à sa demande en son principe.

Pour autant, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, qui relève d'une fédération nationale dans le cadre de laquelle sont menées des négociations avec les partenaires sociaux, dont il est justifié, ne peut être considérée comme seule responsable des retards à la mise en oeuvre dans la convention collective nationale de l'incidence du PACS sur les avantages des salariés, et M. [D] [H] n'allègue aucun autre préjudice que celui résultant du refus de la prime et des congés payés pour événement familial, qui fait l'objet d'une indemnisation distincte.

En outre, les recommandations de la HALDE, qui avait été saisie avant même la

conclusion du PACS, et qui n'est pas intervenue à la procédure pour observations, n'ont pas de portée obligatoire.

Il sera accordé à ce titre à M. [D] [H] une somme de 2500 €.

Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres soulève l'irrecevabilité de cette demande, formée pour la première fois devant la cour de renvoi, sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile.

M. [D] [H], qui n'a pas conclu en réponse sur ce point, a indiqué à l'audience, par la voix de son avocat, que les arrêts de la CJUE ayant effet erga omnes , la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres aurait dû depuis le prononcé de cet arrêt lui verser les sommes réclamées.

Au regard du principe de l'unicité de l'instance en matière prud'homale, qui permet de présenter en tout état de cause des demandes nouvelles, cette demande sera déclarée recevable, l'intérêt à agir de M. [D] [H] résultant de la survenance de l'arrêt de la CJUE et de la décision subséquente de la Cour de cassation et sa demande ne visant pas à voir sanctionner à titre général la non transposition en droit français de la directive du 27 novembre 2000.

En revanche, elle sera déclarée non fondée, dans la mesure où M. [D] [H] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé au titre du préjudice moral, et où l'arrêt de la CJUE ne générait pas pour M. [D] [H], alors qu'une procédure était pendante devant les juridictions nationales, en l'espèce la Cour de cassation, un droit à indemnisation immédiate, étant notamment observé qu'un débat s'est instauré sur le quantum du préjudice matériel de M. [D] [H], qui a admis la pertinence des objections formulées à titre subsidiaire par l'employeur.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres dont les prétentions sont pour partie rejetées, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à M. [D] [H] , à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une somme de 3000 € en application de même article, au regard de la longueur et des événements de la procédure, étant rappelé que la cour de cassation a alloué à M. [D] [H] une somme de 3000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant sur renvoi de cassation,

Réforme en toutes ses disposition le jugement du conseil de prud'hommes de Saintes du 13 octobre 2008 déféré ;

Statuant à nouveau :

Dit que M. [D] [H] a fait l'objet de la part de son employeur, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, d'une discrimination à raison de son orientation sexuelle ;

Condamne en conséquence la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres à verser à M. [D] [H] les sommes suivantes :

- au titre de son préjudice matériel :

* en application de l'article 34 de la convention collective nationale : 1826,89 € à titre de prime avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2007

* en application de l'article 20 de la convention collective nationale : 859,80 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2007

* au titre de l'incidence sur sa retraite : 251 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

- au titre de dommages intérêts pour son préjudice moral : 2500 € ;

Déboute M. [D] [H] du surplus de ses demandes ;

Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres à payer à M. [D] [H] la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/05544
Date de la décision : 21/05/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/05544 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-21;14.05544 ?
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