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20/05/2015 | FRANCE | N°13/04420

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mai 2015, 13/04420


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 20 MAI 2015



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/04420









Monsieur [P] [G]



c/



SAS Sotech Industrie



SCP [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Sotech



CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest



SC

P [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc de la SA Fort









Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MAI 2015

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/04420

Monsieur [P] [G]

c/

SAS Sotech Industrie

SCP [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Sotech

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest

SCP [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc de la SA Fort

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juin 2013 (RG n° F 12/00242) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 09 juillet 2013,

APPELANT :

Monsieur [P] [G], né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] ([Localité 1]),

de nationalité française, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître François Lafforgue de la SCP Teissonnière & Associés, avocats au barreau de Paris,

INTIMÉS :

SAS Sotech Industrie, siret n° 343 735 437, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Fabienne Lacoste, avocat au barreau de Bordeaux,

SCP [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Sotech, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Guillaume Deglane de la SCP Eliane de Lapoyade & Guillaume Deglane, avocats au barreau de Périgueux,

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représenté par Maître Natacha Mayaud avocat au barreau de Périgueux,

SCP [R] [Y] - [C] [J] & [L] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc de la SA Fort, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Guillaume Deglane de la SCP Eliane de Lapoyade & Guillaume Deglane, avocats au barreau de Périgueux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

*

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [P] [G] a été embauché par l'entreprise de soudure électrique et de chaudronnerie (ESEC) du 26 juillet 1971 au 31 août 1981 puis par la SA Fort du 01 septembre 1981 au 31 juillet 1987 en qualité de chaudronnier.

La SA Fort a fait l'objet d'une extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce d'Alès le 25 août 1987 au profit de la SA Chaudronnerie Fort Tamaris, avec adoption d'un plan de redressement par voie de cession au profit de la SAS Sotech par jugement du 17 décembre 1987 du même tribunal et clôture du redressement judiciaire par jugement du 23 février 1988.

Par ordonnance en date du 27 février 2012 le président du tribunal de commerce de Bergerac a désigné la SCP [Y]-[J] en qualité de mandataire ad'hoc pour représenter la SA Fort dans le cadre de la présente procédure.

Par jugement en date du 26 novembre 2008 le tribunal de commerce de Bergerac a converti la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la SAS Sotech le 21 novembre 2008 en procédure de redressement judiciaire.

Après avoir arrêté un plan de cession au profit de la SAS Sotech Industrie et de la SCI Sotech Immobilier par jugement en date du 27 février 2009 le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire de la SAS Sotech en liquidation judiciaire le 03 avril 2009 et désigné la SCP [Y] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 23 juin 2011, M. [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac en réparation de son préjudice d'anxiété, du bouleversement dans ses conditions d'existence et de la privation de droits à la retraite causés par son exposition à l'inhalation de fibres d'amiante, demandes formées à l'encontre de la société Sotech, représentée par son mandataire liquidateur et de la SAS Sotech Industrie.

Par décision en date du 10 juin 2013, le Conseil de Prud'hommes a mis hors de cause la SAS SOTECH Industrie et a condamné M. [G] à lui payer la somme de 50 € de dommages intérêts pour abus de droit, a débouté M. [G] et les autres parties de leurs autres demandes reconventionnelles.

Le 11 juillet 2013, M. [G] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 25 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [G] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la Cour de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA SOTECH et au passif de la liquidation judiciaire de la SA Fort aux sommes suivantes :

- 15.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,

- 15.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

et de dire, qu'à défaut de fonds disponibles, le liquidateur devra remettre à l'AGS-CGEA un relevé de créance et un justificatif de l'absence de fonds dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 500 € par jour de retard.

Par conclusions déposées le 26 mars 2015 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'AGS CGEA de Bordeaux demande la confirmation du jugement entrepris, le débouté de M. [G] et conteste sa garantie.

Par conclusions déposées le 26 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SA Fort, représentée par son administrateur ad'hoc la SCP [Y]-[J] et la SAS Sotech, représentée par la SCP [Y]-[J] en sa qualité de mandataire liquidateur, concluent à la confirmation de la décision déférée, au débouté de M. [G] et à sa condamnation à leur payer une indemnité de 500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 26 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Sotech Industrie conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et a condamné M. [G] à lui payer des dommages-intérêts. Elle sollicite en outre sa condamnation à lui payer une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la mise hors de cause de la SAS Sotech Industrie :

Aucune demande n'est formée à l'encontre de la SAS Sotech Industrie dont la mise hors de cause sera confirmée.

La SAS Sotech Industrie justifie avoir communiqué à M. [G] le jugement du tribunal de commerce de Bergerac en date du 27 février 2009 adoptant le plan de cession de partie des actifs de la SAS Sotech à son profit dès le 13 février 2012.

Aux termes de l'article L.1224-2-Ier du code du travail le nouvel employeur n'est pas tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur en cas de transfert dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

M. [G] ne s'est désisté de ses demandes à l'encontre de la SAS Sotech Industrie, qui n'a jamais été son employeur, que le 24 janvier 2013, pour autant l'abus du droit d'ester en justice n'est pas démontré et il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [G] à payer des dommages-intérêts pour abus de droit à la SAS Sotech Industrie. Le jugement entrepris sera réformé à cet égard.

* Sur la demande à l'encontre de de la SAS Sotech représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [Y]-[J] :

M. [G] a été salarié de la SA ESEC puis de la SA Fort. Si l'extrait K bis de la SA Fort produit par l'AGS CGEA ne fait état d'aucun lien entre les sociétés ESEC et Fort il n'est pas contesté que la SA Fort a repris l'activité de la première société dans le cadre d'une opération d'absorption, ce que tend à accréditer le certificat de travail remis à M. [G] par la SA Fort au terme de son contrat de travail le 03 août1987 qui fait état de sa période d'activité en tant que salarié de la SA ESEC.

Or, la SA Fort a fait l'objet d'une extension du redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce d'Alès le 25 août 1987 au profit de la SA Chaudronnerie Fort Tamaris avec adoption d'un plan de redressement par voie de cession au profit de la SA Sotech par jugement du 17 décembre 1987.

En application des dispositions de l'article L.1224-2 du code du travail lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire le nouvel employeur n'est pas tenu des obligations qui incombaient à l'ancien.

Dès lors, la SAS Sotech, anciennement SA Sotech, représentée par son mandataire liquidateur, ne peut être tenue des obligations nées de l'exécution du contrat de travail de M. [G] avec les sociétés ESEC et Fort entre le 01 septembre 1981 et le 31 juillet 1987

Il convient, donc, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes à l'encontre de la SAS Sotech représentée par la SCP [Y]-[J] ès qualités.

* Sur la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété dirigée contre la SA Fort :

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 du 23 décembre 1998 a institué, en son article 41, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante un mécanisme de départ anticipé à la retraite (ACAATA) pour compenser la perte d'espérance de vie à laquelle sont confrontées, statistiquement, les personnes contaminées par l'amiante, à la condition de travailler ou d'avoir travaillé dans un établissement, figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, de fabrication d'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, pendant une période déterminée.

Les salariés qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi susvisée, dans les conditions prévues par ce texte et par l'arrêté ministériel, se sont trouvés par le fait de leur employeur, à compter du moment où ils ont eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de leur établissement de travail, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; l'ensemble des troubles psychologiques qui en résulte caractérise l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.

Il n'est pas contesté que ni la SA ESEC ni la SA Fort, qui ont employé M. [G], ne font partie des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Messieurs [K] [D] et [Q] [A], anciens salariés de la société ESEC, attestent que M. [G] a effectué des chantiers ponctuels pour le compte de son employeur sur des sites dépendant de la Société Nationale des Poudres notamment à [Localité 1], [Localité 3], [Localité 2].

La société Nationale des Poudres (SNPE), dont la société Bergerac NC est une filiale, a été inscrite par arrêté ministériel du 25 mars 2003 sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1972 à 1992.

Cependant M. [G], travaillait pour les sociétés ESEC et Fort, il n'était ni employé ni rémunéré par la Société Nationale des Poudres, établissement inscrit sur la liste fixée par l'arrêté ministériel susvisé.

Or, la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise que pour les salariés remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui précise en son I que l'ACAATA est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage de calorifugeages amiante ou de construction et de réparation navale inscrits sur une liste établie par arrêté ministériel.

En conséquence M. [G] qui ne justifie pas avoir été employé et rémunéré par un établissement inscrit sur les listes des établissements susvisées, dans les conditions prévues par la loi, ne peut prétendre à la réparation du préjudice d'anxiété. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande tant à l'encontre de la SA Fort que de la SAS Sotech.

* Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat :

M. [G] fait valoir que ses employeurs successifs ont manqué à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur eux en l'exposant à une contamination par l'amiante sans prendre les mesures de prévention qui s'imposaient ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.

Cependant le préjudice d'anxiété, qui inclut l'ensemble des troubles psychologiques résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, est le seul préjudice, hors toute pathologie, qui résulte de l'exposition à l'amiante ; en l'espèce sa réparation n'est pas admise. M. [G] qui ne se prévaut pas de l'existence d'un préjudice distinct du préjudice d'anxiété, ni ne le démontre a fortiori, sera débouté de ce nouveau chef de demande.

* Sur les autres demandes :

M. [G] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles, il sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Fort représentée par son administrateur ad'hoc, de la SAS Sotech, représentée par son liquidateur la SCP [Y]-[J], et de la SAS Sotech Industrie qui se verront allouer chacune la somme de 200 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à la SAS Sotech Industrie des dommages-intérêts pour abus de droit.

Et, statuant de nouveau :

' Déboute la SAS Sotech Industrie de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

' Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Y ajoutant :

' Déboute M. [G] de sa demande en réparation d'un manquement de l'employeur.

' Condamne M. [G] à verser à la SA Fort, représentée par son mandataire ad'hoc la SCP [Y]-[J], à la SAS Sotech, représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [Y]-[J], et à la SAS Sotech Industrie la somme de 200 € (deux cents euros) chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne M. [G] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/04420
Date de la décision : 20/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-20;13.04420 ?
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