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13/05/2015 | FRANCE | N°13/03651

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 13 mai 2015, 13/03651


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 13 mai 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 3651
Monsieur Pascal X...
c/
Monsieur Rolland Y... RAM-PL PROVINCE Mutuelle MACIF Compagnie d'assurances SWISS LIFE Compagnie d'assurances MEDICALE DE FRANCE
Nature de la décision : avant dire droit-EXPERTISE
Grosse délivrée le :
aux avocats Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 09/ 03690)

suivant déclaration d'appel du 13 juin 2013,
APPELANT :
Monsieur Pascal X..., né le 25 Avr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 13 mai 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 3651
Monsieur Pascal X...
c/
Monsieur Rolland Y... RAM-PL PROVINCE Mutuelle MACIF Compagnie d'assurances SWISS LIFE Compagnie d'assurances MEDICALE DE FRANCE
Nature de la décision : avant dire droit-EXPERTISE
Grosse délivrée le :
aux avocats Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 09/ 03690) suivant déclaration d'appel du 13 juin 2013,
APPELANT :
Monsieur Pascal X..., né le 25 Avril 1969 à BEGLES (33130), de nationalité Française, demeurant ...,
représenté par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant, et assisté de Maître Alain PAGNOUX, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS :
Monsieur Rolland Y..., de nationalité Française, demeurant ...,
M. A. C. I. F.- Société d'assurance mutuelle à cotisations variables, entreprise régie par le Code des Assurances-2 et 4 Rue de Pied de Fond-79000 NIORT,
représentés par Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL de la SCP MAXWELL-MAXWELL-BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX,
RAM-PL PROVINCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 34 boulevard d'Estiennes d'Orves-72000 LE MANS,
Compagnie d'assurances SWISS LIFE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Parvi des Chartrons-33000 BORDEAUX,
Compagnie d'assurances MEDICALE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 27 avenue Georges Clémenceau-33150 CENON,
assignées à personne habilitée, n'ayant pas constitué avocat,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Pascal X..., vétérinaire, a été victime, le 28 mai 2000, d'un accident de la circulation imputable à Monsieur Roland Y... assuré auprès de la MACIF.
Par ordonnance de référé du 30 octobre 2000, le professeur Z...a été désigné en qualité de médecin expert aux fins d'examiner Monsieur X..., une provision de 18. 293, 88 ¿ a été allouée à ce dernier.
Le 21 mars 2001, le professeur Z...a déposé un rapport provisoire, le blessé n'étant pas consolidé.
Par ordonnance du 3 juin 2002, une nouvelle provision de 15. 000 ¿ a été allouée à Monsieur X... et le professeur Z...a de nouveau été désignée en qualité de médecin expert. Monsieur A...a été désigné comme expert comptable.
Le 28 novembre 2002, le professeur Z...a déposé son rapport définitif après consolidation de Monsieur X... fixée au 31 août 2002.
Monsieur A...a déposé son rapport le 11 mai 2004.
Par jugement en date du 21 mars 2007, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a condamné Monsieur Rolland Y... et la MACIF à payer à Monsieur Pascal X... la somme totale de 152. 596, 78 ¿, provision déduite, outre 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de moitié des condamnations prononcées.
Dans le cadre de cette décision, il a été notamment alloué à Monsieur X... la somme de 46. 302 ¿ à titre d'indemnisation de la perte de gains professionnels après consolidation. Ce jugement aujourd'hui définitif a été exécuté. Par acte d'huissier du 26 Février 2009 Monsieur Pascal X... a fait délivrer assignation à Monsieur Roland Y... et à la MACIF devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de gains professionnels liée à son impossibilité d'exercer la chirurgie lourde du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.
Par actes d'huissier délivrés les 22 et 29 avril 2010 à Monsieur Roland Y... et à la MACIF, il a demandé en outre l'indemnisation du même préjudice pour l'année 2009.
Par actes d'huissier délivrés les 3 et 26 janvier 2011, il a fait assigner la RAM-PL PROVINCE, la société SWISS LIFE et la MÉDICALE DE FRANCE devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de leur voir déclarer commun le jugement à intervenir.
Les trois procédures ont fait l'objet d'une jonction.
Aux termes de ses dernières conclusions Monsieur X... a demandé en outre l'organisation d'une expertise comptable pour chiffrer son préjudice portant sur la perte de gains professionnels de 2007 à 2034 et à titre subsidiaire l'indemnisation d'une perte de chance et la désignation du professeur Z...pour décrire et chiffrer le préjudice lié à l'aggravation de son état.
Monsieur Roland Y... et la MACIF, se sont opposés à toutes ses demandes irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 21 mars 2007.
Par jugement en date du 24 mai 2013 le tribunal de grande instance de Bordeaux a :- Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Pascal X... relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs résultant de l'accident du 28 mai 2000 et à l'organisation d'une expertise pour chiffrer ce préjudice ;- Débouté Monsieur Pascal X... de sa demande d'expertise médicale portant sur l'aggravation de son état ;- Condamné Monsieur Pascal X... à payer à Monsieur Y... et à son assureur la MACIF une somme de 800 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- Débouté Monsieur Pascal X... de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile-Condamné Monsieur Pascal X... aux entiers dépens de la procédure en faisant application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 13 juin 2013, Monsieur Pascal X... a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 décembre 2013, il demande à la cour de :- Débouter Monsieur Roland Y... et, la MACIF de leurs demandes,- Réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré-Condamner conjointement et solidairement Monsieur Roland Y... et la MACIF à lui verser la somme de 10. 685 ¿ pour les années 2007, 2008 et 2009, outre les intérêts pour les années 2007 et 2008, à compter du 30 Mai 2008, date du courrier RAR adressé à la MACIF, et à tout le moins à compter de l'assignation en date du 26 février 2009, et pour l'année 2009, à compter de l'assignation en date du 22 avril 2010, et capitalisation de ces intérêts par application de l'article 1154 du Code Civil,- Condamner conjointement et solidairement Monsieur Roland Y... et la MACIF à lui verser la somme de 25 X 10. 685 ¿ soit la somme totale de 267. 125 ¿ indexée sur l'indice des prix à la consommation, à compter du 21 mais 2009,- Déclarer en tant que de besoin opposable à la RAM-PL PROVINCE, la société SWISS LIFE et la MÉDICALE DE FRANCE et la CPAM de la GIRONDE : la décision à intervenir ;- Condamner conjointement et solidairement Monsieur Roland Y... et la MACIF aux entiers dépens,- Avant dire droit, désigner tel expert comptable qu'il appartiendra, avec pour mission de chiffrer son préjudice relatif à la perte des gains professionnels de 2007 à 2034,- Subsidiairement, chiffrer sa perte de chance,- Désigner le professeur Z...avec pour mission de décrire l'aggravation de son préjudice et chiffrer l'intégralité de son préjudice compte tenu de cette aggravation subie,- Condamner conjointement et solidairement Monsieur Roland Y... et la MACIF à lui verser la somme de 6. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais d'expertise du docteur B....
Monsieur Pascal X... fait valoir qu'au moment de l'accident, âgé de 31 ans il venait de s'installer comme vétérinaire en 1998 avec une spécialité de chirurgie orthopédique et que sa clientèle était en pleine expansion. En raison des blessures subies il a du embaucher du personnel et cesser de pratiquer la chirurgie lourde. Il précise que s'il a été indemnisé de son préjudice corporel et des conséquences sur son exercice professionnel jusqu'en 2006, il n'a jamais demandé l'indemnisation de son préjudice intégral et certain jusqu'à la fin de sa carrière professionnelle, ceci étant l'objet de ses demandes. Il estime que c'est à tort que le tribunal les a déclarées irrecevables au motif tiré de la chose jugée puisqu'elles n'ont pas été tranchées par le jugement du 21 mars 2007. Selon lui, aucune évaluation des préjudices poste par poste n'étant détaillée dans le dispositif du jugement du 21 mars 2007, il peut donc solliciter une nouvelle indemnisation au titre d'un poste de préjudice d'ores et déjà évalué et indemnisé, d'autant que sa demande se rapporte à une autre période que celle prise en compte par le jugement définitif.
Il soutient également que son préjudice ne cesse de s'aggraver du fait de " l'inefficience de sa main droite et des douleurs de fonction ". Il verse à l'appui de ces dires l'expertise amiable du docteur B...qui s'est livré à une comparaison entre son état de santé actuel et celui existant lors des opérations d'expertise judiciaire menées par le professeur Z.... Le docteur B...a conclu que la fonction globale de son membre supérieur droit était atteinte ceci entraînant un Déficit Fonctionnel Permanent de 45 %. C'est pourquoi il demande avant dire droit une expertise judiciaire pour décrire et chiffrer les éléments de son préjudice en aggravation.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2013, Monsieur Y... et la MACIF demandent à la cour de : A titre principal,- Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement déféré ayant déclaré les demandes de Monsieur X... irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée Y ajoutant-Condamner Monsieur X... à leur payer la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire-Dire et juger que Monsieur Pascal X... ne démontre pas l'existence d'une aggravation de son état de santé, ni la réalité du préjudice qu'il allègue-Débouter Monsieur Pascal X... de l'intégralité de ses demandes. En tout état de cause,- Condamner Monsieur X... à leur payer la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en faisant application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur Y... et la MACIF soutiennent que c'est à juste titre que le jugement déféré a considéré, au visa de l'article 1351 du Code civil, que Monsieur X... est irrecevable à formuler des prétentions sur lesquelles le tribunal a déjà statué.
A l'exception de l'hypothèse d'une aggravation de l'état de la victime, le principe de réparation intégrale des préjudices s'oppose à ce qu'un même poste de préjudice puisse faire l'objet d'une nouvelle demande indemnitaire dans le cadre d'une instance ultérieure. Si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif et non aux motifs d'une décision, elle s'étend toutefois à ce qui est implicitement compris dans le dispositif. L'autorité de la chose jugée peut être opposée à la victime dans le cadre d'une nouvelle action, lorsque celle-ci tend à la réparation d'un préjudice qui était connu lors de la demande initiale. Ils soulignent que le jugement du 21 mars 2007 n'est assorti d'aucune réserve. Monsieur X... n'en a pas relevé appel.
Monsieur X... tente de palier cette difficulté en arguant de l'aggravation de son état de santé pour légitimer ses demandes d'indemnisation et d'expertise.
En première instance, pour justifier de la prétendue aggravation de son état, il ne se fondait que sur le rapport du professeur Sophie Z...ayant déjà servi de base au Tribunal pour rendre son jugement du 21 mars 2007. Il produit pour la première fois devant la Cour un avis émis le 28 décembre 2011, par le docteur C...spécialiste en médecine physique et de réadaptation qui a conclu à une « atteinte du nerf radial droit, avec disparition du potentiel sensitif " sans se prononcer sur une éventuelle aggravation par rapport à l'état antérieur après consolidation. En second lieu, Monsieur
X... se prévaut d'un compte rendu de radiographie du 5 juillet 2013 émanant du docteur D...lequel n'a pas davantage mentionné l'existence d'aucune aggravation quelconque, a seulement fait état de ce que l'articulation radio carpienne serait modifiée. Ces éléments ayant déjà été relevés par le docteur Z...dans son rapport d'expertise sur la base duquel le Tribunal de Grande Instance a indemnisé Monsieur X....
La RAM-PL PROVINCE, la société SWISS LIFE et la MÉDICALE DE FRANCE ont été assignées à personne, les conclusions d'appelants leur ont été régulièrement signifiées, elles n'ont pas constitué avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'autorité de la chose jugée
Il convient de rappeler que par jugement du 21 mars 2007, le tribunal a répondu à toutes les demandes de Monsieur X... relatives à son préjudice professionnel qu'il soit, ante ou post consolidation. Ainsi concernant ce dernier le tribunal a alloué à Monsieur X... au titre des Pertes de gains Professionnels Futurs (PGPF) la somme totale de 46. 302 ¿, calculée par l'expert comptable du 31 août 2002 au 31 décembre 2002 au montant de 3. 562 ¿ et pour les années 2003, 2004, 2005, 2006 sur la base de 10. 685 ¿ par an, soit au total 42. 740 ¿.
L'appréciation du tribunal a été faite à partir des séquelles constatées par le Professeur Z...et du taux de Déficit Fonctionnel Permanent DFP fixé à 20 %. Le médecin expert n'a pas envisagé d'amélioration à l'avenir mais a, en page 9 de son rapport a mentionné au contraire « nettes possibilités d'aggravation notamment au niveau du poignet La reprise de la chirurgie « lourde »
Monsieur A..., expert comptable, tenant compte de ces éléments a considéré comme évident que Monsieur X... compensait l'activité chirurgie lourde par une autre activité de chirurgie légère, mais a estimé logiquement qu'à temps de travail égal, s'il avait été en parfaite santé ce dernier pouvait avoir une activité de nature à lui apporter 15 % d'honoraires en plus.
Monsieur X... n'a formulé aucune réserve dans ses écritures sur la Perte de Gains Professionnels Futurs.
Le jugement n'a pas été frappé d'appel, il est définitif et a été exécuté
L'article 1351 du Code civil dispose : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. "
Conformément à ces dispositions, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
En l'espèce, au terme de son jugement du 21 mars 2007, rendu entre les mêmes parties pour la même cause, à savoir l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 28 mai 2000, le tribunal de grande Instance de Bordeaux a liquidé le préjudice corporel de Monsieur X..., en lui allouant la somme globale de 152. 596, 78 ¿, créance des organismes sociaux et provisions déduites. Plus précisément, ce jugement lui a alloué la somme de 46. 302 ¿ au titre de la « perte de gains professionnels après consolidation (Perte de Gains Professionnels Futurs) » en précisant que « ce poste de préjudice est relatif à la perte de clientèle pour impossibilité d'exercer la chirurgie lourde après consolidation », étant précisé que les Pertes de Gains Professionnels Futurs ont été indemnisées et qualifiées ainsi " perte de gains après consolidation du 31 août 2002 au 31 décembre 2006 : 46. 302 ¿ ".
Ce poste de préjudice a donc bien été indemnisé, aucun poste de préjudice n'a d'ailleurs été réservé, et aucune réserve n'a été faite par Monsieur X... quant à l'indemnisation de la perte de ses Gains Professionnels Futurs.
Si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif et non aux motifs d'une décision, elle s'étend toutefois à ce qui est implicitement compris dans le dispositif, tel est le cas d'une indemnisation globale qui comprend la réparation de plusieurs postes de préjudices distincts, listés dans la motivation du tribunal et repris dans le tableau détaillé inclus dans le jugement, et répondant aux demandes et défenses qui y ont été formulées. Force est-il de constater que Monsieur X... à ce moment là n'a pas demandé comme il le fait aujourd'hui l'indemnisation de son préjudice financier jusqu'à la fin de sa carrière professionnelle alors que celui-ci était connu ou déterminable.
Formulant devant le tribunal des demandes relatives à l'indemnisation des Pertes de Gains Professionnels Futurs sur des années précises, il s'ensuit que Monsieur X... a considéré, à l'époque de la première procédure ayant abouti au jugement du 21 mars 2007, qu'après la période sollicitée, il n'aurait plus à subir de perte de gains professionnels, puisque l'essence même de ce poste de préjudice est une projection sur l'avenir à l'aune des éléments du préjudice consolidé et des espérances de carrière qui étaient ouvertes sans la survenance de l'accident et des blessures entraînant des séquelles.
Le tribunal a répondu à toutes les demandes dont il était saisi et a pris le soin de mentionner conformément à la demande qui lui a été faite la période indemnisée à ce titre ce qui est inhabituel en la matière et n'a été guidé que par le souci de la juridiction de ne pas statuer ultra petita.
Monsieur X... est irrecevable à présenter des demandes d'indemnisation de ce préjudice pour la période postérieure sauf s'il démontre l'existence d'une aggravation de son préjudice et seulement à compter de la date de l'aggravation constatée et dans la proportion de celle-ci.
En conséquence c'est à juste titre que la décision dont appel a retenu l'autorité de la chose jugée à l'égard du poste de préjudice relatif aux Pertes de Gains Professionnels Futurs en considération des séquelles consolidées.
Sur l'existence d'un préjudice corporel en aggravation subi par Monsieur X... et la demande d'expertise médicale
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire du professeur Z...ayant servi de base à l'évaluation des préjudices de Monsieur X... par le tribunal les éléments suivants :- Les lésions issues de l'accident du 28 mai 2000 sont une fracture comminutive ouverte des 2 os de l'avant bras droit et la fracture des dents 11 et 21- La consolidation est acquise le 31 août 2002,- Les Séquelles : le Déficit Fonctionnel Permanent est évalué à 20 % perte de 3 dents appareillées avec une prothèse fixe avec un bon rendement fonctionnel au niveau du membre supérieur droit : petite limitation de la flexion et de l'extension du coude, importante limitation des mouvements de pronosupination et de la fixation dorsale du poignet, gène au niveau de la flexion adduction et abduction du pouce, de l'extension de l'index, importante perte de force de ces 2 doigts, troubles de la sensibilité sur la face dorsale des 2 doigts et de la main, des douleurs au poignet lors d'efforts
L'expert mentionne pour l'avenir de nettes possibilités d'aggravation notamment au niveau du poignet. Outre les pièces déjà analysées par l'expert judiciaire, Monsieur X... produit en appel un rapport d'expertise amiable non contradictoire réalisé par le docteur B...après examen médical de Monsieur X... le 16 septembre 2013, il fait état des éléments suivants :- Depuis l'examen effectué par l'expert judiciaire, l'état de santé de Monsieur X... a évolué et s'est aggravé du fait de l'inefficience de sa main droite, main dominante et des douleurs de fonction. Il a privilégié l'usage de la main gauche, le côté droit, négligé, s'est enraidi ce qui aboutit à un syndrome main-épaule avec " une limitation au niveau de l'épaule droite modérée des élévations, complète de la rotation externe, importante de la rotation interne, avec une épreuve main-dos impossible ; l'aggravation du flexum du coude droit, l'aggravation du déficit de la main droite qui s'est pérennisée du fait de l'atteinte du nerf radial qui ne s'est pas modifié ; mais du fait de l'atteinte du nerf radial entraînant un trouble de la sensibilité importante le pouce et l'index ne sont plus utilisés ni même utilisables. "
Le docteur B...s'est livré à une analyse comparative de ses propres constatations avec celles faites par le professeur Z...et conclut ainsi :- Concernant les séquelles physiologiques : " Il y a donc manifestement une aggravation depuis l'examen du Docteur Z...et notre évaluation ce jour doit tenir compte d'une atteinte globale du membre supérieur droit, totalement inutilisé et inutilisable avec des limitations de toutes les articulations, même de l'épaule. C'est finalement la fonction globale du membre supérieur droit qui est atteinte. L'incapacité actuelle doit être évaluée à 45 % s'agissant du membre dominant, par référence au Barème Indicatif d'évaluation des taux d'Incapacité en Droit Commun (Edition 2002). "- Concernant le retentissement professionnel, le docteur B...mentionne au titre des conséquences des séquelles relevées que Monsieur X... " ne peut plus faire actuellement aucun geste de chirurgie, même de petite chirurgie, qui nécessite les deux mains et doit se borner à des consultations avec prescriptions et avis techniques. " (...) C'est là qu'il y a aussi une aggravation depuis le rapport du Docteur Z...qui disait : « Il ne peut plus faire de chirurgie fine type Neurochirurgie ou Chirurgie Orthopédique, qu'il envoie à d'autres confrères. »
Ce rapport a été communiqué dans le cadre de la procédure d'appel, il n'a fait l'objet d'aucune observation des intimés qui n'y ont pas consacré le moindre commentaire dans leurs écritures.
Si cette expertise médicale amiable demandée par le seul Monsieur X... et réalisée de façon non contradictoire ne peut fonder une demande d'indemnisation de son préjudice en aggravation, elle constitue cependant un fondement sérieux à la demande d'expertise judiciaire en aggravation formée par l'appelant.
Il convient donc d'ordonner une expertise médicale confiée au Professeur Z...aux fins de déterminer, l'existence, l'étendue et le point de départ du préjudice en aggravation de monsieur X.... La consignation à valoir pour les frais d'expertise médicale sera mise à la charge de Monsieur X....
La décision déférée sera infirmée sur ce point.

L'existence d'un préjudice financier en aggravation subi par Monsieur X... et la demande d'expertise comptable
Le préjudice financier qui peut s'analyser en termes de pertes de gains Professionnels Futurs est corrélatif à une éventuelle aggravation du préjudice corporel ayant une incidence sur l'activité de Monsieur X.... Celui-ci fonde ses demandes sur le calcul établi par l'expert A...perte de 10. 685 ¿ par année d'exercice en faisant une projection jusqu'en 2034.
A l'appui de ses demandes Monsieur X... produit ses déclarations fiscales des exercices 2007, 2008 et 2009.
Ayant admis le principe des demandes de monsieur X... relatif à son préjudice en aggravation si celui-ci résulte de l'expertise médicale ordonnée à cette fin, il convient donc de faire droit également à sa demande d'expertise comptable tendant aux mêmes fins.
Monsieur A...sera à nouveau désigné pour procéder à ces opérations, en tenant compte de la date fixée par l'expert médical comme point de départ de l'aggravation et commencera ses opérations d'expertise dès l'accomplissement de sa mission par le professeur Z....
La consignation à valoir pour les frais d'expertise comptable sera mise à la charge de Monsieur X....

Sur les autres demandes des parties
Il n'y a pas lieu d'examiner le préjudice de Monsieur X... au titre de la perte de chance puisqu'il a été déclaré irrecevable en ses demandes d'indemnisation en raison de l'autorité de la chose jugée et que concernant l'éventuel préjudice en aggravation, il est fait droit à ses demandes d'expertise avant dire droit.
Les demandes tendant à l'allocation d'indemnités de procédure et à la charge des dépens seront réservées.

PAR CES MOTIFS la cour
-Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables en application des dispositions de l'article 1351 du code civil, les demandes de Monsieur Pascal X... relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs résultant de l'accident du 28 mai 2000
- Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions
Avant dire droit sur les demandes relatives au préjudice en aggravation de Monsieur X...

-1- Ordonne une expertise médicale de Monsieur Pascal X... et désigne pour y procéder le Professeur Sophie Z...Service de Médecine Légale Place Amélie Raba Léon 33076 Bordeaux Cedex avec la mission suivante :
1) Se faire communiquer tous documents relatifs aux examens, soins, interventions, et traitements pratiqués sur Monsieur X..., relatifs à son préjudice en aggravation, prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;
2) Recueillir les doléances de celui-ci, décrire les lésions et affections en aggravation imputables à l'accident du 28 mai 2000 et préciser si elles sont de nature à évoluer,
3) Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions en aggravation et des doléances exprimées par la victime,
4) Analyser dans une discussion précise et synthétique sur l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales, les lésions en aggravation et les séquelles invoquées en se prononçant sur l'imputabilité directe et certaine des séquelles en aggravation, et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur autre que celui résultant des lésions initiales imputables à l'accident,
5) Dans l'hypothèse où une aggravation du préjudice serait retenue, fixer la date du point de départ de celle-ci,
6) Déterminer s'il y a lieu, la durée de l'incapacité temporaire de travail, totale ou partielle résultant de l'aggravation, et proposer la date de consolidation des blessures en aggravation ; à défaut, indiquer dans quel délai la victime devra être à nouveau examinée,
7) * Indiquer si, du fait des lésions en aggravation imputables à l'accident, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, en spécifiant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles.
* Donner son avis sur le taux du Déficit Fonctionnel Permanent qui résulte de l'aggravation et chiffrer, par référence au " Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun " le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent en aggravation imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation de l'aggravation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques ou morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation de l'aggravation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;
* Préciser l'incidence de cette atteinte sur l'activité professionnelle de la victime ou la gêne qu'elle entraîne dans l'exercice de son métier et notamment la répercussion de l'aggravation dans l'exercice de ses activités processionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles,
8) Donner son avis sur l'importance des souffrances endurées, des atteintes esthétiques et préjudice d'agrément résultant de l'aggravation, les évaluer,
9) Dire, le cas échéant, si l'aide d'une tierce personne à domicile est nécessaire, s'il existe un besoin d'appareillage et si des soins postérieurs à la consolidation des blessures en aggravation sont à prévoir ; dans l'affirmative, donner tous éléments permettant d'en chiffrer le coût.

- Dit que l'expert devra remplir personnellement la mission qui lui a été confiée, et préciser dans son rapport qu'il a adressé un exemplaire de celui-ci aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;
- Dit qu'il devra convoquer les parties et leurs défenseurs, prendre connaissance des documents de la cause nécessaires à l'accomplissement de sa mission et prendre en considération les observations et réclamations des parties, préciser la suite qui leur aura été donnée et lorsqu'elles seront écrites, les joindre à son avis ;
- Dit que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, demeure et profession, ainsi que s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles ;
- Invite l'expert à établir un état prévisionnel du coût de l'expertise, à le communiquer au magistrat chargé du contrôle et aux parties dès le commencement de sa mission, ou au plus tard dans le mois suivant la première réunion d'expertise ;
- Dit que dans les 4 mois du dépôt de la provision, l'expert devra adresser aux parties et à leurs avocats respectifs un pré-rapport en leur impartissant un délai de 2 mois pour y répondre et qu'il devra déposer son rapport définitif au greffe de la cour en double exemplaire un mois plus tard ;
- Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
- Dit que Monsieur X... devra consigner au greffe de la cour dans les 2 mois du prononcé de la décision, la somme de 800 ¿ à valoir sur la rémunération de l'expert ;
- Dit que faute par Monsieur X... d'avoir consigné cette somme ou d'avoir fourni des explications au conseiller chargé du contrôle des expertises sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque ;
- Dit que dans l'hypothèse où le requérant justifierait avoir obtenu une décision d'aide juridictionnelle, il ne sera pas procédé à la consignation,
- Désigne le conseiller chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertise et dit qu'il lui en sera référé en cas de difficulté,
- Dit que l'expert devra transmettre, avec son rapport, en vue de la taxation, sa note de frais et d'honoraires au juge chargé du contrôle et aux parties qui devront transmettre leurs éventuelles critiques à ce juge dans le délai de 15 jours à compter de la réception de cette note de frais et d'honoraires.
- Sursoit à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sur toutes les demandes des parties

-2- Ordonne une expertise comptable et désigne pour y procéder Monsieur Jean-Jacques A......, dès l'accomplissement de sa mission par le professeur Z..., avec pour mission de :
1) convoquer les parties,
2) se faire remettre tous documents utiles
3) fournir à la juridiction tous les éléments lui permettant d'apprécier le préjudice professionnel et financier en aggravation subi par Monsieur X... à la suite de l'accident du 28 mai 2000, et ce à compter de la date retenue par l'expert médical comme point de départ de l'aggravation.

- Dit que l'expert devra remplir personnellement la mission qui lui a été confiée, et préciser dans son rapport qu'il a adressé un exemplaire de celui-ci aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;
- Dit qu'il devra convoquer les parties et leurs défenseurs, prendre connaissance des documents de la cause nécessaires à l'accomplissement de sa mission et prendre en considération les observations et réclamations des parties, préciser la suite qui leur aura été donnée et lorsqu'elles seront écrites, les joindre à son avis ;
- Dit que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, demeure et profession, ainsi que s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles ;
- Invite l'expert à établir un état prévisionnel du coût de l'expertise, à le communiquer au magistrat chargé du contrôle et aux parties dès le commencement de sa mission, ou au plus tard dans le mois suivant la première réunion d'expertise ;
- Dit que dans les 4 mois du dépôt de la provision et à compter de l'accomplissement de la mission d'expertise médicale, l'expert devra adresser aux parties et à leurs avocats respectifs un pré-rapport en leur impartissant un délai de 2 mois pour y répondre et qu'il devra déposer son rapport définitif au greffe de la cour en double exemplaire un mois plus tard ;
- Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
- Dit que Monsieur X... devra consigner au greffe de la cour dans les 2 mois du prononcé de la décision, la somme de 2. 000 ¿ à valoir sur la rémunération de l'expert ;

- Dit que faute par Monsieur X... d'avoir consigné cette somme ou d'avoir fourni des explications au conseiller chargé du contrôle des expertises sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque ;
- Dit que dans l'hypothèse où le requérant justifierait avoir obtenu une décision d'aide juridictionnelle, il ne sera pas procédé à la consignation,
- Désigne le conseiller chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertise et dit qu'il lui en sera référé en cas de difficulté.
- Dit que l'expert devra transmettre, avec son rapport, en vue de la taxation, sa note de frais et d'honoraires au juge chargé du contrôle et aux parties qui devront transmettre leurs éventuelles critiques à ce juge dans le délai de 15 jours à compter de la réception de cette note de frais et d'honoraires.
- Sursoit à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise comptable sur toutes les demandes des parties,
- Réserve toutes les demandes des parties tendant à l'allocation d'indemnités de procédure et à la charge des dépens.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/03651
Date de la décision : 13/05/2015
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2015-05-13;13.03651 ?
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